Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 326

  • Le 1er avril 1928, Carcassonne accueille le président Raymond Poincaré.

    Un train spécial en provenance de Toulouse arrive en gare de Carcassonne à 11h45 avec à son bord, le Président du Conseil. La salle d'attente a été transformée pour l'occasion en salon de réception dans lequel les autorités attendent Raymond Poincaré à la sortie de son wagon. Parmi elles, citons : MM. Albert Sarraut ; Jean Durand, Pierre Marraud (sénateurs) ; Castel et Milhet (députés), Bougouin (préfet), le général Daugan (16e corps d'armée), Albert Tomey (maire) et son conseil municipal. Après les présentations, le président Poincaré prend place dans une automobile en direction de la salle du manège de cavalerie de la caserne Laperrine. C'est là qu'il doit déjeuner et tenir un meeting. Depuis 10 heures du matin, les abords de la gare sont noirs de monde ; un important service d'ordre de 200 gendarmes épaulé dans sa tâche par des policiers se dispersera sur le parcours du cortège présidentiel. 

    Raymond_Poincaré_1914.jpg

    © Wikipédia

    Le banquet dressé pour 250 convives attend l'arrivée du cortège. Quand celui-ci entre dans l'ancien manège de cavalerie, l'hymne national retentit ; une banderole porte l'inscription "Vive Poincaré". Des faisceaux de drapeaux tricolores, des buissons et des plantes décorent la salle, désaffectée depuis le départ du 19e dragons de cavalerie. Après le déjeuner, le président de la République prendra la parole lors d'un meeting dans l'autre salle du manège d'artillerie. Elle est mitoyenne et l'on a fait percer une porte pour que Raymond Poincaré n'ait pas besoin de sortir pour s'y rendre.

    img062.jpg

    © L'illustration

    Ce sont près de 5000 personnes qui sont rassemblées à l'intérieur ; il y en a presque autant à l'extérieur où des hauts-parleurs diffuseront l'allocution du président. On crie : 

    Vive la République !

    Vive Poincaré !

    Vive l'Union nationale !

    Le républicain progressiste de centre droit qui s'était allié au gouvernement Combe en 1902 avec le bloc des gauches, a été rappelé à la tête de l'état en 1926 devant l'ampleur de la crise financière. Élu comme Président de la République de 1913 à 1920, Poincaré va cette fois encore exercer la fonction de Président du Conseil jusqu'en 1929. Il forme un gouvernement d'union nationale et mène un politique d'autorité financière. Le franc est dévalué de cinq fois sa valeur initiale.

    Capture d’écran 2016-01-25 à 17.05.19.png

    Le discours de Poincaré

    Les intentions les plus noires m'ont été prêtées. J'ai été accusé de venir ici rompre, au profit exclusif d'un parti, l'union que j'ai essayé de maintenir devant les périls de la guerre et de rétablir les graves difficultés de la paix. Ai-je besoin de vous dire, pas plus ici qu'à Bordeaux, je ne viens me mêler aux luttes électorales et qu'au surplus je reste aujourd'hui ce que j'étais hier, ce que j'ai toujours été, ce que je serai jusqu'à mon dernier jour : un républicain, fermement attaché à la liberté de conscience, depuis longtemps imprégné de l'esprit démocratique et laïque, qui continue à croire que la meilleure manière de servir l'humanité est de commencer à aimer sa patrie ?

    La devise républicaine

    "La liberté, l'égalité, la fraternité, ce sont messieurs des mots qui n'ont pas vieilli, malgré les interprétations erronées ou abusives qu'on en a parfois données. Ce sont les mots qui traduisent les idées essentielles de tout programme démocratique. La liberté telle que nous la concevons dans le Nord-est, telle que la convoitent certainement presque tous les Français, c'est la liberté dans l'ordre et le respect de la loi. L'égalité, ce n'est pas la méconnaissance aveugle des différences naturelles ; ce n'est ni le nivellement des esprits ou des destinées, ni le triomphe immérité de l'envie, c'est l'identité complète des droits politiques pour tous les citoyens, la suppression des privilèges légaux et des barrières artificielles. La fraternité, ce n'est pas le vain étalage de sympathies verbales pour les déshérités de la vie, c'est une activité efficacement employée au développement continu du bien-être collectif et de tous les progrès matériels et moraux qui peuvent améliorer le sort des peuples.

    Le redressement financier

    Raymond Poincaré évoque l'urgence de la situation financière du pays au moment de la constitution de son gouvernement. Le franc était dans un état d'instabilité depuis la fin de la Grande guerre ; il fallait donner 240 francs pour une livre sterling. Le changement opéré depuis plusieurs mois a permis de faire passer la livre sterling à 125 francs. Le président rappelle qu'en juillet 1926 : "il ne restait dans les caisses du Trésor, ni de quoi payer les dépenses de fin de mois, ni de quoi pourvoir aux remboursements demandés sur les Bons de la Défense nationale, ni de quoi faire face aux échéances extérieures. 

