Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 327

  • Francisco Ferrer n'a pas droit de cité... à Carcassonne

    Pratiquement toutes les villes de France ont donné à leurs artères ou établissement publics, le nom de Francisco Ferrer.

    Nous vous proposons dans cet article d'apprendre qui était ce citoyen Catalan et pour quelles raisons n'est-il pas passé à la postérité à Carcassonne. Vous verrez que l'étude historique permet de mieux comprendre les comportements sociologiques et politiques d'aujourd'hui. 

    arton2979.jpg

     Francisco Ferrer i Guardia naît en 1859 près de Barcelone dans une famille bourgeoise et reçoit une éducation catholique conservatrice. Il s'en détourne grâce à son oncle, fervent républicain anticlérical. Après la mort de ce dernier, un ami de la famille chez qui il est placé dans l'espoir de lui faire retrouver la "raison", va au contraire faire progresser les idées libertaires du jeune Ferrer. Après avoir fréquenté les milieux anarchistes, Ferrer reste un militant acharné de la République dans une Espagne monarchiste. Il entre en Franc-maçonnerie dans la loge "La verdad" (la vérité).

    En 1886, Francisco Ferrer participe au coup d'état manqué du général républicain Villacampa. Recherché en Espagne, il se réfugie alors en France où il est accueilli par ses frères du Grand Orient de France. Après de petits boulots, il obtient un poste de professeur d'espagnol au lycée Condorcet. Ferrer rencontre  Léopoldine Bonnard - une jeune libertaire qui lui donnera un fils - et entretient une relation avec une vieille demoiselle Meunié. En 1901, elle lui lègue sa fortune avec laquelle Francisco Ferrer monte l'Ecole moderne.

    "Ferrer en vient à penser qu’une nouvelle forme d’éducation – porteuse d’un projet d’émancipation de l’individu et en totale rupture avec les institutions religieuses et étatiques – devra précéder la transformation sociale. Pour lui, l’éducation émancipatrice, en transformant les mentalités des générations futures, est la clé de l’émancipation humaine (Guillaume Goutte)."

    La pédagogie de Ferrer repose sur cinq piliers essentiels : la mixité, l'égalité sociale, la transmission d'un enseignement rationnel, l'entraide et l'autonomie. Les droits d'entrée à l'école sont proportionnels aux revenus. La laïcité n'est pas chez Ferrer source d'émancipation intellectuelle car elle s'articule, selon lui, autour d'un nationalisme d'état auquel il faut être soumis. Il préfère le rationalisme.

    Escuela_Moderna.jpg

    « Notre enseignement n'accepte ni les dogmes ni les usages car ce sont là des formes qui emprisonnent la vitalité mentale (...) Nous ne répandons que des solutions qui ont été démontrées par des faits, des théories ratifiées par la raison, et des vérités confirmées par des preuves certaines. L'objet de notre enseignement est que le cerveau de l'individu doit être l'instrument de sa volonté. Nous voulons que les vérités de la science brillent de leur propre éclat et illuminent chaque intelligence, de sorte que, mises en pratique, elles puissent donner le bonheur à l’humanité, sans exclusion pour personne par privilèges odieux."

    A l'école moderne, il n'y a ni examens, ni compétition. Chaque enfant pratique l'entraide avec ses camarades ; les plus forts aident les plus faibles. Les enseignants n'interviennent que pour donner les cap des choses à apprendre, mais les élèves construisent seuls leur cheminement éducatif. Les sanctions sont également abolies, car on considère que la société doit bâtir des enfants responsables, agissant selon leur libre arbitre.

    Francisco Ferrer instille des idées anarchistes et libertaires aux élèves, en dehors du contrôle de l'état et de l'église. L'attentat de Mateo Morral - ancien élève de l'Ecole moderne - contre le roi Alphonse XIII en 1909, donne un prétexte au régime pour l'interdire. Ferrer est arrêté et emprisonné pendant un an, malgré les protestations. Aucune charge n'ayant été retenue contre lui, il sort avec l'autorisation d'ouvrir à nouveau l'Ecole moderne de Barcelone. De retour à Paris, il fonde La ligue internationale pour l'éducation rationnelle de l'enfance, avec pour président honoraire Anatole France. La Revue l'Ecole rénovée compte 900 abonnés ; les préceptes de Ferrer trouvent un écho en Europe.

