Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 84

  • Vincent Gambau (1914-1982), compositeur Audois

    Le 2 février 1982 s’éteignait à Cenne-Monestiés dans l’Aude l’un des plus prolifiques compositeurs et arrangeurs français originaires de notre département. S’il est de notoriété publique que la valorisation des acteurs culturels de premier plan n’a jamais été la préoccupation de nos édiles départementaux, que dire de l’oubli dans lequel ils les ont laissé choir. Or, Vincent Gambau possédait le talent, l’envergure et la notoriété nationale qui auraient dû éclairer la vie musicale de l’Aude avec la lumière de la passion.

    Capture d’écran 2020-10-04 à 10.15.03.png

    Né le 2 janvier 1914 à Paris dans le 11e arrondissement, Vincent Gambau est issu d’une famille originaire de la catalogne émigré en France au XIXe siècle. Son père, Victor Roch qui avait vu le jour à Carcassonne le 16 août 1887 s’était uni à Jeanne Marie Costesèque, une jeune femme native de Cenne-Monestiés. Typographe de son état, il habitait 17 rue Emile Zola avant de rejoindre la capitale avec son épouse et y vivre 47, rue des Pyrénées. N’y a t-il pas de plus belle adresse pour un enfant du pays ? Sous l’Occupation, Victor Roch Gambau dirige l’économat de la Maison de Sèvres. Dans cette institution fondée par Pétain en 1941, il contribua à cacher et à sauver plusieurs dizaines d’enfants israélites de la déportation.

    Victor Gambau.jpg

    © Maison de Sèvres

    Victor Roch Gambau

    Vincent Gambau débute sa carrière en qualité de professeur d’enseignement public. Directeur honoraire d’un établissement spécialisé de l’Education Nationale, il atteint parallèlement la célébrité de compositeur, critique musical et critique de disques. En 1946, il signe la musique du film Face à la vie de René Chanas dans lequel figure Simone Signoret et Raymond Bussières. Le catalogue de Vincent Gambau s’enrichit de ses nombreuses compositions et arrangements dans tous les domaines de l’art musical : chansons, ballets, folklore, musiques de films documentaires, symphonies, etc. Il harmonisa les chants de la liberté 1789, 1830, 1848, 1870, 1944.

    s-l1600.jpg

    Membre de l’Académie du disque, il fut maintes fois lauréat de l’Académie des Beaux-arts pour ses œuvres musicales. Nous citerons le prix Bordin (1946), le prix Bermier (1952) pour son étude « Contribution à l’étude du folklore nééerlandais », le prix Bermier (1952) pour « Berceuse de tous les pays » ;  il avait mis dix ans pour réunir un à un 300 échantillons du folklore mondial, le prix Brémont (1959), le prix de la Société des Auteurs et Compositeurs de Musique (1952) pour une œuvre symphonique. Par ailleurs, Vincent Gambau administra depuis 1969, la Caisse allocation vieillesse des professeurs, auteurs et compositeurs de musique. Depuis 1947, il faisait partie du jury du Conservatoire Supérieur de Musique de Paris et avait été nommé expert musicien auprès du Tribunal de grande instance de Paris.

    Précisons que les disques de Vincent Gambau se vendirent à plus de 500 000 exemplaires… Cet homme à la carrière musicale si bien remplie, choisit de finir ses jours à Cenne-Monestiés. C’est dans le cimetière de cette petite commune du Lauragais que repose le compositeur. Espérons qu’à la lumière de cet article, le souvenir de Vincent Gambau jaillira à nouveau dans l’esprit de ceux qui l’ont connu.

    _______________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • Les secrets révélés d'un bel immeuble, 44 rue de la République

    La Bastide Saint-Louis recèle de véritables trésors architecturaux du XVIIIe siècle. Nous le savons, ils sont le fruit de l’opulente réussite des marchands drapiers. Ce qui demeure encore méconnu et non étudié, ce sont les immeubles Art-nouveau non encore inventoriés. Au détour d’une rue, le touriste curieux ou l’autochtone errant peut être arrêté par la beauté de l’une de ces façades richement ornementées. Qui pour le renseigner sur leur histoire ? Si aucun érudit n’a entrepris de recherche, les professionnels du tourisme sont incapables de relayer une seule documentation sur le sujet. C’est bien regrettable… Dans notre quête permanente de ce Carcassonne oublié, nous nous mettons régulièrement dans la peau de ce touriste curieux, frustré par tant de silence.

