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Églises et lieux de culte

  • Quel est cet étrange blason au-desus de la porte de l'Évêché de Carcassonne ?

    Au-dessus de la porte ci-dessus, située dans la rue de la Liberté et donnant à l'intérieur de l'Évêché, se trouve un blason sculpté qui a attiré ma curiosité. Il ne pouvait pourtant pas s'agir de celui d'un évêque, car le siège épiscopal ne se trouvait pas à cet endroit au XVIIIe siècle. En revanche, ce bâtiment était occupé autrefois par l'Ordre des Carmes dont il ne reste pratiquement que l'église du même nom. J'ai donc dirigé ma recherche dans cette direction, aidé dans ma tâche par la locution latine gravée dans la pierre : "Zelo zelatus sum pro Domino Deo Exercituum" (Je suis rempli d'un zèle jaloux pour le Seigneur Sabaoth). Il s'agit bien de la devise du Carmel.

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    Le blason de l'Ordre reprend deux versets bibliques attribués au prophète Élie, considéré comme le père fondateur du Carmel. L'écu central représente deux lobes blancs surplombant un cœur marron. Ils symbolisent les deux pans blancs du manteau carmélitain s'ouvrant sur la robe de bure brune. Celle-ci monte et se termine sur une croix ; elle indique la voix vers le Mont Carmel où se fait la rencontre avec Dieu. La Croix fit son apparition au XVIe siècle ; elle distingue les Carmes déchaussés de l'Ordre des Carmes de l'antique observance.  Les trois étoiles matérialisent les trois vertus théologiques (foi, espérance et charité) ou les trois vœux prononcés lors de l'entrée au Carmel (pauvreté, obéissance et chasteté). Le tout est surmonté d'une couronne ducale avec douze étoiles. La main brandissant une épée flamboyante rappelle la victoire d’Élie sur les prêtres de Baal sur le mont Carmel : « Le prophète Élie se leva comme un feu, sa parole brûlait comme une torche » (L'Ecclésiastique chap 48 v1)

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    Il s'agit donc bien du blason des Carmes déchaussés dont le père Hermann Cohen, juif converti, vint refonder l'Ordre à Carcassonne au milieu du XIXe siècle. Il semblerait toutefois que la porte et le blason sculptés soient bien antérieurs à l'arrivée d'Hermann Cohen. Est-ce Jean-Jacques Mélair qui a buriné avec autant de talent la porte des Carmes ? Sur ce point, je laisse la réponse a bien plus érudit que moi sur le sujet.

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  • De l'Asile des Petites sœurs des pauvres à la Roseraie, avenue du général Leclerc

    À l’origine de la Congrégation des Petites Sœurs des Pauvres, la bienheureuse Sainte-Marie de la Croix alias Jeanne Jugan (1792-1879) qui dès 1839 à Saint-Servan (Bretagne) apporte secours et assistance aux personnes âgées dans le besoin. Le remarquable dévouement de la religieuse à sa tâche donne l’envie à d’autres de la rejoindre. Dix ans plus tard, le nom de Petites sœurs des pauvres finit par être adopté par la congrégation, reconnue comme telle par le pape Pie IX le 9 juillet 1954. Tout serait allé pour le mieux, s’il n’y avait eu l’abbé Le Pailleur et son orgueil pour démettre Jeanne de ses fonctions de mère supérieure et placer à sa place, Marie Jamet. Pendant plusieurs décennies, ce curé déforma la vérité sur l’histoire de la fondation de cette congrégation en prétendant que Jeanne n’en avait pas été à l’origine. L’usurpateur ne sera destitué par Rome qu’en 1890 et rappelé au Saint-Siège. 

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    Jeanne Jugan par Nadar

    Les sœurs, aidées financièrement par les frères capucins, s’installent en 1879 dans une petite maison située au pied de la colline de la Gravette et en bordure de la route de Narbonne. L’habitation est enserrée dans un très joli jardin donnant sur un vaste vignoble sur lequel on projète d’établir le futur asile. Les petites sœurs des pauvres au nombre de six hébergent quatre à cinq malheureux vieillards dépourvus de ressources. Le 1er avril 1881, l’évêque du diocèse de Carcassonne nomme l’abbé Pierre Edmond Tiquet (1839-1904) comme aumônier de l’asile. Après son décès, il sera successivement remplacé par l’abbé Chrestia et l’abbé Brunet à partir de 1906.

