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Seconde guerre mondiale

  • Ventenac-Cabardès : l'héroïsme de Paul Caunes et de sa famille en 1942

    Au départ, un article de presse du Midi-Libre en date du 11 novembre 1997, découvert fortuitement dans un dossier d’archives, retrace brièvement le courage de Paul Caunes. Héros peu ordinaires, autant que discrets, d’une époque tragique, les Caunes ont risqué leur vie pour sauver celle d’un homme traqué par la gendarmerie. Son malheur pour ne pas dire son crime, être juif étranger. Désobéir aux lois raciales de Vichy en portant assistance, exposait tout contrevenant à de très lourdes sanctions. Qu’importe ! Sans vraiment réfléchir aux conséquences, Paul Caunes a sauvé une vie en mettant la sienne en danger. Il a soustrait Paul Fränkel à ses bourreaux. À partir de ces renseignements, nous nous sommes mis en quête de retrouver les héritiers des deux Paul, désormais frères en humanité pour l’éternité. Depuis leur décès, survenu dans les années 70, les familles s’étaient perdue de vue. Notre détermination pour les retrouver nous a permis non seulement, d’obtenir de précieux renseignements sur cette histoire, mais surtout de raccorder leurs descendants entre eux.

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    Paul Fränkel naît à Francfort en Allemagne le 9 avril 1906. Chimiste de formation, il dirige une société à l’exportation de pigments en aluminium vers la France. À l’instar de très nombreux juifs pourchassés par le régime nazi, il quitte l’Allemagne peu de temps après l’arrivée d’Hitler au pouvoir.

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    La famille Fränkel en 1929 en Allemagne

    En 1936, il gagne la France et s’installe à Paris où il prend la direction des établissements Seveau, spécialisés dans la fabrication de résines synthétiques. Se croyant parfaitement à l’abri à l’intérieur du pays des Droits de l’homme, il entend lui offrir son aide lorsque celui-ci s’apprête à combattre l’Allemagne fanatisée par le nazisme. Aujourd’hui encore, l’engagement des juifs étrangers dés le début de la guerre aux côtés de la France, reste méconnu. Comme nombreux de ses semblables, Paul Fränkel pousse les portes du bureau de recrutement de la Légion étrangère. À Marseille, il s’embarque pour Sidi bel Abès et rejoint le 1er Régiment Étranger d’Infanterie à la caserne Viénot. On le retrouve en France métropolitaine après l’armistice de juin 1940, certainement dans la capitale où il se fait arrêter et conduire au camp de Drancy. Paul Fränkel échappe une première fois à la déportation, grâce à l’intervention de Madame Léonard de la préfecture de police de Paris. L'inspectrice connaît notre homme pour avoir traité directement avec sa société avant guerre pour le compte de l’administration. Prétextant avoir un besoin impérieux de ses services, Madame Léonard parvient à lui sauver la vie en lui rendant la liberté.

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    Nous imaginons sans trop de difficulté qu’à partir de ce moment, Paul Fränkel a cherché à rejoindre la zone libre en franchissant la ligne de démarcation clandestinement. À Montpellier, il est frappé par une mesure disciplinaire de la part du préfet de la région. Ce dernier l’envoie le 15 juillet 1942 en résidence surveillée à Rennes-les-bains dans l’Aude, au motif de trafic illicite. En leur ôtant le droit de travailler, le gouvernement de Vichy rendait les juifs hors la loi s’ils venaient à rechercher quelques ressources pour survivre. Le processus de déshumanisation instauré par les lois raciales de Pétain envers les israélites faisait inexorablement son oeuvre. En l’espace de quelques mois, ils passèrent d’un statut social respectable à celui d’indésirables profiteurs à éliminer. Tout ceci d’un simple coup de plume et la signature d’un maréchal de France, propulsé chef d’État doté des pleins pouvoirs.

