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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 89

  • La démocratie municipale à l'épreuve du temps...

    Morgane Larroux remet l'écharpe de maire à G. Larrat, vendredi 3 juillet 2020

    Les élections municipales de 2020 ont mis en évidence dans le programme des listes progressistes, le désir de mener une politique tournée vers la citoyenneté participative. Autrement dit, la promesse d’associer la population aux décisions engageant la responsabilité de la commune. Dans les faits, plusieurs municipalités et depuis longtemps déjà organisent des réunions au sein de comités de quartiers ; ce phénomène existe et n’est pas nouveau. Disons que l’actualité des derniers mois en a peut-être fait un argument de vente électorale qui, dans certains cas, a su attirer les électeurs. La démocratie s’exprime par la représentativité du peuple au sein d’une assemblée élue prenant des décisions en son nom. Avant la Cinquième République, les assemblées étaient élues à la proportionnelle, aucune majorité ne se dégageait et l’on était contraint de trouver des alliances pour gouverner. Lorsque ces alliances de circonstances ayant donné lieu à des marchandages de boutiquiers tombaient, le Président du conseil des ministres démissionnait. 

    Au conseil municipal de Carcassonne et jusqu’en années 1960, le maire radical-socialiste fut obligé de composer avec la S.F.I.O et le M.R.P pour s’assurer une majorité. Entre 1947 et 1953, l’assemblée municipale fut dissoute par deux fois à cause de dissensions sur le budget. Le 26 avril 1953, le scrutin donna 9 sièges au Parti communiste, sept à la S.F.I.O, 9 aux Radicaux-socialistes et 4 au M.R.P. Lors de l’installation du conseil municipal le 11 mai, c’est Jules Fil qui devint maire avec l’apport des voix du M.R.P et du P.C. Ces mêmes chrétiens-démocrates qui jusque-là gouvernaient avec les radicaux. Après avoir entonné l’Internationale dans la salle du conseil, on chanta l’Ave Maria et Jules Fil sortit conspué par la foule. La S.F.I.O réussit ainsi le coup de Jarnac en s’installant aux commandes de la ville sans en avoir reçu totalement le mandat du peuple. Lors du scrutin de 1959, Jules Fil monta sa liste « L’Union des gauches » avec les communistes et parvint à se faire élire sans le M.R.P, ni des radicaux réduits à la portion congrue. Les socialistes s’installèrent à la tête de la commune jusqu’en 1983. Ils gouvernèrent jusqu’en 1983 avec le Parti communiste sans aucune opposition municipale. En effet, la loi électorale qui avait changé, assura à toute liste victorieuse la totalité des sièges au conseil municipal. Nous étions donc passé d’une assemblée ingouvernable sous la IVe République, à une assemblée incontrôlable sous la Ve. 

    Carcassonne fut ainsi gérée pendant vingt-quatre années par un exécutif vantant la concertation démocratique de la population, mais qui dans un même temps ne permit pas à l’opposition de contrôler son action, ni de s’exprimer. Ce pouvoir tout puissant se retrouvait même au sein des comités de quartier, dans lesquels on retrouvait majoritairement des sympathisants du parti dominant. N’oublions pas qu’il détenait également le département de l’Aude.

    Il faudra attendre l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 pour voir enfin la loi électorale évoluer vers davantage de représentativité dans les conseils municipaux. C’est tout le paradoxe pour Carcassonne, puisque la ville basculera à droite en mars 1983. Le 13 juillet 1982, un nouveau mode scrutin, toujours en vigueur pour les élections municipales, changea totalement l’attribution des sièges pour les villes de plus de 30 000 habitants. Le texte stipule que cette réforme permettra de dégager une majorité réelle, conditions indispensable à la gestion de la commune. Les conseillers municipaux seront désormais élus au scrutin de liste à deux tours.

    Au premier tour comme au second tour, la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés obtiendra la moitié des sièges au conseil municipal. Le reste sera réparti suivant le système de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne entre toutes les listes ayant réuni au moins 5% des suffrages exprimés.

