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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 56

  • De la Cité technique au Lycée Jules Fil, presque soixante années de souvenirs

    Après la Libération, il n’était plus raisonnable de maintenir les élèves dans des locaux exigus, inadaptés et dispersés à l’intérieur du centre-ville. Les sections commerciales des collèges André Chénier et du Bastion avaient été rassemblées au Petit lycée, les sections d’apprentissage s’entassaient dans la rue de la Liberté. En 1947, la municipalité souhaita se pencher sur le problème ; elle se mit en quête d’un terrain pour la construction d’un Centre d’apprentissage. A cette époque, les parcelles situées à l’Est de la ville appartenant aux familles Jentet-Hæner avaient suscité un grand intérêt, mais le projet n’alla pas au bout. Dix années plus tard, le Conseil municipal, sous la présidence de Jules Fil, choisit à nouveau de mettre la question à l’ordre du jour. On dressa la liste des différents terrains que la ville pourrait acquérir en prenant soin d’étudier les avantages et les inconvénients de chacun d’entre eux. Le 22 mars 1957, ne restaient plus en concurrence que les parcelles de M. Ferrand en bordure de la route de Montréal et celles de Jentet-Hænier, face au cimetière La Conte. S’il avait été jugé plus commode de bâtir sur l’emplacement de l’actuel collège du Viguier à proximité d’un quartier Saint-Jacques en plein développement, les prétentions du propriétaire à plus de mille francs le mètre carré avaient refroidi le Conseil municipal. Les élus finirent par se mettre d’accord à l’unanimité sur l’avantage de créer un nouveau quartier à l’Est de la ville, desservi par une voie s’étirant depuis les berges de l’Aude jusqu’au Poste de Moreau. Jules Fil posa alors la question du pont sur l’Aude, serpent de mer dans les cartons depuis la municipalité Tomey. Il envisagea de solliciter le génie militaire pour la mise en place provisoire d’une passerelle qui relirait la rue Antoine Marty à l’abattoir.

    Les familles Jentet-Hæner et consorts acceptèrent l’estimation donnée par les Domaines fixée à 440 francs par m2 ; on se paya même le luxe d’acquérir les terrains de M. Chésa pour la réalisations des installations sportives. Dans sa séance du 30 avril 1959, le Conseil municipal valida la construction d’un Collège technique mixte et de deux Centres d’apprentissage de garçons et de filles. L’arrêté ministériel du 6 avril 1960 vint confirmer la participation de l’État dans cette entreprise dont le coût fut estimé à 9 550 490 nouveaux francs. La ville, quant à elle, prit à sa charge 26,52% du budget total. 

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    Pôl Abraham

    L’architecte Hippolyte Pierre Abraham (1891-1966) dit Pôl Abraham, diplômé de l’École des beaux-arts en 1920 et de l’École du Louvre, dessina les plans de cette Cité technique. L’architecte des bâtiments civils et Palais nationaux avait-il été désigné par l’État en raison de la thèse qu’il produisit en 1933 sur Viollet-le-duc ? Pur hasard ou réelle volonté ? À deux pas d’une cité bimillénaire protégée par les Monuments historiques, l’usage démesuré du béton et la hauteur des ouvrages ne semblèrent pas poser de problèmes particuliers. Ajoutons à cela, la construction en 1965 de 540 logements H.L.M de l’autre côté du boulevard Joliot-Curie, face à la Cité technique.

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    Les entreprises S.E.S.O, Bonnery, Labeur, Garric, Trinquier, Laborde, Depaule, S.O.G.E.P se mirent à l’ouvrage dès la fin de l’année 1960. A la rentrée de septembre 1962, la Cité technique ouvrit ses portes aux 1075 élèves dont 500 pensionnaires. Pendant un certain temps, ils essuyèrent les plâtres car les travaux ne s’achevèrent que deux ans plus tard. En 1963, il fallut poser le revêtement anti-poussière dans les ateliers, le système d’évacuation mécanique dans la salle des traitements thermiques ainsi que des persiennes jalousies, car les Monuments historiques avaient proscrits les volets roulants. La réception définitive des travaux qui avait été fixée au 28 octobre 1963, ne se fit que le 26 novembre 1964.

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    Entre la construction du Pont de l’Avenir en 1962, celle des logements de La Conte et du percement du boulevard Joliot Curie en 1965, les premiers élèves vécurent au cœur d’un chantier de poussière et de nuisances sonores. 

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    © Roselyne Cros

    Roselyne Boyer, Suzanne Clamens, Angèle Montalban,,Liliane Heintz, Monique Brott, Roselyne Cros, Marie Claire Parusso, Marie Matha.

