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Seconde guerre mondiale

  • Mathias Puyeo (1906-1945), le résistant Carcassonnais oublié

    Mathias Puyeo naît à Carcassonne le 9 février 1906 dans le quartier des Capucins, 7 rue des Rames. Ses parents, Mathias et Françoise Almerge, sont d'origine espagnole. De condition très modeste, ils ont émigré en France pour donner un meilleur avenir à leur famille. Lorsque l'extrême droite tente de prendre le pouvoir par la force en Espagne contre la République, Mathias Puyeo s'engage dans les Brigades internationales. La victoire de Franco l'oblige à regagner la France. Le combat ne s'arrête pas pour autant. Il se poursuit dans l'Armée Secrète contre l'Allemagne. 

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    La maison natale de Mathias Puyeo, 50 rue des Rames

    À Carcassonne, le groupe "Combat" d'Henry Frenay est constitué autour de Lucien Roubaud et Albert Picolo. Ce sont des professeurs du lycée Sabatier. Guy Serbat, lui-même enseignant, commande deux trentaines de l'Armée Secrète dont le chef est Paul Pierre Picard. Anti-communiste, ce dernier rompt avec Serbat qui adhère au Parti communiste à Noël 1942. Puyeo suit Serbat jusque dans le Rhône, où les FTP ont créé un comité spécifique militaire à la zone sud : le CMZ. Mathieu Puyeo en devient le commissaire technique.

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    Le Cap Arcona

    Le 13 mai 1943, le Carcassonnais est arrêté par la Gestapo sur dénonciation et incarcéré au fort de Montluc. Après être passé entre les mains du sinistre Klaus Barbie, Puyeo est envoyé en déportation à Neuengamme. Peu avant l'armistice du 8 mai 1945, il est embarqué par les SS sur le bateau "Cap Arcona" avec d'autres rescapés des camps. Le 3 mai 1945, le navire est bombardé par les Anglais suite à une méprise à Lübeck. Ce n'est qu'en 2014 que sa famille apprendra fortuitement les causes de sa disparition dans le Journal Officiel. Mathias Puyeo est très certainement mort noyé à la suite de ce bombardement. Il a obtenu la mention "Mort pour la France", mais pour l'heure, aucune reconnaissance des autorités locales.

    Joseph, le frère de Mathias, tenait le magasin de vaisselle Puyeo dans la rue de Verdun.

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  • En une lettre, la France du maréchal Pétain en 1942

    Quand un état, quel qu’il soit, promulgue des lois raciales et institut le droit pour tout citoyen de dénoncer ses compatriotes touchés par le bras séculier de ces textes, voici les dérives que l’on peut attendre. L’histoire que nous allons vous raconter se passe au mois de mai 1942. À cette époque, la France a perdu honteusement une guerre qu’elle avait largement les moyens de remporter. La lâcheté des gouvernants pacifistes au pouvoir a cru pouvoir arrêter la machine infernale du nazisme par un traité, abandonnant les démocraties de l’Est à leurs bourreaux. Un armistice fut signé en juin 1940, puis la République abandonna son honneur pour le livrer à un maréchal de France cacochyme et antisémite. A partir de ce triste jour, l’État français, ainsi débarrassé des valeurs républicaines, entra dans la voie de la collaboration avec l’Allemagne hitlérienne en concédant une partie de son territoire à son administration. De nombreux français de confession israélite durent passer en zone Sud pour se mettre à l’abri. Ils pensèrent légitimement que le gouvernement, installé à Vichy, ne s’en prendrait pas à ses compatriotes, dont la plupart avaient servi sous le drapeau tricolore dans les tranchées de Verdun. Nous sommes parti pour rédiger cet article d’une simple lettre figurant dans un dossier conservé aux Archives départementales de l’Aude.

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    Fuyant Paris, occupé par la horde brune germanique, les époux Caen et leur fille Huguette  (1914-2010) parvinrent à passer la ligne démarcation. Ils venaient de laisser derrière eux leur logement cossu du XVIIe arrondissement, l’entreprise de confection et l’ensemble de leurs clients. Sarah née Schwab (1890-1968), la femme de Georges (1883-1944), déclara au Comité d’épuration de l’Aude en novembre 44 :

    « Nous nous sommes réfugiés à l’exode à Villeneuve-sur-Lot où, en raison de nos origines essentiellement française et des états de service de mon mari, Vichy n’a pas pu nous refuser l’autorisation de nous réinstaller, bien modestement d’ailleurs, afin de faire vivre nos enfants. »

    Là, dans petite cette bourgade du Lot-et-Garonne, Georges Samuel Caen relocalisa sa société qu’il appela « Textiles et confections du Sud-Ouest ». Il employa des ouvriers et des apprentis, jusqu’au jour où Fernand Nicolas, le père de l’un d’eux eut à se plaindre de leur patron. Une lettre lui fut adressée le 19 mai 1942 dont nous donnons copie ci-dessous :

    Monsieur Georges Caen,

    En réponse à votre drôle de lettre du 11 courant adressée à mon fils, je vous dirai que ce dernier a eu tort de correspondre avec vous étant fixé maintenant sur votre personnalité.

