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Portraits de carcassonnais - Page 11

  • Jacques Olive, ce Carcassonnais devenu animateur à Sud-Radio et ami des stars de la chanson

    Né à Carcassonne en 1947 dans la rue Tourtel, ce fils de bonne famille dont le père exerçait la profession de conseiller juridique tout en se passionnant pour le club d'échec Dame Carcas, passa toute sa scolarité à rêver d’un avenir dans lequel il s’émanciperait des contraintes d’une éducation un peu trop rangée. Sa quête de liberté et d’indépendance, conjuguée avec un caractère déterminé à pousser les portes de la renommée, fit de cet adolescent de quinze ans le plus jeune reporter Carcassonnais de son époque. Quelque temps à peine après son entrée au lycée Paul Sabatier, Jacques Olive s’était résolu à écrire le journal de cet établissement à destination des jeunes de son âge. Dans cette feuille de choux, notre journaliste aidé par son ami photographe Pierre Mournet s’amusait à relater les petites histoires de la vie lycéenne. Rien encore de bien probant, mais un galop d’essai qui ne manquerait pas bientôt d’inquiéter un père, ayant pour son fils d’autres ambitions que celle d’un gratte papier sur fond de paillettes. Il est vrai que les résultats scolaires se ressentaient de cette passion, mais Jacques pouvait compter sur la neutralité de sa mère et sur la bienveillance de ses grand-parents. En dehors de ses heures de cours, on le retrouvait tantôt au milieu du groupe des jeunes du festival d’art dramatique de Carcassonne, tantôt dans les coulisses du théâtre municipal après avoir su dissiper la surveillance du concierge, Monsieur Pédron.

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    Jacques Olive rencontre Bourvil dans son hôtel à Carcassonne

    Le premier fait d’armes de Jacques Olive fut d’obtenir avec culot une entrevue à l’hôtel du Donjon avec Bourvil. La chance du débutant ! Ce jour-là, le comédien se trouvait depuis plusieurs jours à la Cité afin de tourner les dernières scènes du Corniaud de Gérard Oury. C’était au mois de novembre 1963 et le comédien avait accepté avec gentillesse d’accorder une interview à ce jeune insouciant de quinze ans. Micro en main branché à un enregistreur sur bande magnétique offert par papi et mamie, notre journaliste en herbe ne s’était pas départi de son objectif. De ce rendez-vous auquel Louis de Funès n’avait pas souhaité répondre, Jacques Olive conserva un mémorable souvenir ainsi qu’une photographie, hélas mal cadrée, prise par son copain Mournet. 

    Tout auréolé du succès obtenu par l’interview de Bourvil et fort du bruit qui s’était répandu en ville grâce au journal du lycée, notre chasseur de scoop allait obtenir l’année suivante une chronique hebdomadaire dans l’Indépendant : « Entre nous… les jeunes ». A la manière de « Salut les copains », Jacques Olive retranscrivait les interviews qu’il avait eu la chance d’obtenir de Tino Rossi, Jean Ferrat, Charles Aznavour, Georges Brassens, etc. Plus besoin cette fois de louvoyer pour atteindre les coulisses puis les loges du théâtre municipal ; Jean Alary, qui avait pris sous son aile bienveillante le jeune garçon, l’introduisait auprès des vedettes de la chanson de passage à Carcassonne.

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    Jacques Olive et Sylvie Vartan à Carcassonne

    Jacques Olive se souvient encore de ses moments avec Annie Cordy, Jacques Brel, Johnny Hallyday et Sylvie Vartan ou encore Joe Dassin. Ils avaient tous pour habitude de séjourner à « La croque sel » chez Annie Pavernès, route de Trèbes. C’était le seul endroit dans Carcassonne où l’on pouvait dîner tard après les spectacles ; les stars de l’époque y avaient leurs habitudes. Joe Dassin par exemple, loin de ses « Champs-Elysées », ne ratait jamais une occasion pour aller s’adonner à son sport favori : la pêche à truite.

