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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 88

  • La dernière résistante de Carcassonne nous a quittés cette semaine

    Cécile Farges est née à Carcassonne le 25 mai 1922. Son père, Jean-Pierre, était natif de Molières sur l’Alberte (près de Ladern) dont son propre père fut le Maire. Sa mère née en Lorraine avait connu son mari à la fin de la guerre et l’avait suivi ensuite dans l’Aude. Combattant de la guerre de 14, blessé à plusieurs reprises, son père était titulaire de la médaille militaire et de la croix de guerre avec citation à l’ordre de l’armée. Il fut le porte-drapeau infatigable de l’association des médaillés militaires de Carcassonne jusqu’à sa mort.

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    Cécile Fourès, née Farges

    Elle a vécu sa petite enfance à Pomas puis à Carcassonne où elle a fréquenté le collège André Chénier puis l’école Pigier. Son premier employeur, a été Maître Nogué, avoué à Carcassonne et neveu de Maurice Sarraut, sénateur audois, assassiné par la milice en 1943 à Toulouse. Elle resta à son service de 1939 à 1943. De 1943 à 1945 elle est employée par la Chambre des métiers de l’Aude où elle est excellemment notée. A une exception prés : chargée par la hiérarchie Vichyste de dresser la liste des jeunes artisans Carcassonnais en âge d’être réquisitionnés pour partir en Allemagne au titre du Service du Travail Obligatoire (STO) elle avait une fâcheuse tendance à oublier des noms ou à sauter des lignes. Convoquée à la Préfecture par un fonctionnaire collaborationniste elle s’en tira en jouant les écervelées. A la Libération ce fonctionnaire zélé n’en continua pas moins sa retraite paisiblement.

    En 1945, elle intègre la société Méridionale de Transport de Force qui après la nationalisation devint Electricité de France où elle gravit de nombreux échelons jusqu’à devenir agent de maîtrise. C’est à EDF que se terminera sa carrière professionnelle en 1980 comme chef de groupe. Les nombreux témoignages desatisfaction dont elle fait l’objet attestent de la qualité de son travail, de son sérieux et sa compétence.

    Comme nous le savons tous, c’est en novembre 1942, après le débarquement américain en Algérie, que les allemands, ayant franchit la ligne de démarcation occupèrent le sud de la France et firent leur apparition dans notre ville où ils s’installèrent. Elevée dans le souvenir de la grande guerre, Cécile Fourès ne put se résoudre à la passivité. Ayant rencontré, au mois d’août 1942, Charles Fourès qui venait de s’évader d’Allemagne elle résolut de résister à l’ennemi. Comme son jeune ami était mû par les mêmes convictions leur destin allait s’en trouver lié.

    Charles Fourès, sergent de l’infanterie alpine, mobilisé en 1939 avait été fait prisonnier dans la Somme et détenu à Cologne. Ne pouvant se résoudre à accepter sa captivité, il conçut rapidement un plan d’évasion et avec un camarade originaire de la région, Raymond Boquet, le mit à exécution au début de l’année 1942. C’est ainsi qu’ils parvinrent à fausser compagnie à leurs geôliers et se dissimulant dans des wagons, traversèrent le sud de l’Allemagne, l’Est de la France, et parvinrent à Paris, à la gare de l’Est. Dénoncés par des cheminots, ils allaient être remis aux Allemands, lorsqu’ils parvinrent, à nouveau à s’échapper après avoir neutralisés leurs délateurs. C’est à pied qu’ils purent franchir la ligne de démarcation, malgré la poursuite d’une patrouille allemande, pour finalement arriver à Carcassonne en février 1942.

    Hélas, quelques mois plus tard, les allemands arrivaient et se mirent à rechercher les prisonniers de guerre évadés. Charles changeait alors d’identité et commençait à organiser la résistance locale sous le pseudonyme de « Roland ». Dés le début de l’année 1943, Cécile intégrait le réseau clandestin « Franc Tireur ». Outre la diffusion de la presse clandestine, Cécile assurait le secrétariat du chef départemental de la résistance, Jean Bringer, alias « Myriel ». C’est au PC clandestin de celui-ci, situé dans un appartement au dessus de l’ancienne droguerie « Arnal », Boulevard Omer Sarraut qu’elle dactylographiait, les instructions aux maquis, aux chefs de groupes et les comptes-rendus à la hiérarchie clandestine. Dans ce local, armes, munitions et archives étaient entreposés. Outre Charles Fourès, fréquentait également ce lieu clandestin de réunion, son ami Jean Delpech, qui fut durant des décennies Secrétaire Général de la Mairie de Carcassonne.Mais son rôle ne se bornait pas à des tâches administratives sensibles ; elle jouait également les agents de liaison, acheminant elle-même, nombre des messages qu’elle avait tapé sur sa machine à écrire.

