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Portraits de carcassonnais - Page 9

  • Des lithographies d'André Cantié pressées par Georges Point dans une Trocante !!!

    Nous sommes ici pour rappeler le talent du peintre Carcassonnais André Cantié, qui aujourd’hui s’est évaporé de la mémoire culturelle de cette ville. Les toiles de cet artiste, exposées dans de nombreuses villes de part le monde, sortaient de son petit atelier du n°9, rue Paul Lacombe. Peut-être détenez-vous l’une ou la totalité des dessins que Cantié avait réalisés en 1983 sur les sites et les monuments de l’Aude. A tout seigneur tout honneur, puisque la première estampe devait être consacrée à la Cité médiévale et plus particulièrement à la Porte d’Aude. Dans les neuf autres dessins tirés en lithographies originales confiées aux presses marseillaises de Georges Point, figuraient notamment la tour Barberousse de Gruissan et les Châteaux de Lastours. Disciple de Jo Berto, le lithographe provençal décédé en février dernier à 85 ans, a travaillé avec les plus grands artistes contemporains : Picasso, Buffet, Zadkine, Lurçat, etc. Chez Point, on n’appuie pas sur le bouton d’une machine, on fait tout à la main, comme un artisan, sur une presse à bras où l’encrage peut être calculé, dosé avec minutie et délicatesse. Tout ceci en accord parfait et en présence de l’artiste qui, derrière le lithographe, dicte ses nuances, sa sensibilité et donne vie à l’image exacte des planches servant à l’impression qu’il exécute lui-même sur le zinc. De plus, le dessin au trait noir est rehaussé de matières bistres qui animent la sévérité du graphisme.

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    L’idée force de Cantié était de rassembler en dix volumes un résumé des richesses naturelles de l’Aude. Chacune des dix lithographies originales fut tirée à quatre-vingt épreuves numérotées de 1 à 80, plus dix épreuves d’artistes numérotées de 1 à X sur format 50x65 cm. Afin de soutenir le financement important de cette œuvre, André Cantié lança une souscription limitée à trente personnes qui bénéficièrent d’un prix global pour l’ensemble des dix lithographies. Le prix de l’ensemble des dix spécimens s’éleva à 1000 francs soit 100 francs l’unité. En dehors de la souscription les planches furent vendues 250 francs chacune.

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    Illustration dans le livre d'or de la ville de Carcassonne pour la venue de Lucette Michaux-Chevry, secrétaire d'état à la francophonie, le 26 mars 1988.

    Lorsque j’ai vu ces lithographies cet été dans une trocante de Carcassonne au milieu de magnifiques croutes d’artistes amateurs dont il vaut mieux taire le nom, mon sang n’a fait qu’un tour. Comment peut-on ignorer le talent de Cantié et laisser ainsi son œuvre se déprécier par ignorance ? André Cantié qui s’était lié d’amitié avec le maire Raymond Chésa, réalisa pour le compte de la mairie l’illustration du livre d’or ainsi que de nombreux dessins.

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    Toile d'André Cantié en vente actuellement sur Ebay.

    André Cantié est décédé en 1997 et repose au cimetière Saint-Vincent de Carcassonne.

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  • La dernière résistante de Carcassonne nous a quittés cette semaine

    Cécile Farges est née à Carcassonne le 25 mai 1922. Son père, Jean-Pierre, était natif de Molières sur l’Alberte (près de Ladern) dont son propre père fut le Maire. Sa mère née en Lorraine avait connu son mari à la fin de la guerre et l’avait suivi ensuite dans l’Aude. Combattant de la guerre de 14, blessé à plusieurs reprises, son père était titulaire de la médaille militaire et de la croix de guerre avec citation à l’ordre de l’armée. Il fut le porte-drapeau infatigable de l’association des médaillés militaires de Carcassonne jusqu’à sa mort.

