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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 92

  • Le maire démissionne pour avoir voulu sonner la tinette d'alarme !

    © Le hussard sur le toit / Hans SILVESTER - Getty

    L’épidémie de choléra (5e pandémie) qui va toucher la France à partir du 22 juin 1884 est d’abord signalée par un premier foyer infectieux à Toulon, transporté à bord du navire « La Sarthe » en provenance de Saïgon. Peu-à-peu la maladie s’étend vers Arles et Marseille où l’on déplore 1777 victimes. A Carcassonne, le maire et docteur en médecine Abel Petit prend un arrêté municipal six jours après dans lequel « il est enjoint à tous les propriétaires ou gérants d’hôtels, d’auberges ou de maisons garnies de signaler quotidiennement au commissariat central de police toutes les personnes en provenance de Toulon qui viendront prendre logement chez eux, afin que ces personnes puissent être l’objet de visites sanitaires. » On fait également désinfecter les rues dans lesquelles se vident le soir et le matin, les vases contenant les matières fécales des habitants. Au moment de l’épidémie de 1854, afin de supprimer la fâcheuse habitude du jet au ruisseau, un système de vidange se faisait au moyen de tonneaux moulés sur roues. Il passait dans les rues et les habitants venaient y déverser les déjections humaines. Malheureusement cette pratique présentait de sérieux inconvénients et l’on revint aux anciennes habitudes.

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    © Mémoire d'Allauch

    Vidangeur dans les années 1960

    La pandémie de Choléra de 1884 causa la mort de 576 personnes dans l’Aude, dont 162 à Carcassonne. Le 4 décembre, Abel Petit signe un nouvel arrêté obligeant les propriétaires à installer à leurs frais des tinettes dans leurs logements : « Le jet des matières fécales au ruisseau est interdit d’une manière absolue. Il est enjoint à tout propriétaire de faire établir avant le 1er mars prochain, une ou plusieurs fosses d’aisance fixes ou mobiles. » Cette décision s’accompagne d’éventuelles mesures coercitives à l’encontre des contrevenants, qui seraient pris en flagrant délit de dépôt d’ordures dans les rues. Au mois de février 1885, soixante-huit propriétaires comparaissent devant le juge de paix ; une trentaine sont condamnés pour avoir refusé d’employer l’appareil destiné à remplacer les fosses fixes. L’article 11 de l’arrêté stipule que « les fosses mobiles ou tinettes que les entrepreneurs seront assujettis à fournir aux propriétaires des maisons dépourvues de fosses d’aisances fixes seront en métal peint, dont un modèle est déposé en mairie. » L’entreprise de salubrité publique Sarda ayant obtenu le marché, elle est tenue d’installer les tinettes chez les propriétaires. Elle percevra 15 francs par an pour les tinettes remplacées une fois par semaine, 20 francs pour celles remplacées deux fois et 25 francs pour celles remplacées trois fois.

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    Tinette

    L’opposition à cette obligation sanitaire grandit au sein de la population, en même temps que sont dressées les contraventions. Dans sa séance du 14 avril 1885, le tribunal de simple police a procédé à cent condamnations de 1 à 6 francs pour infraction à l’arrêté. Certaines personnes prétendent ne pas avoir les moyens financiers ; d’autres, que la place leur manque. Tous les  arguments sont avancés pour tenter de s’affranchir de cet arrêté. « Où voulez-vous que je la mette votre tinette, s’exclame une femme ? Sous la table où nous mangeons ? Est-ce que Monsieur le maire qui nous pousse ainsi a fait placer la sienne de tinette dans sa salle à manger ? » Le mécontentement gronde… Une pétition signée par 85 personnes demandant l’abrogation de l’arrêté sur les tinettes se retrouve sur le bureau du préfet et l’affaire enfle.