    La Cité technique qui prit plus tard le nom de Lycée Jules Fil s’ouvrit à des formations inédites comme la technique industrielle, l’hôtellerie. Le proviseur M. Béchon s’appliquait à faire respecter la discipline à tous les niveaux, malgré des élèves bien moins agités que ceux d’aujourd’hui. La stricte observance de la séparation des deux sexes devait garantir les bonnes mœurs. Michèle Bessac, maître d’internant, se souvient qu’entre 1962 et 1965, la séparation entre la cour des garçons et des filles n’était pas encore achevée. Les pions devaient faire en sorte que les deux sexes ne se mélangent pas.

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    Michel del Burgo, maître d’internant lui aussi, se rappelait en 2012 qu’il avait été mis à l’index par le directeur qui l’avait surpris en train de faire la bise à une élève… Il s’agissait de sa cousine. En cas de mauvais comportement, les élèves pouvaient être collés le week-end. Michèle Bessac n’a le souvenir que d’une seule exclusion du lycée en trois ans ; le rêve pour un proviseur de notre époque.

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    © Roselyne Cros

    Les filles devaient porter le béret rouge et la tenue bleu marine réglementaire. Cette rigueur dans les mœurs devait paradoxalement être confronté à une promiscuité peu conforme à l’intimité. Les dortoirs étaient composés de quatre lits. La toilette des internes se faisait alignée devant le lavabo sous les regards des camarades. Il ne fallait pas être pudique ! 

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    Les anciens élèves réunis en association en 2012 pour le cinquantième anniversaire

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  • Jean Alboize (1851-1904), critique d'art Carcassonnais

    Jean Baptiste Alboize naît à Carcassonne le 1er novembre 1851. Son père Jean Dominique est un riche négociant du quartier de la Barbacane qui possède une belle fortune personnelle et plusieurs propriété dont le domaine Sainte-Eulalie à Badens. Après ses études de droit, le jeune Alboize vient à Paris et n’ayant pas de préoccupations matérielles, il fréquente les cercles de la littérature et des arts. En 1881, le retrait d’Arsène Houssaye de la revue « L’Artiste » après trente années de collaboration, permet à Jean Alboize d’en devenir acquéreur.

    Alboize

    © Mario Ferrisi

    Achille Rouquet, Achille Laugé, Jean Alboize, Achille Astre

    Fondé en 1831 par Achille Ricourt avec Jules Janin pour rédacteur en chef, l’Artiste se jette à crops perdu Das la mêlée romantique. Ses collaborateurs s’appellent alors Chateaubriand, Lamartine, Alfred de Musset, Balzac, Mérimée, Gozlan, Sainte-Beuve, Georges Sand, etc. Les beaux-arts sont représentés par Delacroix, Decamps, Huet, Deveria, Roqueplan, Raffet, etc. Achille Ricourt, se débat au milieu de difficultés sans nombre pour continuer sa Revue dans la caisse, disait Monsclet, était plus pleine de roses que d’écus. Enfin, il succombe en 1838, et dépose les armes avec cent mille francs de dettes. Jules Janin lui succède, comme directeur, jusqu’en 1844, soutenu par Delaunay, un dilettante, qui abandonne également la partie après avoir gardé seulement de quoi vivre pauvrement en province. En 1844, Jules Janin cède à son tour sa place de directeur à Arsène Houssaye qui l’occupe, pour la première fois, jusqu’en 1849, époque à laquelle il administrateur du Théâtre-Français, laissant l’Artiste à Edouard Houssaye et Xavier Aubryet. Les nouveaux possesseurs choisissent, pour rédacteur en chef, Théophile Gautier qui demeure à son poste de combat jusqu’en 1860, et ne se retire que devant Arsène Houssaye qui reprend la revue et la garde jusqu’en 1880. C’est de lui que Jean Alboize la recueillir et la continua jusque’à sa mort. (Gaston Schéfer)

    Alboize

    Le 19 janvier 1886, Jean Alboize se marie à Paris avec Jeanne Marguerite Gieules dont il aura deux enfants : Dominique Julien né le 22 novembre 1886 à Paris et Geneviève Louise Claire (1900-1981). En 1892, Il lance un supplément à l’Artiste qui paraît tous les trimestre : « Les peintres-lithographes ) Album de l’Artiste. Toutefois, la revue connaît des difficultés, les ventes s’effondrent et elle ne paraît plus que mensuellement. Alboize continue sa collaboration avec la Revue méridionale dans laquelle, il ne cesse de faire connaître la vie et l’œuvre du peintre Carcassonnais Jacques Gamelin. Aussi, lorsque la Grande encyclopédie et le Grand Larousse prétendent que Gamelin n’était pas coloriste, Alboize s’élève contre cette idée largement reprise dans d’autres journaux. C’est durant l’année 1898 qu’il fonde un Comité pour l’exécution d’un buste de Gamelin ; il sera réalisé par Falguière et inauguré à Carcassonne lors du passage des Cadets de Gascogne.