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    Dans les bureaux de l'Indépendant à Carcassonne en 1966

    Jacques Olive se serait peut-être enterré à Carcassonne s’il y était demeuré, car le projet qu’il nourrissait au fond de lui ne pouvait s’accommoder d’une vie routinière. Dans ses pensées, l’appel du grand large précipitait chaque jour son départ ; il espérait ce navire qui lui ferait prendre la mer. Lorsqu’un jour, une bouteille portant un message s’échoua sur le rivage au pied de notre aventurier : « Direction Radio Andorre cherche animateur pour essais. » Sans crier gare, Jacques Olive expédiait par la poste un florilège de ses meilleures interview de vedettes, conservées sur bandes magnétiques. Par télégramme oblitéré de l’Andorre, la réponse ne se fit attendre que quelques jours :

    « Studios Andorre-la-vieille - Si poste animateur vous intéresse - Stop - Venir pour essais micro - Stop. »

    Après les formalités d’usage inhérentes à tout jeune homme mineur quittant sa famille pour un pays étranger, le jeune homme de dix-huit ans ans grimpait le Port d’Envalira en moins de temps que Julio Jimenez au Tour de France 1964.

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    Jacques Olive se remémore avec émotion la fois où on lui confia l’animation de l’émission vedette de la radio : "Après avoir présenté et mené différentes émissions de la matinale 6/9, le 12/14, ou encore le week-end, la direction me confia dès 1968 l’animation du rendez-vous vedette de la station : Spécial Blue jeans (17/19), carrefour des tubes et du hit parade."

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    Jacques Olive et l'idole des jeunes

     Cette émission en concurrence avec Salut les copains d’Europe n°1 était très prisée des des annonceurs et écoutée par les adolescents du sud ouest. Via les bureaux parisiens de la radio, l’animateur recevait les nouveautés discographiques et les dates des tournées des stars des Yé-Yé qui eut la chance de suivre et d’interviewer. Engagé au bout de trois mois, non sans avoir dû camoufler son accent méridional suspecté de passer mal à l’antenne, Jacques Olive entrait ainsi dans l’intimité des vedettes dont certaines allaient devenir des amies de toujours.

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    Salvatore Adamo, une amitié de cinquante ans

    C’est le cas de Salvatore Adamo qui devait le débaucher de Radio Andorre en 1970 pour lui offrir un poste de second assistant réalisateur et de doublure lumière dans son prochain film. Le jeune Carcassonnais qui rêvait de cinéma mais n’avait pas pu, faute de baccalauréat, entrer à l’I.D.H.E.C (Institut des Hautes Etudes Cinématographiques), accepta cette proposition. "Je quittais les studios de Radio Andorre pour intégrer ceux de Vincennes à Paris, puis ceux de Belgique et d’Allemagne." Voilà donc une nouvelle aventure dans un monde inconnu, au moment où Jacques commençait à se faire un nom à la radio. L'île aux coquelicots, titre du film d’Adamo avec Pierre Vaneck et Alice Sapritch, ne devait pas rencontrer le succès ; la carrière cinématographique de Jacques Olive s’arrêta là. Pendant une courte période de transition, il assura l’animation des défilés de mannequins représentants du label Woolmark.

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    Jacques Olive et Mireille Mathieu 

    Cet excellent communicant aura su toute sa vie retomber parfaitement sur ses pattes. Son destin  et la chance qu’il sut provoquer, l’ont toujours fait rebondir plus haut que la position dans laquelle il se trouvait précédemment. Lorsqu’il rencontre Bernard Icher - une vieille connaissance Carcassonnaise - ce dernier qui s’est lancé dans la chanson avec Gaston Bonheur pour parolier, l’invite à le suivre en tournée sur la Côte d’Azur.

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    Présenté par son ami à Lucien Jolivald qui recherche une personne pour réaliser des interviews à l’ORTF Nice-Côte d’azur, Jacques Olive remet le costume d’animateur et prend du galon. Entre le Marineland d’Antibes, l’hôtel Majestic pour le Festival de Cannes et Saint-Tropez, il côtoie de près Charles Chaplin, Grâce de Monaco, Gilbert Bécaud, Henri Salvador, Jean Marais, Claude François, Alfred Hitchcoch... Avec Brigitte Bardot, il se retrouve au zoo de Fréjus.

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    Sur le tournage de la Scoumoune avec Belmondo

    Notre jeune Carcassonnais de 23 ans joue à la pétanque avec Yves Montand pendant que Simone Signoret tricote dans un coin, blague avec Jean-Paul Belmondo sur le tournage de La scoumoune et dévore des yeux Claudia Cardinale lors de l’émission « Lundi Vacances » de France Inter.

