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Chemin de fer

  • Les ponts Napoléoniens de Carcassonne

    La partie du Canal du midi qui passe désormais dans Carcassonne fut réalisée à partir de 1786 et s’acheva le 31 mai 1810. Durant cette période, les armées de la France avaient remporté d’éclatantes victoires partout où elles avaient pénétré. L’administration préfectorale du 1er Empire désira donner aux ouvrages d’art les plus rapprochés de la ville, les noms rappelant les évènements les plus remarquables de cette époque. Ainsi, les quatre ponts sous lesquels passe le Canal du midi à Carcassonne se nomment-ils : Pont de Marengo, Pont de la paix, Pont d’Iéna et Pont de Friedland. Cette pratique sera poursuivie sous Napoléon III au moment de la construction du chemin de fer. En 1855, le nouvel ouvrage sous lequel passe actuellement le canal et la Route Minervoise fut baptisé en mémoire de la bataille de Sébastopol, remportée lors de la guerre de Crimée. Quant à celui jeté sur l’Aude du côté de la plaine Saint-Nazaire (La Prade), on voulut lui donner le nom de l’Alma ou d’Inkermann. Rien ne nous permet aujourd’hui de vérifier le caractère officiel de cette dénomination.

    Le Pont de Marengo

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    Inauguré en même temps que le Canal du midi dans Carcassonne le 31 mai 1810, ce pont indispensable permettait à cette époque d’enjamber l’écluse et de se rendre sur les hauteurs de Grazaille. La gare de chemin de fer n’étant pas encore construite, il faut imaginer que la route de Villemoustaussou passait en plein milieu de celle-ci. Le pont fut donc réalisé à cet endroit pour ne pas sectionner l’artère qui depuis l’actuelle rue Clémenceau, allait rejoindre en ligne droite le chemin de la Seigne (rue Buffon). Ce n’est qu’après la construction de la gare vers 1857 que l’on fit dévier la circulation par l’actuel Quai Riquet, rompant ainsi avec le tracé initial menant à Grazaille.

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    Le pont de Marengo, édifié à une époque où la circulation à cet endroit ne comportait pas de problèmes d’engorgement, se trouva à partir de 1857 bien trop étroit pour que deux charrettes puissent se croiser sans danger. L’arrivée du chemin de fer, la construction de la gare et des hôtels pour recevoir les voyageurs, modifièrent largement la fréquentation sur cet axe. Combien d’équipages et de piétons privés de trottoirs finirent dans le Canal du midi faute de parapet ? Inutile de préciser que l’absence de candélabres fut également de nature à favoriser les accidents. Non seulement à cet endroit, mais aussi depuis la rue du port car certains voyageurs voulant se rendre à la gare par cette voie, passèrent directement par le Jardin des plantes et tombèrent dans le Canal du midi. Les gazettes locales se font largement l’écho que le passage sur le Pont de Marengo constitue une véritable épreuve, lorsque la voie dépourvue de pavés se gorge de boue jusqu’aux genoux. Sans compter que les corbillards sont obligés de passer par le pont pour se rendre au cimetière Saint-Vincent.

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    © Jacques Blanco

    Il faudra attendre 1881 pour que la municipalité se penche sur la nécessité d’agrandir le pont de Marengo. En conseil municipal le maire Teisseire, précise le 18 mai qu’il s’agit d’élargir le pont du canal qui se trouve en face de la gare des voyageurs et d’établir sur chaque côté de ce pont, un trottoir d’environ 1,50 mètres de largeur. L’année suivante, le projet est porté cette fois par Antoine Marty qui demande un devis des travaux, mais l’élargissement rencontre l’opposition de la Compagnie des canaux du midi. Le 1er mars 1883, l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées M. Maffre envoie son avis au maire de Carcassonne :

    "L’élargissement du pont, à l’aspect du couchant causerait une gêne sensible aux mouvements de la navigation à cause du voisinage immédiat de l’écluse ; je ne pense pas, par suite de ce grave inconvénient, que les Compagnies consentent à laisser modifier l’ouvrage de ce côté ; le même inconvénient n’existe pas à l’aspect du levant. Mais aux abords d’une grande ville, un pont élargi sur un côté seulement aurait un aspect tellement disgracieux que, ni les compagnies ni votre administration ne pourront se décider à le voir exécuter. Le prolongement du pont sur trois ou quatre mètres de largeur en aval est la seule solution admissible, mais c’est là une dépense relativement considérable que l’administration municipale n’exposera sans doute que lorsque l’urgence lui en sera réellement démontrée ; la partie étroite du pont actuel étant d’ailleurs très courte, la circulation publique ne peut en souffrir beaucoup."