    Autre coup du sort extraordinaire, lors de rafle du 26 août 1942 à Rennes-les-bains, Paul Fränkel bénéficie de l’exemption envers les combattants ayant servi la France en 1939. Elle sera de courte durée, mais cela lui évite d’être embarqué vers le camp de Rivesaltes. Les femmes et enfants, auront moins de chance que lui. Après leur arrivée à Drancy, ils seront déportés vers Auschwitz et gazés immédiatement. Les hommes restant à Rennes-les-bains profitent d’un peu de répit ; on les recase comme travailleurs étrangers dans des mines, société de travaux publics ou des exploitations agricoles. C’est dans l’une de ces dernières qu’est affecté Paul Fränkel à Ventenac-Cabardès, domaine de Laboual chez Fourès-Carles. À partir du 15 septembre 1942, le gendarme Henriet a la charge de contrôler régulièrement que le juif ne s’est pas évaporé dans la nature. Le logement mis à sa disposition par le propriétaire n’a rien du luxueux. Après guerre, l’adjudant-chef Léon Henriet (1912-2008) se souvient : « Il vivait à Ventenac d’une façon très précaire, était anxieux, inquiet et s’attendait au pire à tout instant. Son logis était un local délabré, inhabité depuis plusieurs dizaines d’années, sans eau, dépourvu de lumière et de chauffage, n’ayant aucune fenêtre ni commodité et qu’il avait dû lui-même aménager très sommairement. »

    Durant l’hiver 42, Fränkel ne reste pas pour autant inactif. Il entre en relations avec Jean-Paul Léri qui lui confie des missions pour le compte du renseignement de la Résistance. À deux reprises, il tente de passer en Espagne. Ces renseignements figurent dans un certificat signé de la main de Marcelin Horus (chef du maquis) et de Georges Guille (Comité départemental de Libération). Dans un courrier de la préfecture de l’Aude en date du 24 novembre 1942, conservé aux archives de l’Hérault, nous apprenons que Fränkel sollicita l’autorisation de se rendre pendant neuf jours à Marseille. Il devait retirer au Consulat de l’Équateur son visa d’immigration et des visas de passage par le Vénézuela et la Colombie. Le sauf-conduit lui fut refusé par le préfet de région. Régulièrement contrôlé à résidence, il ne devait pas pour autant être privé de sa liberté totale de mouvement. On peut comprendre qu’il ait tenté de fuir légalement.

    Le mardi 23 février 1943 vers 13h, le gendarme Henriet arrive au domaine de Laboual accompagné d’un collègue, porteur d’un arrêté d’internement. Il a pour ordre de se saisir de Paul Fränkel afin de le conduire au camp de Rivesaltes, avant son départ pour Drancy. Tous ceux qui n’ont pas été soustraits à cette mesure partirent par le convoi n°51 vers Auschwitz. Mis en présence de ces deux militaires, le destin Fränkel bascule en quelques minutes. Le temps que l’un des gendarmes se rende aux toilettes. L’adjudant-chef Henriet lui propose alors de s’enfuir : « Je ne suis pas d’accord avec ces ordres. Vous me mettez un coup ; les menottes sont dans la poche. » C’est alors qu’intervient Paul Caunes, le régisseur du domaine de Laboual. L’homme qui travaille pour Fourès-Carles, maire de Ventenac-Cabardès, empoigne Fränkel et le cache toute l’après-midi dans une vigne. A la nuit tombante, il l’installe dans le poulailler. Le gendarme Henriet, mis au courant et désormais protecteur du fugitif, raconte : « Il s’est caché dans le poulailler du domaine de M. Fourès-Carles. Il a vécu là, dans ce réduit, comme une bête aux abois, d’une manière inhumaine, privé de nourriture pendant que la gendarmerie française, la police mobile de Montpellier et les services de police allemande le recherchaient sans relâche comme un voleur dans la commune et les environs. »