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    Cécile Fourès, née Farges

    Elle a vécu sa petite enfance à Pomas puis à Carcassonne où elle a fréquenté le collège André Chénier puis l’école Pigier. Son premier employeur, a été Maître Nogué, avoué à Carcassonne et neveu de Maurice Sarraut, sénateur audois, assassiné par la milice en 1943 à Toulouse. Elle resta à son service de 1939 à 1943. De 1943 à 1945 elle est employée par la Chambre des métiers de l’Aude où elle est excellemment notée. A une exception prés : chargée par la hiérarchie Vichyste de dresser la liste des jeunes artisans Carcassonnais en âge d’être réquisitionnés pour partir en Allemagne au titre du Service du Travail Obligatoire (STO) elle avait une fâcheuse tendance à oublier des noms ou à sauter des lignes. Convoquée à la Préfecture par un fonctionnaire collaborationniste elle s’en tira en jouant les écervelées. A la Libération ce fonctionnaire zélé n’en continua pas moins sa retraite paisiblement.

    En 1945, elle intègre la société Méridionale de Transport de Force qui après la nationalisation devint Electricité de France où elle gravit de nombreux échelons jusqu’à devenir agent de maîtrise. C’est à EDF que se terminera sa carrière professionnelle en 1980 comme chef de groupe. Les nombreux témoignages desatisfaction dont elle fait l’objet attestent de la qualité de son travail, de son sérieux et sa compétence.

    Comme nous le savons tous, c’est en novembre 1942, après le débarquement américain en Algérie, que les allemands, ayant franchit la ligne de démarcation occupèrent le sud de la France et firent leur apparition dans notre ville où ils s’installèrent. Elevée dans le souvenir de la grande guerre, Cécile Fourès ne put se résoudre à la passivité. Ayant rencontré, au mois d’août 1942, Charles Fourès qui venait de s’évader d’Allemagne elle résolut de résister à l’ennemi. Comme son jeune ami était mû par les mêmes convictions leur destin allait s’en trouver lié.

    Charles Fourès, sergent de l’infanterie alpine, mobilisé en 1939 avait été fait prisonnier dans la Somme et détenu à Cologne. Ne pouvant se résoudre à accepter sa captivité, il conçut rapidement un plan d’évasion et avec un camarade originaire de la région, Raymond Boquet, le mit à exécution au début de l’année 1942. C’est ainsi qu’ils parvinrent à fausser compagnie à leurs geôliers et se dissimulant dans des wagons, traversèrent le sud de l’Allemagne, l’Est de la France, et parvinrent à Paris, à la gare de l’Est. Dénoncés par des cheminots, ils allaient être remis aux Allemands, lorsqu’ils parvinrent, à nouveau à s’échapper après avoir neutralisés leurs délateurs. C’est à pied qu’ils purent franchir la ligne de démarcation, malgré la poursuite d’une patrouille allemande, pour finalement arriver à Carcassonne en février 1942.

    Hélas, quelques mois plus tard, les allemands arrivaient et se mirent à rechercher les prisonniers de guerre évadés. Charles changeait alors d’identité et commençait à organiser la résistance locale sous le pseudonyme de « Roland ». Dés le début de l’année 1943, Cécile intégrait le réseau clandestin « Franc Tireur ». Outre la diffusion de la presse clandestine, Cécile assurait le secrétariat du chef départemental de la résistance, Jean Bringer, alias « Myriel ». C’est au PC clandestin de celui-ci, situé dans un appartement au dessus de l’ancienne droguerie « Arnal », Boulevard Omer Sarraut qu’elle dactylographiait, les instructions aux maquis, aux chefs de groupes et les comptes-rendus à la hiérarchie clandestine. Dans ce local, armes, munitions et archives étaient entreposés. Outre Charles Fourès, fréquentait également ce lieu clandestin de réunion, son ami Jean Delpech, qui fut durant des décennies Secrétaire Général de la Mairie de Carcassonne.Mais son rôle ne se bornait pas à des tâches administratives sensibles ; elle jouait également les agents de liaison, acheminant elle-même, nombre des messages qu’elle avait tapé sur sa machine à écrire.

    Elle détenait tous les secrets et, les transportant, exposait sa vie dans une ville où les patrouilles étaient fréquentes. Contrôlée à plusieurs reprises elle s’en sortait chaque fois grâce à son charme et à son sourire, bien sûr, mais également grâce à son jeune âge. Comment imaginer qu’une aussi jeune fille puisse transporter le courrier des « terroristes gaullistes» ? Ses messages cachés dans le guidon de sa bicyclette parvenaient régulièrement à leurs destinataires. Avec discrétion et ponctualité elle accomplit son travail de l’ombre, risquant sa vie pour son pays. Car les risques étaient bien réels.