    Elle détenait tous les secrets et, les transportant, exposait sa vie dans une ville où les patrouilles étaient fréquentes. Contrôlée à plusieurs reprises elle s’en sortait chaque fois grâce à son charme et à son sourire, bien sûr, mais également grâce à son jeune âge. Comment imaginer qu’une aussi jeune fille puisse transporter le courrier des « terroristes gaullistes» ? Ses messages cachés dans le guidon de sa bicyclette parvenaient régulièrement à leurs destinataires. Avec discrétion et ponctualité elle accomplit son travail de l’ombre, risquant sa vie pour son pays. Car les risques étaient bien réels.

    En effet, la Gestapo décida de décapiter la résistance audoise. Ayant identifié leur chef, Jean Bringer, ils l’arrêtent le 29 juillet 1944 ainsi qu’un de ses adjoint, officier de police, Aimé Ramond. Ils mettent en place une souricière autour de la droguerie Arnal, mais l’alerte ayant été donnée, Cécile échappe à l’arrestation alors qu’elle s’y rendait.

    Les allemands évacuent la ville le 20 août. La veille, ils fusillent Jean Bringer et dix- sept de ses camarades à Baudrigues, dépôt de munitions situé près de Roullens, où ils placent les corps sur des explosifs et font sauter les dépouilles des victimes.

    Femme de devoir, Cécile Fourès a fait honneur à la ville de Carcassonne. Fille et veuve de médaillé militaire, titulaire de la Croix de guerre 39/45 et de la Croix du Combattant, Volontaire de la Résistance, ses états de service militaires validés vont du 1er janvier 1943 au 30 août 1944.

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    Monsieur Caby, alors directeur de l’Office Départemental des Anciens Combattants écrivait dans la proposition pour la croix de chevalier de l’Ordre National du Mérite :

    "Cécile Fourès, a rendu, au péril de sa vie, d’éminents services à la Résistance"

    Femme de devoir, elle a continué à servir son pays en s’impliquant de façon très active au sein de nombreuses  associations. Son dévouement et son passé élogieux de combattant d'être élevée au grade de chevalier de l’Ordre National du Mérite » en 2006.

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    Les obsèques de Cécile Fourès au cimetière Saint-Vincent, le 11 août 2020. Son arrière petit-fils présente les décorations devant le cercueil en présence des porte-drapeaux.

    A son fils Jean-Pierre et à l'ensemble de sa famille nous présentons nos condoléances les plus attristées. Un acteur engagé contre la barbarie nazie vient de s'éteindre au moment où justement, une partie des européens semblent oublier les conséquences du nationalisme sur l'humanité. 

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • Jules Sauzède (1844-1913), député-maire de Carcassonne

    Sa famille vient habiter Carcassonne au début du XIXe siècle lorsque Napoléon Sauzède (1806-1863) quitte Quillan pour s’installer comme médecin dans la capitale audoise. Uni à une riche rentière, il dispose du domaine de la Bouriette avec ses hectares de vignes, ses domestiques et ses métayers. C’est dans ce creuset familial, éloigné des préoccupations financières du quotidien, que naît Jules Antoine François Sauzède le 19 juillet 1844. A l’image de la bonne société de cette époque, l’enfant est tiré à quatre épingles. Il poursuit ses études, pratique l’escrime, l’équitation et se passionne avec curiosité pour les inventions de son temps ; le vélocipède, par exemple, pour lequel il fonde la Société Vélocipédique de l’Aude en 1868.

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    Jules Sauzède vers 1870

    Cette inclinaison naturelle vers la pratique sportive se fortifie avec un élan patriotique qui, chez Jules Sauzède, apparaît dès son plus jeune âge. Il a eu connaissance des récits familiaux glorifiant la Grande armée de l’illustre empereur à la conquête des cours royales d’Europe. Il fallait alors exporter les idées de la Révolution. Lorsqu’en 1870 la guerre franco-prussienne éclate, Jules Sauzède s’engage comme lieutenant dans le 83e régiment de marche des mobiles de l’Aude (1er bataillon - 2e compagnie). Avec ses troupes à l’Est, il fait preuve d’un grand courage et sera promu au grade de capitaine avant de rentrer à Carcassonne avec le drapeau de son régiment. Il fait alors la rencontre de Marguerite Antoinette Clergue (1851-1926) avec laquelle il se marie le 28 avril 1875. Louis naîtra de cette union l’année suivante et disparaîtra en 1956 sans descendance. 