    L'état a depuis remboursé ses dettes criardes et reconstitué ses encaisses. 

    "Depuis 20 mois, nous avons obtenu du parlement, sans douzièmes provisoires, le vote de deux budgets solidement équilibrés et que la crise économique, qui est toujours consécutive à une période de dépréciation monétaire, ait été chez nous beaucoup moins grave que dans la plupart des pays d'Europe : que le chômage n'ait jamais eu les mêmes proportions qu'en Angleterre, en Allemagne ou en Russie."

    L'indivisibilité de la France

    " Il n'y a que les étrangers qui, trompés par une observation superficielle, opposent en France le Nord au Midi ou l'Est à l'Ouest. Notre nation est depuis longtemps la plus fortement unie de toutes celles qui se partagent le monde. Les nuances n'existent que pour mieux faire valoir l'ensemble."

    Ce qu'il reste à faire

    "Il y a des gens qui s'imaginent que pour assainir définitivement une situation monétaire, il suffit que la loi décide, un beau matin, une opération libératrice. Ce qu'il faut pour rendre à une monnaie sans pleine santé, c'est qu'elle ait plus une valeur artificielle imposée par le cours forcé et qu'elle redevienne convertible en or. Cette guérison ne se décrète pas, elle se prépare, s'opère et se maintient par la réalisation d'un certain nombre de conditions indispensables : confiance persistante des créanciers de l'état, défense inexorable de l'équilibre budgétaire, lutte impitoyable contre les augmentations de dépenses qui risqueraient de la mettre en péril, prudence financière persévérante, commerce extérieur favorable et balance des compte positive. La sévérité est de tout temps le principal mérite professionnel d'un ministre des finances.

    Le scandale des nouvelles fortunes

    "Comme tous les pays courbaturés par les fatigues de la guerre, et même plus que d'autres parce qu'elle a plus souffert, la France a éprouvé en ces dernières années une sorte de malaise physique et moral qui a momentanément altéré ses forces vives et affaibli ses facultés traditionnelles. Elle n'a pas du tout réagi avec assez d'indignation contre la recherche des rapides, l'insolence des nouveaux riches, l'indulgence pour tous les moyens de succès et de fortune, le relâchement dans le travail et dans l'épargne."

    Réformes fiscales

     "A mesure que le permettra l'état du budget, il conviendra certainement de remanier les impôts et même de les alléger. Tout ce qu'un ministre des finances a le devoir de demander, c'est qu'on ne coule pas le navire sous prétexte de le renflouer, c'est qu'on ne se figure pas de soulager les contribuables en rouvrant le déficit, c'est qu'on procède avec circonspection et par étapes, sans jamais perdre de vue les nécessités de l'apurement monétaire.

    Sans vouloir opposer aucunement le travail au capital, en tâchant au contraire de les rapprocher de plus en plus étroitement dans une coopération féconde, nous nous efforcerons de réviser notre mécanisme fiscal de manière à ménager davantage le travail qui créé, le capital qui se forme. Nous chercherons à mettre davantage de justice dans l'assiette des impôts, à faire en sorte qu'ils soient mieux en rapport avec les facultés contributives des redevables, qu'ils ne pèsent pas trop lourdement, à la campagne comme dans les villes, sur le labeur des familles modestes."

    Un tableau du communisme

    "Ah ! messieurs, si les quelques Français qui se laissent attirer par le mirage communiste connaissaient mieux la tristesse et les déboires de la vie moscovite, les dissensions intestines, les abus de pouvoir, les jugements sommaires, les déportations et les exécutions, ils changeraient rapidement d'opinion et trouveraient encore dans notre République, qu'ils qualifient dédaigneusement de bourgeoise, un caractère plus équitable, plus généreux et pour tout dire, plus populaire que dans la nouvelle civilisation à rebours qu'on ose leur proposer comme une garantie de bonheur. Mais puisqu'en France et aux colonies, le communisme prêche la guerre civile, il ne suffira pas d'un haussement d'épaule pour arrêter sa propagande."

    151.  A. Tomey en campagne électorale .jpg

    © Claude Marquié

    Albert Tomey - maire de Carcassonne - à la tribune pendant un discours.

    img063.jpg

    Après le meeting, le président Poincaré eut beaucoup de peine à se frayer un chemin dans la foule afin de rejoindre son automobile. Celle-ci devait le conduire à la Cité médiévale où un vin d'honneur devait être servi dans le château comtal. A cette occasion, il signa le livre d'or de la ville de Carcassonne puis repartit dîner à Toulouse, avant son arrivée à Paris.

