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Portraits de carcassonnais - Page 6

  • Lily et Charles Devèze, l'histoire d'un couple humaniste.

    © L'indépendant

    Charles Adolphe Clément Devèze naît le 12 décembre 1897 à La Condamine-Chätelard près de Barcelonnette dans les Basses-Alpes. Après s’être installé à Carcassonne avec ses parents, 34 allée d’Iéna, le jeune homme s’engage le 6 juin 1915 pour combattre les Allemands. Il n’a que 18 ans ! Une fois la guerre terminée, Charles Devèze fait la rencontre de Léontine Raluy avec laquelle il se marie le 31 juin 1923. Le couple s’installe à Talairan puis à Lagrasse où Charles tient un garage automobile, boulevard de la promenade. Dès 1941, cet homme de conviction est désigné comme chef de l’Armée secrète dans les Corbières. Son engagement aux côtés des F.F.I durera tant que les nazis n’auront pas quitté le département de l’Aude.

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    Charles Devèze

    (1897-1955)

    A l’autre bout de l’Europe, Lily Freund (1918-2015) a profité de son statut d’étudiante à la Sorbonne pour quitter définitivement son Autriche natale, le jour de l’annexion (12 mars 1938) de son pays par Hitler. Depuis, elle n’a qu’une obsession : faire venir sa famille en France. Elle s’y emploie… A travers l’Italie, puis un passage en barque depuis Monaco, les parents arrivent à Nice. Ballotés de camp en camp, les Freund finissent par se réfugier à Lagrasse. Le gouvernement de Pétain a promulgué ses lois anti-juives et a commencé à livrer les israélites étrangers aux nazis. C’est alors qu’un homme providentiel fait son apparition. C’est Charles Dévèse qui vit seul avec sa mère depuis le décès de son épouse. Dans le grenier de sa maison, au prix d’énormes risques, il cache Lily et sa famille jusqu’à la Libération. Les moments les plus tragiques de l’histoire font naître d’extraordinaires destins. 

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    Dans la Cité médiévale, la maison de Lily Devèze a conservé son enseigne de guide conférencière.

    Le 24 novembre 1945, Lily Freund épouse Charles Devèze, de 21 ans son aîné. Deux enfants naissent de cette union : Jacques et Nicole. Après avoir vendu son garage à la famille Spinelli, Charles décède le 12 avril 1955. Lily s’installe à Carcassonne dans la Cité médiévale comme guide conférencière. Elle fait visiter notre monument aux touristes du monde entier, des anonymes aux plus prestigieux. Une belle leçon de vie.

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    La tombe de Charles et de Lily dans le cimetière de la Cité

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2022

  • Louis Domairon (1908-1949) a donné son nom à un Stade de Carcassonne

    Tombé dans l'oubli, le nom de Louis Domairon ne figure même plus sur le panneau d'entrée de ce stade, situé près de l'avenue F. Roosevelt. On ne l'appelle plus que "Stade de Domairon". Tout le monde pensait jusqu'ici, moi le premier, qu'il s'agissait d'un lieu-dit ou bien de ne je ne sais quel ancien domaine viticole. Il n'en est rien ! Quand on se penche sur ce que fut la courte existence de Louis Domairon, on regrette qu'il ne soit honoré comme il se doit.

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    La vraie appellation votée par délibération municipale en date du 4 juillet 1957 est "Stade Louis Domairon"

    Louis Marie Eugène François Domairon naît le 3 décembre 1908 à Lézignan-Corbières. Au lycée de Carcassonne, il se révèle être un brillant élève. Il pratique le rugby et devient international scolaire durant la saison 1925-1926. Au poste de demi de mêlée, Domairon fait des prouesses chaque dimanche au sein de l'épique première de l'ASC. Ses exploits sont relatés dans la presse spécialisée entre 1927 et 1931. A cette époque, l'AS Carcassonne joue à XV. A ses côtés, on retrouve les noms de Rajol, Dimur, Mas, Bedos, Cadenat, Raynaud, Séguier, Gayraud, Cazelle, Barrens, Faure, Dardier, Domec et Renaud.

    A Toulouse, Louis Domairon entreprend des études de médecine. Il exerce ensuite son office dans les troupes coloniales avec le grade de capitaine. Politiquement opposé au régime de Vichy, il est frappé par celui-ci d'une mesure disciplinaire et réformé en 1941. Louis Domairon entre alors dans la Résistance. Le 27 mars 1947, il reçoit la médaille de la Résistance française (Ordre de la Libération), alors qu'il se trouve engagé en Indochine. C'est au sein de l'unité des Forces côtières qu'il porte assistance et secours à ses camarades de combat. Mortellement blessé au cours de la bataille de Mong Kay le 24 mars 1949, son corps est déposé dans la Nécropole militaire de Fréjus.

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    © Album du service de santé des Forces terrestres du Nord Vietnam

    Centre hospitalier Domairon à Dô Son (Haïphong / Vietnam) en 1951

    En souvenir du Lieutenant-colonel Louis Domairon, la France donne son nom au nouvel hôpital de Dô Son. Sur la photographie ci-dessus il est encours de construction en 1951.

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    L'ancien hôpital Domairon

    Après l'indépendance, gagnée sur le terrain par les troupes communistes du Viet Minh, le nom de Domairon disparaît du bâtiment en 1954. Cet hôpital fonctionne encore de nos jours. Il est très difficile d'en obtenir une photographie en raison du régime politique gouvernant le Vietnam.

