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  • La rafle des juifs étrangers du 20 février 1943 à Carcassonne et dans l'Aude

    Le samedi 20 février 1943, une importante rafle de juifs étrangers est opérée à Carcassonne et dans tout le département de l’Aude, en vue de leur déportation vers les camps d’extermination nazis. Organisée en grand secret par le gouvernement de Vichy sur ordre de l’occupant allemand, elle vise tous les hommes de 16 à 65 ans, aptes au travail assignés à résidence dans le sud du pays, à l’exception des territoires contrôlés par les Italiens. Au total, près de 2000 juifs étrangers seront dirigés depuis le camps de Gurs vers Drancy, point de départ de leur déportation. Le 19 février, le préfet de l’Aude Émile Marchais, avait adressé un courrier au préfet régional à Montpellier : « Comme suite à votre communication téléphonique de ce jour, j’ai l’honneur de vous transmettre une liste comportant 50 israélites de nationalité Allemande, ou ressortissants des pays occupés par le Reich. » Ces hommes n’avaient pas été concernés par la précédente rafle du 24 août 1942, dans laquelle femmes, enfants, vieillards et autres hommes avaient été arrêtés à Rennes-les-bains puis conduits au camp de Rivesaltes. Inutile de préciser l’issue de leur sort. Dans son extrême bonté, le gouvernement de Laval avait écarté les individus ayant servi la France en 1939, non indésirables selon la terminologie administrative de l’époque. D’autres exemptions, sauvèrent pour un temps ces hommes aptes au travail. Main d’oeuvre esclave, on les plaça chez des propriétaires viticoles, des industriels, des commerçants, etc. Ce 20 février 1943, obéissant à la circulaire des préfets, gendarmes et GMR procédèrent vers 5h du matin aux arrestations, au domicile de ces pauvres individus. C’est-à-dire à l’endroit où leurs patrons les logeaient. Ils furent escortés par la gendarmerie jusqu’à Montpellier, lieu du rassemblement, puis convoyés en train vers le camp de Gurs le 21 février 1943. Quelques jours après, destination Drancy avant leur déportation vers Majdanek (Lublin) par les convois n°50 et 51, respectivement en date des 4 et 6 mars 1943. 

    Dans des dossiers conservés aux archives de l’Hérault, nous avons retrouvé les listes des personnes arrêtés dans l’Aude. Elles comportent leurs noms, leur date et lieu de naissance, ainsi que leur dernier domicile. À partir des différents sites internet (Mémorial de la Shoah, Victimes de l’Holocauste, Généanet et Filae), nous nous sommes mis en quête de retracer leur histoire. Le plus souvent, il a fallu user de beaucoup de patience pour reconstituer des noms mal orthographiés, ou retrouver un individu n’apparaissant pas sur les listes de décédés. C’est ce travail que nous vous présentons. Il y a encore certainement des familles qui ignorent où sont passés leurs parents. Savaient-elles qu’ils vivaient à Carcassonne ou dans l’Aude, après leur exil vers la France ? Ces juifs étrangers, issus des pays annexés par Hitler, ont fui croyant être en sécurité chez nous. Le gouvernement français les a livrés aux bourreaux.

     

    Arrêtés à Carcassonne le 20 février 1943 et déportés

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    Löb Fritz

    Löb Fritz, né le 13 janvier 1909 à Nüremberg (All). Résidant 6, rue Barbès à Carcassonne. Il avait quitté Paris pour se réfugier en zone non occupée. Convoi n°51 vers Majdanek. Assassiné

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    Löb Rudolf

    Löb Rudolf, né le 25 mars 1913 à Nüremberg (All). Résidant 29, rue Courtejaire à Carcassonne. Il avait quitté l’Allemagne vers 1936 avec son frère. Durant la Nuit de cristal en Allemagne, son père fut assassiné et sa mère, blessée. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939. En 1942, il rejoignirent leur mère et de la famille à Carcassonne. Convoi n°51 vers Majdanek. Assassiné le 11 mars 1943

    Aelion Sabetay, né le 26 février 1901 à Salonique (Grèce). Résidant 36, rue des Études à Carcassonne. Engagé volontaire en 1939 dans la Légion étrangère pour servir la France. Il avait quitté Charenton-le-Pont (12 rue de Paris) pour se réfugier en zone non occupée.

    Herezfus Aron, né le 5 février 1922 à Minsk. Résidant 20, rue Voltaire à Carcassonne.