    En 1909, la guerre du Rif éclate au Maroc. Pour échapper à la conscription, les ouvriers espagnols doivent payer une somme très élevée, hors de portée de leurs revenus.

    Capture d’écran 2016-02-26 à 09.56.36.png

    © BNF

    La Guardia civil pendant les grèves

    Une grève se déclenche à Barcelone pour protester et le gouvernement espagnol envoie la troupe pour la mater. Le 2 août 1909, les militaires font 75 morts, 500 blessés et procèdent à 2000 arrestations. Du côté des insurgés, trois militaires sont tués et 112 bâtiments incendiés dont 80 édifices religieux.

    Francesc_ferrer_guardia_detingut.jpg

    Le Catalan Francisco Ferrer est désigné coupable par l'évêque de Barcelone :

     Les partisans de l'École sans dieu, de la presse sectaire et des cercles anarchistes qu'il faut supprimer.

    Il est arrêté et mis en prison, avant qu'un simulacre de procès expéditif ne le condamne à mort.  Son défenseur écrit alors :

     Je me trouve en face d'un procès terminé sans que l'instruction, en quête seulement de charges, et ayant eu recours dans ce but à des ennemis politiques de Ferrer qui, par tous les moyens, ont essayé de salir mon client, ait un seul moment recherché la vérité. 

    Francisco Ferrer est fusillé à Monjuich (Barcelone) le 13 octobre 1909 à 9 heures. Debout et face au peloton, il criera ces mots :

    Mes enfants, vous n'y pouvez rien, visez bien. Je suis innocent. Vive l'École Moderne

    Le procès sera révisé en 1911 et Ferrer reconnu innocent en 1912

    FrancescFerreriGuardia.jpg

    La tombe de Ferrer au cimetière de Montjuich

    Capture d’écran 2016-02-26 à 08.53.08.png

    En apprenant la nouvelle, partout en France dans les milieux républicains des voix s'élèvent pour dénoncer le crime odieux. De grandes manifestations s'organisent comme à Paris et Toulouse, le 17 octobre 1909.

    Capture d’écran 2016-02-26 à 09.55.52.png

    © BNF

    La manifestation parisienne du 17 octobre 1909

    A Carcassonne, la Bourse du travail organise un meeting au théâtre municipal. Le journal Carcassonnais "La justice sociale" d'obédience socialiste explique qu'il a refusé de se rendre à ce rassemblement hypocrite. Il accuse Sarraut et Briand de n'avoir pas, au nom du gouvernement français, fait pression sur l'Espagne afin d'empêcher l'exécution de Ferrer. Voici, selon le journal, ce que les cercles républicains de Carcassonne auraient dû dire à ce meeting :

    Considérant que l'exécution arbitraire de Francisco Ferrer constitue un crime irrémissible non seulement contre les droits de l'individu, mais encore et surtout contre toute espèce de pensée libre,

    Considérant que le gouvernement espagnol, en commettant cet attentat, a donné un nouveau gage à toutes les forces de régression morale, politique et religieuse, qui tendent à ramener le peuple à plusieurs siècles en arrière,

    Protestent au nom de la raison et de la pensée laïque, contre l'acte monstrueux qui vient d'être commis,

    Regrettent que la protestation qui a eu lieu à Carcassonne n'ait pu se faire entendre quelque jours plus tôt, afin d'avoir une portée effective, et non le caractère purement platonique qu'elle revêt désormais,

    Et regrettent plus vivement encore que les citoyens Briand et Sarraut qui représentent officiellement en France le socialisme arrivé au pouvoir, n'aient pas demandé au gouvernement d'Alphonse XIII l'élargissement et la vie de Ferrer, étant donné que leur remontrance aurait eu beaucoup plus de chances d'être écoutée que celle de tous les cercles républicains français réunis.