    Louis Domairon mérite donc que son nom figure désormais en intégralité sur le panneau d'entrée du stade.

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  • Entretien avec Jacqueline Bez, artiste internationale, née à Carcassonne

    Jacqueline Bez voit le jour à Carcassonne le 13 mars 1927 dans une très vaste maison, au bout de l’avenue Antoine Marty. En bordure de l’Aude, le pont reliant les deux berges n’existe pas encore. Son grand-père maternel M. Rumeau, marchand de bestiaux venu de l’Ariège, disposait à cet endroit de grands bâtiments. Jean Fernand Maurice Bez, le père de Jacqueline, en tire quelques subsides en les louant avec son épouse Jeanne Rumeau (1900-1985). Très tôt, Jacqueline a des dispositions pour le dessin. Elle ne quitte, pour ainsi dire, jamais son crayon à papier. Ses aptitudes sont mêmes remarquées à l’intérieur du Pensionnat Jeanne d’Arc où elle suit sa scolarité. De sa jeunesse à Carcassonne, elle se souvient fort bien du visage livide du grand infirme de la rue de Verdun. Le poète Joë Bousquet, que l’on promène à Villalier dans un fauteuil roulant. C’est d’ailleurs un ami de son père, comme lui, revenu gravement blessé de la Grande guerre. Près de vingt années plus tard, il faut y retourner. La débâche, la défaite, l’armistice et la honte de juin 1940. La famille décide de fuir à Toulouse, le frère y fait ses études de médecine. Instants terribles de privations. On crève la faim. Tout est rationné, pillé au profit de l’armée d’occupation. Heureusement, les locataires à Carcassonne sont encore une source de revenus. 

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    Académie de la Grande chaumière

    Au milieu de la noirceur d’une période à l’horizon obscur, une lumière s’éclaire dans le cœur d’un homme. C’est le directeur de l’Ecole des Beaux-arts de Toulouse. Ami d’un ami de la famille, il prend Jacqueline en protection et en estime. A titre gratuit, il lui enseigne l’art du dessin. La jeune femme s’émancipe. Elle part à Paris ; elle a la ferme intention de réussir. Sans la capitale, point de salut. À l’Académie de la Grand Chaumière, elle œuvre dans l’atelier du statuaire Léopold Kretz (1907-1990). Vous êtes sculptrice. Elle me coupe : « Sculpteur, monsieur ». Très peu de femmes, dans une discipline uniquement masculine. Jacqueline y tient, elle est donc sculpteur. « J’ai eu la chance de faire un métier d’art par goût et par passion ». Son mariage a compliqué son travail, mais l’artiste s’enferme dans son atelier de la rue Georges Pitard dans le XVe arrondissement. Certes, elle travaille à partir de modèles. Peu se déshabillent complètement. La nudité la gêne. Elle considère son œuvre comme étant libre et figurative, loin du réel. Son travail est tantôt maître de sa pensée lorsqu’elle taille sa pierre. Tantôt, il lui échappe quand la glaise file entre ses doigts et que de la matière, s’impose une autre idée. « Je n’ai jamais exposé que ce qui était montrable, ajoute t-elle ».

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    Médaillon représentant Gaston Bonheur. Cet audois, journaliste et patron de Paris-Match, fut l'un de ses amis.

    Petit à petit les galeries s’intéressent à ces œuvres. Avec un amusement teinté de malice, Jacqueline m’interpelle : « Les galeries m’ont toujours sollicité. Jamais je n’ai eu à les démarcher. Elles ont estimé qu’elles pourraient faire de l’argent avec mes œuvres. Je suis réaliste ». Sa première exposition se déroule à la Galerie Urban, 18 rue du Faubourg Saint-Honoré. Face au Palais de l’Elysée, tout simplement. Depuis trente ans, la galerie possède un correspondant à Los Angeles. A son insu, la Galerie Urban lui fera obtenir en 1967 le Prix de la Critique. L’année suivante, le Grand prix des Beaux-arts de la ville de Paris lui est décerné le 21 juin pour sa sculpture en ciment intitulée « Femme liane ». 

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    © Musée d'art moderne de la ville de Paris

    Femme liane

    Il y a une période en France où l’art a beaucoup travaillé. Aujourd’hui, les galeries ont presque disparu. Les ventes sont font par internet, c’est un changement majeur dans le marché de l’art. « J’ai très bien vendu et vécu de mon travail. Beaucoup d’autres sculpteurs talentueux n’ont pas réussi à percer. J’ai eu de la chance. » Sa toute première exposition a eu lieu en 1956 au Salon de la jeune sculpture du Musée Rodin.

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    © Drouot

    Buste de Jean Cocteau

    Se sont enchaîné ensuite plusieurs lieux prestigieux comme La biennale internationale au Musée Rodin, la Nationale des Beaux-arts, l’Orangerie du château de Versailles ou encore le Palais de la Méditerranée à Nice. La collection des œuvres de Jacqueline Be  se partage actuellement entre les différentes collections publiques et privées. On les retrouve aux enchères chez Drouot. D’autres, sont conservée au Musée d’art moderne de Paris.

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    © Drouot

    Buste d'Albert Sarraut

    Jacqueline Bez à l’âge de 94 ans vit dans la banlieue toulousaine. J’ai eu beaucoup de plaisir à m’entretenir avec elle au téléphone pendant plus d’heure. Voilà une artiste, native de Carcassonne, qui méritait un article dans ce blog. Je la remercie pour sa disponibilité et son humilité.

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