Il est des noms de rues dans Carcassonne dont le souvenir de ceux qui les portent a disparu au fil du temps et surtout des régimes politiques. Jusqu’ici personne ne s’était visiblement penché sur le cas de Hugues Bernard. Située dans le quartier de La Prade, sa proximité avec avec celle de Ledru-Rollin n’est pas due au hasard. Dans les registres communaux de la commune de Carcassonne, le conseil municipal accorde bien un nom de rue à Hugues Bernard, sans davantage de précisions. Tout juste Mahul nous apprend qu’il fut actif pendant la Révolution de 1848. Qui donc pouvait bien être cet homme ? Nous avons lancé la recherche.
Né à Carcassonne le 17 juin 1815 au n°54 de la rue des Etudes, Hugues reçoit une éducation républicaine. Son père, professeur de langues, épouse les thèses du parti libéral, proche du parti démocratique avancé. Il a également un frère cadet, Simon-François qui s’illustrera dans une affaire qui secouera le pouvoir en 1858. Nous y reviendrons.
Jeune militant et professeur de mathématiques, farouchement opposé à la Monarchie de Juillet, Hugues Bernard se fait enrôler par Théophile Marcou dans le Club Républicain de Carcassonne et conteste le pouvoir autoritaire de Louis-Philippe 1er. Quelques heures avant l’insurrection parisienne de 1848, Bernard et Marcou s’emparent de l’hôtel de ville de Carcassonne en pleine séance et de la préfecture. En un tour de main et sans violence, le corps municipal et préfectoral est destitué. Issu du gouvernement provisoire de la nouvelle république, Ledru-Rollin occupe le poste de ministre de l’intérieur.
Ledru-Rollin
En récompense, Hugues Bernard devient commissaire général du gouvernement. C’est-à-dire, préfet dans les départements des hautes-Pyrénées et se retrouve à Pau. Le suffrage universel est institué. Curieusement, il va mettre fin à la Deuxième République avec l’arrivée du Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte. Voilà nos amis Bernard et Marcou à nouveau dans la tourmente. Le 5 avril 1852, on leur délivre un passeport avec d’autres Audois. Ils sont exilés à Gibraltar, colonie britannique au fond de l’Espagne. La maison familiale de Carcassonne se trouve saisie par un huissier et finalement vendue. Hugues Bernard ne reviendra certainement pas dans l’Aude après l’abdication de Napoléon III, ni d’ailleurs après la démission de Mac-Mahon. Il meurt à Gênes en Italie, le 21 janvier 1892.
Nous étudierons dans un prochain article le cas de son frère, Simon-François, impliqué dans l’attentat d’Orsini contre Napoléon III le 14 janvier 1858 devant l’Opéra. Une autre affaire…