    La rue Francisco Ferrer

    Lors du conseil municipal de Carcassonne du 30 novembre 1909, la proposition de M. Courtade de donner un nom de rue au fondateur de l'Ecole moderne, est adoptée. La rue des Champs dans le quartier des Capucins devra être débaptisée en faveur de F. Ferrer, selon le voeu des élus socialistes. 

    Un mois après, le 23 décembre... le conseil municipal fait état d'une lettre de protestation du chanoine Combes contre cette décision. Il rappelle qu'il avait donné à la ville les terrains pour réaliser une partie de la rue des champs, afin qu'elle porte le nom de Jeanne d'arc. Il réitère cette demande en s'opposant au nom de Francisco Ferrer. Le maire accède à sa demande et indique que l'actuelle rue des Rames portera bientôt le nom du martyr espagnol.

    Le 8 novembre 1910, le Midi Socialiste s'indigne :

    La rue des Rames s'appelle toujours ainsi. Elle attend toujours les plaques qui doivent changer son nom. Qu'attend-on pour exécuter une décision prise par le conseil et approuvée par l'opinion ? Il y a longtemps que Castres, Mazamet, Albi, etc... ont la rue Ferrer. Pourquoi lambine t-on ? Les uns attribuent ce retard à la municipalité, les autres à la négligence du préfet. Le public se demande quels sont les motifs des lenteurs administratives. Pourquoi Fédou plutôt que Ferrer ? Qu'es aco Fédou ! Est-ce que la préfecture craindrait-elle de froisser les sentiments des cléricaux, ses nouveaux amis ?

    Il faudra attendre le 8 novembre 1920 - dix ans plus tard - pour que le conseil municipal après avoir validé les changements des boulevards du musée et de la préfecture (Pelletan et Jaurès) et de la rue de la gare (Clémenceau), se décide à renouveler une motion en faveur de la rue Ferrer, rue des champs. Ceci malgré l'opposition de la Société des Arts et Sciences de Carcassonne présidée par M. Jeanjean, en séance du 6 juin 1920.

    Pendant quelques mois, la rue des champs prit le nom de Francisco Ferrer, mais... un décret ministériel du 30 octobre 1920 annule l'arrêté municipal. La préfecture de l'Aude s'est visiblement opposée à ce changement de nom au profit d'un libertaire, à deux pas du patronage Jeanne d'arc. Elle ne verra pas d'opposition à ce qu'elle prenne le nom de l'archiviste Joseph Poux le 10 décembre 1940.

    Capture d’écran 2016-02-27 à 11.34.48.png

    Aujourd'hui encore Carcassonne n'a toujours pas donné de nom de rue à Francisco Ferrer. Ce blog ne porte pas de jugement, mais cette histoire nous éclaire sur la bipolarisation de la société Carcassonnaise. 

    _____________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016 

  • La société de produits chimiques Docor-Grazaille, fondée par Georges Hyvert

    Il est très compliqué de retracer l'historique des industries dès lors qu'il n'existe que peu ou pas de documents d'archives. Très souvent, ils ont été détruits ou perdus après la cessation de leur activité. La société Docor-Grazaille fondée par G.Hyvert, ingénieur des mines, ne déroge pas à cette douloureuse constatation. Le fait est d'autant plus criant quand, dans ce cas précis, l'ensemble des bureaux et bâtiments a été victime d'un incendie en juillet 1944. Il n'existe alors pas trente-six solutions ; il faut soit retrouver les héritiers, soit orienter ses recherches vers la brocante, les vide-greniers, les collectionneurs, la presse locale. C'est vers ces dernières sources de renseignements que nous avons axé nos recherches afin de vous proposer l'article suivant.

    img074.jpg

    Georges Hyvert dans son laboratoire

    Georges Simon Hyvert est un ingénieur civil, né à Paris (Ve arrondissement) le 29 janvier 1868. Il vit avec ses parents - Paul Hyvert et Marguerite Fradin - à Carcassonne, au moment de son mariage avec  Marie-Madeleine Faye en juin 1900 à Saint-Junien (Haute-Vienne). C'est d'ailleurs de ce département qu'est originaire l'ensemble de sa famille.

