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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 90

  • Joseph Dupré (1742-1823), député et maire de Carcassonne sous la Révolution

    Joseph Dupré naquit le 25 novembre 1742 dans une famille bourgeoise de marchands-fabricants dont le statut social avait permis à Pierre Dupré (1708-1786), son père, de devenir Premier consul de Carcassonne et député aux Etats du Languedoc. Le commerce des draps, si florissant à cette époque, l’avait suffisamment enrichi pour qu’il pût acquérir en 1764 un hôtel particulier, occupé de nos jours par le Centre Joë Bousquet dans l’actuelle rue de Verdun. Fervent catholique, mais éclairé par les idées nouvelles portées dans les loges maçonniques qu’ils fréquentait, Pierre Dupré sut ouvrir l’esprit de son fils aux mœurs de son temps tout en lui enseignant le sens des affaires.

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    A Marseille, Joseph Dupré rencontra sa future épouse à l’occasion des nombreuses visites qu’il fit à cette ville, véritable plaque tournante du commerce des draps vers le Levant. Il trouva sans doute en la fille du négociant liquoriste Fiquet un assez bon parti, pour que le mariage fût prononcé le 3 juillet 1770 à Notre-Dame-des-Accoules. Honorine Fiquet vint s’installer à Carcassonne et donna trois héritiers à la famille Dupré.

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    Ouverture des Etats généraux du royaume en 1789

    Quand le 24 janvier 1789 le roi Louis XVI convoqua les Etats généraux du royaume, Joseph Dupré réussit à se faire élire comme député du Tiers-Etat pour la Sénéchaussée de Carcassonne. Député de l’Assemblée nationale constituante jusqu’au 30 septembre 1791, il prit régulièrement la parole pour s’opposer au monopole de Marseille sur le commerce du Levant et s’éleva contre les privilèges de la Compagnie des Indes. On retrouve dans son ouvrage "Moyens d’exciter l’industrie nationale et de détruire la mendicité" ses principales idées libérales pour émanciper l’homme par le travail, seul moyen d’après lui pour anéantir la pauvreté : "Les hommes réunis en société reçoivent de la nature et de l’éducation une portion très inégale de talents et de facultés physiques et morales […] C’est au administrateurs à seconder, à diriger l’industrie du peuple, en lui ouvrant de nouveaux débouchés, en formant des ateliers et en calculant le salaire des ouvriers sur le prix des denrées de première nécessité. "

    Joseph Dupré défend également des positions assez contradictoires avec l’esprit de la Révolution. Selon lui, le commerce ne saurait s’affranchir de la traite négrière indispensable à l’économie nationale au moment « où la nation française élève le noble et superbe édifice de la liberté sur les ruines de la servitude et des préjugés. » Même s’il n’est pas parmi les plus riches des marchands-fabricants Carcassonnais, il s’est toujours montré soucieux d’une politique sociale. Le Cahier des Tisserands note en 1789, qu’avec les frères Pech "qu’ils aiment à faire vivre leurs ouvriers." Ces patrons montrèrent aussi leurs bons sentiments envers la Révolution. A titre d’exemple, Dupré fit en septembre 1789 un don patriotique de 1000 livres qui vint s’ajouter aux 200 livres offertes par ses ouvriers de la manufacture.

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    L'hôtel particulier de Joseph Dupré

    Lorsque son mandat de député prit fin, Joseph Dupré parvint à se faire élire comme maire de Carcassonne le 2 décembre 1791. Ce libéral, proche des Girondins et partisan du fédéralisme, porta plusieurs projets au Conseil municipal parmi lesquels le comblement des fossés médiévaux à côté de la cathédrale Saint-Michel et celui de construction d’un chemin de communication de Carcassonne vers le Razès. Ce pays, grand pourvoyeur de grains et de bois, ne pouvait retirer qu’un faible revenu sans réels débouchés. Ce chemin devait permettre de les acheminer vers Carcassonne afin de répondre la demande des habitants et des manufactures. 

    Les émeutes du 17 août 1792 contre la libre circulation des grains, qu’il parviendra à réprimer, fragiliseront sa réputation. C’est toutefois à Dougados que l’on reprocha à tort d’être l’instigateur de la révolte. L’homme engagé et fidèle à ses idées paiera de sa vie de n’avoir pas voulu s’en départir. Dupré, lui, en partisan modéré de la Révolution se cachera et ne réapparaîtra qu’après la chute de Robespierre. 

    Avant cela, il lui fallut abandonner ses fonctions de maire suite aux élections du 2 décembre 1791 aux cours desquelles Jean-Pierre Pont, sieur de Rougeat fut élu. L’ex-conseiller du Sénéchal et doyen du Présidial de Carcassonne en 1784, renonça aussitôt. C’est le Jacobin et révolutionnaire fervent Jacques Dat qui remplaça Joseph Dupré à partir du 16 décembre 1791. Pourtant fort marqué de fédéralisme, l’ancien Constituant et maire sera régulièrement sollicité jusqu’à l’arrivée en avril 1794 de Chaudron-Rousseau. 

