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Préfets

  • Lamothe-Langon, ce sous-préfet de Carcassonne qui devint faussaire littéraire

    Quel singulier personnage que le baron de Lamothe-Langon ! Oublié de tous, sa vie romanesque se termina à Paris dans le plus grand dénuement malgré l’aide de son fils et un secours de mille francs octroyé par le ministre de l’intérieur. Né le 1er avril 1786 à Montpellier, Etienne Léon n’a que sept ans lorsque son père Joseph Marie de Lamothe, ancien capitaine du régiment de Vivarais et conseiller au parlement de Toulouse, est guillotiné le 18 messidor An II (6 juillet 1794). A quelques semaines près, la fin de la Terreur aurait pu l’épargner. De cette blessure indélébile, chevillée à l’âme d’un orphelin inscrit sur une liste d’émigrés, le jeune Lamothe chercha à s’en relever par la littérature. A dix-sept ans, une fois la tourmente révolutionnaire passée, il se fait connaître par un ode contre l’Angleterre et des chants sur la gloire nationale. Lorsqu’il vint de Toulouse à Paris en 1807, sa réputation d’auteur dramatique et de romancier l’avait précédée. Il cumula bientôt les fonctions académiques, auxquelles l’avaient nommé plusieurs sociétés savantes, et publiques où l’appela Napoléon Ier. Auditeur au Conseil d’état en 1809, sur la présentation de Cambacérès, l’empereur le nomma le 11 juillet 1811 sous-préfet de Toulouse.

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    Etienne Léon Lamothe-Langon

    Bien que la baronnie souveraine de Langon, vieille province de Guyenne, fût dans sa famille depuis trois siècle, le sous-préfet se fit d’abord appeler Etienne Léon de Lamothe-Houdancourt. Peut-être est-ce là, la toute première forgerie de ce personnage dont les excès de mythomanie, ne seront démasqués de bien plus tard après sa mort. En vérité, ce patronyme était éteint depuis Louis-Charles, marquis de la Mothe-Houdancourt, lieutenant général, Commandeur des ordres du roi, mort le 3 novembre 1755. Notre faussaire ayant finalement considéré l’emprunt comme obscur, préféra s’en débarrasser par opportunisme. Après avoir servi l’empereur - nous verrons de quelle manière - Etienne de Lamothe, craint d’être traqué à mort par les légitimistes revenus au pouvoir après les Cent jours. Une fois l’orage passé, Louis XVIII l’autorisa par décret en date du 11 mars 1818 à ajouter le nom de Langon à celui de La Mothe.

    Fort de ses mérites auprès la population toulousaine, Napoléon l’avait nommé à la sous-préfecture de Livourne (Toscane). Il s’y fit remarquer en décembre 1813 lors du siège de cette ville et au combat de Viareggio. Ayant évacué l’Italie avec son administration, il revint à Toulouse où les troupes de l’armée impériale du Maréchal Soult étaient opposées à la coalition anglo-hispano-portugaise. Les Anglais ne réussirent qu’à encercler la ville rose et ne réussirent à la prendre en avril 1814 qu’après que Soult l’eut fait évacuer sans aucune perte.

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    Obélisque sur la colline de Jolimont à Toulouse

    Depuis 1839, à la colline de Jolimont se dresse un obélisque rappelant cet épisode historique. Lorsque Lord Wellington s’approcha du sous-préfet Lamothe afin de lui demander des renseignements sur la position des troupes françaises, celui-ci lui répondit :

    « Général, un de mes aïeux fut décapité à Bordeaux, en punition de son attachement à la France ; je répudierais son nom et sa gloire, et je trahirais ma patrie en répondant à vos questions ; je laisse ce rôle aux Français qui ne le sont plus, et dont la foule vous entoure. »

    Les royalistes avaient acclamé les Anglais comme des libérateurs, d’où l’allusion de Lamothe. Il resta sans emploi après l’exil de Napoléon à l’île d’Elbe et l’entrée de Louis XVIII en France, mais reprit du service durant les Cent jours au cours desquels l’empereur chassa les monarchistes du pouvoir. Ce dernier l’envoya comme sous-préfet de Carcassonne le 15 mai 1815 en remplacement du Vicomte Jean Joseph Frédéric de Carrière en fonction depuis 1811 et qui avait été contraint de démissionner à l’arrivée de Louis XVIII. Le baron de Lamothe-Langon eut besoin de toute son énergie pour réprimer les excès auxquels se portèrent les royalistes dans Carcassonne. Il y rencontra pour un court moment un autre baron ; Claude Joseph Trouvé, préfet de l’Aude, le Talleyrand du département aussi à l’aise à faire appliquer les lois du Premier Empire que celles de la Restauration. Reniant l’empereur une nouvelle fois, Trouvé s’enfuit à Paris et laissa la préfecture à Saulnier, qui avec le frère du général Chartrand, alors secrétaire de préfecture, s’appliquèrent à prodiguer la concorde. Le général Maurin et le baron Lescrosnier, colonel de gendarmerie,  également opposés à la violence veillèrent à maintenir le calme.