    A la fin du XIXe siècle, Georges Hyvert est passé maître dans les domaines touchant à l'hygiène. Il rédige notamment un livre sur la contamination par les vieux papiers. Rien d'étonnant à cela, puisque son beau-père occupe les fonctions d'administrateur de la Société générale des papeteries du Limousin.

    L'exploitation minière connaît un vrai essor avec la découverte par Marius Esparseil en 1877 de la mine d'or de Salsigne. C'est vers ce domaine d'étude que s'oriente Georges Hyvert en véritable passionné de géologie. Il possède d'ailleurs une extraordinaire collection de minerais. Durant sa vie, il ne cessera d'écrire des livres et de rédiger des articles pour la Société d'Etudes Scientifique de l'Aude, dont il devient un des membres en 1892. Il entre également en politique aux côtés du maire Gaston Faucillon ; il sera élu Conseiller municipal et se présentera sans succès aux élections cantonales de Carcassonne en 1910, comme candidat indépendant d'Union Républicaine, Radicale, Socialiste. Georges Hyvert - Chevalier du mérite agricole et Officer de l'instruction publique - décède en 1939 à l'âge de 71 ans, non sans laisser à la postérité un énorme travail documentaire sur la géologie.

    La société Docor-Grazaille

    12718063_10208306447486497_1220864402664706280_n.jpg

    L'usine du Moulin Rabaud à Limoges

    Georges Hyvert possède au début du XXe siècle, deux sociétés avec des actionnaires. La manufacture des spécialités Docor, société anonyme au capital de 600.000 francs se trouve à Limoges, au Moulin Rabaud. D'après un dossier conservé aux archives de la Haute-Vienne, il semblerait que cette usine ait été acquise en 1911 et vendue en 1924. 

    img077.jpg

    Les bâtiments de l'usine Docor-Grazailles

    A Carcassonne -1, chemin de Grazailles- est situé l'Etablissement de produits chimiques de Grazailles au capital de 250.000 francs. En 1918, il y a amodiation à la manufacture Docor de Limoges, dans l'attente de la fusion des deux sociétés. C'est vraisemblablement après la vente de l'usine de Limoges que la société devient Manufacture Docor-Grazaille. Le siège social - 61, rue de la gare à Carcassonne - s'établit alors à Bordeaux ; l'administration reste dans la capitale audoise.

    img073.jpg

    Le Docor

    Docor 1.jpg

    Le bouillon Docor est, selon une publicité de l'époque diffusée pendant la Grande guerre :

    Un potage familial qui a remplacé les exotiques. Docor est le meilleur produit français qui est absolument invincible a tué les similaires boches. C'est défendre la France que de ne consommer que des produits français. Envoyez du Docor à nos chers prisonniers. En vente dans toutes les bonnes épiceries, 0,50 centimes la boite.

    Capture d’écran 2016-02-23 à 19.03.06.png

    Une lettre de 1915 adressée au maire de La Rochelle fait état de la livraison de plusieurs tablettes de Docor pour l'assistance publique. Nous pouvons donc penser que le marché s'étendait sur le territoire national.

    Docor.jpg

    L'atelier de fabrication

    Le Pyralt

    img076.jpg

    En 1910, Georges Hyvert découvre un gisement de phosphate de Chaux aux environs d'Alet dans le dévonien supérieur. C'est une excellente matière pour la fabrication du superphosphate (Société Nationale d'agriculture de France / 12 janvier 1910). Grâce à la concession de mines, comme celle de la Bousole dans les Corbières obtenue le 10 octobre 1938 jusqu'en 1982, la société Docor-Grazaille développe un certain nombre d'engrais pour la viticulture.

    img075 copie.jpg

    Engrais chimiques appropriés aux cultures et à la nature des sols. Phospho-Guano provenant de la chair et des os d'animaux d'équarrissage. Superphosphate d'os, gelatine, sang desséché, graisse de cheval, engrais humain, sulfate de cuivre, eau céleste et ammoniurie de cuivre concentrés. M. Hyvert reçoit à son usine de Grazailles tous les animaux morts ou à abattre. Payés selon le poids.