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    Jacques Olive et Thierry le luron

    Cet amateur de jolies femmes parviendra à faire tomber sous son charme la séduisante Evelyne Leclercq qui, speakerine à l’ORTF passera ensuite à Tf1 avec la carrière que nous connaissons. Jacques Olive l’épouse en 1972, Céline naît de cette union, mais l’idylle ne dure pas et le divorce est prononcé trois ans plus tard.

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    Jacques Olive devait faire partie de la charrette des licenciés de l’ORTF. Sans travail mais pourvu d’un carnet d’adresse à faire pâlir de jalousie les plus grands attachés de presse, l’animateur avait gardé ses contacts avec Radio Andorre. La chaîne concurrente de Sud Radio devait proposer le 1er juillet 1974 à Jacques Olive de tenir à nouveau l’antenne en Andorre. Il revenait à ses premières amours mais se languissait bien vite de son pays natal et souhaitait s’en rapprocher en intégrant les bureaux de Sud Radio à Toulouse.

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    René Coll, Jacques Olive et Michel Sardou

    En 1975, le voilà dans la ville rose à animer les émissions cultes de la chaîne. Le poste d’attaché de presse responsable des relations publiques à Sud Radio qu’il convoitait depuis longtemps s’ouvrit à lui en 1977. Il y resta jusqu’au 1er juillet 1986 où il choisit de voler de ses propres ailes en créant son propre cabinet.

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    Jacques Olive, Raymond Chésa, Jean Alary et Georges-François Hirsch

    Entre temps, la ville de Carcassonne ayant basculé à droite lors des élections de 1983, le maire Raymond Chésa avait nommé Jean Alary à la tête du Festival de la Cité. Jacques Olive n’avait jamais rompu ses relations avec cet homme si généreux et bienveillant qui l’avait fait débuter à l’âge de quinze ans dans le métier. Il l’avait revu au début des années 1970 sur la Côté d’azur quand Jean Alary possédait l’Hôtel des Lices à Saint-Tropez avant qu’il ne le passe à son fils adoptif, Gilles Scagliola.

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    Le Festival de la Cité ayant passé un partenariat avec Sud Radio, Jean Alary exigea que le petit Jacques fût appelé à s’occuper des relations presse. Le car studio de Sud Radio stationna à demeure devant la Porte Narbonnaise pendant toute la durée des festivités avec de nombreux directs. Des artistes prestigieux atterrissaient à l’aéroport de Toulouse Blagnac à destination de Carcassonne, comme les jazzmen Lionel Hampton ou Oscar Peterson.

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    Point presse Jacques Olive et Jean Alary en 1983

    Après avoir passé la matinée à coller ses bandes magnétiques dans le car studio, Jacques Olive partait au Café de la comédie où se tenait le point presse avec FR3 et de nombreux confrères de la presse écrite régionale. A cette époque, Georges Bacou jeune stagiaire de Jean Alary faisait ses débuts. C’est aujourd’hui le directeur du théâtre qui porte le nom de celui qui fut emporté par une crise cardiaque le 17 décembre 1984. Avec le décès de Jean Alary s’arrêtait tristement la collaboration de Jacques Olive au Festival de la Cité.

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    Jacques Olive et Michel Plasson, chef de l'Orchestre National du Capitole.

    La carrière de Jacques Olive se poursuivra ensuite à Toulouse au sein de son cabinet de relations publiques. Travaillant dans l’évènementiel à la promotion des grands rendez-vous tels que le F.A.U.ST (exposition des sciences), la Foire internationale de Toulouse ou encore le Salon des antiquaires, Jacques Olive fut le collaborateur de Jacques Lacassagne pour le parc des expositions, puis de Dominique Baudis, Philippe Douste-Blazy et Jean-Luc Moudenc pour le Grand Toulouse et le Capitole. C’est sans aucun doute le sommet de la pyramide pour cet autodidacte dont l’unique diplôme fut de croire en son destin.

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    Jacques Olive et Philippe Noiret

    S’il a vu disparaître beaucoup de ses amis du show-business les uns après les autres, il conserve toujours d’excellentes relations avec Salvatore Adamo et Michel Drucker.