    En effet, la Gestapo décida de décapiter la résistance audoise. Ayant identifié leur chef, Jean Bringer, ils l’arrêtent le 29 juillet 1944 ainsi qu’un de ses adjoint, officier de police, Aimé Ramond. Ils mettent en place une souricière autour de la droguerie Arnal, mais l’alerte ayant été donnée, Cécile échappe à l’arrestation alors qu’elle s’y rendait.

    Les allemands évacuent la ville le 20 août. La veille, ils fusillent Jean Bringer et dix- sept de ses camarades à Baudrigues, dépôt de munitions situé près de Roullens, où ils placent les corps sur des explosifs et font sauter les dépouilles des victimes.

    Femme de devoir, Cécile Fourès a fait honneur à la ville de Carcassonne. Fille et veuve de médaillé militaire, titulaire de la Croix de guerre 39/45 et de la Croix du Combattant, Volontaire de la Résistance, ses états de service militaires validés vont du 1er janvier 1943 au 30 août 1944.

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    Monsieur Caby, alors directeur de l’Office Départemental des Anciens Combattants écrivait dans la proposition pour la croix de chevalier de l’Ordre National du Mérite :

    "Cécile Fourès, a rendu, au péril de sa vie, d’éminents services à la Résistance"

    Femme de devoir, elle a continué à servir son pays en s’impliquant de façon très active au sein de nombreuses  associations. Son dévouement et son passé élogieux de combattant d'être élevée au grade de chevalier de l’Ordre National du Mérite » en 2006.

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    Les obsèques de Cécile Fourès au cimetière Saint-Vincent, le 11 août 2020. Son arrière petit-fils présente les décorations devant le cercueil en présence des porte-drapeaux.

    A son fils Jean-Pierre et à l'ensemble de sa famille nous présentons nos condoléances les plus attristées. Un acteur engagé contre la barbarie nazie vient de s'éteindre au moment où justement, une partie des européens semblent oublier les conséquences du nationalisme sur l'humanité. 

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  • L'assassinat et les obsèques de Maurice Sarraut à Carcassonne

    © Gallica.bnf.fr

    Le 2 décembre 1943, le fils de l’ancien maire de Carcassonne Omer SARRAUT était assassiné devant sa villa, route de Saint-Simon à Toulouse. Maurice Sarraut avait expiré dans les bras de son frère Albert, après avoir reçu trois balles en pleine tête et plusieurs au thorax. Le patron de la Dépêche de Toulouse, ancien président du parti radical-socialiste, rentrait chez lui vers 18h accompagné par son chauffeur. Au moment où il véhicule se présentait à la grille du domaine, un tireur embusqué déchargeait sa mitraillette en direction de l’illustre journaliste.

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    L'entrée de la villa où fut assassiné Maurice Sarraut

    Maurice Sarraut qui s’était rangé dès 1940 derrière le maréchal Pétain comme bon nombre de fervents républicains membres du parti radical-socialiste, avait pu conserver la direction de son journal acquis à la cause de la collaboration. Les relations entre Sarraut et le gouvernement de l’Etat-français, bien qu’amicales, s’étaient rafraîchies depuis la création de la Milice au mois de février 1943. Les prises de positions et les critiques du vieux journalistes à l’égard du mouvement de Darnand avaient attiré sur lui les plus sérieux périls.

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    L'ancienne villa en 2020

    Pendant que Sarraut se croyait à l’abri du bras séculier de la doctrine Vichyste, les fanatiques fascistes biberonnés depuis longtemps à l’idéologie de l’Action française, ourdissaient leur terrible complot. Henri Frossard, chef de la Milice régionale et persuadé de servir le Christ en servant Pétain, ordonnait à plusieurs de ses sbires la surveillance des frères Sarraut. Parmi eux, Julien Boulanger (1909-1949) - un ouvrier des usines Latécoere - membre du Parti Populaire Français et de la L.V.F et Henri Lefaucheur (1921). Ces deux hommes travaillant également pour la police secrète allemande (Gestapo) seront reconnus coupables et condamnés le 4 août 1949 par le Tribunal militaire de Bordeaux ; l’un à la peine de mort et l’autre, à cinq ans de prison avec sursis. Yves Dousset, l’auteur des coups de feu mortels, avait été abattu le 14 février 1945 par la police à Courbevoie ; ses deux complices qui l’avaient aidé à s’enfuir à bord d’une voiture garée à proximité furent passés par les armes. Il s’agissait de Marcel Saint-Jean et de Giacomini.