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    Claude Joseph Trouvé

    Après la seconde Restauration, Lamothe-Langon démissionna avant l’ordonnance du 9 juillet 1915. A cause de ses activités contre Eugène François d’Arnauld, baron de Vitrolles, qui avait cherché à soulever le Midi contre l’empereur, l’ancien sous-préfet de Carcassonne était certain qu’on allait l’envoyer à l’échafaud. Toutefois, grâce aux bons secours de Mgr de la Porte, évêque de Carcassonne, Lamothe-Langon put rester dans la capitale audoise et évita l’exil alors que sa femme était sur le point d’accoucher de son premier enfant. Ce petit rejeton prénommé Archambaud-Elix-Marie-Tristan naîtra le 26 juillet 1815 ; il fera une brillante carrière de conseiller rapporteur au conseil du gouvernement d’Alger et se mariera à Carcassonne avec une parente de sa mère, Delphine Hélène Anaïs Gourg de Moure. Elle mourra en 1904, au 62 bis  rue de la République.

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    Caricature montrant Napoléon tordant le cou à Louis XVIII

    Lamothe-Langon resta donc à Carcassonne et se remit progressivement à l’écriture en collaborant d’abord au dictionnaire biographique de Michaud. Jusqu’à l’ordonnance royale du 5 septembre 1816 qui dissout la « Chambre introuvable » favorable à tous les excès contre les bonapartistes, Lamothe-Langon resta cloitré chez lui, abandonné par ses amis. Son deuxième enfant naquit à Carcassonne le 8 décembre 1816 ; Marie Françoise Gabrielle Hélène Louise convolera en Justes noces en 1844 avec un Hellouin de Ménibus - grande famille aristocratique dont est issue la chroniqueuse de télévision, Cécile de Ménibus.

    L’ancien sous-préfet déchu retourna s’installer à Toulouse et publia un livre défavorable à Napoléon dont il avait été pourtant l’un des admirateurs ; ceci afin de rentrer en grâce avec les royalistes. Au mois de mars 1819, Louis XVIII le recycla comme sous-préfet de Saint-Pons, mais  il perdit sa place avant de l’avoir occupée et se mit définitivement à l’écriture.

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    Cet homme, mis à part ses romans, ses pièces de théâtre, ses récits de voyage, ses articles, etc… a été le plus grand des faussaires. Il a fabriqué les mémoires de la comtesse du Barry, de Fabre de l’Aude, du duc de Richelieu, de la Vicomtesse de Fausse-Landry, de Louis XVIII, de Napoléon, de Cambacérès, de la duchesse de Berry et de tant d’autres. Longtemps, on a tenu pour véridiques les informations contenues dans son Histoire de l’Inquisition en France. En fait, Lamothe-Langon réussit à berner les lecteurs avec de faux documents faisant référence à ce qui s’était prétendument passé à Carcassonne dans la prison de la Mure. Tout ceci n’était que romanesque à l’instar des biographies de personnages célèbres sorties directement de son imagination. Lamothe-Langon inventa un style littéraire qui mérite d’être étudié pour ce qu’il est, c’est-à-dire une falsification de l’histoire de France. C’est sans doute tout le bénéfice que nous avons tiré  pour vous raconter la vie de cet homme devenu sous-préfet de notre ville.

    « Elle considérable l’importance de M. le préfet en son département ! Surtout lorsque le chef-lieu est une cité de 3e ou de 4e classe. Là, il existe en matière de Vice-roi : il a ses ministres, ses grands dignitaires et aussi ses ennemis. Là, on le flatte quand on a besoin de lui, ou l’on rit de ses ridicules, lorsqu’on veut s’établir hors de sa sphère d’attraction (Biographie des préfets / Lamothe-Lagon). »

    Sources

    Biographie universelle et portative des contemporains / Rabbe / 1834

    Les après-dîners de SAS Cambacérès / Lamothe-Langon / 1837

    Almanach impérial / Testu / 1813

    Le Gaulois / Le courrier de l'Aude

    La tradition légitimiste et l'orléanisme contemporain / 1911

    Etat-Civil / ADA  11

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  • Pierre Augé, préfet de l'Aude à la Libération