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    Les petites sœurs des pauvres de Carcassonne

    Le 21 novembre 1883, Mgr Felix-Arsène Billard pose la première pierre et procède à la bénédiction du futur asile des Petites sœurs des pauvres, le long de la route de Narbonne. Les plans sont dressés par Charles-Emile Saulnier, architecte diocésain. Dès lors, la réputation et la popularité des sœurs ne cessent de croître parmi la population. En pleine tourmente anti-cléricale, les républicains tentent de s’organiser pour déprécier l’action sociale de ces religieuses qui servent la soupe à la « classe dirigée ». À l’acte de charité, jugé comme avilissant, la république oppose les valeurs de solidarité issues de la Révolution française. Ce n’est donc pas un hasard si, au même moment, le conseil départemental affiche sa satisfaction de voir se réaliser l’asile de Bouttes-Gach grâce aux derniers de la citoyenne Casanove, épouse Marcou.

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    L'entrée de l'asile avant sa transformation en 1977

    Le bâtiment de l’asile des Petites sœurs des pauvres a la forme d’un U. Les vieillards occupent l’aile droite, les femmes l’aile gauche. Au réfectoire des hommes, une immense salle éclairée de tous côtés par de hautes et larges fenêtres ; au premier étage, de grands dortoirs avec une double rangée de lits. Chaque semaine les Petites sœurs, aidées par les femmes âgées les plus valides, lavent à grande eau le parquet et tous les samedis, la lingère dépose à chaque pensionnaire les effets de rechange .En 1895, l’asile en compte cent-dix dont beaucoup participent aux travaux de jardinage et de raccommodage. De l’infirmerie dans laquelle viennent doucement laisser leur dernier souffle, on accède à la tribune de la chapelle bénie le 19 mars 1891 par Monseigneur l’évêque. 

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    La Chapelle 

    Les sœurs font vivre leur établissement grâce à la charité des Carcassonnais. Tôt le matin, un attelage archaïque conduit par un vieillard se rend en ville. Il s’arrête à la porte d’un café ou d’un restaurant ; deux religieuses en descendent et l’on voit leurs robes noires et leurs blanches coiffes disparaître à l’intérieur du commerce. Elles ne ressortiront qu’avec des caisses, des paniers ou des bidons ; ils seront acheminés vers l’asile au bénéfice des vieillards.  Les Petites sœurs des pauvres quittèrent Carcassonne en 1973 faute de n’avoir pas pu réaliser les travaux de modernisation nécessaires à l’asile. L’œuvre se poursuivit néanmoins en France et dans le monde.

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    En début d'année 1977, la municipalité Gayraud décida de transformer l'ancien Asile des Petites soeurs des pauvres, en 53 logements-foyer pour personnes âgées. Le bâtiment fut acquis par le Conseil général de l'Aude puis vendu à la ville pour le franc symbolique pour l’Office H.L.M. Le montage financier s'établit comme suit :

    Caisse des prêts aux organismes HLM : 2.818.00 frs

    E.P.R : subvention de 170.000 frs

    O.R.G.A.N.I.C : 141.000 frs

    B.A.S : 500.000 frs

    H.L.M Aude : autofinancement 150.000 francs

    Ville de Carcassonne : 500.000 francs

    La restructuration des bâtiments et leur transformation avec la fermeture de l’entrée fut confiée à l'architecte Mlle Cailhau. La Roseraie disposait ainsi d'une superfine totale de 2905 m2 dont 1575 étaient réservés aux logements. À l'intérieur, les aménagements collectifs comprennaient une salle à manger de 72 places située dans l'ancienne chapelle, 4 salons, une salle de jeux (46 m2), une cuisine collective (63 m2), une salle polyvalente pour 99 personnes (232 m2) et un jardin de 12 000 m2. 

