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Auguste Radix (1870-1927), professeur de mathématiques

Professeur agrégé de mathématiques, Auguste Sébastien Radix enseigna pendant trente ans au lycée de Carcassonne. Il vit le jour dans l'Ain à Pizay où son père était instituteur, le 15 février 1870. Après des études à la faculté des sciences de Montpellier, il fut nommé pendant quinze mois à Apt dans le Vaucluse avant de rejoindre le lycée de Carcassonne. Dans notre ville, il contracta mariage avec une limouxine, Marie Louise Aymet. Deux enfants naîtront de cette union : Jean Félix Antoine (1899-1969) et Louise Emilie (1908-1937). La famille habita 89, Boulevard Jean Jaurès.

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© Sylvie David

Claude Louis Estève

(1890-1933)

Claude-Louis Estève (1890-1933), professeur de philosophie bien connu à Carcassonne, ami de jeunesse de Joë Bousquet, rédigea l'oraison funèbre de son ancien maître puis collègue au lycée de la ville. Nous retranscrivons ci-dessous la prose de ce fin lettré qui ne lui survivra que six ans.

Pour rester Carcassonnais, notre lycée ne possédant une classe de mathématiques spéciales, il lui avait fallu beaucoup de modestie et un manque total d'ambition. Je n'ai jamais autant regretté qu'aujourd'hui d'être un médiocre mathématicien, trop indigne d'esquisser la physionomie intellectuelle du savant qu'a été M. Radix. Les deux grands dons primordiaux lui avaient été dévolus : la vigueur de l'imagination, la rigueur de la méthode. De leur union résultaient une agilité intellectuelle, une lucidité vivace qui débrouillaient en se jouant les problèmes les plus touffus. Il était sensible à cette beauté des mathématiques que nous ne connaissions que par oui-dire et dont les initiés depuis Platon nous vantent la radieuse pureté. Mais son esprit n'a pas été sensible qu'à la beauté des nombres et des figures. Nul mieux que M. Radix n'a montré combien est sommaire la trop fameuse distinction de l'esprit de géomètrie et de l'esprit de finesse. Ce géomètre était un esprit fin. Il était épris de musique et de théâtre. Il y a un an, cher ami, j'ai eu le plaisir d'entendre à vos côtés, à Montpellier, le Barbier de Séville : je me rappelle vos remarques pleines d'humour et de compétences sur la déplorable facilité de Rossini et pourtant sur la pureté de contour de certaines de ses mélodies ; et sur le délicieux rôle de Rosine. Vous êtes un artiste, cher grand ami.

Avec des pareils dons, M. Radix eût pu aspirer à des hautes destinées scientifiques. Malheureusement, il n'a pas été ambitieux. Et surtout, il était trop bon professeur. Il aimait trop sa classe et ses élèves, si on peur les aimer trop. Comment ne pas se rappeler sans émotion, Radix, que dans vos cent jours de maladie, déjà frôlé par l'ombre de la mort, un de vos crève-coeur, ça a été, le 1er octobre dernier, de ne pas reprendre votre travail et sembler ainsi abandonner les élèves que vous avez tant aimé ! Il faut que les élèves le sachent, et il faut qu'ils sachent aussi combien leur maître a souffert d'être alité, de rester oisif, lui qui, loin de résigner à l'effort, y avait toujours trouvé sa joie. 

La classe... M. Radix s'y est consacré entièrement. Jamais un maître n'a montré plus de conscience ni déployé plus de zèle, et cela sans arrière-pensée égoïste. M. Radix mûrissait longuement ses leçons, il corrigeait ses devoirs avec un luxe d'annotation que l'on trouve rarement, il suivait de près le travail de ses élèves, échangeant souvent ses impressions sur leur compte avec M. le Proviseur et avec ses Collègues ; il entrait en relation avec les familles et plus d'une fois il intervint, à la prière des parents, pour ramener un jeune homme dans le bon chemin ; son ascendant sur les élèves était tel qu'il réussit presque toujours dans cette délicate mission. Il se montrait exigeant, il en avait le droit, car il donnait l'exemple du labeur ; aussi était-il adoré de ses élèves. Quel intérêt il leur portait, avec quelle persévérance et sollicitude il suivait les examens, combien de fois il a lutté contre un découragement prématuré, que de démarches il a faites auprès des membres du jury pour obtenir la révision d'un jugement erroné ; combien de candidats, connus ou inconnus, lui doivent ainsi leur succès ! Aussi la réussite devait répondre à tant de soins, la réputation professionnelle de M. Radix grandit rapidement, de toutes parts lui vinrent des témoignages de confiance, de reconnaissance qui le récompensaient, mieux que tout, de ses efforts.

Les élèves ! Ici, M. Radix, je ne peux plus parler de vous comme collègue ou comme président de l'Amicale, mais comme ancien disciple. Tous mes amis sont vos anciens élèves, leurs pères l'étaient déjà, vous m'avez interrogé moi-même au baccalauréat. Tout ce qu'il y de mathématiciens dans l'Aude est de votre filiation spirituelle. Et dans notre grande famille, je n'ai jamais entendu parter de vous qu'avec admiration et affection. Si nous n'avons pu apprécier que de loin votre science, nous avons senti le rayonnement, quand, grâce à votre maîtrise de professeur, vos leçons si nettes, si lumineuses, se subordonnaient avec tant de simplicité à nos esprits que, nous étions ravis de nous découvrir plus intelligents et plus perspicaces que nous n'osions l'espérer. Mais surtout de quelle intimité était faite l'atmosphère de votre classe ! Si vous avez beaucoup aimé vos élèves, cher professeur, ils vous le rendent bien ! Avec quelle émotion attristée nous nous souvenons de cette aménité, de cette mansuétude  qui faisaient la saveur propre de votre caractère. il faut croire, qu'elles aussi, étaient communicatives : jusqu'à votre mort, hélas prématurée, les choses vous ont été doucement belles, doucement bonnes, et vous aviez mérité qu'il en fut ainsi.

Entre tous les élèves que M. Radix avait formés, parmi les meilleurs, il a eu la joie de compter deux enfants, deux esprits d'élite, et aussi le fils de notre regretté collègue M. Bosc qu'il y a 10 jours à peine nous pleurions. Et ç'avait été un lien de plus entre lui et notre cher lycée, dont il était le premier professeur, le professeur-type, celui auquel les élèves se plaisent à penser, plus tard, quand ils regrettent leurs années de jeunesse, d'études et de succès.

Ses dernier moments ont accompli sa vie ; près de mourir, il a songé aux siens plus qu'à lui-même, puis s'est endormi. Au nom de l'Amicale et en mon nom personnel, que la famille de M. Radix, si cruellement éprouvée, veuille bien trouver ici un écho à sa douleur et l'expression de notre affectueuse amitié ! Adieu, Radix ! Nous ne laisserons rien pervertir de ce qui nous vient de vous.

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