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Portraits de carcassonnais - Page 12

  • Le chef-d'oeuvre de Louis Lacombe, artisan plâtrier Carcassonnais

    Les plus humbles sont très souvent les plus méritants, il conviendrait ne pas l'oublier... C'est l'histoire d'un Carcassonnais né le 12 mai 1856 dans une famille miséreuse, comme il en existe tant dans la Cité médiévale à cette époque. Guillaume et Julie Lacombe exercent la profession de tisserand et habitent dans une vieille demeure accrochée à la Barbacane près du château comtal. C'est pour ainsi dire une espèce de bidonville dans lequel on subsiste grâce aux manufactures de draps pour un salaire de misère. Là, a vu le jour Louis Lacombe.

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    Louis Lacombe dans son atelier

    Cet homme singulier n'a pas suivi le métier de ses parents ; il s'est formé pour devenir artisan maçon. Plus exactement, plâtrier. Après son mariage avec Marie-Elisabeth Lannes en 1879, il a installé son atelier dans le faubourg de la Trivalle, numéro 138. Cigalet - c'est son sobriquet - voue une véritable admiration pour sa Cité à tel point qu'il envisage d'en faire une maquette. Chaque jour que Dieu fait, il monte chez la vieille dame de pierre. A l'aide d'un mètre ruban, il mesure lui-même la largeur des créneaux. Avec une corde, il pointe sa mesure afin de relever la hauteur des tours. Pas question d'être dans l'à-peu-près, car Cigalet veut que sa maquette soit parfaitement à l'échelle de 1/100e. Les remparts font deux kilomètres de long... Les cinquante tours et les cinq portes d'entrées sont d'une fidélité qui défie l'imagination. On y reconnaît chaque fenêtre, chaque mâchicoulis, chaque tuile. La maquette fait 20 mètres de périmètre et 4,50 mètres de diamètre.

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    © Monuments nationaux

    Détail de la maquette

    Ce qui impressionne, c'est le temps qu'à mis notre artisan pour réaliser cette œuvre : 40 années ! Tout son loisir y passa et quand on voit la beauté de sa Basilique Saint-Nazaire, on ne peut être qu'admiratif. Quand son travail fut achevé, Louis Lacombe en fit don à la Cité et on l'exposa dans une des salles du château. Jusqu'à sa mort en 1933, le petit plâtrier de la Trivalle faisait lui-même visiter son œuvre en noyer au touristes. Il reconstituait l'embrasement de la Cité avec des ampoules rouges... 

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    La basilique Saint-Nazaire et Saint-Celse

    La consécration suprême vint après sa mort, le 4 avril 1961, lorsque le Ministère de la culture classa la maquette à l'inventaire des Monuments historiques. Si vous visitez l'intérieur du château comtal vous verrez encore la sublime Cité de Carcassonne de Louis Lacombe. Le petit plâtrier devenu architecte miniaturiste.

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  • Léon Noubel (1908-1967) a donné son nom à une cité H.L.M

    Dans le quartier de la Trivalle sur l'emplacement de l'ancienne brasserie Fritz Lauer, on a construit une cité H.L.M qui porte le nom de Léon Noubel. Les anciens se souviendront de la haute cheminée qui dominait à cet endroit, dernièr vestige du passé industriel de Carcassonne. On peut imaginer aujourd'hui, le nom de Léon Noubel étant devenu éponyme, qu'aucun des locataires de cet ensemble d'appartements ne connaît la vie de cet illustre concitoyen. Nous avons donc souhaité lui rendre hommage et rappeler ce qu'il fut.

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    La Cité Léon Noubel, rue Flandres-Dunkerque

    Léon, Pierre Noubel naît le 10 novembre 1908 à Carcassonne. Comme beaucoup d'enfants de cette époque, il perdra son père lors du conflit mondial de 1914-1918. Adopté par la Nation, il réussit son certificat d'études primaires à l'école de la Cité. Toute sa carrière professionnelle se fera dans les Postes d'abord comme porteur de dépêches et de télégrammes, puis en tant que contrôleur des P.T.T au tri postal. Avec son épouse Irène et son fils unique Claude Noubel né en 1931, le couple vit dans la demeure familiale au 95, rue Barbacane. Sous l'Occupation allemande, Léon Noubel fait de la résistance Carcassonnaise au sein du N.A.P (Noyautage des Administrations Publiques) des Postes. C'est donc naturellement qu'il se retrouve en 1945 au Conseil municipal de la ville présidé par Henri Gout. Il y sera rappelé plus tard par le maire socialiste Jules Fil. "Pierrou" comme aimaient à l'appeler ses amis, avait toujours sa porte ouverte et se montrait d'une grande serviabilité. On le voyait au stade Domec en train d'encourager les vedettes de l'ASC XIII, mais on plus grand plaisir sur trouvait à l'Oun. Qu'est-ce que cela ? C'est le nom que les anciens donnaient à la place Saint-Gimer lors de fête du quartier. Une époque où les gens se retrouvaient pour déguster les escargots... 

    Léon Noubel était fier de ses trois petits-enfants dont l'aînée, France-Hélène née en 1957. Son fils Claude a sans doute aujourd'hui achevé sa carrière d'inspecteur des impôts à Châteauroux. Que dire de ses arrière petits-enfants Dorian et Alman ? Espérons désormais que la Cité Léon Noubel inaugurée après la mort de celui dont elle porte le nom, emporté par une embolie pulmonaire le 16 février 1967, ne vous soit plus totalement plus inconnue. 