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    Ce sont au total 55 logements qui furent construits pour des personnes âgées non dépendantes. Il s'agissait de studios avec cuisine et chambre à l'exception de neuf type F1 et d'un type F2. Chaque pensionnaire bénéficiait d'une buanderie équipée de machines individuelles et d'un service de restauration, qu'il pouvait prendre en salle ou dans son appartement. Les loyers allaient de 480 à 890 francs (allocation logement comprise). Selon le maire, tout a été fait pour que l'on puisse se loger et se nourrir même avec le minimum vieillesse de 916,66 francs. En 2015, il est de 800 euros. Le jour de l'inauguration 60% des  logements avaient déjà été pourvus ; un succès qui ira croissant dans les mois suivants. Au dessus du portail, le dessin en faïence est l'oeuvre du peintre Jean Camberoque (1917-2001).

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    Au moins de décembre 2010, la Communauté d'Agglomération du Carcassonnais présidée alors par Alain Tarlier, fit l'acquisition des bâtiments de la Roseraie au bailleur social Habitat Audois, représenté par Robert Alric qui avait obtenu les bâtiments pour l'euro symbolique de la ville de Carcassonne. La valeur vénale estimée par France domaine, s'élevait à 2,29 millions d'euros. Le président indiqua son souhait d'y installer les bureaux de l'Agglo ; le déménagement coûterait 8 millions. Finalement après cet achat la Communauté d'Agglomération abandonna son projet. Elle s'installa dans les locaux de l'ancien EDF, au square Gambetta. La Roseraie resta sa propriété mais à l'abandon. Depuis ce temps, l'administration territoriale chercha un nouvel acquéreur pour ce bien ; c’est la société immobilière Nexity emporta la Roseraie pour 1,1 millions d'euros afin d'y réaliser une résidence privée pour séniors. Le projet est en cours…

    https://petitessoeursdespauvres.org

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  • Transformations et restaurations à la cathédrale Saint-Michel en 1949

    Jusqu’au début des années 1950, la cathédrale Saint-Michel était entourée d’un mur de clôture au Nord et au Sud de celle-ci. On accédait de la rue Voltaire au boulevard Barbès et vice-versa en passant par la rue de la lune devant l’entrée de la cathédrale, en longeant ensuite l’enclos d’un jardin désaffecté. Tout projet de démolition de ces murs s’était heurté, depuis que Viollet-le-duc avait achevé le plus gros œuvre de restauration de Saint-Michel, aux désaccords entre les Beaux-arts, la ville et la préfecture. La cathédrale privée de parvis et d’une porte monumentale digne de son prestige, n’avait pas réussi à s’émanciper de tout ce qui la défigurait.

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    La rue de la lune et l'enclos en 1945

    Le 12 avril 1949, l’architecte en chef des Monuments historiques M. Naudet avait visité la cathédrale et estimé fondées les observations faites sur son état. M. Bourély dressa un rapport à la Commission des travaux du conseil municipal qui reçut un avis favorable. La ville décidait que les baraques contre le mur du boulevard seraient détruites dès que l’on pourrait reloger les personnes qui les occupent.

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    Le 22 juin 1949, sonna l’heure du changement. Le maire Philippe Soum donna le premier coup de pioche symbolique aux murs de Saint-Michel, en présence de Mgr l’évêque, de Mgr Rivière et du préfet de l’Aude. Après le rappel historique de Pierre Embry, le maire rappelle qu’une telle action lui aurait valu autrefois d’être excommunié, au moment la cathédrale va être consacrée. Plusieurs personnes se rendent ensuite dans la sacristie avec Mgr l’évêque et M. Bourely qui a porté un plan du futur square. Où trouver l’argent ? Mgr Rivière voudrait faire transporter les piliers qui sont sur la rue Voltaire comme amorce de la porte de l’Ouest. Le chanoine Sarraute fait observer qu’ils n’ont pas de valeur artistique et que la pierre s’effrite. De plus, ils obligeront à faire une porte démesurée que personne n’a les moyens financiers de bâtir. L’idée de Mgr Rivière consiste à réaliser une porte comme à Saint-Vincent, mais d’abandonner l’ouverture d’une porte au Nord. Il donne volontiers sa sacristie pour y faire les toilettes à la place de celles qui doivent être démolies.

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    Nous apercevons les piliers sculptés dont parlait Mgr Rivière

    En fait, la cathédrale n’a pas de porte. Elle était placée initialement au Nord (rue Voltaire) pour éviter le vent de Cers, mais a été murée par le chapitre au début du XIXe siècle. La petite porte du côté de l’ancienne tour près du commissariat n’était pas suffisante pour les cérémonies comme les sépultures. Quant à celle percée par Viollet-le-duc en attendant un porche fastueux, certains la comparent à l’entrée d’un garage automobile.