    Loin de l’anarchie de la proportionnelle intégrale, ce système permet d’assurer la représentativité et la diversité des opinions tout en conservant une majorité pour gérer les affaires communales. L’opposition participe à des commissions, contrôle l’exécutif et s’exprime dans les bulletins municipaux. 

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  • Antoine Marty (1817-1891), maire et bienfaiteur de Carcassonne

    Le 23 septembre 1817, Antoine Marty naquit dans la rue du Port à Carcassonne de Bernard, négociant, et de Marguerite Védrines, fille d’un marchand ferblantier. Une fois fortune faite, cette famille de commerçants fit l’acquisition d’un très bel immeuble situé à l’actuel n°10 de la rue de la République. C’est là qu’Antoine séjourna avec ses parents jusqu’à leur décès, tout en exerçant la profession d’avocat sans jamais contracter mariage, à l’inverse sa sœur Marguerite (1811-1895) et de son frère Jean (1813-1903). Ces derniers épouseront respectivement Jean-Alphonse Coste dit Coste-Reboulh et Zélia Jaffus dont les descendants sont connus sous le nom de Marty-Jaffus. Dans cette famille nous citerons également Jean Antoine Marty (1838-1916), qui sera lui aussi maire de Carcassonne, député et ministre du commerce. C’était le cousin germain d’Antoine.

    Antoine Marty s’opposa à Napoléon III pendant le Second Empire et fonda le Cercle républicain de Carcassonne après le 4 septembre 1870. Il occupa le poste de Premier adjoint au maire durant le mandat de Teisseire et au moment de sa révocation fut désigné pour lui succéder. Ce jour de dimanche 10 septembre 1882, le conseil municipal réélit Teisseire malgré l’arrêté préfectoral le privant de ses fonctions, mais ce dernier ne voulant pas faire obstruction à la vie municipale démissionna dans la foulée. Malgré son absence, dix-huit voix portèrent Marty à la tête du conseil municipal qui, bien qu’ayant accepté la charge, ne présida guère les séances. Antoine Marty se  fit excuser pour maladie et son adjoint, le vétérinaire Casimir Fabre, le remplaça à chaque fois.

    On ne peut donc pas retenir grand chose du mandat d’Antoine Marty, en raison non seulement de son absence, mais surtout de sa durée. Au mois de décembre, prétextant des toujours des ennuis de santé, celui qui n’avait choisi que d’être un prête nom démissionna de ses fonctions. Le 14 janvier, le conseil municipal appelé à lui choisir un successeur, élit Gaston Fédou. Marty poursuivit ses activités d’avocat et s’éteignit chez lui le 27 janvier 1891 d’une attaque d’apoplexie.

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    L’ancien maire légua par testament en date du 22 juillet 1890 enregistré Chez Me Amigues, une somme de 100 000 francs aux pauvres de la ville, divisée pour moitié aux hospices et au bureau de bienfaisance. Une semaine avant son décès, il distribua chez lui 1000 francs, soit 2 francs par personne, à la foule de malheureux qui s’y présentait. Son cousin Jean Marty fut chargé de donner 500 francs aux pauvres le jour de sa sépulture à l’intérieur de la maison mortuaire. Le corps du bienfaiteur fut ensuite conduit à l’église Saint-Vincent où le chanoine Dariez l’attendait. Après quoi, l’inhumation eut lieu au cimetière Saint-Vincent où il repose encore aujourd’hui.

    La ville de Carcassonne par égard pour sa générosité envers les pauvres de la commune, débaptisa la rue des jardins et lui donna le nom d’Antoine Marty le 6 février 1891.

    On a écrit beaucoup d'erreurs sur la biographie de ce personnage. Nous espérons les avoir corrigées.

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  • Benjamin Franklin - ambassadeur des Etats-Unis - et ses frères de Carcassonne.

    Le nom de Benjamin Franklin (1705-1790) est passé à la postérité grâce à son invention du paratonnerre. On peut regretter que le grand public ne l’identifie pas davantage comme le diplomate américain qui lutta avec force pour l’abolition de l’esclavage. Franklin participa à la rédaction de la déclaration d’indépendance des Etats-Unis et sa Constitution ; il fut à ce titre le premier ambassadeur de ce pays en France de septembre 1778 à mai 1785.