    Désengagé des affaires après la Révolution, Joseph Dupré occupa ensuite un siège de conseiller général du département de l’Aude sous l’Empire. Peu de temps après le décès de son épouse, il s’éteignit dans son hôtel particulier de la rue Royale à Carcassonne le 26 mai 1823 à l’âge de 80 ans.

    Sources

     Georges Fournier / Démocratie et vie municipale en Languedoc au XVIIIe siècle / Tome 2

    Les Audois / Claude Marquié

    Délibérations du Conseil municipal / 1792

    Etat-civil / Marseille et Carcassonne

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  • Pierre Cabot (1918-2019), le dernier collègue d'Aimé Ramond est mort

    C’était le dernier des fonctionnaires du commissariat de police de Carcassonne à avoir côtoyé l’officier de paix Aimé Ramond. Sans aucun doute, le seul survivant qui, à l’âge de 101 ans, pouvait encore évoquer le souvenir de ce martyr de la Résistance exécuté à Baudrigues le 19 août 1944. Pierre Cabot, inspecteur de police judiciaire, s’est éteint chez lui à Villemoustaussou le 17 décembre dernier dans le silence le plus complet. Cet homme discret s’est éclipsé avec le même zèle que celui qu’il appliquait pour traquer les malfaiteurs, lorsqu’il les filait à bicyclette ou avec sa voiture personnelle dans Carcassonne. Pierre Cabot, « au nom prédestiné » comme s’amusait à le décrire Me Pédron lors des audience au tribunal lorsqu’il défendait ses clients en mimant la queue d’un chien, était l’as de la filature et reniflait les truands de loin.

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    © Droits réservés

    Pierre Cabot chez lui en 2012

    Né à Valras dans l’Hérault le 27 septembre 1918 dans une famille de viticulteurs, M. Cabot effectuait d’abord ses études primaires à l’école de Montblanc. Après quatre années d’internat à l’Ecole Pratique Supérieure de Saint-Pons-de-Tomières, il décroche un C.A.P de d’ajusteur mécanicien puis travaille à l’usine Fouga à Béziers. Lorsqu’éclate la Seconde guerre mondiale, au moment où il se trouve sous les drapeaux, Pierre Cabot se retrouve à l’armurerie de son régiment. Démobilisé en 1940, il retourne à la vie civile sans emploi, sans projet, sans argent. Répondant alors à un annonce de concours, il entre à l’école de police avant d’être affecté au commissariat de Montpellier en 1942. Il est ensuite envoyé à Carcassonne en 1943 comme inspecteur stagiaire et rejoint les bureaux de la section judiciaire, au rez-de-chaussée du 11 avenue Arthur Mullot. Pierre Cabot n’a pas beaucoup de chemin à faire pour se rendre à son travail ; il loge 31, square Gambetta.

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    L'officier de paix Ramond, héros de la Résistance

    A l’instar de tous ces collègues, il côtoie l’Officier de Paix Aimé Ramond dans le cadre de ses fonctions. Jamais Pierre Cabot ne se rangea comme beaucoup de policiers du commissariat du côté de la collaboration ; ceci est attesté par les dossiers de l’épuration que j’ai consultés. Il est décrit comme ayant d’assez bonnes aptitudes, dévoué et n’ayant aucune activité connue contre la Résistance. Tout ceci m’a été confirmé par l’intéressé lui-même quand je me suis entretenu avec lui, voilà maintenant un an. Pierre Cabot ne s’est jamais fait valoir auprès de moi comme ayant fait preuve d’un grand courage pendant la tourmente de l’Occupation. Il a rendu des services à Aimé Ramond en dissimulant des papiers, en faisant passer des documents. De son point de vue, le courageux et le héros c’était cet officier de paix qui, au mépris des risques, donnait de sa personne pour libérer le pays du joug des nazis. Dans combien de situation Ramond a-t-il sauvé la vie de résistants en passe d’être arrêtés ? On ne le saura jamais, mais sûrement un grand nombre. Pourtant, toujours selon Pierre Cabot, le service ressemblait à un panier de crabes dans lequel il était difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Si Ramond n’a jamais trahi ses collègues, il en est qui ne vécurent pas avec la conscience tranquille après le 19 août 1944. Là encore, cela reste l’un des secrets les mieux gardés de Carcassonne. Des fonctionnaires de police zélés pour faire respecter à la lettre les directives de l’Etat-Français, on en trouva pour rafler les juifs installés à Rennes-les-bains. Beaucoup parmi eux furent épurés et rayés des cadres de la police en 1945, mais aussi beaucoup de chefs passèrent à côté et trouvèrent l’aubaine d’une mutation dans un autre département. A ce sujet, M. Cabot n’avait guère de bons sentiments et même de la détestation pour un dénommé Bianconi. En revanche, l’inspecteur Germanaud, agent du réseau Gallia, avait toute son admiration.