    En arpentant le haut de la rue de la République, une maison attire notre regard. Le numéro 42, buriné sur la façade comme gravé pour l’histoire, rappelle le souvenir jadis florissant de cet immeuble. En 1729, le marchand drapier Jean Faucher possédait là une parcelle sur le Carron de Montlaur ; bien avant que Anne Laforgue (1774-1861), veuve du bourrelier Vincent Isaac Rech (1763-1831), ne vienne habiter à cet endroit. Au n°8 de la rue du marché, leur fils Antoine Vincent (1808-1876) exerçait la profession de vitrier avec son épouse Pauline Bosviel, la fille d’un fabricant de la manufacture de Montolieu. C’est ici que naquirent Marie Pauline en 1836 et Marc Antoine Justin en 1842. Le couple déménagea après le décès d’Anne Laforgue dans la maison qu’elle occupait 42, rue Sainte-Lucie ; cette rue qui porte depuis 1883 le nom de la République.

    Capture d’écran 2020-09-23 à 16.01.18.jpg

    Antoine Rech y installa son atelier de miroiterie. Aidé dans sa tâche par son fils Justin, il effectuait des travaux d’encadrement, de dorure et de peinture. La Maison Rech, ainsi dénommée, avait construit sa réputation sur le sérieux et la qualité de ses produits. Artisan reconnu, Antoine Rech n’en était pas moins un fervent républicain qui n’hésita pas à louer une partie de ses locaux à la franc-maçonnerie. Lui ou son fils en étaient-ils membres ? Nous le soupçonnons sans toutefois en avoir la certitude. Le 26 octobre 1862, la loge « Les vrais amis réunis » du Grand Orient de France est inaugurée à l’intérieur de la Maison Rech. Quatre ans plus tard, elle sera priée de trouver un autre local avant une mise en sommeil de plusieurs années ; Antoine Rech souhaite passer la main à son fils avec lequel il va v aller vivre, rue Sainte-Lucie. Il commence à liquider son stock puis à vendre le n°8 de la rue du marché à M. Camboulive en 1873.

    Capture d’écran 2020-09-23 à 15.56.52.png

    Dès lors, le 42 devient un lieu de réunions politiques. A la mort de son père, le fils Rech qui occupe les fonctions d’administrateur délégué de la Société démocratique puis de trésorier du Cercle républicain, accentue son œuvre en faveur de la République. Trouve t-on extraordinaire que Théophile Marcou installe les bureaux de son journal La fraternité chez Justin Rech, le 9 mars 1877 ? L’ami d’enfance de Barbès dresse ici des temples à la vertu et des cachots aux vices, il vilipende les lois du gouvernement de l’Ordre moral de Broglie et ses mesures liberticides. Ses papiers sont imprimés chez Pierre Polère, l’imprimeur 33, rue Saint-Vincent (4 septembre), malgré les menaces de censure et les amendes au-dessus de sa tête. 

    Au moment du partage de la succession d’Antoine Rech en février 1877, son fils qui a pris sa suite, garde les immeubles du 42, rue Sainte-Lucie. Pour cela, il paie une soulte de 14 000 francs à sa soeur Marie Pauline, mariée avec Jean Armand Teisseire. Délaissant petit à petit l’artisanat de son père, Justin réoriente l’affaire familiale vers le commerce des articles de fêtes. Drapeaux tricolores, feux d’artifice, ballons, etc… Ses clients sont désormais les maires républicains des communes auxquels il fait appel pour l’achat de ses produits. Le fils du vitrier ne manque d’ambition politique. Aux élections municipales du mois de mai 1888, il figure sur la liste socialiste de Jourdanne et obtient sur son nom un très bon score au premier tour. Malgré cela, il va faire les frais de circonstances électorales inédites. Les républicains partis divisés en trois listes doivent fusionner pour ne pas laisser la ville aux réactionnaires de droite, arrivés en tête au premier tour.