    Wajeman Józef, né le 16 juillet 1904 à Siedlce (Pol). Résidant 9, rue de la mairie à Carcassonne. Il avait quitté Paris pour la zone non occupée. Il vivait à Carcassonne avec une fillette de 14 ans, née le 7 octobre 1929 à Paris (XIXe) qu’il a pu confier à sa belle-soeur. Assassiné 

    Koumetz Wolf, né le 15 mai 1889 à Wilna (Pol). Résidant 3, rue Viollet-le-duc chez M. Mary. Marié avec Bluma, il était horloger à Paris, 4 rue de la Villette. Convoi n°50. Déporté à Auschwitz.

    Grabarsky Maurice, né le 1 janvier 1906 à Kichimeff (Rus). Résidant 12 rue du 4 septembre à Carcassonne. Habitait à Vincennes en 1931. Convoi n° 51. Assassiné en 1943

    Grabarsky Oscar, né le 25 novembre 1903 à Odessa. Résidant 98, rue Jules Sauzède à Carcassonne. 

    Kirjner Grégoire, né le 15 mai 1903 à Odessa. Résidant 20, rue des chasseurs à Carcassonne. Bijoutier, marié à Dora Gerchinovitz (1905-1987) le 31 mars 1930 à Alfortville. Employé à la société d’épépinage. Convoi n°51. 

     

    Arrêtés dans l’Aude

    Grajek David, né le 11 mai 1914 à Offenbach (Pol). Résidant 3, impasse Corneille à Narbonne. Convoi n°50. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939.

    Elle Jacob, né le 25 avril 1911 à Gomastrow (Pol). Résidant à Alet-les-bains. Terrassier.

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    Kiszka Mordka

    Kiszka Mordka, né le 12 mars 1912 à Ckiermewicz. Résidant 20, rue des chasseurs à Carcassonne. Marié avec Estera, née le 14 mars 1914 à Zalencia. Assassiné le 11 mars 1943.

    Stein Herbert, né le 5 avril 1909 à Vienne (Aut). Résidant à Chalabre aux Établissements Canat. Convoi n°50.

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    Sternlieb David

    Sternlieb David, né le 14 juillet 1899 à Lisowenhek (Pol). Résidant à Rivel. Convoi n°50

    Frankel Walter, né le 12 mars 1879 à Breslau (Aut). Résidant à Montréal d’Aude. Convoi n°50

    Béran Charles, né le 14 décembre 1889 à Luize (Tchécoslovaquie). Résidant à Limoux. Il habitait en 1931 à Paris, 11 rue du faubourg poissonnière. Convoi n°50

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    Reiss Guillaume

    Reiss Guillaume, né le 19 novembre 1882 à Francfort (All). Résidant à Cailhau. Père de quatre enfants de 13,11, 9 et 7 ans. Convoi n°50

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    Dreifuss Bernard

    Dreifuss Bernard, né le 18 février 1921 à Mannheim (All). Son père Eugène, sa mère Rose Acher est sa soeur Henriette (6, rue E. Varlin à Limoges). Résidant à Chalabre comme garçon de café. Marié à Rivel avec Marguerite Barbe le 4 septembre 1942. Convoi n°51. Assassiné le 11 mars 1943.

    Stern Wolfgang, né le 10 décembre 1912 à Leipzig (All). Résidant à Espezel. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939. Convoi n°51

    Betman Jacob, né le 14 novembre 1910 à Lublin (Pol). Résidant à Peyriac-de-mer

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    Fleischer Jakob

    Fleischer Jakob, né le 18 août 1887 à Tarnovejek (Pol). Résidant à Labastide d’Anjou. Il quitta la Pologne pour l’Allemagne en 1931 avec sa femme Schmeidel et ses enfants. La famille s’installa à Sedan puis à Lens. Après l’armistice, il se réfugia dans l’Aude avec d’être assigné à résidence. Il cacha ses plus jeunes enfants avant d’être arrêté. Le reste de la famille parvient à passer en Suisse, sauf son fils Max et sa femme qui seront déportés. Convoi n°51.

    Trojanowski Isaac, né le 11 février 1885 à Zgierz (Pol). Résidant à Tuchan.

    Ventura Israel, né le 24 juin 1899 à Bourgas. Commerçant à Levallions-Perret. Résidant 7, rue Marceau à Narbonne. Convoi n°50

    Wertheim Willy, né le 28 janvier 1892 à Hatzbach. Résidant à Taurize. Convoi n°50

    Rubenkes Moses, né le 15 juin 1887 à Brody (Aut). Ouvrier à Paris (XVIIIe). Marié à Elise. Résidant à Montréal d’Aude. Convoi n°50. Assassiné le 9 mars 1943.