    1302111173.jpg

    Extrait du livre d'or

    Sources

    L'action pyrénéenne / Avril 1928

    L'illustration

    __________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016

  • L'entreprise de matériaux Chauzy et fils

    2921612898.jpg

    L'entreprise Philippe Chauzy est fondée dans la seconde moitié du XIXe siècle à Carcassonne.

    Capture d’écran 2016-01-22 à 16.27.30.png

    Elle vend des matériaux de constructions: articles d'ornementation, carrelages, tuyaux en grès et ciment, appareils sanitaires, poëles en faïence décorée et des cheminées en marbre. Par ailleurs, elle est aussi concessionnaire des Sociétés Pavin de Lafarge (ciment et chaux).

    2357088467.jpg

    L'entrepôt est situé en 1904 au numéro 27 de la rue Pierre Germain (photo ci-dessus), tandis que les bureaux se trouvent dans la rue de Strasbourg (n°15), à quelques pas de là.

    Capture d’écran 2016-01-22 à 16.27.17.png

    L'entrepôt, rue de Strasbourg 

    Capture d’écran 2016-01-22 à 16.32.53.png

     Les bureaux déménageront ensuite dans ce très bel immeuble du 2, boulevard Omer Sarraut vers 1910. J'ignore si c'est la famille Chauzy qui l'a fait bâtir, mais c'est probable. Aujourd'hui, c'est le cabinet de l'avocat Me Pouchelon qui occupe les lieux. Ce n'est pas étonnant si l'on retrouve ensuite le nouveau magasin d'exposition à deux pas de là. Il reste même des vestiges en faïence sur la façade, face à l'ancien cabinet de radiologie du Tivoli.

    Capture d’écran 2016-01-22 à 16.35.49.png

    La photo est en tous points comparable avec l'entête de la facture du magasin, situé boulevard Omer Sarraut. 

    Capture d’écran 2016-01-22 à 16.37.22.png

    Par bonheur, les faïences qui ornent la façade ont été conservées depuis le début du XXe siècle.

    Capture d’écran 2016-01-22 à 16.38.07.png

    Sur le fronton de la façade

    Capture d’écran 2016-01-22 à 16.38.44.png

    A l'angle de la rue J. Bringer et du boulevard Sarraut

    Capture d’écran 2016-01-22 à 16.39.26.png

    Cet immeuble appartient à la famille Antech, propriétaire d'une grande maison de Blanquette de Limoux. Nous espérons que par nôtre article, tout ceci sera préservé dans le futur.

    ____________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016

  • Trois cavaliers du 19e régiment de dragons meurent noyés à Montredon

    Trois cavaliers du 19e régiment de dragons de Carcassonne se sont noyés au matin du 18 août 1909 dans l'Aude. Le 2e peloton du 1er escadron du capitaine Bellabre avait quitté à 6 heures la caserne pour aller faire un excercie de service en campagne. Il était commandé par le brigadier Rouex en l'absence de l'officier de peloton qui est en permission. La petite troupe d'un effectif d'une vingtaine d'hommes, manoeuvrait sur les bords de l'Aude. Elle avait franchi la rivière à un gué rocheux, situé à hauteur du hameau de Montredon, à trois kilomètres environ en aval de la ville. Les cavaliers étaient passés de la rive droite sir la rive gauche, en face du parc de Saint-Jean, sans accident. Lorsque peu après 7 heures et demi exactement, ils voulurent revenir sur la rive droite, la rivière avait considérablement grossi par suite de l'ouverture des vannes de la chaussée du Païchérou en amont de Carcassonne.

    Capture d’écran 2016-01-22 à 13.29.29.png

    Les chevaux de la première moitié du peloton, à peine engagés dans l'eau, ont été entraînés par le courant vers un gouffre voisin et les cavaliers désarçonnés. Au milieu de cris et d'appels désespérés, les pauvres jeunes gens ont gagné la rive, les uns cramponnés à la crinière ou à la bride de leurs chevaux, les autres en nageant avec la plus grande difficulté, gênés qu'ils étaient par leurs vêtements. Hélas ! Trois d'entre eux ont coulé au fond de l'eau et n'ont pas pas reparu. Ce sont les nommés Lagarde, de Lauzerte (Tarn et Garonne) qui était libérable le mois prochain ; Monvignier, originaire de la Savoie, télégraphiste, qui avait un an de service, et en fin Puginier, réserviste, des environs de Castres, marié et père de deux enfants, arrivé la veille à peine à la caserne en période d'instruction.