    La suite appartient à la famille Caunes. Au péril de sa vie, elle porte chaque jour assistance à cet homme traqué. Marcelle, la femme de Paul, lui porte à manger lorsqu’elle va nourrir ses poules. Des deux enfants du couple, seule Aline, l’aînée, est au courant. On n’a rien dit à son petit frère de peur qu’il ne soit trop bavard. Toute la famille subit la pression régulière des autorités françaises et allemandes. Quelques semaines plus tard, Paul Caunes qui devait avoir des relations avec la Résistance, parvient à obtenir des faux papiers. Paul Fränkel s’appelle désormais Paul Fournier. Il faut le faire passer en Suisse, mais avant Marcelle lui coud une lame de couteau dans son veston. Sachant ce qui l’attend en cas d’arrestation, Paul Fränkel ne veut pas être pris vivant. 

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    Le domaine de Laboual à Ventenac-Cabardès

    Dans le courant du mois de mars 1943, les deux Paul partent de nuit et à bicyclette depuis Ventenac-Cabardès jusqu’à la gare de Carcassonne. Les adieux sont brefs. L’homme recherché s’embarque sous une fausse identité dans un train en direction de la Savoie. Dans la nuit du 8 au 9 avril 1943, il arrive en Suisse par le Col de Coux. Le voilà désormais en sécurité à Vevey, où il vivra chez un viticulteur de la localité. Le 20 janvier 1945, Paul Fränkel fait son retour en France. L’entreprise, arynanisée pendant l’Occupation, lui est restituée après l’armistice. Il reçoit la médaille militaire et celle des engagé volontaire. C’est même le premier allemand naturalisé français par le général de Gaulle, le 3 janvier 1946.

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    Paul Fränkel n’oublia pas ceux qui lui sauvèrent la vie. Déjà depuis Vevey, il leur avait envoyé une carte pour signaler son arrivée. Les deux hommes restèrent éloignés géographiquement, mais liés à jamais. Après son mariage avec France Boissin en 1948, Paul Fränkel eut trois enfants : Patrick, Anne et Gérard. Il fit changer l’orthographe de son nom en 1954 pour y enlever toute apparence germanique. Fränkel devint officiellement Fraenkel. Des cartes, des courriers échangés ainsi que des cadeaux, chaque noël, pour toute la famille Caunes témoignent de toute la reconnaissance de cet homme, autrefois pourchassé. Il meurt le 31 décembre 1975 et son alter égo, deux ans plus tard le 7 octobre 1977.

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    Paul Fraenkel, né à Francfort (Allemagne)

    (9 avril 1906 - 31 décembre 1975)

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    Paul Caunes, né à Villasavary (Aude) 

    (08 juillet 1903 - 7 octobre 1977)

    Paul Caunes ne figurant pas dans la liste des Justes parmi les Nations, je souhaiterais instruire un dossier auprès du mémorial Yad Vashem de Jerusalem. C’est tout l’objet de ces recherches et de cet article, réalisés après plusieurs semaines d’enquêtes.

    Rermerciements

    Nicolas Mélix, Nadine Ferrasse, Henriette Caunes, Anne et Patrick Fraenkel

    Sources

    Généanet, Filae, Mémoire des hommes, Archives de l'Hérault, Archives de la ville de Paris

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  • La rafle des juifs étrangers du 20 février 1943 à Carcassonne et dans l'Aude