    Alboize

    Le 3 février 1899, il devient sous parrainage du compositeur Paul Véronge de la Nux, Chevalier de la légion d’honneur. Il ne cesse d’enrichir sa collection d’œuvres d’art et poursuit sa quête de notoriété en faveur de Gamelin. A la société « Les enfants de l’Aude » dont le siège se trouve 85 rue Richelieu, Alboize donne une conférence le 9 juin 1901 sur son peintre favori au milieu d’un parterre d’intellectuels dont les frères Sarraut. Au mois de novembre 1901, Jean Alboize est nommé par le gouvernement au poste de Conservateur du château de Fontainebleau, dont il va faire procéder à la restauration et à l’aménagement de plusieurs salles.

    Alboize

    © Jacques Blanco

    Le critique d’art n’aura cependant pas le temps d’aller au bout de ses projets ; le 4 mars 1904, il est emporté brutalement par une angine de poitrine. Ses obsèques ont lieu au cimetière Saint-Michel à Carcassonne quatre jours plus tard. On ne tarda pas à mettre aux enchères chez Drouot sa grande collection ; il possédait deux Gamelin : « La mort de Socrate (encre de Chine) et Scène champêtre (dessin).

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  • Le buste du peintre Jacques Gamelin par Jean Alexandre Falguière

    Sous le péristyle du Musée des Beaux-arts de Carcassonne, un peu à l’écart mais encore posé sur son piédestal en marbre de Caunes-Minervois, se trouve le buste du peintre Jacques Gamelin. Le bronze de cet artiste Carcassonnais dont la ville conserve de nombreuses toiles dans ses collections, a été sculpté par Jean Alexandre Falguière (1831-1900) à la demande de Jean Alboize (1851-1904). Initiateur d’un Comité en vue de l’érection de cette œuvre à l’occasion du passage des Cadets de Gascogne à Carcassonne en août 1898, le critique d’art et conservateur en chef du château de Fontainebleau, obtint que Falguière se départit de son travail à titre gracieux. Le Comité n’eut à régler que les 1200 francs nécessaires au moulage, à la fonte et à la construction du piédestal. L’État participa à hauteur de 500 francs à titre de subvention pour les frais d’expédition de la sculpture.

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    En mai 1898, l’exécution du buste était fort avancée comme put le constater Alboize dans l’atelier de l’artiste à Paris. Le 12 août 1898, son inauguration eut lieu lors des festivités organisées par la ville pour la venue des Cadets de Gascogne en présence de MM. Jules Sauzède (Maire), Georges Leygues (Ministre), Henri Roujon (Directeur des Beaux-arts), Jean Alexandre Falguière, Benjamin Constant, Mercier, J-P Laurens, Dujardin-Beaumetz, Achille Laugé, Le Roux, Henri Martin, Mounet-Sully, Larrounet, Blagé, Boyer, Chincolle, Lapauze, Maurice et Albert Sarraut, Jean Alboize. Après que l’on a retiré le voile qui couvrait le buste, la foule s’écria d’une même voix : « Vive Gamelin ! Vive Falguière ! »

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    Jean Alexandre Falguière

    Le Carcassonnais Alboize prononça un vibrant discours en mémoire de Gamelin, retraçant sa vie. Après quoi, Henri Roujon remit les insignes d’Officier d’académie à MM. Achille Mir, Achille Laugé, Achille Rouquet et Journet.

    Le buste de Gamelin est de notre point de vue une œuvre remarquable, exécutée par l’un des plus grands sculpteurs de son temps. Nous aimerions tant qu’il figure à nouveau au centre du péristyle, afin qu’il puisse être admiré à sa juste valeur. Un jour peut-être le Musée des Beaux-arts de notre ville portera t-il le nom de notre illustre peintre ? C’est une idée dont je ne suis pas à l’origine, mais qu’il me plaît de transmettre à qui voudrait bien l’entendre. Notons qu’il existait un buste de Gamelin fils que M. Gayraud, Vice-Consul du Portugal, avait offert à la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne en 1890. Où se trouve t-il ?

    Sources

    Le courrier de l'Aude, Le temps, La dépêche

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