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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 57

  • La construction du C.E.S 600 "Collège du Viguier" sur l'Allée des pins en 1966

    En vertu de deux délibérations communales en date du 12 juillet et du 18 octobre 1962, la Ville de Carcassonne, suivant acte passé devant Me Courrière, notaire, se porte acquéreur au mois de novembre de plusieurs parcelles de terrain du domaine de Saint-Jacques. Vendues par M. Denis Louis Ferrand, elles sont achetées pour la somme de 1 586 380 francs et représentent une surface totale de 79319 m2. Ces terrains devront être partagés pour une partie par la construction du futur C.E.S 600 ; l’autre partie sera rétrocédée à l’Office départemental H.L.M pour la construction d’immeubles d’habitations. 

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    Deux ans plus tard, le Conseil municipal entérine la construction du futur collège par délibération communale en date du 30 novembre 1964. L’État octroie 50% de subvention à la ville pour l’apport du terrain. Celle-ci aura à sa charge l’aménagement des voies d’accès ainsi que l’acheminement de l’eau, du gaz et de l’électricité. En 1965, elle confie la maîtrise de l’ouvrage à l’État qui lancera un appel d’offre national après avoir choisi son architecte. Il s’agit de Pierre-André Le Breton, connu dans la Manche pour avoir eu en charge la reconstruction de nombreuses églises et fermes après la libération du pays. La réalisation est envisagée sous la forme d’une construction industrialisée avec ossature en métal et murs rideaux, constitués par des panneaux Glassal, aussi bien en allège qu’en longs pans. Le plancher sera constitué par des poutres métalliques avec remplissage en béton armé.

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    A partir de 1965, le Centre Expérimental de Recherches et d’Etudes du Bâtiment et des Travaux Publics entreprend l’étude des sols du futur collège. Au total huit sondages seront nécessaires afin de laisser la place aux premiers travaux qui débuteront le 1er mars 1966. Il est également prévu la construction d’un gymnase de type B, deux gymnases de type A, une piste de course à pied, les salles de l’administration et les logements de fonction. 

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    Dans le cadre de la loi sur le 1% artistique, la Commission de la création artistique avait agréé le projet proposé par Jean Camberoque. L’artiste Carcassonnais réalisera deux œuvres. Il s’agit de deux murs sur le garage à bicyclettes. Le premier représente une série de reliefs verticaux qui symbolisent la complexité de la nature humaine ; le second, un groupe de formes ovoïdes sculptées évoquant le vol des oiseaux migrateurs. Jean Camberoque effectuera en 1968 le même type d’ouvrage au collège Frédéric Mistral de Nîmes.

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    © Charles Camberoque

    Jean Camberoque au travail 

    Six mois seulement après le début des travaux, les 600 élèves dont 500 pensionnaires prendront possession des lieux à la rentrée du 15 septembre 1966. Si l’accueil en salle de classe est possible, les voies d’accès ne seront pas réalisées avant la réception définitive des travaux. Pendant ce temps, les collégiens pataugent dans la boue et les parents d’élèves se plaignent auprès du maire de Carcassonne de l’état de la voirie. Retardée par les évènements de mai 1968, l’inauguration aura lieu le 28 du mois suivant en présence de G. Riste, principal du collège.

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    © L'Indépendant

    Le futur collège Alain

    Ce collège, qui porte le nom du philosophe Alain, va être rasé cette année. Le Conseil départemental a décidé d’en construire un tout neuf à sa place ; il nous paraissait normal de rappeler l’histoire de cet établissement avant sa destruction. Le nouveau collège sera l'œuvre de l'architecte Montpelliérain Emmanuel Nebout.

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  • La statue "Y penser toujours" dont on ne parle jamais...

    Présentée au Salon des artistes français en 1906, la statue « Y penser toujours » est l’œuvre du sculpteur héraultais Jacques Villeneuve (1865-1933), lauréat de l’École des Beaux-arts et candidat au Prix de Rome la même année. Bien qu’elle ne soit connue à Carcassonne que sous le nom de « La France blessée », cette sculpture en marbre blanc reprend en fait une phrase prononcée par Léon Gambetta lors d’un discours sur l’Alsace-Lorraine en 1871 : « Y penser toujours, n’en parler jamais. Alors vous serez sur le véritable chemin de la libération, parce que vous serez parvenus à vous gouverner et vous contenir vous-mêmes. Travaillons tous les jours à acquérir cette qualité qui nous manque : la patience, que rien ne décourage, la ténacité qui use jusque’au temps lui-même. […] Oui, je pense, j’espère que je verrai ce jour où, par la majesté du droit, de la vérité et de la justice, nous retrouverons, nous rassemblerons les frères séparés ! »

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    Dans cette allégorie, la France a la tête baissée, avec ses deux ailes cassées symbolisant l’Alsace et la Lorraine ; deux régions perdues lors du conflit de 1870 avec l’Allemagne. Son glaive, qu’elle tient fermement des deux mains, semble promettre un jour la reconquête. Le sujet traité ici s’inscrit parfaitement dans l’état d’esprit du début du XXe siècle, où notre pays sait qu’il va devoir à nouveau en découdre avec son voisin germanique pour récupérer son territoire. 