    Le samedi 20 février 1943, une importante rafle de juifs étrangers est opérée à Carcassonne et dans tout le département de l’Aude, en vue de leur déportation vers les camps d’extermination nazis. Organisée en grand secret par le gouvernement de Vichy sur ordre de l’occupant allemand, elle vise tous les hommes de 16 à 65 ans, aptes au travail assignés à résidence dans le sud du pays, à l’exception des territoires contrôlés par les Italiens. Au total, près de 2000 juifs étrangers seront dirigés depuis le camps de Gurs vers Drancy, point de départ de leur déportation. Le 19 février, le préfet de l’Aude Émile Marchais, avait adressé un courrier au préfet régional à Montpellier : « Comme suite à votre communication téléphonique de ce jour, j’ai l’honneur de vous transmettre une liste comportant 50 israélites de nationalité Allemande, ou ressortissants des pays occupés par le Reich. » Ces hommes n’avaient pas été concernés par la précédente rafle du 24 août 1942, dans laquelle femmes, enfants, vieillards et autres hommes avaient été arrêtés à Rennes-les-bains puis conduits au camp de Rivesaltes. Inutile de préciser l’issue de leur sort. Dans son extrême bonté, le gouvernement de Laval avait écarté les individus ayant servi la France en 1939, non indésirables selon la terminologie administrative de l’époque. D’autres exemptions, sauvèrent pour un temps ces hommes aptes au travail. Main d’oeuvre esclave, on les plaça chez des propriétaires viticoles, des industriels, des commerçants, etc. Ce 20 février 1943, obéissant à la circulaire des préfets, gendarmes et GMR procédèrent vers 5h du matin aux arrestations, au domicile de ces pauvres individus. C’est-à-dire à l’endroit où leurs patrons les logeaient. Ils furent escortés par la gendarmerie jusqu’à Montpellier, lieu du rassemblement, puis convoyés en train vers le camp de Gurs le 21 février 1943. Quelques jours après, destination Drancy avant leur déportation vers Majdanek (Lublin) par les convois n°50 et 51, respectivement en date des 4 et 6 mars 1943. 

    Dans des dossiers conservés aux archives de l’Hérault, nous avons retrouvé les listes des personnes arrêtés dans l’Aude. Elles comportent leurs noms, leur date et lieu de naissance, ainsi que leur dernier domicile. À partir des différents sites internet (Mémorial de la Shoah, Victimes de l’Holocauste, Généanet et Filae), nous nous sommes mis en quête de retracer leur histoire. Le plus souvent, il a fallu user de beaucoup de patience pour reconstituer des noms mal orthographiés, ou retrouver un individu n’apparaissant pas sur les listes de décédés. C’est ce travail que nous vous présentons. Il y a encore certainement des familles qui ignorent où sont passés leurs parents. Savaient-elles qu’ils vivaient à Carcassonne ou dans l’Aude, après leur exil vers la France ? Ces juifs étrangers, issus des pays annexés par Hitler, ont fui croyant être en sécurité chez nous. Le gouvernement français les a livrés aux bourreaux.

     

    Arrêtés à Carcassonne le 20 février 1943 et déportés

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    Löb Fritz

    Löb Fritz, né le 13 janvier 1909 à Nüremberg (All). Résidant 6, rue Barbès à Carcassonne. Il avait quitté Paris pour se réfugier en zone non occupée. Convoi n°51 vers Majdanek. Assassiné

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    Löb Rudolf

    Löb Rudolf, né le 25 mars 1913 à Nüremberg (All). Résidant 29, rue Courtejaire à Carcassonne. Il avait quitté l’Allemagne vers 1936 avec son frère. Durant la Nuit de cristal en Allemagne, son père fut assassiné et sa mère, blessée. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939. En 1942, il rejoignirent leur mère et de la famille à Carcassonne. Convoi n°51 vers Majdanek. Assassiné le 11 mars 1943

    Aelion Sabetay, né le 26 février 1901 à Salonique (Grèce). Résidant 36, rue des Études à Carcassonne. Engagé volontaire en 1939 dans la Légion étrangère pour servir la France. Il avait quitté Charenton-le-Pont (12 rue de Paris) pour se réfugier en zone non occupée.

    Herezfus Aron, né le 5 février 1922 à Minsk. Résidant 20, rue Voltaire à Carcassonne.