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    Le trottoir est soutenu par des corbeaux

    Autrement dit, la seule possibilité qui pourrait être validée serait que la ville déplacât le pont vers l’aval. Un coût des travaux exorbitant que les finances de la commune ne pourraient supporter… Ite missa est ! Les désaccords entre la direction du Canal du midi et la municipalité se poursuivent encore de nos jours, notamment sur le nettoiement des berges. Le temps faisant son œuvre, un accord fut trouvé en 1888 sous la municipalité Jourdanne, accusée d’avoir oublié que d’autres avant elle s’étaient penchés sur le problème. Les travaux débutèrent à la fin du mois d’octobre 1889 et s’achevèrent en seulement trente-deux jours.

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    Un arrêté municipal interdit la circulation pendant ce temps, mais les piétons purent y passer à leurs risques et périls. L’entreprise de Jean-Baptiste Birot à Maquens, adjudicataire des travaux et fournitures, termina son œuvre le 28 novembre 1889, mais le pont resta deux mois pourvu de clôtures provisoires faisant office de parapet. Ce n’est que le 21 janvier 1890 que les ouvriers commencèrent à poser les quatre candélabres et rambarde que nous voyons encore aujourd’hui. La ferronnerie de cette dernière est creuse afin d’en alléger le poids. 

    Le pont de la paix

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    Cet ouvrage porte le nom du traité de paix signé entre la France, le Royaume Uni, l’Espagne et la République Batave le 25 mars 1802. La Paix d’Amiens ne dura que peu de mois… Le pont construit en bel appareil et dans le style des ouvrages du canal fut élevé sur la route impériale 113.

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    Il fait aujourd’hui la jonction entre le boulevard Omer Sarraut et l’avenue Roosevelt.

    Le Pont d’Iéna

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    © Jacques Blanco

    Victoire des troupes de Napoléon en 1806 face à la Prusse, le pont qui surplombe le Canal du midi à vingt mètres au-dessus de lui porte le nom de cette bataille. Quand cette partie du canal fut faite, vers 1810, la ville était toute renfermée dans son ancienne enceinte fortifiée ; on ne pouvait pas supposer qu’un jour elle s’étendrait jusque-là. Voilà, sans doute pourquoi l’on n’imposa pas à la Compagnie du Canal l’obligation de couronner le haut de la tranchée d’un parapet, la circulation étant, dans cet endroit, à-peu-près nulle. En 1869, le faubourgs d’Iéna s’était construit ; ce sentier peu fréquenté autrefois était devenu une rue passagère. A l’ouest du pont d’Iéna, la mise en place d’un parapet fut à mettre à l’actif du préfet Boullé qui faillit chuter de plus de vingt mètres dans le canal en allant au bois de Serres. Aucun autre préfet n’ayant couru un tel péril à l’Est du pont, aucun parapet n’y fut placé. Pourtant, le danger demeurait… La municipalité finit par voter les crédits nécessaires ; les riverains purent enfin fréquenter la rue sans craindre les accidents à partir du printemps 1870.

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    Borne en mauvais état replacée grâce Francis Teisseire

    Notons qu’on préféra creuser une tranchée de vingt-mètres excavation pour rester à niveau, plutôt que percer la colline comme au Malpas, près de Béziers.