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    Bergholz Alexandre

    Bergholz Alexandre, né le 7 août 1899 à Varsovie (Pol). Marié à Paris le 14 avril 1927 à Léontine Katz (1904-2004). Il habite en France depuis 38 ans. Résidant à Quillan. Assassiné. Malgré des tentatives administratives pour le faire libérer après le 20 février 1943, il est déporté par le convoi n°50. Son frère Jean (1908-2003) a été prisonnier dans un stalag XB Kommando 93. Il s’installa comme bijoutier 35 rue de la République à Carcassonne.

    Rosenberg Tobjasz, né le 2 mars 1900 à Olatow (Pol). Résidant à Bages. Convoi n°50.

    Kofman Abraham, né le 8 octobre 1904 à Zakroczym (Pol). Résidant à Castelnaudary, 68 rue du bassin. S’évade du camp de Gurs le 21 février 1943. Décédé à Coulommiers le 10 août 1999

    Lorig Charles, né le 20 mai 1923 à Obermoschel (All). Résidant à Rivel. Convoi n°51. Assassiné le 11 mars 1943.

     

    Ceux qui ont échappé à leur arrestation

    Berliner Abraham, né le 13 juin 1910 à Tomszon (Pol). Tailleur, résidant 93 rue de la mairie à Carcassonne, chez M. Ramond.

    Pasternak Herz, né le 15 janvier 1908 en Pologne. Résidant à Montréal d’Aude. Tailleur 

    Wolfowicz Rynem, né le 24 janvier 1908 à Widancka (Pol). Résidant à Rennes-les-bains. Tailleur

    Stanb Alfred, né le 8 mars 1891 en Allemagne. Résidant 20, rue de la République à Carcassonne

    Seidenberger Paul, né le 26 septembre 1899 à Nüremberg. Résidant à Caudebronde

    Steiner Ernst, né le 22 juillet 1900 à Vienne (Aut). Engagé dans la Légion étrangère. Résidant, 9 route de Limoux à Carcassonne. Naturalisé français le 6 janvier 1947

    Gräntz Ernst, né le 28 février 1895 à Charlottenburg. Habitait rue Hamelin à Paris avant la guerre. Résidant à Homps.

    Schwarz Harry, né le 15 juin 1911 à Charlottenburg (All). Résidant 90, rue de Verdun à Carcassonne

    Szapiro Meyer, né le 5 octobre 1892 à Stolin (Pol). Résidant 41, rue du marché à Carcassonne.

    Kempuiski Michel, né le 15 mai 1910 à Kolo (Pol). Résidant 33, rue Trivalle à Carcassonne

    Tryleski Zalman, né le 15 janvier 1895 à Vasoikow. Résidant 38, rue Voltaire à Carcassonne

    Goldreich Ignace, né le 14 février 1900 à Minsk. Résidant 77, rue Barbès à Carcassonne

    Schönbach Schmerel, né le 24 avril 1914 en Pologne. Résidant à Labastide d’Anjou

    Rothscheld Max, né le 14 mars 1878 à Karlsruhe (All). Résidant route de Grazaille (Villa les Amandiers)

    Edelstein Isidore, né le 30 mai 1899 à Galatz. Résidant le 17 de la Reille à Carcassonne.

    Fraenkel Paul, né le 9 avril 1906 à Francfort. Résidant à Ventenac-Cabardès. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939-1940.

    Grajek Henri, né le 25 novembre 1907 à Varsovie. Résidant à Espéraza

    Lion Adolphe, né le 9 avril 1878 à Sotern (All). Résidant à Belvis

    Movsoricius Dovidas, né le 25 décembre 1899 à Ukmerge (Lithuanie). Résidant 12, rue du pont vieux à Carcassonne

    Goldberg Rubin, né le 3 janvier 1908 à Mieler. Résidant à Quillan.

    Ces quatre derniers ont bénéficié d’une mesure administrative car leurs enfants étaient nés en France. C’est la raison de leur non arrestation. Tous les autres ont miraculeusement échappé à la rafle.