    Après la Libération, notre policier se marie avec Joséphine Badia dont il aura deux fils, Serge et Hervé. Il est également promu inspecteur sous-chef de la sûreté en 1949. Au service de la République et de l’état de droit retrouvé, il fait preuve de grande qualité dans les résolution des enquêtes dont il a la responsabilité. A cette époque, le commissaire Garnon fait son entrée au commissariat de Carcassonne et va être confronté à l’affaire Cannac. A ce sujet, Pierre Cabot m’a confié avoir considéré Emile Delteil comme un honnête homme ; je respecte son point de vue même si je ne le partage pas.

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    © Archives de la famille Garnon

    Les inspecteurs Ribeiro, Roby, Cautenet, Fontès, Bargeton, Cabanié et Cabot. Au bureau, le commissaire Garnon. Jean Cautenet avait été membre du Corps Franc Lorraine (Maquis de Villebazy)

    Au cours de sa carrière, Pierre Cabot a réalisé plus de mille arrestations bien souvent dans des situations rocambolesques. Michel Sawas qui l’avait consacré un article pour le Petit journal en 2018 avait obtenu le récit du cambriolage de la bijouterie Millet : « C’est en circulant à vélo, la nuit, qu’il a vu deux types avec un gros sac se diriger vers la gare. Il les a suivis et coffrés avec l’aide d’une paire d’agents. »

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    A droite, Pierre Cabot lors d'une arrestation

    Ainsi était Pierre Cabot qui, après une retraite méritée en 1973, alla s’installer dans un pavillon à Villemoustaussou avec son épouse jusqu’à son décès le 17 décembre 2019 à l’âge de 101 ans. Avec lui, c’est une grande page du livre d’or de la police Carcassonnaise qui s’est refermée.

    Sources

    Entretien personnel avec Pierre Cabot

    Le Petit Journal / Michel Sawas

    La dépêche

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  • Auguste Cotte, bandagiste dans la rue de Verdun en 1904

    Auguste Cotte né le 21 février 1867 à La Mure (Isère) avait quitté son pays natal pour s'installer à Carcassonne avec son épouse Delphine Jacquier. Il ouvre en 1904 au n°33 de la rue de Verdun, un commerce spécialisé dans les bandages de précision "capables de contenir la hernie sans souffrance dans toutes les positions et tous les travaux." On y vend également de l'optique médicale, tels que lunettes et pince-nez.

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    De l'union des époux Cotte, était né à Crest (Drôme) leur fils unique Georges, le 21 juillet 1896. Promis à un bel avenir après de brillantes études à Paris et un concours d'entrée réussi à l'Ecole Centrale, la déclaration de la Grande guerre en 1914 mit un terme aux ambitions universitaires de Georges. Il revint de ce conflit meurtrier avec le grade de lieutenant d'artillerie. En 1918, Georges Cotte n'eut pas d'autre choix que de travailler avec son père comme bandagiste, mais sa passion s'exprimait ailleurs. Notamment dans la peinture où plusieurs de ses toiles signées sous le pseudonyme de Leka, furent primées. Dernièrement, l'exposition consacrée aux artistes Audois au Musées des Beau-arts de Carcassonne permit d'admirer le talent de Cotte. Un jour, peut-être, ressortira t-on des tiroirs la Messe de Requiem, que ce musicien écrivit lorsqu'il dirigeait les Choeurs de la cathédrale. Comme cela ne suffisait pas, cet homme vouait également sa vie aux mathématiques qu'il enseignait à l'école privée Saint-Stanislas. Ajoutons à cela, la présidence qu'il exerça à la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne de 1969 à 1982. "Il est comme un couteau de poche à plusieurs lames dont aucune ne coupe", disait son père avec sévérité.

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    Georges Cotte à la baguette lors d'une répétition de son Requiem

    Après avoir succédé à son père comme bandagiste en 1946, Georges Cotte s'associa avec Jean Brunon. Ce dernier, originaire de Saint-Etienne et diplômé de l'Ecole Nationale d'Optique, s'était marié une Carcassonnaise, Mlle Malacan. Féru d'histoire et d'archéologie, Jean Brunon participa en 1956 aux premières fouilles d'un site de l'Haute-Vallée de l'Aude qui fit couler beaucoup d'encre.

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    © Carlos Recio

    Ce magasin successivement désigné sous les noms de "Cotte bandagiste", "Cotte et Brunon", "Brunon opticien", situé au rez-de-chaussée d'un hôtel particulier du XVIIIe siècle reste encore dans la mémoire de certains Carcassonnais. Dominique Brunon, la fille de Jean, prit sa succession jusqu'à sa retraite.

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    Depuis ce temps, beaucoup de locataires se sont succédé à cet endroit où le souvenir de Cotte s'efface inexorablement.

    Sources

    Etat-Civil / ADA 11

    La dépêche / 13 février 1997

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