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    Jacques Olive vit actuellement à Toulouse et rend visite régulièrement à sa maman âgée de 98 ans à Quillan. Après plusieurs semaines de recherches pour le localiser et l’interviewer, c’est avec beaucoup de gentillesse que cet homme m’a spontanément ouvert sa documentation et ses souvenirs. Qu’il en soit remercié.

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  • Pierre Cabot (1918-2019), le dernier collègue d'Aimé Ramond est mort

    C’était le dernier des fonctionnaires du commissariat de police de Carcassonne à avoir côtoyé l’officier de paix Aimé Ramond. Sans aucun doute, le seul survivant qui, à l’âge de 101 ans, pouvait encore évoquer le souvenir de ce martyr de la Résistance exécuté à Baudrigues le 19 août 1944. Pierre Cabot, inspecteur de police judiciaire, s’est éteint chez lui à Villemoustaussou le 17 décembre dernier dans le silence le plus complet. Cet homme discret s’est éclipsé avec le même zèle que celui qu’il appliquait pour traquer les malfaiteurs, lorsqu’il les filait à bicyclette ou avec sa voiture personnelle dans Carcassonne. Pierre Cabot, « au nom prédestiné » comme s’amusait à le décrire Me Pédron lors des audience au tribunal lorsqu’il défendait ses clients en mimant la queue d’un chien, était l’as de la filature et reniflait les truands de loin.

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    © Droits réservés

    Pierre Cabot chez lui en 2012

    Né à Valras dans l’Hérault le 27 septembre 1918 dans une famille de viticulteurs, M. Cabot effectuait d’abord ses études primaires à l’école de Montblanc. Après quatre années d’internat à l’Ecole Pratique Supérieure de Saint-Pons-de-Tomières, il décroche un C.A.P de d’ajusteur mécanicien puis travaille à l’usine Fouga à Béziers. Lorsqu’éclate la Seconde guerre mondiale, au moment où il se trouve sous les drapeaux, Pierre Cabot se retrouve à l’armurerie de son régiment. Démobilisé en 1940, il retourne à la vie civile sans emploi, sans projet, sans argent. Répondant alors à un annonce de concours, il entre à l’école de police avant d’être affecté au commissariat de Montpellier en 1942. Il est ensuite envoyé à Carcassonne en 1943 comme inspecteur stagiaire et rejoint les bureaux de la section judiciaire, au rez-de-chaussée du 11 avenue Arthur Mullot. Pierre Cabot n’a pas beaucoup de chemin à faire pour se rendre à son travail ; il loge 31, square Gambetta.

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    L'officier de paix Ramond, héros de la Résistance

    A l’instar de tous ces collègues, il côtoie l’Officier de Paix Aimé Ramond dans le cadre de ses fonctions. Jamais Pierre Cabot ne se rangea comme beaucoup de policiers du commissariat du côté de la collaboration ; ceci est attesté par les dossiers de l’épuration que j’ai consultés. Il est décrit comme ayant d’assez bonnes aptitudes, dévoué et n’ayant aucune activité connue contre la Résistance. Tout ceci m’a été confirmé par l’intéressé lui-même quand je me suis entretenu avec lui, voilà maintenant un an. Pierre Cabot ne s’est jamais fait valoir auprès de moi comme ayant fait preuve d’un grand courage pendant la tourmente de l’Occupation. Il a rendu des services à Aimé Ramond en dissimulant des papiers, en faisant passer des documents. De son point de vue, le courageux et le héros c’était cet officier de paix qui, au mépris des risques, donnait de sa personne pour libérer le pays du joug des nazis. Dans combien de situation Ramond a-t-il sauvé la vie de résistants en passe d’être arrêtés ? On ne le saura jamais, mais sûrement un grand nombre. Pourtant, toujours selon Pierre Cabot, le service ressemblait à un panier de crabes dans lequel il était difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Si Ramond n’a jamais trahi ses collègues, il en est qui ne vécurent pas avec la conscience tranquille après le 19 août 1944. Là encore, cela reste l’un des secrets les mieux gardés de Carcassonne. Des fonctionnaires de police zélés pour faire respecter à la lettre les directives de l’Etat-Français, on en trouva pour rafler les juifs installés à Rennes-les-bains. Beaucoup parmi eux furent épurés et rayés des cadres de la police en 1945, mais aussi beaucoup de chefs passèrent à côté et trouvèrent l’aubaine d’une mutation dans un autre département. A ce sujet, M. Cabot n’avait guère de bons sentiments et même de la détestation pour un dénommé Bianconi. En revanche, l’inspecteur Germanaud, agent du réseau Gallia, avait toute son admiration.