    Quand les maquisards entrèrent le 21 août 1944 dans Carcassonne libérée des troupes d’occupation, Guy David fut chargé de prendre la préfecture de l’Aude et de démettre le préfet Marchais de ses fonctions. Ce fonctionnaire zélé de l’Etat Français sentant la libération arriver s’était montré à son avantage au cours des dernières semaines. On ne sait trop combien de suppôts de Vichy furent recyclés par les gouvernements de la République, à tel point qu’il faudra attendre près de soixante ans pour juger Maurice Papon. Le préfet Marchais s’en sortit sans une égratignure, grâce à l’attitude bienveillante de son successeur qui ne voulut pas le remettre entre les mains d’une justice expéditive. Pendant une semaine, il fut protégé à l’intérieur de la préfecture des maquisards communistes qui réclamaient sa peau, au grand dam de Félix Roquefort. Suffisamment sans doute pour poursuivre l’œuvre de destructions d’archives entreprise par le directeur de cabinet de Marchais, dans la chaudière de la cave de l’ancien évêché. En matière de renseignement, on n’est jamais assez prudent… Marchais est recyclé en 1945 au gouvernement de la Sarre, administré par la France. Il reçoit même la légion d’honneur en 1952 des mains de Louis Fattacini, un résistant de la première heure au sein de la France Libre. Qui a pu lui décerner l’appréciation suivante « Bon fonctionnaire du cadre de réserve » ?

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    Pierre, Jean, Léonce Augé

    Son successeur, le très républicain Pierre Jean Léonce Augé, était né à Vias dans l’Hérault le 26 février 1895. Titulaire d’un doctorat en droit et diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales, M. Augé s’était distingué par sa bravoure à Verdun en 1916. Blessé grièvement à un oeil à la Cote du Poivre, il avait été évacué et réformé le 7 avril 1916. Quatre années plus tard, son premier poste est celui d’attaché d’ambassade. Il fait suite à son admission au concours diplomatique le 12 avril 1920. Consul suppléant à Shangaï puis à Swatow, en 1932 Pierre Augé est nommé à Colombo jusqu’en 1935. Après avoir été Consul général à Vancouver (Canada), il rentre en France et sert pour un temps comme attaché de l’Administration centrale le 13 novembre 1942. Les articles de presse de la Libération font état du passé de résistant de Pierre Augé, engagé dès l’Armistice de 1940 et Chef régional du service de renseignement de l’Armée Secrète. Sans remettre en cause cette affirmation, nous n’avons pas pu la vérifier puisqu’aucun titre d’homologation dans les Forces Françaises Combattantes au nom de Pierre Augé ne figure au Service Historique de la Défense.

    Avec l’accord de Gilbert de Chambrun, il est désigné le 21 août 1944 comme préfet de l’Aude par Jacques Bounin, Commissaire de la République. Installé officiellement le 1er septembre 1944, Pierre Augé s’oppose à la poursuite des exécutions, dissout les Cours martiales dans le département et proclame le retour de la justice républicaine. Voici son premier discours devant les Carcassonnais :

    « Citoyens français ! Après quatre années d’équivoques, d’humiliations et de douleurs, l’Aude aujourd’hui est libérée. Dans ce retour aux plus fières traditions nationales, notre pays, j’en suis assuré, saura faire un grand et noble usage de cette liberté reconquise. Nommé par le gouvernement provisoire de la République aux fonctions préfectorales dans votre beau département, je fais dès maintenant appel à votre concours pour entreprendre, avec la collaboration étroite de toutes les forces vives de la Nation et de tous les Citoyens, femmes et hommes, qui ont pendant quatre ans lutté pour l’honneur du drapeau, l’œuvre immense de reconstruction nationale. Nous ne trahirons pas la confiance que la France et la République ont mise en nous. Vive de Gaulle ! Vive la République ! Vive la France ! »

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    Dans ce texte que nous avons retranscrit d’un journal de Libération ayant servi aux services du Comité départemental d’épuration, la mention « Vive de Gaulle » prononcée par Pierre Augé a été rayée au crayon bleu. Ce comité était dirigé pour l’essentiel par d’anciens F.T.P proches du Parti Communiste. Quant au préfet de l’Aude, il ne resta que jusqu’au mois de décembre, appelé comme Ministre plénipotentiaire à Canberra (Australie) puis comme Ambassadeur à Karachi (Pakistan) en 1950. Pierre Augé mourra le 26 décembre 1967 à Paris (XVe). On doit rendre hommage à ce serviteur de l’état qui évita à notre département de tomber dans le chaos de la guerre civile, en rétablissant partout la légalité et l’ordre républicain.

    Sources

    France Archives

    La République du Sud-Ouest / Sept 1944

    Le Midi-Libre / Sept 1944

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