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    © Ministère de la culture

    Une vieille rue dans les lices de la Cité

    Au cours du conseil municipal du 4 mai 1885, la question de la pétition est évoquée et son devenir doit être tranché. Ce jour-là une foule nombreuse et déchaînée s’est massée dans le lieu des délibérations municipales. Le maire tente bien de rappeler l’utilité sanitaire des mesures qu’il a été contraint de prendre pour le bien être de tous, mais il se fait interrompre par des cris : « C’est faux ! Démissionnez, démissionnez ». Le docteur Petit use de la sonnette pour ramener le calme ; il menace d’user de son pouvoir de police pour faire évacuer la salle. Lorsqu’il peut enfin placer deux mots, il évoque la République préoccupée par l’école et l’hygiène. « Vous voulez ruiner l’ouvrier, lui lance t-on ! » Alors en désespoir de cause, le maire rappelle cette fièvre typhoïde qui emporte toujours en ville 20 à 30% des personnes qui en sont atteintes. Comme médecin, il a devoir de prendre toutes les mesures qui prescrit une bonne hygiène.

    Aucune solution ne semble permettre au maire de sortir de l’impasse impopulaire de son arrêté. Les propriétaires ne veulent pas s’y soumettre pour le bien de leurs locataires, ni plus largement pour l’assainissement des rues de Carcassonne. La proposition adoptée par le conseil municipal visant à réduite le tarif de la tinette en fonction des ressources de chacun, ne désamorce pas la crise de défiance. Non ! Ils ne veulent pas du progrès. Il faudra attendre les années 1930 pour qu’un autre médecin, devenu maire lui aussi, fasse poser un système d’égout dans la ville. Aujourd’hui, il a un nom de rue. Tout le monde a oublié le Dr Abel Petit, voué aux gémonies, et contraint à la démission pour s’être soucié de la santé de ses administrés.

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  • Les concours de pêche à ligne à Carcassonne au XXe siècle

    Si les concours de pêche à la ligne ont pratiquement disparu autour de Carcassonne, n’oublions pas qu’ils étaient autrefois régulièrement organisés sur les bords de Canal du midi. Nous possédons quelques photographies prises le long de la route minervoise témoignant du succès de ces évènements.

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    Quelques noms de lieux en rapport avec la pêche ravivent encore les souvenirs de ces moments de détente passés à taquiner le goujon. C’est le cas par exemple de la guinguette « Au grougnou » située au Pont rouge près de l’écluse du Fresquel. Qu’es-aco le Grougnou ? C’est le nom occitan du goujon, ce poisson de rivière qui ne vit que dans les eaux claires et non polluées. Si l’on aperçoit encore à proximité de ce lieu sur le mur d’une bâtisse, une publicité pour la marque de l’apéritif « Suze », c’est parce qu’elle sponsorisait les concours de pêche.

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    "Au Grougnou", près de l'écluse du Fresquel

    Ces évènements étaient très nombreux à Carcassonne après la guerre. Il y avait le concours du pont-vieux, le concours de la ville au Païchérou. Ce dernier s’étendait depuis la piscine jusqu’à Patte d’oie. Robert Prottes, ancien des Capucins, nous explique que les berges de l’Aude n’étaient pas aménagées et qu’aucune route goudronnée n’existait pour monter sur la Patte d’oie où l’école des filles était aménagée dans un bâtiment préfabriqué. Le grand concours du 14 juillet  se passait sur les bords du Canal du midi à la Minervoise.

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    Georges Marty (debout à droite), vainqueur du concours national de pêche en 1965. M. Cigoyenetche (assis à droite), champion de l'Aude 1963.

    Tous ces pêcheurs formaient une famille et se réunissait au café Calmet au sein de l’Amicale des pêcheurs de concours. Cet établissement, bien connu des anciens, se trouvait sur l’actuelle place Gaston Jourdanne.

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    Henri Lutger

    Dans les souvenirs de Robert Prottes dont l’oncle Henri Lutger, décédé en 2007 à Carcassonne, avait remporté un grand nombre concours locaux et nationaux, les classements étaient établis à la pesée. Cinq points par poisson, un point par gramme : « On attrapait des cabots, des goujons, des gardons. » On se fournissait chez Artozoul en hameçons, rue de la gare.

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    Concours de pêche à Carcassonne, près du Quai Riquet

    Quand le café Calmet fut rasé, la pesée s’effectua au Grand café Glacier de Félix Miailhe, boulevard du commandant Roumens. Une coupe était remise au vainqueur et les lots se retrouvaient partagés entre les autres concurrents. Tout se terminait par un chaleureux apéritif entre le pastis et la Suze, marque officielle du concours.