    Après la Libération, notre policier se marie avec Joséphine Badia dont il aura deux fils, Serge et Hervé. Il est également promu inspecteur sous-chef de la sûreté en 1949. Au service de la République et de l’état de droit retrouvé, il fait preuve de grande qualité dans les résolution des enquêtes dont il a la responsabilité. A cette époque, le commissaire Garnon fait son entrée au commissariat de Carcassonne et va être confronté à l’affaire Cannac. A ce sujet, Pierre Cabot m’a confié avoir considéré Emile Delteil comme un honnête homme ; je respecte son point de vue même si je ne le partage pas.

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    © Archives de la famille Garnon

    Les inspecteurs Ribeiro, Roby, Cautenet, Fontès, Bargeton, Cabanié et Cabot. Au bureau, le commissaire Garnon. Jean Cautenet avait été membre du Corps Franc Lorraine (Maquis de Villebazy)

    Au cours de sa carrière, Pierre Cabot a réalisé plus de mille arrestations bien souvent dans des situations rocambolesques. Michel Sawas qui l’avait consacré un article pour le Petit journal en 2018 avait obtenu le récit du cambriolage de la bijouterie Millet : « C’est en circulant à vélo, la nuit, qu’il a vu deux types avec un gros sac se diriger vers la gare. Il les a suivis et coffrés avec l’aide d’une paire d’agents. »

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    A droite, Pierre Cabot lors d'une arrestation

    Ainsi était Pierre Cabot qui, après une retraite méritée en 1973, alla s’installer dans un pavillon à Villemoustaussou avec son épouse jusqu’à son décès le 17 décembre 2019 à l’âge de 101 ans. Avec lui, c’est une grande page du livre d’or de la police Carcassonnaise qui s’est refermée.

    Sources

    Entretien personnel avec Pierre Cabot

    Le Petit Journal / Michel Sawas

    La dépêche

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  • Jean Cau (1925-1993), le seul Audois a avoir eu le Prix Goncourt !

    Pouvait-on prêter à Claude Lanzmann des idées de la droite nationaliste, lorsqu’il déclara à Laure Adler sur France culture le 28 décembre 2005, que Jean Cau était oublié à tort et que son talent était extrême ? Lorsque le réalisateur de Shoah ne tarit pas d’éloges, celui qui fut écarté des cercles dit « vertueux » des intellectuels parisien après avoir pris ses distances avec la gauche marxiste, c’est sans doute pour d’autres raisons. Des raisons pour dénoncer peut-être l’injustice d’un ostracisme politique, visant à cataloguer une excellente plume en pamphlétaire misogyne et nationaliste. Quel autre totalitarisme idéologique que celui qui sévit encore dans bon nombre de partis, où la brebis au bercail devient une bête féroce lorsqu’il le quitte ! On oublie à dessein le talent et l’on fustige en procès d’intention réactionnaires, la réputation de celui qui a repris avec sa liberté, l’inventaire idéologique de son ancienne chapelle. Jean Cau fit le grand saut…

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    © Jean Loup Sieff

    Né le 8 juillet 1925 à Bram d’un père ouvrier agricole (Etienne) et d’une mère (Rose) femme de ménage, le jeune Cau mène néanmoins l’existence heureuse d’un gamin de sa génération. Chez cette famille laborieuse, on écoute religieusement les discours politiques en faveur de la victoire du prolétariat, relayés par la tante Gilberte Rocca-Cau, député communiste du Gard. Etienne amène son fils dans les meetings de soutien à la cause des républicains espagnols, émigrés dans l’Aude à cause de la guerre civile. A l’école primaire, l’instituteur M. Castel décèle chez Jean Cau de grandes facultés intellectuelles ; il pense que son élève doit poursuivre ses études au lycée et décide d’en parler à son père. « Au lycée ? Cela va me coûter des sous. Il pourrait aller jusqu’à être instituteur mais à part ça, je ne pourrai pas faire l’effort, dit-il. » L’instituteur cherchant à le convaincre, lui fait entrevoir la possibilité d’obtenir des bourses et d’apprendre le latin. « Le latin ? C’est pour devenir curé, renchérit-il. » Finalement, Jean Cau ira au lycée de Carcassonne. Il y fait la connaissance de jeunes de son âge qui deviendront ses amis, comme le futur bâtonnier Clément Cartier.