    Sources

    Archives de l'Hérault : 18W283, 84W346, 18W227

    Mémorial de la Shoah

    Filae, Généanet

    Holocaust survivors

    Crédit photos

    Historyscope

    Mémorial de la Shoah

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  • À la recherche de la métairie de Contant à Carcassonne

    Après le domaine de Rancoulet, aujourd’hui disparu, dont nous avons récemment retrouvé l’emplacement, nous nous sommes mis sur la trace de la métairie de Contant. Bien avant que l’on ne bâtisse le lotissement Contant dans les années 1930 autour de la rue Pierre Curie, il existait le chemin de Contant. La rue Pierre de Coubertin a repris son tracé. Depuis la route de Toulopuse, il traversait la gare de l’Estagnol pour rejoindre la fameuse métairie, en bordure du canal.

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    Carte de Cassini

    Dans un mémoire de l’Académie des Arts et des Sciences de Carcassonne, publié en 1894, le chanoine Sabarthès évoque brièvement l’origine de la métairie sans plus amples détails : « En 1729, les plans du territoire de Gougens désignaient ce domaine, situé près du nouveau canal, sous le nom de métairie de Fornier, mais dès 1759 jusqu’en 1792, le curé de Gougens l’appelle métairie du sieur Comptant, Content ou Contant. Ce nom lui est demeuré. Manzot et Contant appartiennent aux héritiers Mestre. » 

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    Carte d'Etat-major (XIXe siècle)

    À partir d’une étude généalogique très poussée, nous sommes parvenus avec ces maigres indices à retrouver l’ensemble des propriétaires de cette métairie depuis le début du XVIIIe siècle. La chose ne fut pas aisée, car les riches détenteurs de ces fermes n’y résidaient pas. La plupart du temps, ils vivaient dans leurs hôtels particuliers de la Ville basse et laissaient leurs terres à des métayers. C’est le cas de Bertrand Jacques de Fornier (1660-1710), avocat au parlement et marchand drapier. À deux reprises, il occupa même la charge de 1er consul de la ville jusqu’en 1705. La métairie avec son beau pigeonnier – signe de la noblesse de son propriétaire – portait donc le nom du sieur Fornier. D’après Mahul, le nom Fornier devint, par déformation occitane, Fournier. Le nom de la métairie changea après sa mort et, le mariage de sa fille Françoise († 1763)  avec Jean-Baptiste Contant (1705-1775). Directeur des postes, originaire de Reims, le sieur Contant n’était à Carcassonne que depuis neuf mois au moment des épousailles. Veuf et sans enfant, il se trouva assez vigoureux pour se remarier avec Anne Carton, le 3 mars 1767. Elle lui donna une fille,Joséphine Contant (1770-1832), qui convola en juste noces avec Bernard Vidal (1756-1827). Le fils de Vital Vidal, receveur des droits casuels du roi, se fit appeler Vidal-Contant. Membre du corps législatif sous le Premier Empire de 1813 au 20 mars 1815, il adhéra à la déchéance de l’empereur. Cet homme politique d’importance occupa un siège au conseil municipal de Carcassonne sous le manda de Pech-Palajanel en 1812, fut conseiller d’arrondissement de 1819 à 1830 et membre de la société d’agriculture. Après avoir été bonapartiste, il s’en détourna pour le nouveau régime. Louis XVIII le décora même de l’ordre royal de la légion d’honneur.

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    Louis Edouard Bosc

    Sans héritiers, il vendit la métairie de Contant et celle d’Alibert vers 1820 à Paul Jean Antoine Bosc (1770-1852), maire de Saissac et député de 1828 à 1831. Louis Edouard (1803-1885), le fils de ce marchand fabricant de draps, occupa le fauteuil de maire de Carcassonne. Sa fille Anne-Marie (1837-1922) épousa Jean Joseph « Paul » Maistre (1834-1909) ; un riche industriel de Villeneuvette dans l’Hérault.

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    Anne Marie Bosc, épouse Maistre

    La faute orthographique du patronyme Mestre, tel que rédigé par l’abbé Sabarthès, nous mit dans l’erreur. Il s’agit de la famille Maistre. Casimir (1867-1957), leur fils, eut pour enfant Pauline (1898-1979). Elle épousa Robert Satgé (1890-1942), natif de Carcassonne, et donna naissance à Serge. C’est l’actuel propriétaire des domaines d’Alibert (ancien Manzot) et de Contant. Voici donc retracée l’histoire et la filiation de la métairie de Contant, que la Poste déforme sous le nom de Coutant.

    Merci à Jacques Blanco pour son aide et sa photo

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  • À la recherche de la ferme disparue de RANCOULET.