    Jules Sauzède partage alors son temps entre son hôtel particulier de la rue Victor Hugo et son domaine de la Bouriette, richement garni de mobilier ancien et de tableaux. Les œuvres de Gamelin y côtoient celles d’Emile Roumens, le peintre qui a épousé Rose, la sœur de Jules. Celle-ci uniera sa fille Clémence à un fils Durand, parent du futur maire de Carcassonne. C’est d’ailleurs avec Antoine Durand que Jules Sauzède fait ses premiers pas en politique dès 1890, lorsqu’il figure sur sa liste de l’Alliance Républicaine et Socialiste. Le fondateur de la société de gymnastique l’Avenir, prônant la culture physique comme moyen d’élever les hommes vers l’amour et la défense de la patrie, se présente donc comme socialiste. Il a jeté par-dessus les moulins son éducation catholique, défend la cause ouvrière tout en protégeant les intérêts de la viticulture avec laquelle il possède quelques intérêts. C’est un homme ambitieux qui bientôt va renier son soutien à Durand pour se rapprocher des radicaux, s’allier à Faucilhon et ravir la mairie aux Opportunistes en 1896. L’alliance des républicains contre les réactionnaires après la crise municipale liée au mandat de Jourdanne, a fait long feu. Poussé par Sarraut et sa propagande journalistique, Sauzède parvient à exclure Durand du second tour des municipales. Les radicaux-socialistes possèdent les clés de la ville ; ils ne les rendront que quatorze années plus tard.

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    Au cours de ces trois mandats, la municipalité Sauzède multiplie les réalisations sans trop se soucier des emprunts, ni d’une dette qui obère les comptes de la ville. Elle bâtit son socle électoral sur une politique d’embauches de fonctionnaires communaux et de soutien aux petits propriétaires viticoles. Elle refuse systématiquement toute aide à l’école privée et renâcle à verser les salaires aux chapelains ; ces dispositions préfigurent la loi de séparation de l’église et de l’état portée dès 1896 par Emile Combes, Ministre des cultes. C’est d’ailleurs cette loi de 1905 que Jules Sauzède défendra à la Chambre des députés après son élection au mois d’avril 1902. Menant de front la gestion de la ville, confiées à Faucilhon, et les textes législatifs, Jules Sauzède défend la réduction du service militaire et la création d’un impôt sur les revenus. Lorsque les intérêts viticoles de sa région sont en jeu, il n’hésite pas à prendre partie pour celle-ci tout en prenant soin de ne pas se mettre le gouvernement à dos. L’épisode le plus signifiant reste sans aucun doute celui du mois de juin 1907 au cours duquel son premier adjoint, Gaston Faucilhon, jeta son écharpe tricolore à la foule et engagea la démission des municipalités du midi. Ce coup d’éclat entraîna Sauzède vers une défiance envers le pouvoir à laquelle il ne s’associa que du bout des lèvres. 

    Préféra t-il le confort prestigieux de la Chambre des députés à son bureau à l’hôtel de ville ? Le cours de l’histoire nous apprend qu’après avoir retiré sa démission, il perdit la ville l’année suivante mais resta député jusqu’à sa mort. Jules Sauzède s’était accommodé des deux lois votées pour enrayer la crise viticole, avait exprimé ses regrets aux victimes de la révolte, prié les pouvoirs publics de libérer Ferroul et les membres du Comité d’Argeliers. Gaston Faucilhon résolument frondeur aux côtés des ouvriers ne reprit pas sa démission avant la fin du conflit. Il se fit élire maire et le resta jusqu’en 1919.

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    Jules Sauzède qui devait être élu sénateur en remplacement de Dujardin-Beaumetz, prit froid lors d’une tournée électorale durant l’automne 1913. Les docteurs Gout et Tomey se relayèrent à son chevet, mais une congestion pulmonaire l’emporta le 12 décembre. Il fut ensuite inhumé civilement dans le cimetière Saint-Michel. En son hommage, la municipalité d’Albert Tomey donna son nom à la rue du Mail, le 8 juin 1920.

    Sources

    Les maires de Carcassonne / Martial Andrieu / Ouvrage à paraître

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  • La Belle Hélène de Carcassonne est Catalane !