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    Le Championnat de l’Aude - remporté en 1960 et 1961 par Henri Lutger - qualifiait le vainqueur pour le championnat de France qui se déroulait sur les berges du canal de l’Ourcq à Paris. Robert Prottes révèle que son oncle était parti de Toulouse en train pour Paris-Austerlizt. Arrivé dans la capitale avec d’autres pêcheurs, il traversa la ville en métro avec cannes à pêche, garbuste et épuisette. Une autre époque pour tous les pescofis de notre département, car les concours se passaient également à Canet d’Aude, Villepinte, Pennautier, Preixan, Marseillette, Luc-sur-Orbieu, Grèzes-Herminis, etc.

    Merci à Robert Prottes pour ses souvenirs qui feront sans doute beaucoup de bien à nos lecteurs

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  • Il était une fois le rêve d'un jeune Carcassonnais

    Il était une fois un enfant issu d'une modeste famille de Carcassonne qui rêvait d'être artiste depuis qu'il avait entendu sur un vieux disque, la voix de Luis Mariano. Dans le grenier, au milieu de vieux habits et de quelques objets, il s'était construit un personnage d'opérette à l'habit de lumière et à la voix d'or. De son idole, il finit par connaître tout le répertoire vocal et s'imagina un jour mettre ses pas dans les siens. Alors, lors des repas de famille cet enfant ne se faisait jamais prier pour tester un public tout acquis à sa cause. Quand vinrent plus tard les auditions de piano des élèves de sa tante, le Joselito Carcassonnais fut appelé à se produire ; là encore, tout le monde tombait en pâmoison devant lui. Au conservatoire de Toulouse, il fut admis dans la classe de chant au milieu, cette fois, de plusieurs concurrents très sérieux. Ce fut par la petite porte et sans enthousiasme pour le génie qu'il pensait détenir dans ses cordes vocales. On changea de registre, laissant l'opérette de Francis Lopez jugée au second plan, pour l'excellence d'un enseignement placé entre les mains de pédagogues assurés de détenir la vérité. Au bout de trois ans, le jury du concours fit tomber le couperet comme Robespierre sur Desmoulins : "Il ne sait pas chanter" - "Il ne fera jamais rien dans ce métier". Le jeune homme, désespéré d'avoir été ainsi bafoué par une bande de briseurs de rêves détenant la vérité séculaire de l'auguste institution, renonça à prolonger l'expérience toulousaine. Au cours de l'un de ses voyages chez un cousin à Figueras, celui-ci lui conseilla de se faire entendre par un maître du chant : Helmut Lips. "C'est vrai lui dit-il, on ne vous a rien appris à Toulouse. Toutefois, votre voix est comparable à celle d'Alfredo Kraus. Je vais vous enseigner un très bon professeur près de chez vous. Il s'agit d'une vraie passionnée de la voix : Christiane Sans à Pexiora." Pendant plusieurs années, le Joselito Carcassonnais suivit les conseils de cette dame, dont l'unique diplôme avait été de former d'excellents chanteurs. C'est ainsi qu'il put ensuite entrer dans le Chœur de l'armée française, puis à l'Opéra de Limoges. On le vit à la télévision pour le 50e anniversaire du débarquement en Normandie où il chanta face à Bill Clinton, Queen Elisabeth 2, François Mitterrand, Tony Blair. Aujourd'hui, il se produit sur toutes les scènes de France : Caen, Rouen, Bordeaux, Opéra-Comique à Paris, Reims, etc. Un jour viendra sans doute, où il lui sera permis de se produire dans le département de l'Aude... En attendant, il repense souvent au conservatoire de Toulouse. De tous ceux auquel il était promis un grand avenir, il n'en reste peut-être que trois ou quatre dans le métier. Aujourd'hui, cet enfant ne sera jamais ni Pavarotti, ni Kraus, ni Alagna mais il a plaisir de vous faire partager ce qu'il a au fond de son cœur.