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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 53

  • Un tube de Johnny Hallyday a été composé dans un hôtel de Castelnaudary

    Johnny Hallyday aux Arènes de Beaucaire en 1961

    Le 24 juin 1961, Johnny Hallyday - alors âgé de 18 ans - fait la première partie du concert de Sacha Distel aux arènes de Beaucaire. Il a ensuite rendez-vous à Castelnaudary où il doit y rencontrer le compositeur et producteur Ray Ventura.  Il sollicite son ami Jean-Jacques Debout pour l’accompagner. Celui-ci raconte que le trajet vers la cité chaurienne se déroule dans un panier à salade, escorté par la police. Le succès de la jeune vedette est tel que chaque fan cherche à obtenir un morceau de ses vêtements.

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    Hôtel de France à Castelnaudary

    L’oncle de Sacha Distel et auteur de « Tout ira bien, madame la marquise » va produire prochainement le film « D’où viens-tu Johnny ? ». Il lui faut expliquer à Jean-Philippe Smet le scénario. L’histoire d’un garçon qui s’ennuie dans sa famille à Paris et qui décide partir en Camargue. Lorsque Jean-Jacques Debout et Johnny Hallyday arrivent dans l’Hôtel de France à Castelnaudary, Ray Ventura les attend en compagnie d’un grand monsieur avec des cheveux blancs. « On aurait dit un grand Léo Ferré, raconte J-J Debout. C’était Abel Gance, le mythique réalisateur de « Napoléon » et de « J’accuse ». À table, devant un cassoulet, Johnny me donne un coup de coude et me demande qui c’est ».

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    Le piano droit sur lequel la chanson a été composée. Il est toujours dans l'hôtel 

    La chanson « Pour moi la vie va commencer » va accoucher sur le piano de l’hôtel. Pris par le temps, Ventura doit absolument partir vers Toulouse le lendemain. Debout se propose d’écrire la musique grâce à l’insistance de Johnny. En une nuit, l’affaire est pliée. L’histoire racontée par le mari de Chantal Goya en est même assez rocambolesque : « Il y avait un piano dans le hall de l’hôtel. Il était une heure du matin et la patronne de l’hôtel ne voulait pas que je joue du piano, car, comme se tenait le salon du cuir de Castelnaudary, toutes les chambres étaient occupées par des représentants de commerce, et elle avait peur que le bruit fasse fuir ses clients.

    Johnny est alors monté dans nos chambres et est redescendu avec toutes les serviettes et descentes de bains. On les a mis dans le piano et cela a étouffé le son. Ensuite, on a pris le menu des cassoulets et on a écrit les paroles dessus. Il faut imaginer que j’avais Ray Ventura à ma droite et Abel Gance sur ma gauche. Je n’en menais pas large. 


    Et j’ai commencé à jouer et chanter « Pour moi la vie va commencer / En revenant de ce pays », pendant que Ray Ventura relevait les notes car, à l’époque, nous ne disposions pas de magnétophone.

    Abel Gance avait un regard très impressionnant. Avec Johnny, nous étions entre le désir de bien faire et abord du fou rire. J’ai imaginé une chevauchée avec des taureaux autour du cheval. C’est un peu comme une chanson de western. Johnny était très content : « Ça va être sympa ! ». Ventura aussi trouvait ça formidable. Une fois à Paris, on a fait enregistrer l’accompagnement par un orchestre. »

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    La chanson du film s’est vendue à plus de 6 millions de disques dans le monde entier. Comme quoi, un bon cassoulet servi à l’Hôtel de France peut inspirer la gloire. Les fans de Johnny Hallyday pourront toujours demander au patron de cet établissement où a dormi leur vedette préférée en juin 1961.

    Source

    Johnny Hallyday. L’idole éternelle / Alain Wodrascka / Editions Favre / 2017

    Merci à Rene Girma

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2021

  • 23 août 1944 : "Ils ont tué papa !"

    Mon père, Henri Pau, était né à Cherchell dans le département d’Algérie, le 24 octobre 1900. Pourquoi en Afrique-du-Nord ? Mon grand-père, qui était pharmacien militaire, est revenu poursuivre sa carrière en France à Toulouse et à Montpellier. Mes grand-parents étaient  originaires de La Redorte dans l’Aude.