    En 1902, le sculpteur catalan Raymond Sudre (1870-1962), auréolé par son Prix de Rome obtenu deux ans plus tôt, réalisa une statue en marbre de carrare intitulée : Hélèna, cité roussillonnaise rêve à son antique splendeur. Cette œuvre primée par l’Académie des Beaux-arts représente l’allégorie de la cité d’Elne dans les Pyrénées-Orientales. Au IIIe siècle, après le séjour de l’empereur Constantin 1er, la ville d’Illibéris prendra le nom de Castrum Helenæ, en hommage à la mère de l’empereur.

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    © Musée de Perpignan / Fonds Josep Puig

    Raymond Sudre devant sa maquette

    A l’origine, la statue devait orner le nouvel édifice de la salle des fêtes d’Elne, baptisée « Hélèna ». Or, la ville qui s’attendait à une représentation de la sainte canonisée en tant que première impératrice romaine convertie au christianisme, s’aperçut que l’artiste avait au contraire réalisé une Belle Hélène, dans une posture lascive. Les réactions de rejet parmi la population ont contraint la municipalité a refuser cet œuvre. C’est ainsi que quatre années plus tard, elle rejoignit Carcassonne où elle fut déposée grâce à Dujardin-Beaumetz, Ministre des Beaux-arts.

    Chacun d’entre-nous connaît parfaitement l’histoire de notre ville pour tout ce qui concerne l’entretien et la valorisation de son patrimoine culturel, n’est-ce pas ? L’œuvre de l’illustre sculpteur n’était pas en nos murs depuis trois ans à peine, que l’artiste s’émut du sort réservé à sa Belle Hélène. Il rédigea alors un courrier au maire Gaston Faucilhon dont voici la teneur :

    "J’avais pris le soin de modeler en plâtre gratuitement une maquette ; j’ai fait deux voyages à Carcassonne, signalé l’emplacement qui conviendrait le mieux, indiqué le rideau de verdure nécessaire pour mettre l’oeuvre en valeur ; il n’a été tenu aucun compte de mes indications. Vous comprendrez combien il est pénible pour un artiste lorsqu’il a peiné un an ou deux sur une œuvre, lorsqu’il a eu la joie de voir ses efforts couronnées au Salon, de voir la façon avec laquelle vos prédécesseurs (NDLR : Jules Sauzède) ont procédé à sa présentation au public. Si vraiment la ville de Carcassonne ne voulait pas faire autre chose, autoriseriez-vous au moins la municipalité de ma ville natale (Perpignan) à la réclamer pour la promenade des Platanes ; en échange on pourrait peut-être obtenir pour Carcassonne une autre œuvre du ministère ?"

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    Une copie en bon état se trouve dans l'Hôtel Pams de Perpignan

    Sudre avait imaginé une décoration qui consistait à encadrer Hélèna entre deux colonnes réunies par une architrave et formant portique. Tout autour des plantes auraient grimpé, mais on a placé la statue à cet endroit sur un socle sans esthétique. Il semblerait que la municipalité de l’époque n’ait eu rien à faire de l’œuvre de Sudre, puisqu’elle projeta de l’enlever pour y placer un monument au député-maire socialiste Théophile Marcou. Rien ne se fit et Hélèna demeura au fond de ce Jardin des plantes devenu Square André Chénier pendant des décennies.

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    En 2007, la statue qui avait subi les ravages du temps et surtout la malveillance des hommes, fut déposée par l’entreprise Audabram et mise à l’abri dans ses ateliers. La ville de Carcassonne décida de la faire restaurer par Monsieur Pontabry, sous l’égide du Ministère de la culture. Une affaire municipale fâcheuse ne permit pas de la réinstaller de suite ; la statue d’Hélèna ne sera sortie de sa retraite qu’en décembre 2010. Le maire J-C Pérez choisit alors le square Gambetta pour son nouvel emplacement, en lieu et place du monument à la Résistance audoise. Cinq ans plus tard, la municipalité Larrat désireuse de refaire ce square tant décrié, fit à nouveau déposer la statue par l’entreprise Del Bano de Limoux. En 2016, Hélèna revint à Carcassonne mais cette fois sur la partie Ouest du square Gambetta, face au Musée des Beaux-arts où elle se trouve de nos jours.

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    Sources

    Le courrier de l'Aude / 1906, 1909, 1913

    La dépêche / 2010

    Pays Catalan France 3

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