    Mon fils n’est pas un enfant d’israël (d’ailleurs, je déteste cette maudite race qui nous a fait tant de mal et qui doit disparaître totalement de France : je travaille de tout coeur à cette épuration) pour se laisser manier par vous.

    Vous n’avez pas honte ! Vouloir exiger un travail impeccable pour un veston en offrant 89 francs la pièce, alors qu’un tailleur de 8e ordre donne pour le même travail 130 francs. Vous dîtes que vous cherchez des ouvriers et des non des entrepreneurs. Cela est faux, car vous cherchez des poires.

    À l’époque quand vous étiez à Paris et Angers, c’était la belle vie, il est vrai que c’était le règne des Blum, des Gozland, des Zorbib, des Adda, des Cohen, etc…. Mais cela a changé grâce à notre vénérable maréchal Pétain. 

    Je fais suivre votre lettre à Vichy à M. Vallat, chargé de la Question Juive, pour savoir si vous êtes en règle car vraiment vos réserves sont typiques.

    Salutations

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    L’affaire se passe à la fin du mois de mai 1942 ; les Allemands n’envahiront la zone non occupée que le 11 novembre de la même année. Donc, nous sommes toujours sous administration française à Villenueve-sur-Lot. En septembre, Georges Samuel est arrêté chez lui par la gendarmerie et conduit au camp de Pithiviers en région parisienne. Le 21 septembre, il est livré aux nazis et déporté par le convoi n°15 à destination d’Auschwitz dans des wagons à bestiaux de mille personnes. Parmi elles, des femmes et des enfants qui sont assassinés à leur arrivée, deux jours après. Georges Samuel Caen, désigné apte au travail forcé, survit un mois. Il meurt le 25 octobre 1942.

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    L'arrivée des déportés à Auschwitz

    Sarah et ses enfants furent épargnés, sans que l’on en connaisse la raison. Ils se réinstallèrent à Paris après la guerre. Huguette, leur fille, s’était mariée avec André Paul Blum. De leur union naquit Martine en 1939 à Paris et Alain (1940-1987) à La Baule. Le traumatisme d’avoir été ainsi pourchassés en raison de leur religion poussa la famille à solliciter un changement de nom. Le 1er mars 1946, les Blum devinrent Brieu. 

    Sources

    ADA 11, Etat civil de Paris et de Vesoul, YadVashem, Généanet

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  • Salsigne : Depuis 80 ans ils le savaient...

    C'était exactement le 31 janvier 1944. Ce jour-là, treize mineurs appartenant à un GTE (Groupement de Travailleurs Étrangers) ont été embarqués dans des camions militaires allemands, au vue et au su de tous. Tous, c'est-à-dire les autres. Ceux qui n'étaient pas juifs ou étrangers, et surtout pas des deux. Ceci ne peut être nié ; ils savaient, car dans son récit de témoignages sur Trassanel, l'écrivaine Annie Kochert-Bonnefoy a interrogé des habitants. Je cite, le passage de son livre "Ils voulaient vivre libres". Un ouvrage non à vocation historique, mais à évocation testimoniale : 

    "Le Midi, à l'heure de la pause, il n'était pas rare que nous partagions notre repas, assises sur une banquette du café de Conques. Aujourd'hui, Ginette me racontait avec moult détails sordides, l'arrestation d'une vingtaine de juifs qui avait eu lieu en janvier à Salsigne. Elle tenait l'histoire d'une commerçante, voisine et maie d'un dénommé Léopold Shloss.

    Ce jour-là, les pauvres gens qui avaient été recensés en tant que juifs (et qui représentaient donc l'ennemi suprême pour nos envahisseurs) furent rassemblés dans un hangar à l'extérieur du village pour y être interrogés avant leur déportation pour Auschwitz. L'un des hommes, qui a eu l'incroyable chance de réussir à s'échapper, a raconté l'horreur à tous ceux qui voulaient bien l'entendre. Dans la région, beaucoup savaient que des juifs avaient été arrêtés, mais on ignorait comment s'était passée la rafle, et où ces gens avaient été envoyés. En fait, personne ne savait grand chose sur cette triste affaire. les faits sont ainsi arrivés à l'oreille de la voisine de Léopold Schloss : comme le brave homme refusait de trahir ses coreligionnaires qui n'avaient pas été encore fichés par la préfecture, il fut terrassé de coups de poing au visage et tenu en respect par le canon du révolver que Bach tenait appuyé contre sa tempe. Le gestaltiste lui enfonça les côtes et lui écrasa les parties Gestapiste à grands coups de pieds avant de s'acharner sur le pauvre homme jusqu'à l'interposition de l'officier commandant la troupe. Ce n'est qu'à cet instant, profitants de la panique, que le témoin de ce drame réussit à s'enfuir."