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    L’État fit don de cette statue à la Ville de Carcassonne en 1907 sur la proposition de M. Dujardin-Beaumetz, secrétaire d’état aux Beaux-arts. Par délibération municipale du 26 février 1907, la commune accepta de payer 1200 francs afin de participer aux frais de port et d’emballage, mais ne sembla pas manifester un grand enthousiasme. Elle servit de monument aux morts et la ville lui trouva un emplacement inadapté sur un socle, à l’angle de la route minervoise et boulevard Omer Sarraut. Deux ans plus tard, le 3 février 1909, Jacques Villeneuve ayant offert au Musée des Beaux-arts de Carcassonne la maquette de sa sculpture en hommage au romancier Ferdinand Fabre, on eut l’idée de transporter « Y penser toujours » dans le square Gambetta. Faut dire que l’artiste n’avait que peu goûté de voir son œuvre ainsi exposée. Il fallait y penser, n’est-ce pas ? Nous ignorons si la maquette de Villeneuve se trouve toujours dans les réserves du musée, mais l’original orne depuis 1906 les jardins de la ville de Bédarieux.

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    La sculpture fut ainsi déposée au bord du bassin au centre duquel sortait un immense jet d’eau ; les cygnes lui faisaient révérence à chacun de leur passage. Le lendemain du jour de l’an 1922, le gardien du square s’aperçut de la disparition du glaive. Un vandale, aux ardeurs antimilitaristes, s’empara de ce phallus belliqueux que jamais l’on ne revit. Il fut, bien des décennies plus tard, remplacé avec un goût artistique comparable à un plombage sur un dent émaillée. Quand la horde de barbares nazie ordonna de raser le square Gambetta au printemps 1944, toutes les œuvres du jardin furent déposées.

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    La statue dans les serres municipales en 1975

    La statue de Villeneuve suscita tellement d’intérêt qu’elle sommeilla pendant quarante ans dans l’entrepôt des serres municipales. Ce n’est qu’à la fin des années 1970 qu’un passionné d’histoire locale, M. Antoine Labarre, retrouva sa trace et obtint sa réhabilitation. 

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    Sous l’égide du Souvenir français, « Y penser toujours » - au nom prédestiné - se trouva placée dans le carré militaire du cimetière Saint-Michel. Nous ne désespérons pas qu’un jour nous puissions faire apposer une plaque à côté avec cette inscription :

    « Y penser toujours »

    Jacques Villeneuve / 1906

    Don de l’État à la Ville de Carcassonne

    Sources

    Délibérations du Conseil muncipal  / 1907 et 1909

    Le courrier de l'Aude / 1907

    Le messager du Midi / 1922

    Discours de L. Gambetta à Cherbourg en 1871

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  • Le rugby à XIII interdit et spolié par le gouvernement de Vichy au bénéfice du XV

    On se perd très souvent en conjecture lorsqu’on recherche les raisons de la rivalité entre deux rugby. Il suffit pourtant de regarder l’histoire en face et ce qu’elle nous apprend. Les traces de rancune et de frustration contre la Fédération de rugby à XV sont encore vivace ; cette fédération, dont les dirigeants choisirent de collaborer avec le gouvernement de Vichy en 1940 et les nazis afin de dresser les bûchers contre les hérétiques treizistes. Quel fut leur tort ? Surtout, quel fut leur sort ? Là, encore, une petite chronique historique s’impose.

    Le rugby à XIII naquit en Angleterre en 1895 en raison de l’exclusion de la presque totalité des clubs du Lancashire et du Yorkshire évoluant dans la Rugby Union. Ces régions partisanes du « manque à gagner » et du dédommagement des frais médicaux pour les joueurs se heurtèrent aux défenseurs du plus strict amateurisme. Elles créèrent donc une fédération dissidente appelée la Rugby Football League ; celle-ci décida de modifier les règles (suppression de la touche) et réduisit en 1903 le nombre de joueurs dans l’équipe à 13. Elle adopta également deux réformes majeures qui permirent à l’ouvrier de récupérer le manque à gagner par des primes tout en exigeant qu’il conserve son métier. Le jeu ne devait devenir une profession, mais beaucoup de ceux qui le pratiquaient travaillaient à la mine ou à l’usine. La seconde réforme modifia les règles afin que le jeu soit plus loyal que brutal.