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    Clément Cartier et Jean Cau, rue de la gare

    Après une licence de philosophie, il monte à Paris et prépare l’Ecole Normale Supérieure au lycée Louis-le-Grand. C’est là que Claude Lanzmann fit la connaissance de Jean Cau qui était, d’après lui, persuadé que pour réussir dans le monde littéraire et intellectuel parisien, il fallait être le secrétaire d’un grand auteur. Alors qu’ils se trouvent tous les deux dans la salle d’étude de Khâgne, Cau écrit devant lui à Camus, Benda, Paulhan, Genet, Cocteau et Sartre. Ce dernier fut le seul à lui répondre ; il lui donna rendez-vous au café de Flore à Saint-Germain-des-près. Sartre sortit un paquet de papiers de sa poche et dit à Cau : « Débrouillez-vous avec ça. » Pendant neuf années (1947-1956), Jean Cau restera au service de Sartre et lui servira bien de souvent de nègre. On pourra lire le portrait délicieux qu’il dresse de l’auteur de Huis clos, dans « Croquis de mémoire » paru en 1985. Au milieu des intellectuels de gauche de ce Saint-Germain-des-près, Jean Cau se trouve un peu décontenancé :

    « Je découvre que tous ces intellectuels étaient tous d’origine bourgeoise, mais qu’ils adoraient le peuple et qu’ils adoraient la gauche. Ils n’ont jamais vu un ouvrier de leur vie, ils ont des domestiques, ils ont des bonnes, mais ils sont de gauche. Ils allaient au peuple parce qu’ils n’en sortaient pas. »

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    Jean-Paul Sartre

    Après avoir quitté Sartre, Jean Cau se désolidarisera progressivement de la gauche. Pas parce qu’elle était archaïque, mais car elle avait trahi ses origines. Il entre dans le journalisme à l’Express aux côtés de Servan-Schreiber et François Giroud où il rédige avec talents des articles sur l’actualité. En 1961, il dénonce les violences contre les manifestants algériens ordonnées par le préfet Maurice Papon, dont on sait aujourd’hui quel fut son rôle dans la déportation des juifs Bordelais. L’année suivante, son enquête sur « L’OAS au lycée » choque une partie des lecteurs. En février 1962, il écrit que les manifestants du métro Charonne sont morts pour rien ; quelques mois plus tard, il signe un papier dans lequel il indique que l’Algérie est ruinée. Cela lui vaudra les désaccords venant de la gauche. Ce sens de la vérité et de la franchise, que selon lui les politiques n’ont pas, il va le payer bientôt. Auparavant, il obtient le Prix Goncourt en 1961 pour son roman « La pitié de Dieu » - écrit en Andalousie - au troisième tour de scrutin à six voix contre deux à Jean-Pierre Chabrol.

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    « La pitié de Dieu ressemblait fort un Huis clos. Jusqu’à l’angoisse qui y prenait la forme toute sartrienne d’une araignée dans le plexus. Le soir, je me souviens, Cau était gai comme rarement. La revanche était belle. Il n’était pas que farouche, évidemment. Ni aussi misogyne que l’ont cru les féministes, qu’il s’ingéniait à irriter. Il poussait le plaisir de déplaire jusqu’à la joie de se faire détester. Ce fut particulièrement vrai avec les intellectuels de gauche, empressés de classer à l’extrême droite fascinante ce traitre qui ne trahissait rien que les mensonges et les ridicules du moment. […] On ne nait pas impunément à quelques kilomètres de la frontière espagnole. Cau est un des grands écrivains andalous de langue française, à la suite de Mérimée, Gautier, Barrès, Montherlant. Il l’a prouvé avec Sévillanes, ses nombreux écrits sur la tauromachie et un de ses derniers livres publiés, Le roman de Carmen. » (Le Monde / 20 juin 1993)