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    La plaque payée par M. Montané, ancien mineur de Salsigne

    Le travail historique que j'ai effectué grâce à l'ouverture des archives du procès de René Bach, n'apportait pas de témoignage pouvant affirmer que les gens du coin étaient au courant, à part le garde-champêtre de Salsigne.. Il a surtout démontré la véracité de cette histoire tragique, à travers les témoignages des victimes et de l'accusé. Le récit d'Annie Kochert ne laisse pas de doutes, à condition que les gens qui se sont confiés à elle n'affabulent pas. Dès lors, il convient de nous interroger sur les raisons pour lesquelles, les autorités locales ont fait silence sur cette histoire. Pourquoi n'a-ton jamais posé de plaque en hommage à ces malheureux ? Le silence porterait-il des secrets peu avouables ?  L'inaction de camarades pour cacher et préserver la vie de leurs collègues étrangers, ou pire, la dénonciation de quelques traitres ? 

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    Le Monde (Magazine). 27 janvier 2024

    Un article paru ce matin dans le Magazine du journal Le Monde, titre : "Le village de Salsigne se souvient de ses treize mineurs juifs raflés par les nazis." Pas sûr que cela soit sans réticences car la commémoration, désirée par MM. Montané et Ogé, soulèverait en secret un flot de réprobations du côté des maires du voisinage. Mercredi 31 janvier à 11h, on devrait rendre hommage à ces treize malheureux. Robert Montané a acheté la plaque à ses frais et ira la poser lui-même. On craint qu'elle ne soit vandalisée. Mon travail historique, s'il a permis comme le dit le journal Le Monde de faire resurgir l'histoire de cette rafle, ne plairait pas du tout aux camarades actuels.

    http://musiqueetpatrimoinedecarcassonne.blogspirit.com/archive/2016/09/15/arrestations-et-assassinats-des-juifs-de-la-mine-de-salsigne.html

    Ce communiqué de presse m'a été transmis. Il est publié in-extenso

    "Nous sommes tous des Juifs Allemands" ?

    Célèbre cri de centaines de milliers de manifestants en mai 1968 quand la France,horrifiée, découvrit qu'était ainsi défini Daniel COHN-BENDIT, futur député européen ( liste EELV).

                                                                                                                                                                                                                                                                                  31/01/1944....31/01/2024 :

    Le 18 mai 1945  (en exécution de la réquisition numéro 254 du juge d'instruction de Carcassonne en date du 12 mai 1945 ) des gendarmes recueillent des témoignages à SALSIGNE à propos de la rafle du 31 janvier 1944 de mineurs-ouvriers ,êtres humains de confession israélite . Un des témoins ---résidant de SALSIGNE---parle à 14 h de <<déportés (....)de race juive allemande >>. Oui , vous avez bien lu  :  << de race juive allemande >> ! Nous sommes le 18/05/1945 et la guerre est gagnée depuis le 08/05/1945. René BACH (qui a piloté la rafle du 31/01/1944  ) est en prison, les panzers ne vont pas revenir mais  on parle néanmoins  de << race juive allemande >>......Pour combien de temps ? Qu'est-ce que cela sous-entend ?

    Par exemple ,pour d'autres mineurs-ouvriers, êtres humains de confession musulmane , ayant rejoint le Corps Franc de la Montagne Noire et tués au combat ( entre autres Meziane TAHAR ,Mohamed  BEN BOURENI, Rabia KIMOUN, Ahmed GUERCHOUCHE ) ,oserait-on un jour parler de <<  race maghrébine musulmane  >> ? Quelles rues portent leurs noms ?

    Par exemple ,pour  les êtres humains de confession israélite ,ayant rejoint le Corps Franc de la Montagne Noire et tués au combat ( entre autres  Raymond LEVY-SECKEL,etc...), oserait-on un jour parler de << race juive alsacienne >> ? Quelles rues portent leur nom ?

    Par exemple , pour les êtres humains de confession israélite raflés le 24/08/1942 dont un seul survivra (Simon SALZMAN, Chevalier de la Legion d'Honneur  ultérieurement) ,reviendra  dans l'Aude puis travaillera comme mineur-ouvrier  jusqu'à sa retraite ,oserait-on parler de << race juive  westphalienne >>  ?

    Par exemple , pour un être humain de confession chrétienne comme l'Abbé Albert GAU qui sauva de la déportation et des chambres à gaz des centaines de ses << frères >>(pour le citer) oserait-on parler de << race  catholique  audoise >> ? Les villes de CARCASSONNE et de BRAM  se sont heureusement souvenu ..... 

    31 janvier 1944....31 janvier 2024 : 80 années  pour  12 mineurs-ouvriers tués en déportation.  Et il ne faut pas d'une commémoration ?

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