    Mon père, lycéen à Carcassonne, poursuivit ses études universitaires à Montpellier dans une école d’ingénieur. Ainsi, lorsqu’un poste d’enseignant se libéra à l’école d’agriculteur de Charlemagne, le Ministère de l’agriculture le nomma dans cet établissement. Il en fut même le directeur après le départ de M. Kirchbaum. Au moment où le gouvernement de Vichy prit les rênes du pouvoir, celui-ci commença à exercer une chasse aux fonctionnaires républicains. Tous ceux qui détenaient des postes importants dans l’administration furent mis la retraite d’office. Mon père, qui n’avait jamais caché ses opinions politiques radical-socialiste, dut abonner la direction de l’école. On lui accorda tout de même le droit de redevenir enseignant. Monsieur Caillon prit sa place.

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    Bien décidé à ne pas laisser les Allemands se rendre totalement maîtres du pays, grâce à la politique de collaboration de Pétain avec les nazis, mon père entra en résistance. Dans l’anonymat, au péril de sa vie, il fit transiter vers le maquis de Citou les réfractaires au Service du Travail Obligatoire. Un de ses amis, qui fabriquait du charbon de bois, avait enrôlé les jeunes réfractaires. A partir de 1943, tout français ayant l’âge requis, devait partir en Allemagne pour travailler pour l’industrie de guerre nazie. Vichy appelait cela « La relève ». Un grand nombre d’hommes envoyés, contre le retour de quelques prisonniers de guerre.

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    À la Libération, le capitaine FFI Guy David confia à mon père une mission. Aller prévenir le maquis de Citou de ne pas descendre à Carcassonne, à cause des colonnes allemandes transitant en direction de Montpellier. Ce 23 août 1944, alors qu’il se trouvait à La Redorte, il retourna chez lui  à bord d’un side-car avec son ami Jean Séguier - surnommé « De la copé ». Peu avant le domaine de Millegrand, en direction de Trèbes, leur moto tomba malheureusement sur un régiment allemand. Celui-là même composé de troupes caucasiennes, appelées Mongols. Ils furent pris à partie. Si Jean Séguier parvint à s’enfuir, mon père qui était handicapé par l’amputation d’une jambe, ne put s’échapper. Son corps fut retrouvé portant des impacts de balles à l’abdomen, les membres supérieurs fracturés et une balle dans le front. J’avais treize ans. Je revois encore le corps de mon père étendu dans le couloir de notre maison. Ma mère, totalement effondrée, en larmes. Nous habitions sur l’allée d’Iéna, à l’angle de l’actuelle avenue Lespinasse.

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    La route vers Trèbes près de Millegrand. C'est là qu'en Henri Pau a été tué. A l'époque, la vigne était plantée en espalier. Cela ne lui a pas permis d'apercevoir de loin la colonne allemande.

    Une chapelle ardente fut dressée sur la place Carnot. Il y avait une dizaine de cercueils dont celui de Jean Bringer, le chef FFI assassiné à Baudrigue. En ce 31 août 1944, le long cortège funèbre accompagna ces pauvres malheureux jusqu’à la cathédrale Saint-Michel.

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    La Chapelle ardente, place Carnot

    A défaut de caveau, le corps de mon père fut inhumé dans celui de la famille Héran, au cimetière Saint-Michel. Ce n’est qu’après la guerre qu’on le fit mettre à La Redorte où il repose aujourd’hui. Le stade municipal de cette ville porte le nom d’Henri Pau.

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    Le stade Henri Pau à La Redorte

    J’ai longtemps gardé une haine envers les Allemands. Ils avaient tué mon père. Ils nous avaient rendus orphelin avec ma sœur Maryse. Mon père fut homologué comme Lieutenant FFI. Ma mère toucha la retraite du Ministère de l’agriculture. Le temps passa… J’ai compris que le seul moyen pour que de tels drames ne se reproduisent pas, c’était de construire l’amitié avec l’Allemagne au sein de l’Europe. Il n’y a jamais eu de plaque commémorative à l’endroit où mon père a été tué. Ma mère ne le souhaitait pas. D’ailleurs, c’est très difficile encore à mon âge (91 ans) d’évoquer cette histoire. 