    Wajeman Józef, né le 16 juillet 1904 à Siedlce (Pol). Résidant 9, rue de la mairie à Carcassonne. Il avait quitté Paris pour la zone non occupée. Il vivait à Carcassonne avec une fillette de 14 ans, née le 7 octobre 1929 à Paris (XIXe) qu’il a pu confier à sa belle-soeur. Assassiné 

    Koumetz Wolf, né le 15 mai 1889 à Wilna (Pol). Résidant 3, rue Viollet-le-duc chez M. Mary. Marié avec Bluma, il était horloger à Paris, 4 rue de la Villette. Convoi n°50. Déporté à Auschwitz.

    Grabarsky Maurice, né le 1 janvier 1906 à Kichimeff (Rus). Résidant 12 rue du 4 septembre à Carcassonne. Habitait à Vincennes en 1931. Convoi n° 51. Assassiné en 1943

    Grabarsky Oscar, né le 25 novembre 1903 à Odessa. Résidant 98, rue Jules Sauzède à Carcassonne. 

    Kirjner Grégoire, né le 15 mai 1903 à Odessa. Résidant 20, rue des chasseurs à Carcassonne. Bijoutier, marié à Dora Gerchinovitz (1905-1987) le 31 mars 1930 à Alfortville. Employé à la société d’épépinage. Convoi n°51. 

     

    Arrêtés dans l’Aude

    Grajek David, né le 11 mai 1914 à Offenbach (Pol). Résidant 3, impasse Corneille à Narbonne. Convoi n°50. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939.

    Elle Jacob, né le 25 avril 1911 à Gomastrow (Pol). Résidant à Alet-les-bains. Terrassier.

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    Kiszka Mordka

    Kiszka Mordka, né le 12 mars 1912 à Ckiermewicz. Résidant 20, rue des chasseurs à Carcassonne. Marié avec Estera, née le 14 mars 1914 à Zalencia. Assassiné le 11 mars 1943.

    Stein Herbert, né le 5 avril 1909 à Vienne (Aut). Résidant à Chalabre aux Établissements Canat. Convoi n°50.

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    Sternlieb David

    Sternlieb David, né le 14 juillet 1899 à Lisowenhek (Pol). Résidant à Rivel. Convoi n°50

    Frankel Walter, né le 12 mars 1879 à Breslau (Aut). Résidant à Montréal d’Aude. Convoi n°50

    Béran Charles, né le 14 décembre 1889 à Luize (Tchécoslovaquie). Résidant à Limoux. Il habitait en 1931 à Paris, 11 rue du faubourg poissonnière. Convoi n°50

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    Reiss Guillaume

    Reiss Guillaume, né le 19 novembre 1882 à Francfort (All). Résidant à Cailhau. Père de quatre enfants de 13,11, 9 et 7 ans. Convoi n°50

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    Dreifuss Bernard

    Dreifuss Bernard, né le 18 février 1921 à Mannheim (All). Son père Eugène, sa mère Rose Acher est sa soeur Henriette (6, rue E. Varlin à Limoges). Résidant à Chalabre comme garçon de café. Marié à Rivel avec Marguerite Barbe le 4 septembre 1942. Convoi n°51. Assassiné le 11 mars 1943.

    Stern Wolfgang, né le 10 décembre 1912 à Leipzig (All). Résidant à Espezel. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939. Convoi n°51

    Betman Jacob, né le 14 novembre 1910 à Lublin (Pol). Résidant à Peyriac-de-mer

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    Fleischer Jakob

    Fleischer Jakob, né le 18 août 1887 à Tarnovejek (Pol). Résidant à Labastide d’Anjou. Il quitta la Pologne pour l’Allemagne en 1931 avec sa femme Schmeidel et ses enfants. La famille s’installa à Sedan puis à Lens. Après l’armistice, il se réfugia dans l’Aude avec d’être assigné à résidence. Il cacha ses plus jeunes enfants avant d’être arrêté. Le reste de la famille parvient à passer en Suisse, sauf son fils Max et sa femme qui seront déportés. Convoi n°51.