    Capture d’écran 2020-09-23 à 16.05.09.png

    Façade de l'actuel 44, rue de la République

    C’est à cette époque que Justin Rech fait appel à l’architecte Léopold Petit, premier adjoint au maire de Jourdanne. La vieille maison du 42, rue de la République se transforme alors sous les traits du génie de Petit, en une demeure dont la façade n’a pas d’égal dans le quartier. Richement sculptée par Jean Guilhem (1822-1905), cet immeuble sur trois étages et terrasse présente toutes les caractéristiques du style Art-nouveau. Hélas bientôt, le carrosse se métamorphose en citrouille et les laqués en souris. Adieu, veaux, vaches, cochons, couvée… la faillite qui guète Justin Rech finit par le rattraper. Pris à la gorge par les traites, le 5 juin 1894 tous ses biens font l’objet d’une mesure d’expropriation à la demande de Jean Baptiste Marie Armand Larrousse, directeur de la succursale du Crédit Foncier de France. La maison avec sa cour et jardin renfermant trois corps d’habitation est vendue aux enchères publiques le 13 septembre de la même année.

    20200728_110223.jpg

    Caveau du sculpteur et tailleur de pierre, Jean Guilhem. Cimetière Saint-Michel 

    Malgré sa ruine, Justin Rech n’a à pas attendre longtemps avant de trouver un emploi. Le 10 juin, soit cinq jours après sa saisie, la mairie de Carcassonne créé un poste spécialement pour lui. Le voilà Inspecteur de la salubrité publique. Le scandale éclate par la voix de M. Cros, pourtant élu de la majorité municipale. Comment le parent de Léopold Rousset, membre du conseil municipal, peut-il être employé à la ville ? L’affrontement entre Cros et Rech à la terrasse d’un café appelle réparation ; les hommes vont donc se battre en duel. A la chaussée de Maquens, le duel tourne à la mascarade et ne fait pas de vainqueur. 

    Justin Rech qui entre temps divorcera d’avec son épouse Rose Anne Horéty le 30 décembre 1894, sera promu Receveur principal des receveurs de place. Nous ne savons pas ce qu’il advint de lui jusqu’à sa mort le 20 novembre 1913 à l’hôpital Saint-André de Bordeaux. Il avait une fille , Baptistine Pauline Augusta, mariée en 1898 avec Joseph Mas, originaire de Quillan. En 1906, le couple vivait à Tours avec leur fils Marcel, né en 1900.

    Ce n’est certainement pas un hasard si l’ancienne rue Sainte-Lucie prit en 1883 le nom de la République. Il fallait bien que ce choix fût dicté par l’histoire d’un lieu symbolique, celui de la Maison Rech.

    Sources

    Cet article ayant demandé plusieurs heures de recherches et afin de ne pas alimenter les pilleurs qui ne citent jamais ce blog, il n'est pas fait mention des sources.

    __________________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • La pension de Mlle Cèbe, 15 rue de Verdun à Carcassonne

    Au XIXe siècle, la ville de Carcassonne possédait de nombreuses institutions privées pour l’enseignement des filles et des garçons. La mixité n’étant pas encore entrée dans les mœurs, chaque pensionnat gardait sa spécificité. Au n°6 de la rue Victor Hugo, la pension Maure dirigée depuis longtemps par la femme du professeur de philosophie du lycée, préparait les jeunes filles de la bourgeoisie Carcassonnaise au Brevet élémentaire ou supérieur et même à l’Ecole normale. Elle garantissait la haute valeur morale de l’établissement et affichait régulièrement dans la presse le succès des élèves reçues aux examens. Lorsque Madame Maure cessa son activité, Anne-Marie Cèbe lui succéda dans le local du n°6 rue Victor Hugo. Cette demoiselle née à Pexiora le 23 mai 1855 profita de la réputation de celle qui la précéda mais ne resta pas longtemps à cet endroit. Le 20 juin 1890, le local en location fut repris par la pension de Mademoiselle Jouve.

    Pension Cèbe.jpeg

    Les élèves de la pension Cèbe en 1905

    Mademoiselle Cèbe alla s’installer dans l’actuelle rue de Verdun au n°13, à côté de la chapelle des Dominicaines. On y accédait par un couloir dallé, débouchant sur une cour carrée pavée de galets. Au fond, un autre couloir conduisait à a cour principale entourée par les classes et le préau. Au premier, il y avait le réfectoire, le parloir et une partie des dortoirs, les autres se trouvant au second. En 1905, la pension comptait quarante internes et deux cent cinquante externes, qui apprenaient l’histoire et la géographie avec Madame Pomiès. Les sciences étaient enseignées par M. Vergé. Mesdames Latché et Valette apprenaient le français aux élèves ; Mademoiselle May Byrne, irlandaise de son état, donnait les cours d’Anglais et Madame Webfter, la musique.