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  • Chim Boum Boum (1881-1944) : "L'aganta-gos"

    C'est le 13 février 1881 que naît Joseph Justo au n°9 de la rue des Rames (quartier des Capucins) dans une famille de pauvres ouvriers espagnols. Son père Joachim natif de Monzón dans la province de Huesca avait émigré en France pour y chercher une vie meilleure ; il était employé comme terrassier. D'un premier mariage, était né François en 1870 de l'autre côté des Pyrénées. Ce dernier était donc le demi-frère de Joseph, que les Carcassonnais affubleront amicalement du sobriquet de "Chim Boum Boum".

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    Chim Boum Boum par Dantoine

    A cela, permettez-moi d'avancer plusieurs hypothèses... Le prénom de notre héros a pu être déformé en Jim, qui par l'accent s'est vite transformé en Tchim. C'est ainsi que cela se prononçait, même si à l'écrit cela donne Chim. Autre hypothèse, l'onomatopée qui désigne un tapage musical. On la retrouve quelques fois dans certains récits : "Ils ont fait leur Chim Boum Boum toute la nuit !" Avouez que cela sonne comme un accompagnement de batterie sur une mouvement de valse ou de Java. Accentuez Chim et relâchez Boum Boum, vous voilà dans une mesure à trois temps. Notre Chim Boum Boum alias Joseph Justo, s'était marginalisé avec le temps et vivait de petits boulots. C'était l'Aganta-gos de Carcassonne ! Qu'es aquò ? Le verbe "agantar" en occitan signifie attraper, empoigner. Un "gos" est un chien. C'est donc un attrape-chien, en français. Cette expression propre à notre Midi s'est aujourd'hui perdue, mais elle matérialisait les gens qui se saisissaient des chiens errants en les remettant à la fourrière municipale. Muni d'une sorte de lasso-fouet, il était habile pour mettre la main au collet des quadrupèdes abandonnés. Un agent de police assistait à l'opération tandis qu'un autre tirait la charrette à deux étages où se lamentaient à travers les grilles, les pauvres bêtes égarées. Il arrivait que les enfants ayant déjoué la surveillance des adultes, libèrent les chiens de leur cage. C'était là l'occupation principale de "Chim Boum Boum".

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    La cabane de Chim Boum Boum

    Joseph Justo avait élu domicile dans une cabane de lavandière située au bord du Canal du Midi, face à l'avenue du maréchal Foch, côté gare SNCF. Elles y rangeaient leurs battoirs, après avoir lavé leur linge. 

    Les exploits 

    Un cheval attelé à une lourde charrette chargée de fûts de vins, stationnait face à la gare. Le propriétaire de l'animal et de la cargaison parlementait avec le patron d'une péniche. L'accident survint. Le frein rudimentaire de l'attelage céda tandis que le cheval, charrette et chargement plongeaient dans le bassin du canal. La pauvre bête était presque totalement immergée dans les eaux. Chim Boum Boum survint alors. A plusieurs reprises, il plongea de longues minutes, détela le percheron, qui après de longs efforts regagna la berge, sain et sauf. Le propriétaire de l'animal congratula notre héros et royalement lui offrit cinq francs. Notre homme prit la pièce en main, la regarda avec un certain mépris teinté d'amertume et la lança dans les eaux du canal. A cette époque, on pouvait acheter un lapin aux halles avec cette somme. Ceci se fit sous les applaudissements des badauds.

    En juillet 1936, tous les sportifs Carcassonnais étaient passionnés par le Tour de France. Un magasin de la place Carnot , le "Paris-Carcassonne" actuellement "Carrefour City", avait réalisé une présentation des cycles Thomas ou Alcyon. Vêtu d'une culotte de cycliste et le torse moulé dans un rutilant maillot jaune, "Chim" figé comme un mannequin, régnait au milieu de l'étalage, la main droite appuyée au guidon de l'une des bicyclettes. Rompant la pause, il buvait de temps en temps à l'un des deux bidons fixés au cadre.

    Joseph Justo était connu et respecté de tout Carcassonne. Le maire Albert Tomey et ses adjoints ne manquaient pas de le saluer. Il était d'un dévouement infini et portait assistance aux sapeurs pompiers dans leurs missions. Nageur émérite, pouvant rester sous l'eau des minutes entières et par tous les temps, Chim Boum Boum sauvait des vies. Que ce soit dans le canal ou au Païchérou, au milieu des "Enfers". Les Carcassonnais prétendaient qu'il avait le cœur à droite pour réaliser ces exploits.

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    Monument aux victimes du Quai Riquet

    Le 20 août 1944, une horde de fanatiques teutons passa au Quai Riquet. Elle brûla les maisons et massacra la population du quartier, faisant plus de vingt victimes civiles. Ce jour-là, Chim Boum Boum se tenait dans la cabane des lavandières. Lorsqu'il en sortit, les fridolins du Führer tirèrent en direction de notre héros qui périt sous les balles de l'intolérance. Joseph Justo fut élevé au rang de martyr. La ville de Carcassonne l'enterra au cimetière Saint-Michel et lui offrit une concession à perpétuité. A ce jour, Joseph Justo n'a toujours pas obtenu la mention "Mort pour la France". Sa famille étant inconnue, elle seule pouvait en faire la demande.

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