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    Nous l’avons dit, Jean Cau prend ses distances avec la gauche au début des années 1960. Toutefois, le divorce semble vraiment prononcé lors de l’élection présidentielle de 1965 au cours de laquelle il soutient ouvertement le général de Gaulle contre Mitterrand. L’homme du 18 juin le fascinait ; il dressera un portrait de lui dans Croquis de mémoire : « Il m’a plu parce qu’il disait : quand vous avez des problèmes, montez vers les sommets. » On s’aperçoit quand même qu’il ne s’agit pas du refus des idées de la gauche, mais de ceux qui les incarnent car, si Mendès-France avait été candidat de la gauche, il avoue qu’il aurait voté pour lui :

    « Car j’aurais su que je donnais ma voix à un homme qui, avant d’être le candidat de cette gauche, aurait exigé de celle-ci non point des embrassades démagogiques, mais des engagements catégoriques. Je vois l’ombre de Guy Mollet se profiler derrière Mitterrand comme celle d’une vieille sorcière de Goya derrière la mantille de la jeune fiancée. (Le Monde / 4 décembre 1965)

    Jean Cau ne donne absolument pas sa confiance à François Mitterrand « le candidat de la onzième heure rapetassé avec du sparadrap » ou encore dans Lettres ouvertes aux têtes de chiens : « De Gaulle n’aurait pas fait le coup de l’Observatoire »

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    En cette année 1965 sort « Le meurtre d’un enfant ». Cau y évoque un souvenir de l’Occupation ; il y décrit un jeune tankiste SS beurrant sa tartine avec un poignard. La critique aussitôt lui reproche une fascination suspecte. C’est précisément l’époque où le romancier s’est complément affranchi de son passé idéologique : « Il y a des gens qui me demandent si je suis de gauche ou de droite. Je leur réponds que je suis en liberté. Je ne suis pas un militant, mais un aventurier, un voltigeur, un flanc-garde. » En quittant la gauche, Cau était sensé avoir perdu son talent… Peut-être le renvoyait-on à ses origines modestes issu de la province, quand ce Paris parfois se fait plus intelligent qu’il ne l’est au fond de ses bistrots : « Mes ancêtres sont paysans depuis la nuit des temps, et c’est la noblesse de ma lignée et de ma race que nous n’ayons jamais rien acheté et rien vendu. » Il persiste à en vouloir à ses anciens amis de n’avoir pas voulu ouvrir les yeux sur ce qui se passait en Union soviétique : « Je crois que, vraiment, le socialisme et le communisme, de même que le renard la rage, véhiculent le totalitarisme et véhiculent la terreur. » Le divorce allait-il tourner à l’affrontement sur fond de droit d’inventaire ?

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    Marie Bell et Alain Delon dans "Les yeux crevés"

    A la fin de 1967, les représentations de sa pièce de théâtre « Les yeux crevés » qui devait être jouée au théâtre du gymnase doivent être annulée. La comédienne Marie Bell venait de se fracturer le fémur. Elles seront finalement données au mois d’avril 1968 avant que les évènements de mai n’y mettent définitivement fin. Outre Marie Bell et Jacques Dacqmine, son ami Alain Delon faisait aussi partie de la distribution. Dans cette pièce, un ancien pilote de course allemand tue son petit ami italien parce qu’il n’ose pas supprimer avec une drogue, la vieille milliardaire à qui ils servent pour vivre de mari platonique et d’amant œdipien. « Dans les yeux crevés, je dégorge une de mes obsessions de fond et que je suis à la trace dans tout ce que j’ai écrit, que ce soit Les oreilles et la queue, le Meurtre d’un enfant ou le Spectre de l’amour : c’est l’exaltation du rapport entre hommes, face à cette merveille et à ce démon qu’est la femme. C’est l’amitié face à l’amour. L’amitié entre hommes avec tout ce que cela implique de liberté, de richesse de cœur, d’adolescence perdue, de tendresse virile et de cruauté, de fidélité qui, lorsqu’elle est trahie, fait s’écrouler le monde. » Dans Le monde, les critiques de Bertrand Poirot-Delpech se font de plus en plus acerbes à chaque production littéraire de Jean Cau, qui à partir de 1970 se lance des écrits pamphlétaires.