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    L'un des pères fondateurs de la Constitution des Etats-Unis

    Dans les nombreux courriers de Benjamin Franklin conservés au National Archives, on observe que les Carcassonnais entretenaient des relations amicales avec le diplomate. Ces liens s’étaient noués grâce à la Franc-maçonnerie pour laquelle Benjamin Franklin avait été initié en 1731 à la loge Saint-John. Depuis son installation en France comme ambassadeur, il avait été admis à la loge « Les neuf sœurs », installée dans un ancien établissement du noviciat des Jésuites de Paris. Franklin en fut même le Vénérable par deux fois et y reçut Voltaire comme apprenti franc-maçon. Il est fort probable qu’en son sein M. l’Ambassadeur ait connu Pierre Thoron de Lamée, au service du comte d’Artois et affilié à la loge « Les trois frères Unis » à l’Orient de Versailles. Thoron de Lamée, de retour à Carcassonne, deviendra le secrétaire de la loge « Les commandeurs du Temple » de Carcassonne. Ceci expliquerait la relation privilégiée de cette loge avec Benjamin Franklin et les services que le diplomate consentit à accorder à ses nombreuses sollicitations.

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    Benjamin Frankin et Georges Washington

    Les relations avec les Carcassonnais débutèrent avant même sa nomination au poste d’Ambassadeur de France, si l’on en juge par le courrier que lui adressa Cusson aîné, marchand -fabricant de draps et membre de la loge « La parfaite vérité »,  le 17 mai 1777 :

    "Je fabrique des textiles et des draps pour l’Amérique. Un certain nombre de négociants français les ont demandés et, je le sais, les ont vendus avec profit aux américains, que je voudrais voir bénéficier directement de mes produits bon marché. Mon offre aurait un meilleur accueil si elle relevait de vos auspices. Je poins une liste de prix."

    Une annotation de la main de Franklin mentionne son approbation avec ces mots : « Proposition sur les tissus ». Cusson aîné avait repris la direction Manufacture royale de Pennautier après la mort de son père Paul, survenue le 10 août 1775.

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    Autre exemple, celui du baron de la Courtette - Hôtel St-Martin, rue froidmanteau à Paris -  qui sollicite une audience en 1781 auprès de Monsieur l’ambassadeur. Il s’agit selon toute vraisemblance du sieur d’Uston, lui-même franc-maçon et fabricant de draps - propriétaire du château de la Courtette près de Limoux. La Courtète s’écrit désormais sans la double consonne. Il était le représentant des Commandeurs du temple. Lorsque les Commandeurs du temple acceptèrent la direction du Grand Orient en 1783, ils choisirent La Courtette comme député. « M. Franklin est à la maison tous les matins, sauf les mardis, et sera prêt à recevoir le Barton de la Courtette dès qu’il lui fera l’honneur de l’invoquer. »

    En 1780, le sieur Andrieu écrit à Franklin une lettre dans laquelle il expose son désarroi vis-à-vis de la situation de sa famille. Malgré sa respectabilité, il a enduré « des malheurs marqués » et il lui a été conseillé de tenter sa chance à Paris. Mais sa misère étant plus forte que jamais, son dernier espoir serait d’émigrer en Amérique où ses talents lui permettraient de survivre. Toutefois, n’ayant pas l’argent pour s’y rendre il demande à Benjamin Franklin de bien vouloir l’aider. La recommandation des Commandeurs du temple va accélérer le traitement de la demande d’Andrieu le 18 septembre 1780 :