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    L'intérieur après le déplacement de la chaire pour permettre l'ouverture de la porte Nord

    La direction des Beaux-arts approuve la réouverture de la porte Nord, avec le déplacement de la chaire, conséquence de  l’aménagement de la Sainte table et la construction à l’Ouest d’une porte digne de la cathédrale. Toutefois, elle ne financera rien car débordée par la reconstruction de nombreux édifices sinistrés par la guerre. Elle promet simplement de rétablir à ses frais, le vitrail des Anges en même temps que les vitraux de Saint-Nazaire à la Cité.

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    © Ministère de la culture

    Détail du vitrail des Anges

    Au mois de septembre, M. Bourély présente le plan d’une porte plus modeste dont le prix n’excède pas 500 000 francs ; le vitrail des Anges est replacé à la fin du mois après avoir retiré trois millimètres de crasse à l’intérieur. Au début du mois d’octobre, la sainte table est déposée et le marbrier commence à daller le sanctuaire. Le roi Carol de Roumanie en visite à la Cité, assiste le 9 octobre 1949 à la messe dans une cathédrale en chantier. Le lendemain, débutent les travaux de la porte et la démolition de la réserve des diacres et des toilettes du chapitre. La porte ne sera pas achevée à temps pour la consécration de la cathédrale le 7 novembre. 

    "Les reliques (St-Nazaire et Celle, St-Paul de Narbonne et Ste-Thérèse) dans un reliquaire entre quatre cierges allumés. L’évêque de Perpignan arrive pour le début de la cérémonie. Un peu de pluie pendant que nous tournions autour de la cathédrale. Moment émouvant : l’onction de la croix à droite du portail qui arrive à hauteur d’homme. La procession des reliques se fait en silence. Monseigneur notre évêque fait la consécration de l’autel. Pendant l’onction de la croix, Mgr fait le geste large d’Urbain II dans la toile de Rivalz. La messe qui suit devait être basse, mais sur la protestation du chapitre elle est chantée, puis sonnent les cloches. Le peuple rapproche du sanctuaire, communions nombreuses. Il est 11h30 ; cela finit en beauté. […] Le soir cérémonie trop grandiose. Avec Monseigneur, les évêques de Perpignan à Montpellier, l’archevêque de Marseille. Torrents de lumière, orgue, trompettes. Le préfet, le maire, les adjoints, onze conseillers municipaux, le colonel, etc. Sermon de Mgr Bernard."

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    La cathédrale après les travaux

    Il faudra attendre le 18 décembre 1949 pour enfin voir la porte de la cathédrale achevée. Six jours plus tard, les portes en bois sont placées avec les ferrures. Quant au futur square (actuel parvis), sa construction sera décidée en conseil municipal le 3 novembre 1950. C’est le 17 janvier 1951 qu’est abattu le mur d’enceinte de Saint-Michel du côté du boulevard ; les travaux du nouveau square débuteront au mois de mars. Le chanoine Sarraute recommande aux ouvriers de mettre de côté toute pierre un tant soit peu moulée. Parmi les vestiges trouvés dans le mur, un chapiteau. Le chanoine Sarraute raconte que le 12 avril :

    « L’électricien qui fait des travaux devant Saint-Michel vient me signaler qu’un bénitier de marbre rouge retrouvé dans les fouilles est en danger. Je le fais savoir à M. Bourély qui ordonne de le mettre de côté. J’y vais moi-même. Ce bénitier a été mis dans le passage au pied de l’église. A midi et demi, M. Bourély vient me voir. Un autre bénitier a été enlevé… par un conseiller municipal. Une pierre portant des armoiries a été mise le long de la rue Voltaire et a disparu ! »

    Ceci témoigne des conditions dans lesquelles furent entreprises les fouilles sur ce secteur à cette époque. Et plus tragiquement, ce qu'il en est advenu...

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    La porte Ouest construite en 1949

    Sources

    Le Républicain / 25 octobre 1949

    Archives manuscrites du Chanoine Sarraute

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