    Hortense Larregola (née en 1882) dirigeait les petites classes, aidée par Mlle Adèle Oustric. Cette dernière dont l’extraordinaire beauté faisait l’admiration de la ville avait une jeune sœur prénommée Antoinette et un frère Albert (1887-1971). Le fils du cafetier de l’Ambigu à Carcassonne fonda une banque à Paris, mais sa faillite frauduleuse entraîna sa chute plusieurs hommes politiques éclaboussés par le scandale. 

    A la pension Cèbe, le lever était à sept heures. Toilette, demi-heure d’étude avant le petit déjeuner qui était servi une heure plus tard. La cuisinière, Eugénie, était une femme corpulente mais un peu sale. Elle possédait un chien plein de puces qu’elle gardait dans sa chambre. Le midi on servait des hors-d’oeuvre, légume, viande, dessert et vin à volonté. Le dîner, un potage toute la semaine sauf le vendredi, où l’on servait du thon. Le dimanche c’était poulet ; les élèves se dévouaient pour aller écosser les petits pois à tour de rôle.

    2317361770.jpg

    A la fin de l’année, les élèves construisait une estrade dans la grande cour et le jour de la distribution des prix, ils y jouaient des pièces de théâtre. Les décors étaient prêtés par M; Lambrigot, l’antiquaire qui occupait la chapelle.

    A la suite de la pension Cèbe, l'institution Jeanne d’Arc de filles fit l'acquisition de l'ensemble de l'immeuble de la rue de Verdun. Madame Dubéchot en était la directrice. On citera les professeurs Mesdames Jambrun, Brulard, Raynaud, Labardens, Bonnabry, Gouzy, Huc, Martin, Aribaud, Bélondrade, Salillas et Durand. L'institution eut ainsi deux sorties, l'une rue Aimé Ramond et l'autre dans la rue Coste-Reboulh. Sur cette photo, à l'emplacement de l'agence immobilière il y avait deux fenêtres à barreaux (voir gravure Lambrigot). L'une était le logement des concièrges, deux femmes assez agées avec un chignon sur la tête. L'autre, le parloir dont la porte donnant sur le couloir a été murée était au départ le bureau du quincaillier Pouchelon.

    663145557.jpg

    L'Institution Jeanne d'Arc quitta les lieux en 1929 et alla s'installer dans la rue Victor Hugo où elle est encore. La chapelle des dominicains devint alors, la mercerie-bonneterie de Joseph Fourès. Les bâtiments de l'école devinrent en majorité des appartements. A l'ancien parloir s'installa l'herboriste Alexandre Renaud qui jouait à l'ASC. L'ensemble de l'immeuble au rez de chaussée fut modifié. D'abord en 1933 par Robert Ducos. A droite du couloir, il fit un bar à café (Café Biec et biscuits Curat-Dop) et à gauche, une épicerie. La devanture resta en l'état jusqu'aux années 1960 puis, il céda l'épicerie à madame Lauze.

    Capture d’écran 2020-09-21 à 15.03.40.png

    Anne-Marie Cèbe venait de Pexiora. Son nom est un dérivé de l’occitan Ceba (prononcez Cebo) qui signifie oignon. Dans l’Hérault, une ville s’appelle Lézignan-la-Cèbe. Elle était parente avec M. Emile Félix Arthur Taillefer (1863-1929), pharmacien originaire de Sérignan, 41 rue de la gare à Carcassonne. Cet homme marié à Marie Cèbe (1870-1954) eut deux fils dont l’un fut tué le 23 avril 1918 durant la Grande guerre. L’autre, s’appelait René Taillefer (1895-1968).

    Sources

    Etat-civil / ADA 11

    Le courrier de l'Aude

    Souvenirs de Madame Taillefer, née Dumas

    Raucoules (Alfred), La grand rue

    __________________________________

    © Tous droits réservés / musique et patrimoine / 2020