    Très cher frère,

    Nous n’avons pas douté un seul instant, de vous voir sensible au malheur de la famille que nous vous recommandions, son état était un titre infaillible auprès de vous ; mais nous n’osions nous flatter de vous voir porter votre attention, jusques à nous offrir de faire passer vous-même nos lettres à M. Le chevalier de la Luzerne. Une grande âme ne sait pas faire le bien à demi ; vous nous l’avez prouvé plus que jamais en nous fesant une offre dont nous n’userons pas parce que la famille Andrieu, avait déjà écrit à Monsieur l’Ambassadeur avant votre réponse. Nous ne laisserons pas perdre cependant le fruit de votre bonté, et nous vous supplierons, de vouloir bien vous rappeler les promesses que vous nous avez faites d’écrire en Amérique. Vous mettrez le comble à vos bienfaits, si vous voulez vous intéresser auprès de M. De la Luzerne. Recevez en attendant pour tant de soins nos remerciements. Les éloges les plus pompeux les suivraient, si votre modestie ne nous imposait le plus profond silence […] Notre bonheur sera parfait si nous pouvons avoir le bonheur de vous voir affilié à notre temple, et figurer dignement à côté des hommes illustres que nous possédons déjà. Signé Roques, vénérable en exercice.

    Après plusieurs sollicitations d’affiliation à la loge Carcassonnaise, Franklin finit par lui envoyer un courrier le 1er mai 1783 dans lequel il accepte l’honneur qui lui est fait. Il est adressé à David de Lafajole : 

    "Chers frères, J’ai reçu votre lettre fraternelle du 21 et je suis extrêmement sensible à vos aimables félicitations et à l’honneur que vous proposez de me faire par un acte d’affiliation dans votre très respectable loge. J’accepte l’offre avec une grande satisfaction. Et en vous souhaitant toutes sortes de félicité, en particulier que votre pouvoir de faire le bien soit toujours égal à votre inclination, je reste, votre très affectueux frère."

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    Benjamin Franklin est vénérable d'honneur des Commandeurs du temple de Carcassonne.

    Le 24 juin 1783, les Commandeurs du temple par la plume de Vidal de Saint-Martial, vénérable en exercice, et mandement de Thoron de Lamée, secrétaire, répondent à Benjamin Franklin :

    Au très digne très vertueux et très respectable frère Docteur Franklin, Ministre plénipotentiaire des Etats-Unis de l’Amérique auprès de la Cour de France à l’Orient de Paris,

    A la réception de votre planche, la loge fut extraordinairement assemblée ; à peine eûmes-nous fait lecture de ce que nous vous faites la faveur de nous écrire, que vôtre admission fut célébrée avec tous les transports de la joye la plus vive. Il était impossible de contenir nos frères. Les applaudissements et les vivats les plus redoublés retentissaient de l’Orient à l’Occident. Cependant, voulant à vôtre agrégation tout l’éclat dont elle est susceptible, le fête sollemnelle en fut envoyée à la St-Jean. Nous ne vous en donnâmes pas avis parce que nous respectons trop vos préoccupations. Ce jour est enfin venu après avoir été bien désiré, vous trouverez cy joint le détail de nos travaux mais vous n’y verrez pas quoique on aye pu dire. Cette joye et ces transports dont nous étions pénétrés, enviant tenterait-on de les peindre.

    Le comte de Caux [NDLR : Louis Gaspard de Roger de Cahuzac (1736-1827), chevalier de Saint-Louis] absent n’a point eu l’honneur de vous représenter et vous lavez fait vous-même. Un peintre italien et maçon a copié votre portrait d’après Veilles peintre en migmature sur l’émail à Paris. Ceux qui ont eu le bonheur de vous voir ne peuvent se méprendre à ses traits. C’est cette image qui a été apportée en triomphe le jour de votre affiliation. Une délibération de la Loge ordonne quelle restera perpétuellement dans notre temple.

    Quoique éloigné de nous par ce moyen, vous serez toujours présent à nos assemblées. C’est cela que vous recevrez nos hommages et que vous serez témoin de ces vœux ardents que nous formons pour la conservation des jours d’un homme d’un sage et d’un savant qui n’a pas dédaigné de s’unir plus étroitement à nous. [Note : Les francs-maçons de Carcassonne. 24 juin 1783]

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    Le médaillon en émail qui se trouvait dans le temple de Carcassonne. Il est l'ouvre de Jean-Baptiste Weyler (1747-1791

    Sources

    Nous satisferons les demandes en nous écrivant à l'adresse de ce blog

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