    Le brigadier Rouex s'est courageusement porté à leur secours, mais il a eu juste le temps de saisir les rênes qu'un cavalier lui a lancées pour ne pas couler à son tour au fond du gouffre. Le cheval du réserviste Puginier, le premier qui, paraît-il, a perdu pied, s'est noyé : il a eu sans doute ses mouvements paralysés par les victimes qui ont dû se cramponner à son cou et à ses membres...

    L'alarme donnée au quartier, le colonel, le médecin-major et les officiers du régiment se sont rendus en toute hâte sur le lieu de l'accident et des recherches ont été opérées dans la rivière par des militaires et des civils. Le corps de Lagarde a été retiré le premier à 8 heures et demi, puis celui de Puginier à 10 heures. Le médecin -major a vainement tenté de les rappeler à la vie par la traction rythmique de la langue et la respiration artificielle. L'asphyxie avait fait son ouvre. Les deux cadavres ont été transportés à l'hôpital.

    Les funérailles

    21 août 1909

    Capture d’écran 2016-01-22 à 13.26.18.png

    C'est au milieu d'une affluence des plus imposantes et douloureusement émue qu'ont eu lieu, ce matin, les obsèques des malheureuses victimes de la tragique noyade qui, mercredi dernier, vint plonger dans le deuil notre régiment de cavalerie, en même temps que trois malheureuses familles.

    Dès 7 heures et demi, la place de l'hôpital est noire de monde. Toute la garnison est là pour rendre les derniers devoirs au malheureux camarades morts victimes du devoir. La population de Carcassonne se presse autour de ces officiers et de ces soldats, que la douleur étaient, pour leur indiquer, en cette pénible circonstance, la part que chacun prend à leur peine si profonde. 

    Devant la porte de la chapelle de l'hôpital, au large char, attelé de six chevaux, attend son funèbre chargement : c'est une fourragère tendue de noir, ornée d'un dôme de verdure et de fleurs, et tapissée de drapeaux et de couronnes. Ces couronnes ont été offertes l'une par M. Albert Sarraut, sous-secrétaire d'état au ministère de la guerre, les autres par les officiers, les sous-officiers, les cavaliers et les réservistes du 19e dragons.

    C'est M. l'abbé Clerc, premier vicaire de Saint-Michel, qui procède à la levée des corps, assisté de M. l'abbé Francoual. Les trois cercueils recouverts chacun du dolman, du sabre et du casque du défunt, sont successivement placés sur le char par des dragons, tandis que les trompettes font entendre les sonneries réglementaires et qu'un peloton rend les honneurs. Le cortège s'ébranle et ses dirige vers l'église par la rue Voltaire. En tête, la musique Sainte-Cécile fait entendre des marches funèbres. Trois draps d'honneur précèdent les dépouilles mortelles. Derrière le char, des agents en portent trois couronnes offertes par la municipalité. Le deuil est conduit par les parents des défunts, par le colonel Sailly, commandant le 19e dragons, et le capitaine de Bellabre, commandant le 1er escadron. Viennent ensuite les autorités civiles : MM. Faucilhon, maire de Carcassonne, Dr Sempé, premier adjoint, Sauzède, député, Bacon...

    A l'église Saint-Michel, le sanctuaire a été décoré de drapeaux aux couleurs nationales. Cette courte cérémonie religieuse terminée, le cortège se reforme et se dirige vers la gare par la rue du mail, les boulevards Barbès, de la préfecture et du Tivoli. A La gare, quand les dernières prières ont été dites, le colonel Sailly s'avance devant les trois cercueils alignés et d'une voix manifestement émue, prononce un touchant discours.

    Capture d’écran 2016-01-22 à 13.27.52.png

    Après cet émouvant hommage, l'assistance profondément impressionnée, défile devant le colonel du 19e dragons, entouré de ses officiers. Les cercueils sont placés dans un fourgon particulier. La triste cérémonie est terminée. Il est 9 heures et demi. Peu après, les wagons funéraires sont attelés à des trains express qui emportent les trois mortelles dépouilles, celle de Lagarde sur Vignas (Tarn et Garonne), celle de Montvignier sur Ugines (Savoie), en fin celle de Puginier sur Gibrondes (Tarn).

    La stèle du souvenir

    P1040660.jpg

    Une stèle en hommage à ces cavaliers se trouve actuellement dans le carré militaires du cimetière Saint-Michel. En aucune façon, ils n'y sont inhumés. Il est même fort probable que cette stèle se trouvait à la Fajeole sur le lieu du drame, avant qu'elle ne soit déposée ici à une date que nous ignorons.

    Source

    L'action Pyrénéenne 

    19 et 21 août 1909

    Crédit photos

    Martial Andrieu

    ____________________________

    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine / 2016