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    © ADA 11

    Maurice Sarraut sur son lit de mort

    L’annonce de cet assassinat avait sérieusement ébranlé le pays. Le maréchal Pétain s’était ému de la perte d’un « grand français en réserve ». Pendant plusieurs jours, toute la presse collaborationniste - inutile de le préciser car il n’y avait qu’elle - avait recherché les coupables du côté d’Alger. La propagande désignait les gaullo-communistes comme les responsables de cet  odieux attentat contre un serviteur du pays qu’elle avait peine à regretter. On versait des larmes de crocodiles à Vichy avec tant d’hypocrisie qu’elles n’arrivaient à duper personne. René Bousquet, le chef de la police de Vichy de sinistre mémoire, allait mettre un point d’honneur à retrouver les assassins de son ami personnel. Avec une facilité déconcertante, Henri Frossard et cinq de ses compagnons seront arrêtés le 9 décembre 1943 ; soit une semaine après leur forfait. Ils ne resteront pas longtemps en prison… Bousquet ayant démissionné de ses fonctions le 31 décembre, Darnand les fera remettre en liberté provisoire le 20 janvier 1944.

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    © ADA 11

    Installé dans une chapelle ardente à l’entrée du hall du siège de la Dépêche, le corps de Maurice Sarraut est veillé toute la journée du 5 décembre. Près de 10000 personnes lui adressent un dernier adieu en cette journée, parmi lesquels André Haon (maire de Toulouse) et M. Bézago (Préfet de la Haute-Garonne).

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    Albert Sarraut accueille les anonymes dans le hall

    Le lendemain, la levée du corps s’effectue à 7h40 et prend la direction de Carcassonne pour la cérémonie d’obsèques suivie de l’inhumation. Une foule immense d’anonymes venus de tous les villages de l’Aude patiente sous la pluie à proximité de l’église Saint-Vincent. Monsieur le président du conseil Pierre Laval est représenté par Pierre Cathala, ministre-secrétaire d’état aux finances. René Bousquet est présent au titre d’ami personnel du défunt. Parmi les personnalités politiques nommées par Vichy, MM. Jourdanne (Maire), Emile Marchais (préfet de l’Aude), Bénédetti (préfet de l’Hérault) et Albert Tomey (ancien maire, président du conseil départemental). Après l’absoute prononcée par le chanoine Astruc, le cercueil de Maurice Sarraut est acheminé jusqu’au cimetière Saint-Vincent pour y être inhumé. 

    Le Journal ultra-collaborationniste et antisémite « Je suis partout » relate l’évènement en ces termes : "Les obsèques de M. Maurice Sarraut ont donné lieu à une belle manifestation de solidarité maçonnique. Tous les survivants de la pourriture républicaine étaient présents à Carcassonne ou, du moins, avaient envoyé des messages de sympathie."

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    Sur l’imposant caveau au nom de la famille Sarraut se trouve un bas-relief en bronze, œuvre du sculpteur Auguste Maillard réalisée en 1930.

    Dix années plus tard, le 2 décembre 1953 une plaque en hommage à Maurice Sarraut était dévoilée sur la façade du siège historique du journal. Ce bâtiment situé 57 rue Bayard à Toulouse a été rasé en 1974. Nous ne sommes pas en mesure de dire où se trouve la plaque aujourd’hui. Il s’agissait d’un médaillon sculpté par Alain Gourdon (1930-2014) avec ces mots « A la mémoire de Maurice Sarraut ».

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    Il fut inauguré en présence d’Albert Sarraut, Jean Baylet (directeur du journal), Lucien Caujolle (co-directeur), Madame veuve Sarraut, Mlle Lydie Sarraut, M. Isaac, Roger Caujolle et les anciens de la Dépêche. Ce journal existe toujours sous le nom de La dépêche du midi ; il a racheté l’Indépendant et le Midi Libre.

    Sources

    Fonds Sarraut / ADA 11

    Je suis partout

    La dépêche du midi / 1949 et 1953

    Archives du journal Le monde

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