    Le pont de Friedland

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    Une route partait tout droit vers le rond-point de la zone du Pont rouge

    C’est sans nul doute le moins connu sous cette dénomination, car il se trouve à l’écluse de Saint-Jean. Il tient son nom de la bataille remportée par l’armée de l’Empereur en 1807 contre les russes. Ainsi que nous pouvons l’observer sur la carte d’Etat-major de 1866 ci-dessous, la route Minervoise n’existait pas comme de nos jours. Une voie reliait le Pont rouge à la route au-dessous de Saint-Jean de Brucafel au niveau de l’actuel rond-point de la rocade. Par conséquent, le pont de Friedland à l’écluse de St-Jean devenait indispensable. 

    Le pont de Sébastopol

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    Construit en 1855 cette fois pour les besoins du chemin de fer, cet ouvrage enjambe la route Minervoise, le Canal du midi et le contournement de la gare par le Quai Riquet. L’observation de ce pont nous oblige à faire plusieurs remarques… Lorsqu’on se place face à lui, ne trouve t-on pas que l’arche du milieu où passe le canal se trouve plus basse que ces voisines ? Il s’agit là d’une erreur de construction comme le rapporte en ces termes un journal de janvier 1857 :

    "On sait que la construction du pont jeté, à Carcassonne, sur le canal, a dû être modifiée en ce sens que, les déblais de la gare ne devant pas atteindre le niveau primitivement assigné, le tablier de ce pont a dû être exhaussé puisque la Compagnie n’a pas voulu faire reconstruire la voûte qui est nécessairement trop basse. Mais tandis que cette voûte a conservé sa forme primitive, les deux arches latérales sous lesquelles doivent passer d’un côté le chemin de Gougens (rue Buffon, NDLR) et de l’autre, la route impériale n°118, et dont la construction n’était pas terminée à l’époque où fut modifié le plan relatif au niveau de la gare, ces deux arches qui constituent le pont, et dont une très basse se trouve entre les deux autres beaucoup plus élevées, naît un défaut d’harmonie qui choque tous les yeux."

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    Plaçons nous désormais sous les arches de ce pont. Qu’observons-nous ? Il semblerait que des travaux de consolidation aient été entrepris au milieu des voûtes. Là encore, il pourrait s’agir d’un défaut de construction qui nous est révélé par le même journal :

    "Ce n’est pas tout encore, l’arche intermédiaire, pressée et dominée par les deux arches latérales, a fait un mouvement, et une fissure très sensible s’est déclarée sur la partie qui fait face à la ville, du côté de l’embarcadère. Dans son récent voyage à Carcassonne, M. Bommard, directeur des travaux de construction des chemins de fer du Midi, a procédé à un examen attentif du pont jeté sur le canal et a, dit-on, déclaré qu’il présentait des garanties suffisantes de solidité. "

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    © Jacques Blanco

    La déclaration du directeur ne réussit pas à convaincre ; il est dès-lors probable que des travaux de soutènement aient été entrepris afin de prévenir tout danger. Nous ne pouvons pas toutefois en apporter la preuve formelle. Les reprises de maçonnerie sous la voûte fortifient notre hypothèse.

    Sources

    Le courrier de l'Aude de 1855 à 1890

    Délibérations du CM de Carcassonne

    Mes remerciements à Jacques Blanco pour son aide sur le terrain

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  • Histoire de l'autobus-rail de la ligne Carcassonne-Quillan

    La situation du trafic sur la ligne ferroviaire Carcassonne-Quillan pendant la Seconde guerre mondiale amène l’administration du gouvernement de Vichy à rechercher des solutions pour maintenir le réseau en service. Comment acheminer des voyageurs vers la Haute-Vallée de l’Aude lorsque le carburant réquisitionné par l’armée d’occupation allemande fait défaut ? Le 4 février 1943, une conférence examine la situation et le 24 du même mois, le ministre demande d’exploiter le système Talon par autobus.