    Les inventions de G. Hyvert

    Après le conflit viticole de 1907, Georges Hyvert invente un procédé permettant de révéler la présence d'eau sucrée dans le vin, communément appelée "mouillage". Le vin examiné est d'abord décoloré avec du noir ranimal puis soumis dans le Fraudoscope. En quelques minutes, il prend une coloration bleue plus ou moins intense, suivant qu'il a été additionné à une faible ou grande quantité d'eau. Le résultat probant de ce procédé fut le fruit de sept ans de travaux.

    En 1912, il fait part de ses recherches sur les insecticides. Il a remarqué l'action lente des arséniates de plomb sur les insectes ampélophages. Leur emploi intoxique l'animal et gêne ses facultés de reproduction. L'addition de sels arsenic à la glycérine provoquent la mort de l'insecte. 

    L'incendie de juillet 1944

    Le 20 août 1944, les allemands assassinent une vingtaine de personnes au Quai Riquet. Les bâtiments situés en bordure du Canal du midi sont incendiés. Parmi eux, il y a des établissements Embry et l'usine Docor-Grazaille. Au début des années 1950, les ruines seront rasées et remplacées par des immeubles d'habitation. Roger Hyvert, le fils du fondateur de la société Docor, prendra la succession. Ce dernier, également ingénieur civil des manufactures, se distinguera par ses très nombreuses études sur le patrimoine historique du département de l'Aude. Dans les pas de son illustre père, il prendra la présidence de la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude en 1937.

    Roger Hyvert. SESA.jpg

    © SESA

    Roger Hyvert

    (1901-1988)

    ______________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016

  • Les fêtes des cadets de Gascogne et du Languedoc, à Carcassonne en 1898

    En août 1898, une troupe composée de personnalités de la littérature, de l'art et de la politique entreprit un voyage dans le Midi de la France. "Les cadets de Gascogne" ainsi nommés, honorèrent de leur présence la ville de Carcassonne pendant quatre jours de fêtes à vocation culturelle, du 12 au 15 août.

    Capture d’écran 2016-02-07 à 21.12.44.jpg

    © Bibliothèque municipale de Lyon

    12 août 1898

    Les Cadets de Gascogne arrivent le 12 août à 9h20 en gare de Carcassonne et sont accueillis par le membres du Comité des fêtes avec à sa tête le général de la Sougeole. Parmi eux : MM. Maure, de Bordas et Jourdanne (Vice-présidents) ; MM. Auboise, Doinel, le colonel Grillières, Larrousse, Michel Sabatier (présidents des commissions) ; MM. Ambry, Chosset, Esparseil, le commandant Maillé (adjoints) ; M. Dusseau (trésorier) ; MM. Philibert et Jordy (secrétaires). Après un bref discours de M. Faucilhon (1er adjoint au maire), les Cadets placés dans des landaus prirent la direction des boulevards, précédés des musiques du 15e et 100e régiment.

    Capture d’écran 2016-02-21 à 14.16.50.png

    Une fois arrivés à l'hôtel de ville, Maurice Sarraut fit remarquer que la grande salle de la mairie datant de 1618, tombait presque en ruine et fut remise rapidement dans un état presque convenable pour les accueillir. Dans l'assistance, on remarquait MM. Jules Sauzède (Maire), Georges Leygues (président du Comité des Cadets), Goujon (directeur des Beaux-arts), le général Mansuy (commandant la brigade de cavalerie).

    13 août 1898

    A 10 heures du matin, on procède dans le péristyle du musée des Beaux-arts à l'inauguration du buste de Jacques Gamelin posé sur son piédestal. M. Alboize - directeur du journal "L'artiste" - remet le monument  à la ville au nom du Comité. Le voile qui couvre l'oeuvre tombe et dévoile la magnifique sculpture. Un tonnerre d'applaudissement se fait entendre accompagné de "Vive Falguière". 

    Capture d’écran 2016-02-21 à 14.27.07.png

    Ce buste en bronze dessiné par Alexandre Falguière (Premier Grand prix de Rome en 1859) a été fondu par Thiébaut frères, fondeurs à Paris. Cet été il se trouvait encore dans un coin sombre du péristyle du Musée des Beaux-arts de Carcassonne, noyé sous la poussière et les toiles d'araignées. Gageons qu'un meilleur sort lui a été réservé depuis... Il n'est après tout que recensé dans le catalogue des biens nationaux.