    Trojanowski Isaac, né le 11 février 1885 à Zgierz (Pol). Résidant à Tuchan.

    Ventura Israel, né le 24 juin 1899 à Bourgas. Commerçant à Levallions-Perret. Résidant 7, rue Marceau à Narbonne. Convoi n°50

    Wertheim Willy, né le 28 janvier 1892 à Hatzbach. Résidant à Taurize. Convoi n°50

    Rubenkes Moses, né le 15 juin 1887 à Brody (Aut). Ouvrier à Paris (XVIIIe). Marié à Elise. Résidant à Montréal d’Aude. Convoi n°50. Assassiné le 9 mars 1943.

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    Bergholz Alexandre

    Bergholz Alexandre, né le 7 août 1899 à Varsovie (Pol). Marié à Paris le 14 avril 1927 à Léontine Katz (1904-2004). Il habite en France depuis 38 ans. Résidant à Quillan. Assassiné. Malgré des tentatives administratives pour le faire libérer après le 20 février 1943, il est déporté par le convoi n°50. Son frère Jean (1908-2003) a été prisonnier dans un stalag XB Kommando 93. Il s’installa comme bijoutier 35 rue de la République à Carcassonne.

    Rosenberg Tobjasz, né le 2 mars 1900 à Olatow (Pol). Résidant à Bages. Convoi n°50.

    Kofman Abraham, né le 8 octobre 1904 à Zakroczym (Pol). Résidant à Castelnaudary, 68 rue du bassin. S’évade du camp de Gurs le 21 février 1943. Décédé à Coulommiers le 10 août 1999

    Lorig Charles, né le 20 mai 1923 à Obermoschel (All). Résidant à Rivel. Convoi n°51. Assassiné le 11 mars 1943.

     

    Ceux qui ont échappé à leur arrestation

    Berliner Abraham, né le 13 juin 1910 à Tomszon (Pol). Tailleur, résidant 93 rue de la mairie à Carcassonne, chez M. Ramond.

    Pasternak Herz, né le 15 janvier 1908 en Pologne. Résidant à Montréal d’Aude. Tailleur 

    Wolfowicz Rynem, né le 24 janvier 1908 à Widancka (Pol). Résidant à Rennes-les-bains. Tailleur

    Stanb Alfred, né le 8 mars 1891 en Allemagne. Résidant 20, rue de la République à Carcassonne

    Seidenberger Paul, né le 26 septembre 1899 à Nüremberg. Résidant à Caudebronde

    Steiner Ernst, né le 22 juillet 1900 à Vienne (Aut). Engagé dans la Légion étrangère. Résidant, 9 route de Limoux à Carcassonne. Naturalisé français le 6 janvier 1947

    Gräntz Ernst, né le 28 février 1895 à Charlottenburg. Habitait rue Hamelin à Paris avant la guerre. Résidant à Homps.

    Schwarz Harry, né le 15 juin 1911 à Charlottenburg (All). Résidant 90, rue de Verdun à Carcassonne

    Szapiro Meyer, né le 5 octobre 1892 à Stolin (Pol). Résidant 41, rue du marché à Carcassonne.

    Kempuiski Michel, né le 15 mai 1910 à Kolo (Pol). Résidant 33, rue Trivalle à Carcassonne

    Tryleski Zalman, né le 15 janvier 1895 à Vasoikow. Résidant 38, rue Voltaire à Carcassonne

    Goldreich Ignace, né le 14 février 1900 à Minsk. Résidant 77, rue Barbès à Carcassonne

    Schönbach Schmerel, né le 24 avril 1914 en Pologne. Résidant à Labastide d’Anjou

    Rothscheld Max, né le 14 mars 1878 à Karlsruhe (All). Résidant route de Grazaille (Villa les Amandiers)

    Edelstein Isidore, né le 30 mai 1899 à Galatz. Résidant le 17 de la Reille à Carcassonne.