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    Augustin Talon (1881-1972), ingénieur en retraite des Chemins de fer du Midi retiré à Belvianes dans l’Aude, va alors proposer une solution innovante. Il s’agit de mettre un autobus sur les rails depuis Carcassonne jusqu’à Quillan, alimenté en gaz naturel de Saint-Gaudens et en gazogène. Deux jumelages de diplorys soutiennent l’autocar sur les rails et celui-ci tracte une remorque légère Decauville de 15,2 tonnes dans laquelle on peut transporter cent passagers. Dans l’autobus, cinquante y prennent place ce qui fait une capacité totale de cent-cinquante personnes. Elle triple par rapport à une Micheline classique et permet une économie de pneus puisque seules les roues motrices arrière sont en contact avec le rail. Vers 1944-1945, les roues jumelées arrière et du duplorys seront remplacées par des roues automobiles bandagées. Les quatre allers-retours quotidiens permettent une économie de 50% sur le carburant et de 80% sur les pneus.

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    Compagnie Carcassonnaise de Transports en Commun

    Une démonstration de ce matériel conçu selon les procédés de M. Talon a lieu le lundi 17 mai 1943 en gare de Carcassonne. Ceci en présence des autorités locales nommées par Pétain, à savoir Cazes (ingénieur des Ponts et Chaussées), Albert Tomey (Président du Conseil départemental), Génie (Président de la Chambre de commerce), Palau, Sama et Soula (ingénieurs), Lebrau (Chef de la censure à la préfecture), etc. Elle s’achève par un voyage jusqu’à la gare de Madame à Villalbe, puis il est décidé d’installer la ligne pour une période d’essai de trois mois. Le système va fonctionner ainsi jusqu’en 1946 et permettre une augmentation de la fréquentation de 50% la première année.

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    Remorque Decauville de 100 places assises

    La SNCF avait mis, sur ordre de Vichy, à disposition les installations à deux sociétés privées (Cars Bourdier et la CCTC) moyennant une redevance. Les chemins des fer s’engageaient à assurer la sécurité et la maintenance des installations ; les sociétés privées à assurer 8 aller-retour par jour sauf le dimanche. A la Libération, changement de musique… Une lettre de Jean Biart de la maire d’Espéraza envoyé au Comité départemental d’épuration le 9 septembre 1944 demande la reprise en main de la ligne par la SNCF :

    « Vous savez en effet que le service-voyageurs Carcassonne-Quillan est assuré depuis plus d’un an par deux concessionnaires qui sont Bourdier et la Société Carcassonnaise de Transports. Ces deux firmes sont entrain d’accumuler certainement des bénéfices scandaleux au détriment de la SNCF puisqu’ils ont réussi - je ne sais par quel tour de force - à obtenir la location du rail, et à l’aise d’un procédé de traction rail-route, ces deux concessionnaires assurent (d’une façon déplorable du reste) le service-voyageurs moyennant le prix de 54 francs, aller-retour par personne. Le car ainsi que la Micheline sont archi-combles à chaque voyage, il n’est donc pas besoin d’être un grand mathématicien pour conclure que les concessionnaires ne perdent pas leur temps. »

    Le 6 août 1945, l’opposition des syndicats et de la Fédération des cheminots à la circulation d’autobus de compagnies privées sur les rails amène le ministre à autoriser la SNCF à résilier les contrats d’exploitation. Les sociétés privées auront jusqu’au 1er février 1946, date à laquelle la SNCF reprendra le monopole sur ses lignes. Elle s’engage à réaliser 6 aller-retour quotidiens par des omnibus. Trois autorails Renault ABJ (série 3300) et trois remorques légères sont prévus à compter du 1er juillet 1946.

    La SNCF reprend ainsi son monopole de service public et assure la liaison ferroviaire Carcassonne-Quillan jusqu’à aujourd’hui. Il y a un an, on parlait d’une transformation en ligne de tram-train qui pourrait être confiée à une société privé via une délégation de service public. En quelque sorte, une privatisation qui ne dit pas son nom comme au bon vieux temps du maréchal…

    Note

    Augustin Talon était né à Marvejols (Lozère) le 21 juin 1881. Ingénieur au Chemin de fer du Midi, il inventa la torpille ferroviaire dans les années 1930 puis se retira à Belvianes pour prendre sa retraite. Il avait épousé à Quillan Elizabeth Salva le 6 juillet 1904, originaire des Pyrénées-Orientales. Il est mort le 27 mai 1972 à l'âge de 91 ans.

    Sources

    Archives historiques de la SNCF

    Historail

    L'éclair, mai 1943

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