    Falguière-Gamelin.jpg

    © Wikipedia 

    M. Roujon retrace alors la carrière du célèbre peintre Carcassonnais 

    "Gamelin passa sa vie loin de Paris. A part un rapide séjour qu'il y fit au temps de sa jeunesse, il partagea son existence entre Rome, qu'il habita plusieurs années, et quelques villes du Midi. Or, au siècle dernier déjà, comme de nos jours, vous le savez, il n'était pas de renommées que celles que Paris avait consacrées. Cette consécration manque à Gamelin. Près d'un siècle s'est écoulé depuis sa mort, et sa notoriété ne s'est point élargie ; elle n'a pas dépassé les limites restreintes de la région où il a vécu, où ses oeuvres cependant son disséminées à profusion dans les églises, les musées, les collections privées - sans y être, faut-il l'avouer ? toujours estimées à leur mérite. Par-delà nos provinces méridionales on ignore jusqu'à son nom !

    Et pourtant Gamelin fut un peintre de race, un artiste dont l'originalité, par ses côtés caractéristiques, défie tout rapprochement, toute comparaison avec aucun autre artiste de son époque. Non pas que son art ne soit bien de son temps, qu'il répudie aucune des formules, qu'il s'affranchisse de toute tradition, mais à mesure que sa personnalité va se dégageant, un don d'observation très sagace, une imagination ardente, un tempérament fougueux se révèlent en lui ; un maître s'affirme fièrement." 

    lauge NB1.jpg

    © Coll. Mario Ferrisi

    A. Rouquet, A. Laugé, J. Auboise et A. Astre

    La cérémonie s'acheva par la déclamation d'un poème d'Armand Silvestre par Mounet-Sully, intitulé "Ô terre de Gascogne" et la remise de décorations. M. Roujon décerna au nom de M. Bourgeois - Ministre de l'instruction publique - les Palmes d'officier d'Académie à MM. Journet (Membre de la Société des Arts de Limoux), Achille Mir (Félibre) et Achille Rouquet (Directeur de la Revue Méridionale). Le peintre Achille Laugé les reçut des mains de son professeur, M. Jean-Paul Laurens.

    Capture d’écran 2016-02-21 à 16.12.02.png

    © Bibliothèque municipale de Toulouse

    Dans un écrin-photo en guise d'album souvenir des fêtes de Gascogne et du Languedoc, se trouve la reproduction d'un tableau d'Achille Laugé et une ode de Maurice Sarraut à la Cité.

    Les Cadets se rendirent ensuite à l'intérieur du musée afin de visiter l'exposition de tableaux de Jacques Gamelin.

    A la cité 

    A 5 heures de l'après-midi à la Basilique Saint-Nazaire, le chanoine Gasc souhaita la bienvenue aux Cadets. Jane Ediat interpréta l'Ave Maria de Cherubini et l'air du Messie de Haendel accompagné à l'orgue par M. Baichère. La Maîtrise paroissiale, dirigée par l'abbé Falcou chanta des airs languedociens.

    Tout le long de la journée de nombreux concerts se succédèrent dans la ville. Une retraite aux flambeaux amena les Cadets jusqu'au square Gambetta, où l'on entendit "Le Miéjoun".

    Vidal.jpg

    Paul Vidal

    (1863-1931)

    Il s'agit d'une cantate composée par Paul Vidal, chef d'orchestre de l'opéra de Paris. Une rue de Toulouse près de la place St-Georges porte le nom de ce musicien oublié. L'oeuvre fut dirigée par M. Escaffre - maître de chapelle de l'église Saint-Vincent - et jouée par l'Harmonie vocale et l'orchestre de Carcassonne. 

    14 août 1898

    Au milieu d'une grande foule d'étrangers, près de 200 convives participèrent au banquet dressé dans le jardin de l'ancien évêché à la Cité. 

    Menu

    Beurre des vacheries de Messire

    Sardines des mers narbonnaises.