    Dans chaque école, les instituteurs firent office de dirigeant, de moniteur et d’arbitre. Le rugby à XIII se pratiqua de 8 à 14 ans, divisé en trois séries d’équipes. Ce seront les futures recrues des grands clubs. Ainsi, le rugby à XIII s’étendit aux provinces puis au monde entier. D’abord en Australe en 1910, en Nouvelle-Zélande en 1912 puis en France en 1934. C’est celle année-là que fut créée le 6 avril la Fédération Française de Rugby à XIII.

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    L'équipe de France de 1934

    Déjà en 1930, l’équipe de France à XV avait été exclue du Tournoi des 5 nations en raison de son jeu brutal. On observa alors la migration de très nombreux joueurs vers le rugby à XIII, jugé plus loyal et bien plus agréable à regarder. Au fur et mesure, le nouvelle fédération s’enrichit au détriment de sa rivale historique, proposant toujours d’indemniser ses joueurs. La grogne, la jalousie et disons-le, la haine, gagna les rangs du rugby à XV prêt à en découdre pour retrouver sa grandeur perdue et ses finances. Aussi, lorsqu’après la débâcle militaire de 1940 la France appela à sa tête le maréchal Pétain, les dirigeants du XV trouvèrent là l’occasion rêvée de se venger du XIII. De la même manière que Pétain réorganisa d’une manière cynique l’ensemble des associations d’anciens combattants sous une unique bannière, son ministre les sports fit de même avec le rugby. Le basque Jean Borotra, ancien champion de tennis et de l’extrême droitière organisation des Croix-de-feu, se chargea le 19 octobre 1940 d’obliger les deux rugby de fusionner. Et, pour sceller la réconciliation, il fut décidé que le dimanche suivant tous les terrains de France joueraient… A quoi ? Je vous le donne en mille : au rugby à XV ! Bien entendu, l’ensemble des gazettes de collaboration encensèrent cette fusion, trop heureuse de s’être débarrassées d’un rugby hérétique accusé de corrompre la jeunesse française. Les deux clubs Basque de XIII, l’AS Côte Basque et le Celtic, n’eurent pas d’autre choix que de passer à XV.

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    Borotra - qui ne sera pas poursuivi après la Libération - obtint même la dissolution de la Ligue de rugby à XIII suivant décret paru au Journal Officiel le 19 décembre 1941 : « La patrimoine de l’association dissoute est transféré sans modification au Comité national des sports, qui en assume toutes les charges et qui sera représenté aux opérations de liquidation par son secrétaire général, M. Charles Denis, Officier de la légion d’honneur. » Frappé d’hérésie, le gouvernement d’extrême droite interdit le XIII et attribua ses fonds, ses terrains et ses joueurs à la Fédération Française de Rugby à XV.

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    Paul Barrière

    Il fallut attendre la Libération pour que le rugby à XIII relevât enfin la tête. Le 26 septembre 1944, sous l’impulsion de MM. Laborde et Galia, la Ligue Française de Rugby à XIII se reconstitua en annonçant l’adhésion de plusieurs clubs, la création de trois divisions ainsi que le retour du championnat et de la Coupe de France. Grâce au Carcassonnais Paul Barrière, vice-président de la Ligue et ancien Résistant, le championnat fut lancé le 5 octobre 1944 avec douze clubs : AS Béziers, AS Carcassonne, AS Côte Basque, Bordeaux XIII, FC Lézignan, RC Albi, Toulouse Olympique, Treize Catalan, USO Montpellier, Villeneuve XIII, Tarbes XIII, Stade Toulousain. Des contacts furent repris avec John Wilson, président de la Rugby Football League. 

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    © Treize mondial

    Puig-Aubert

    Les rancœurs quinzistes demeurèrent, le mois suivant, des procès en moralité furent intenté au XIII accusé de piller les clubs de XV en attirant ses joueurs à coup de billets de banque. A une époque où les français crevaient encore de faim avec le rationnement, l’affaire fit grand bruit. Puig-Aubert, Trescazes et Carrère payés 100 000 francs chacun pour rejoindre l’AS Carcassonne. L’ancien résistant, Paul Barrière, fit observer qu’en terme de moralité le XIII n’avait pas leçon de recevoir du XV… Le 11 avril 1949, la Fédération de Jeu à XIII fut fondée sans pouvoir prétendre à s’appeler rugby à XIII. Il faudra attendre une procédure lancée en 1985 et remportée douze ans plus tard pour retrouver la Fédération Française de Rugby à XIII, malgré l’opposition farouche de Bernard Lapasset, président de la FFR XV. Aujourd'hui, les Dragons Catalans XIII jouent dans le stade Gilbert Brutus, un résistant quinziste perpignanais assassiné par les nazis. Un beau symbole.

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