    Fraenkel Paul, né le 9 avril 1906 à Francfort. Résidant à Ventenac-Cabardès. Engagé volontaire dans la Légion étrangère en 1939-1940.

    Grajek Henri, né le 25 novembre 1907 à Varsovie. Résidant à Espéraza

    Lion Adolphe, né le 9 avril 1878 à Sotern (All). Résidant à Belvis

    Movsoricius Dovidas, né le 25 décembre 1899 à Ukmerge (Lithuanie). Résidant 12, rue du pont vieux à Carcassonne

    Goldberg Rubin, né le 3 janvier 1908 à Mieler. Résidant à Quillan.

    Ces quatre derniers ont bénéficié d’une mesure administrative car leurs enfants étaient nés en France. C’est la raison de leur non arrestation. Tous les autres ont miraculeusement échappé à la rafle.

    Sources

    Archives de l'Hérault : 18W283, 84W346, 18W227

    Mémorial de la Shoah

    Filae, Généanet

    Holocaust survivors

    Crédit photos

    Historyscope

    Mémorial de la Shoah

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  • Tout le monde n'avait pas été Résistant...

    Durant la dernière semaine du mois d'août 1944, un esprit de vengeance s'empara du département de l'Aude à l'encontre des miliciens et des collaborateurs des nazis. Ils avaient agi pour le compte du gouvernement de Vichy, dirigé par Pierre Laval sous l'autorité du maréchal Pétain. Le bras séculier de la justice n'allait pas tarder à rattraper ceux qui avaient porté les armes contre les maquis, ou dénoncé résistants et juifs. Aussi étrange que cela puisse paraître, on n'eut pas de mal à les débusquer chez eux. Après la dissolution de la milice de l'Aude, les lampistes s'en étaient retournés dans leurs fermes ou châteaux. Avec naïveté, ils n'avaient sans doute pas mesuré la gravité de leurs fautes. Leurs chefs, quant à eux, avaient obtenu un passeport pour l'Argentine via l'Espagne grâce au concours de Franco. Ils ne furent jamais inquiétés lorsqu'ils revinrent en France après les lois d'amnistie des années 1950. Leurs subordonnés et quelques sous-chefs furent cueillis et incarcérés à la maison d'arrêt de Carcassonne dans l'attente de leur jugement.

    Par arrêté du préfet Jean Augé en date du 31 août 1944, la cour martiale fut instituée, s'appuyant sur la loi du 9 août 1849 sur l'état de siège. 

    Article 1

    Il est intitulé dans le département de l'Aude une cour martiale à laquelle seront déférés les infractions ou agissements ayant eu pour but ou pour effet de nuire au Peuple français, notamment les actions contre les patriotes français, les agents de la Résistance, les dénonciations faites à l'ennemi et les relations avec celui-ci, les attentats sur les immeubles privés et édifices publics ainsi que sur les personnes, les vols de biens appartenant à la Nation, ainsi que les infractions graves à la législation sur le marché noir.

    Article 2

    La cour martiale est composée d'un président, de quatre assesseurs, d'un commissaire du Gouvernement et d'un greffier. Tous ces membres sont désignés par le commandant des FFI.

    Article 3

    Les individus arrêtés seront déférés à la cour martiale par décision du commandant des FFI, ordre qui vaudra mandant de dépôt au d'arrêt.

    Article 4

    La Défense ne pourra être représentée devant la cour martiale que par un défenseur désigné d'office par le Président de cette Cour. L'inculpé aura la faculté d'y renoncer. Les débats auront lieu à huis clos.

    Article 5

    La cour martiale est compétente pour apprécier toutes les infractions commises dans le département de l'Aude ; elle connaîtra également des faits reprochés à tout individu domicilié dans le même département.