    https://www.youtube.com/watch?v=H44YLQTwcaE

    C’est aussi le moment où il commence à collaborer avec Paris-Match et à s’approcher du G.R.E.C.E ; un mouvement jugé nationaliste dans le style du club de l’horloge mais où l’on rencontre des personnes venues d’univers politiques différents. A partir de cette époque, la pensée de Jean Cau combat l’égalitarisme, qui est responsable, selon lui, du nivellement vers le bas et contraire aux lois de la nature. Pour avoir étudié les archives de la Seconde guerre mondiale, on retrouve exactement cette pensée dans les documents de propagande insufflés aux Franc-gardes de la Milice. Les idées de la Révolution française sont responsables des maux du monde contemporain et de sa décadence. Le Discours de la décadence de Jean Cau sort en librairie en 1978 ; une contradiction à une année près… Une passion pour Che Guevara sort l’année suivante. Cau avait rompu depuis longtemps avec les idées de Sartre et proclamait son admiration à Ernesto Guevara, révolutionnaire marxiste. Son livre se fit immédiatement découper par la critique.

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    « Voir le chantre des bien-pensants s’éprendre du Che Guevara, c’est un peu imaginer Maurras internationaliste ou le pape phonographique. (Le Matin / Christian Deschamps)

    «  Jean Cau aime Che Guevara à sa manière : celle d’un violeur de tombeaux, profanateur de sépultures. (Benoît Rayski / France soir)

    « Jean Cau a voulu rendre le sacrifice du Che acceptable pour un anti-révolutionnaire en le dépouillant de ses intentions et de sa signification politiques, au profit de ses seuls aspects humains. (Poirot-Delpech / Le monde) »

    Poussé par ses amis, Jean Cau entrepris en 1989 de briguer le fauteuil d’Edgar Faure à l’Académie française. A contre emploi, son aventure est racontée dans Le candidat, un ouvrage posthume préfacé par Alain Delon. C’est Michel Serres qui fut élu le 29 mars 1990 ; Jean Cau s’était certainement fait suffisamment d’ennemis pour ne pas être autorisé à entrer sous la coupole. A commencer sans doute dans les alcôves par le président Mitterrand et plus certainement par Bertrand Poirot-Delpech, le journaliste du Monde devenu académicien en 1986.

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    La tombe de Jean Cau à Carcassonne

    Le vendredi 18 juin 1993, Jean Cau s’éteignit à Paris des suites d’un cancer. A ses obsèques à la cathédrale Saint-Michel de Carcassonne, on comptait une cinquantaine de personnes dont le maire Raymond Chésa. Il fut ensuite inhumé au cimetière de La conte, où il repose depuis maintenant vingt-sept ans. Le 30 juin 1994, le conseil municipal donnait son nom à l’emplacement de l’ancien abattoir, où Raymond Chésa comptait bien construire des arènes. Aujourd’hui, l’espace Jean Cau accueille notamment les spectacles taurins auxquels le romancier vouait une grande passion.

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    Dernièrement Fabrice Lucchini reprenait des textes de Jean Cau dans son spectacle Des écrivains parlent d'argent. Un monologue arrêté par la crise sanitaire actuelle. Dans l'Aude, Jean Cau reste une bête immonde qu'il faut tenir absolument à l'abri des lectures. Ce fils de paysan audois ramena pourtant le seul prix Goncourt du département, mais de cela on n'en a cure ici.

    On pourra entendre ci-dessous Jean-Pierre Daroussin

    https://www.lairedu.fr/media/video/conference/extrait-dun-portrait-de-de-gaulle-par-jean-cau-lu-par-jean-pierre-darroussin/

    Distinctions

    Prix Goncourt 1961 / La pitié de Dieu

    Prix de l'Académie 1980 / Nouvelles du paradis

    Prix Gustave Le Métais-Larivière 1985 / Croquis de mémoire

    Sources

    A voix nue / France culture / 28 décembre 2005

    Alain de Benoist / Ce que penser veut dire / Ed. du Rocher

    Archives du journal Le Monde

    Ina / Radioscopie / Jacques Chancel

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