    Hachis de porc des Cévennes

    ---

    Loup marin de la grande mer de Taprobane

    ---

    Cassoulet féodal de la Cioutat

    ---

    Alésions au cresson de la Barbacane

    ---

    Bombe Grégeoise Trencavel

    ---

    Poires albigeoises

    Biscuits en fouaces Roger Bernard

    Châteaux en pâtisserie de Gascogne

    ---

    Limons du bon pays de Razès

    Grand hydromel mousseux du messire Michel Sabatier

    Elixir noir. Fine champagne des Trouvères

    Liqueurs de la vicomtesse Michelinede l'antique Cité

     

    Le Banquet s'acheva à 2h12 de l'après-midi par un cortège historique dans les rues de la Ville basse. Cette reconstitution historique n'aurait pas été possible sans le concours de M. Doinel, archiviste départemental.

    15 août 1898

    La dernière soirée de ces fêtes fut consacrée au tout premier feu d'artifice lancé depuis les remparts de la  vieille ville.

    Capture d’écran 2016-02-21 à 16.03.48.png

    Après une nouvelle retraite aux flambeaux, à 9h34 du soir l'embrasement de la Cité enthousiasma les 2000 personnes qui s'était massées pour l'apercevoir, suivant l'ordre suivant :

    1. Salve de 25 marrons d'air

    2. Embrasement de l'enceinte extérieure

    3. Tir de 50 bombes et de 210 fusées diverses

    4. Salve de 25 marrons d'air

    5. Embrasement des deux enceintes et de St-Nazaire

    6. Grand bouquet de 300 chandelles romaines lançant 4000 globes de couleurs variées

    7. Tir de 300 marrons d'air

    Capture d’écran 2016-02-21 à 15.52.48.png

    Les Cadets et les invités purent y assister depuis l'emplacement réservé à l'extrémité de la rue du 24 février, près du cimetière St-Michel. La réussite totale du spectacle pyrotechnique est due à la Maison Floutier de Toulouse. La difficulté de l'opération consistait surtout dans le développement de plus d'un kilomètre des parties embrasées.

    laurens.jpg

    © Bibliothèque municipale de Lyon

    Lithographie de J-P Laurens

    "La ville de Carcassonne en a retiré déjà et en retirera encore dans l'avenir un bénéfice sérieux, non seulement au point de vue matériel, mais encore à un point de vue plus élevé, car elle aura désormais toute dans toute la France le renom d'une cité accueillante et hospitalière, éprise d'art et de poésie, possédant dans son sein ce monument unique en son genre, cet inestimable joyau, qui faisait hier dire à Chincholle : "Le monde entier pourrait venir ici y apprendre quelque chose, puisque l'antique cité est la seule ville du moyen-âge restée complète, intacte entre ses murs si caractéristiques."

    (L'express du Midi)

    Comme vous ne l'ignorez pas, à Carcassonne tout se finit avec des polémiques. Les années passent, les moeurs demeurent...

    "M. Esparseil, à propos du fascicule de la Revue Méridionale consacré aux fêtes de gascogne, s'élève avec vigueur contre une assertion de cette revue qui, nous dit-il, attribue à M. Rouquet, son directeur, le mérite d'avoir imaginé, ou, comme on l'a dit, "enfanté" le bel embrasement de la Cité, triomphale clôture de ce réjouissances artistiques. Il revendique cet honneur pour notre confrère, M. le colonel Grillières. Ce dernier associe à son propre nom celui de M. Esparseil son collaborateur laborieux et méritant."

    (Revue des Pyrénées et de la France méridionale / 1898)

    "Au sujet de l'embrasement de la Cité, M. Poux demande quel en a été le promoteur ? M. Sivade rappelant ses souvenirs relatifs aux fêtes des Cadets de Gascogne qui eurent lieu en 1898 et auxquelles il prit une part active, dit que M. Bouffet alors ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et le colonel de génie en retraite, Grillières, alors président des la Société des Arts et des Sciences, doivent être regardés comme étant les promoteurs du premier embrasement qui eut un succès des plus retentissants. M. Sivade ajoute qu'il y assista avec la Comité des fêtes.

    (Mémoires de la Société des Arts et Sciences de Carcassonne)

    _________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016