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    Henri Pau

    (1900-1944)

    Propos recueillis auprès de M. Henri Pau fils que je remercie

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  • Bernard Ischer, un chanteur Carcassonnais oublié

    « Éphéméride » : Lundi un couplet en prose. Mardi le refrain en vers. Mercredi juste une pause. Et jeudi à bras ouverts. Vendredi à pluie battante. Samedi à cœur battant. Samedi longue est l’attente. Dimanche on a tout le temps… Composé sur un texte de Gaston Bonheur, cette chanson aurait dû propulser son auteur en haut du Hit parade. Le destin ne l’a pas voulu ainsi. La nouvelle mode a peut-être balayé un arrangement musical pas assez tourné vers le Disco. A l’évidence, Éphéméride mérite un autre sort que d’avoir désormais une place de choix dans le site « Bide et musique ». Bernard Ischer s’était pourtant entouré de l’un des meilleurs paroliers. Gaston Bonheur avait fait le succès de Mireille Mathieu avec « L’accent », que l’on attrape en naissant du côté de Marseille. Il disposait également de l’un des plus grands manager du moment. Roger Choukroun, le mari de Régine, n’avait d’égal que les frères Marouani pour disputer la première place de la compétition. Si le nom de Bernard Ischer n’est pas passé à la postérité, ce serait plutôt la faute à Claude François, Johnny Hallyday, Joe Dassin et Michel Sardou. Tout avait pourtant bien commencé pour Bernard Ischer.


    Né en 1945 en Afrique-du-Nord, le jeune homme débarque à Carcassonne avec ses parents. Après son baccalauréat, il travaille au Ministère des finances à Paris tout en cultivant son violon d’Ingres. Sa passion, c’est écrire des chansons. À la fin des années 1960, Bernard Ischer s’inscrit au « Jeu de la chance » présenté par Roger Lanzac. Il s’agit d’une espèce de télé-crochet à l’intérieur de l’émission « Télé dimanche ». Thierry le Luron y fera ses débuts le 4 janvier 1970. Poussé par les votes des Carcassonnais, Bernard Ischer y passe à trois reprises. Sa chanson « Quatre murs » assure son succès télévisuel. Les journalistes du Languedoc commencent à s’intéresser à lui. A Montpellier, on fait la promotion de ses bandes et finalement, son premier 45 tours sort en 1968. « Une terre », c’est son titre, est produit par le label « Festival », 3 rue Gramont à Paris. Lors de l’émission « Magnétophone », enregistrée le 16 mars 1970 pour Radio Midi-Pyrénées, il répond aux questions de Guy Serin. Un autre Carcassonnais. Bernard Ischer avoue préférer l’écriture à l’interprétation. Il travaille actuellement avec Gaston Bonheur, le patron de Paris-Match, originaire de Belviane dans l’Aude.

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    Bernard Ischer et Jacques Olive à Radio Andorre

    L’année 1969 constitue le point de départ de sa carrière avec « Le soleil et la lune ». Cette chanson, présentée au MIDEM (Marché International du Disque et de l’Edition Musicale), lui fait espérer une reprise internationale de ce titre. En 1970, son troisième 45 tours s’appelle « L’arc-en-ciel ». La maquette a même été enregistrée à Carcassonne dans le studio de son ami Georges Savi. Sur l’autre face, « Que tu m’aimes un peu » a été composé dans la capitale audoise pendant les vacances. Pour l’anecdote, une version a été jouée à l’orgue par l’abbé Monet dans l’église de Palaja.


    Le soldat de bois, texte de Gaston Bonheur

    Bernard Ischer arrête sa carrière de chanteur en 1976. Parmi ses autres chansons, citons « Le soldat de bois », « Pèlerinage pour un amour », « Suis-là, elle te fuit ». Nous ne savons pas hélas ce qu’est devenu l’artiste. Peut-être quelqu’un lira cet article et nous donnera des informations à ce sujet. 

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