    Article 6

    L'inculpé renvoyé par décision du commandant des FFI devant la cour martiale sera amené devant cette juridiction pour être jugé sans citation et sans délai.

    Article 7

    Le jugement sera rendu à la majorité des voix ; il sera exécutoire immédiatement et ne sera susceptible de recours que devant le commissaire régional de la République. Ce recours devra être formé dans l'heure suivant le jugement.

    Article 8

    Les peines que prononcera la cour martiale seront celles prévues au Code Pénal. Si la cour se déclare incompétente, elle pourra maintenir l'inculpé en détention jusqu'à la saisie d'une nouvelle juridiction. Ses décisions seront affichées à la porte du domicile du condamné et de la mairie du lieu du siège de la cour martiale pendant un mois et publiés par voie de presse.

    Article 8

    La cour martiale pourra siéger dans toute localité de son choix.

    Contrairement à certaines idées transportées par les ennemis de la République, il ne s'agissait pas d'un tribunal sauvage dirigé par des communistes. Pour exemple, le commandant FFI Georges Morguleff qui avait remplacé Jean Bringer, avait été chassé par les bolcheviks en 1917 de Russie. C'était un Russe blanc. Par ailleurs, chaque dossier d'inculpé fit l'objet d'une instruction et de dépositions. Le début des audiences de cette cour martiale eut lieu le 1er septembre 1944 dans la salle du tribunal civil de Carcassonne en présence de : Commandant Bousquet (Président), Capitaine Louis Raynaud, Lieutenant Chaumont, Sergent Rancoule, Soldat Montaim, Capitaine Bonfils et du greffier Frontil. Le capitaine Alaux fut désigné comme défenseur.

    Lors de cette première journée, le jugement des six inculpés prononça une relaxe, une peine de Travaux forcés à perpétuité et quatre peines capitales. A chaque fois, les condamnés à mort sollicitèrent un recours en grâce. Toujours rejeté par le commandant des FFI dans l'impossibilité d'obtenir l'avis du Commissaire régional de la République, en raison de l'éloignement et du manque de communications. Il semble que l'urgence de l'exécution de la peine prévalut sur les droits du condamné. Nous citerons le cas, d'un pète et de son fils, l'un condamné aux Travaux forcés et l'autre relaxé. Leur retour à la prison, entre les mains de résistants de la 25e heure, les fit passer à trépas après d'abominables tortures. Quant à ceux qui attendaient le peloton, c'est atrocement mutilés qu'il s'y présentèrent. On leur passa les pieds et les mains dans la presse à copier.

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    Exécution au champ de tir de Romieu

    Ces suppliciés furent amenés sur un camion devant le mur du bâtiment de l'ancien manège, à la caserne Laperrine. Là, les attendaient leurs cercueils soigneusement alignés. Après s'être assis sur celui qui leur était destiné, chacun son tour ils allèrent brièvement se confesser auprès d'un prêtre (l'abbé Auguste-Pierre Pont) avant d'être passés par les armes. La foule, enivrée de vengeance, vociférait autour d'eux comme aux heures les plus sanglantes de 1793. Le plus jeune des fusillés n'avait que 21 ans. Il avait payé pour avoir tiré sur des maquisards de son âge lors d'expéditions répressives avec les Allemands. Le spectacle, si l'on peut dire ainsi, attisa tellement les haines que l'on finit par sursoir les exécutions en ville. Dans les mois qui suivirent, les condamnés furent fusillés sur le champ de tir de Romieu.

    Ce dernier paragraphe m'a été raconté par mon père. Il avait sept ans ; il a tout vu. Etait-ce un spectacle pour un enfant ? Pourtant, mon grand-père l'avait amené voir l'exécution de ces miliciens. Il faut replacer tout cela dans le contexte d'une époque de souffrances, de trahisons, de haine et de peur. La fin d'une guerre civile ou les français se dénonçaient entre eux. Mon père en fit des cauchemars pendant très longtemps.

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