    On avait entendu parler vaguement de l’existence de Rancoulet, une espèce de ferme disparue, disait-on, dans le faubourg de l’allée d’Iéna. Une impasse en portait le nom sur l’actuelle rue Émile Zola. D’où venait le nom de Rancoulet ? Là encore, personne n’a semblé s’attarder sur la question. Aidé d’un plan, ramené des Archives du canal du midi à Toulouse par Francis Teisseire, nous avons entrepris de remonter le temps. Remercions Jacques Blanco de m’en avoir confié la lecture. À partir de ce document, nous avons pu situer avec précision l’emplacement de Rancoulet, puis entreprendre une recherche généalogique.

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    Rancoulet, à gauche, face à l'actuelle passerelle du canal sur l'avenue Pierre Sémard.

    À l’instar de très nombreux marchands drapiers de la Ville basse, Joseph Rancoulet (1744-1810) possédait une maison à la campagne, entourée de champs. Ce négociant, propriétaire d’une demeure à l’intérieur du Carré de Mansenqual, devait sans doute goûter en fin de semaine aux béatitudes de dame nature. L’ensemble des riches bourgeois de la ville en faisait de même au XVIIIe siècle ; ils confiaient la gestion de leurs domaines à des métayers. 

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    Sur un plan parcellaire de 1780, le sieur Rancoulet possède une maison et un champ entre l’actuelle allée d’Iéna et le ravelin des murs de la ville. La photographie ci-jointe nous permet de situer l’immeuble dans la rue Zola, à l’arrière de la maison Lamourelle. Serions-nous assez perspicaces, si nous nous obligions à reconnaître qu’il existe encore de nos jours ? Nous vous en laissons juges. Toutefois, son entrée paraît typique des constructions du XVIIIe siècle. L’impasse Rancoulet a donc bien été dénommé à l’endroit de l’ancienne propriété de Joseph Rancoulet.

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    Jean-Jacques Rancoulet, son fils, fut tour à tour employé chez le payeur du département puis commis négociant à Perpignan. Il eut trois garçons qu’il tint dans une éducation stricte et disciplinée. Élèves de l’ancienne école royale de Sorèze, Édouin Frédéric Hippolyte (1807), Émile (1808) et Amans Victor (1812-1879) goutèrent à la rudesse de l’enseignement du Père Lacordaire. Nous supposons que les affaires de l’industrie drapière périclitant après la Révolution française, la famille dut trouver d’autres moyens de subsistance. Elle aurait même, disons-le, perdu son statut social avec ses richesses. C’est très certainement durant la première moitié du XIXe siècle que Rancoulet changea de propriétaire. Sur le plan cadastral de 1849, les terres appartiennent à M. Rech. Et pour cause…

    Édouin se fixa à Sorèze où il rencontra Philippine Dupont. Elle y donna naissance à Ernest Rancoulet (1842-1918), avant de partir pour Bordeaux. Dans la capitale girondine, le jeune homme fut marin avant de suivre les cours de l’École municipale de sculpture, puis ceux de l’École des Beaux-arts en 1868. Statuaire de grand talent, il exposa aux salons de Bordeaux et de Paris, ville dans laquelle il fonda son atelier. Officier d’Académie le 11 août 1908, il mourut dix ans plus tard dans la capitale. Ses oeuvres cotées ont fait l’objet de ventes chez Drouot.

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    © Drouot

    Hercule et Cerbère

    A Bordeaux, Ernest Rancoulet put s’entourer de son oncle Amans Victor. Il étudia la médecine à Montpellier et, s’il ne conquit pas pour lui-même le titre de docteur, par suite d’obstacles pécuniaires, il écrivit pour d’autres bien des thèses. Entré à la bibliothèque de Bordeaux vers 1859, il en devint le chef dix ans plus tard.

    Ce modeste apport à l’histoire de la ferme de Rancoulet, nous éclaire sur son emplacement. Il permet de retracer la trajectoire de ces riches familles carcassonnaises du XVIIIe siècle. Le déclin d’une industrie, autrefois florissante, fit oublier le nom de Rancoulet. Attaché au vague souvenir d’une ferme, d’une maison de campagne, il se ranime à la lecture de ce travail. Il appartiendra désormais à plus érudit que nous d’y ajouter de nouvelles informations. Que reste t-il de Rancoulet sur le terrain ? Nous y croyons, à preuve du contraire. C’est cette maison adossée à la Villa Lamourelle, rue Emile Zola. C’était le seule à cet endroit au début du XIXe siècle. Elle portait le nom de Rancoulet.

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