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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 323

  • Dans la valise des déportés Carcassonnais vers Auschwitz

    Nous avons déjà évoqué sur ce blog, l'aryanisation, c'est-à-dire la spoliation des biens immobiliers et mobiliers des familles juives avant leur déportation dans les camps de la mort. Ceux-ci étaient d'abord confiés à un liquidateur - désigné par l'administration allemande - avec le concours de l'État Français, puis vendus aux enchères publiques ou cédés gracieusement à des nazis. Nous avons retrouvé des documents dans les archives de l'armée américaine prouvant qu'hélas, Carcassonne n'est pas passée au travers de ces spoliations. La difficulté pour les familles héritières -s'il en restait- de ces pauvres malheureux envoyés à la chambre à gaz, fut d'obtenir après la Seconde guerre mondiale, la restitution de ce qui avait été volé. La plupart du temps, des familles entières ayant été exterminées, les biens restèrent entre les mains de ceux qui les avaient acquis. Qui allait porter réclamation ? Dans d'autres cas, les héritiers durent s'armer de courage pour faire valoir leurs droits auprès des autorités compétentes ; il fallut qu'elles apportassent les preuves de propriété. Il y a sans aucun doute des propriétaires actuels qui, sans le savoir - dans le meilleur des cas - possèdent des biens provenant de l'aryanisation. Ci-dessous, nous ne donnerons que deux exemples parmi... combien ?

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    L'entrée du camp d'Auschwitz

    Steiner Greta

     Madame Steiner Greta de nationalité française, habitait 9 route de Limoux à Carcassonne, quand elle tenta de récupérer un logement en novembre 1947, par l'intermédiaire chef de la division des restitutions et réparations, au quartier général des forces armées américaines en Autriche.

    "J'ai l'honneur de vous informer que l'immeuble situé à Vienne VII, Zieglergasse 38, appartenait avant la guerre à Madame Rosa Krieger ; il a été confisqué le 15 juillet 1942 au bénéfice du Reich conformément au Reichbürgergesetz*Il est toujours entre les mains du Reich comme cela apparaît dans Grundbuch du registre de Neubau (Numéro 1200).

    Rosa Krieger disparut durant sa déportation. Par décision du 16 octobre 1947, le tribunal régional l'a déclaré comme étant décédée. Il résulte que sa succession est par conséquent ouverte. Son unique héritière est sa fille, Madame Gerta Steiner, de nationalité française habitant à Carcassonne qui demande la restitution de l'immeuble confisqué dès qu'elle deviendra propriétaire de son héritage.

    En conséquence, vous seriez aimable de noter que cet immeuble, bien qu'apparemment allemand, représente un intérêt français, prendre les mesures pour le protéger et me tenir informé.

    Je suis disposé à vous donner toutes information complémentaire."

    *La loi sur la citoyenneté du Reich de 1935 créait deux espèces d'Allemands ; ceux de "sang pur" et les  ressortissants raciaux considérés comme étrangers. Ces derniers avaient moins de droits que les autres.

    Haguenauer Paul

    Paul Georges Haguenauer demeurant 10, rue de la préfecture pendant la guerre, possédait une société de vente de tracteurs sous la marque "Le Français". Par arrêté du 24 janvier 1942 paru au Journal Officiel, les biens de M. Haguenauer sont mis entre les mains d'un administrateur et d'un huissier Carcassonnais chargés d'en rédiger l'inventaire en vue de la vente. Il est également mis fin aux fonctions de M. Haguenauer comme directeur de cette société.

    Le 30 novembre 1942, un courrier du Commissariat aux questions juives de Montpellier (2, rue des Etuves) signé de J. Tollincri est adressé au préfet de l'Aude :

    " J'ai l'honneur de vous demander l'internement administratif du juif Haguenauer Paul, dont les agissements et l'activité croissante en qualité d'ingénieur conseil portent un grave préjudice aux vrais français."

     Le préfet Marc Freund-Valade ne va pas se soustraire contrairement à son prédécesseur à la demande du Commissariat aux questions juives. Le 5 janvier 1943 :

    "M. Haguenauer Paul né le 24 décembre 1890 à Colmar (Haut-Rhin) de Simon et de Neyer Eve, domicilié 28 rue de la mairie à Carcassonne, est astreint de résider au centre de séjour de Fort-Barreaux (Isère) où il sera immédiatement conduit.

    M. le chef d'escadron, commandant la compagnie de gendarmerie d'Aude, est chargée de l'application et de l'exécution du présent arrêté."

    Après son internement sans sa fille et sa femme restées sous surveillance en leur domicile de Carcassonne, l'inspecteur de police Valentin D, l'administrateur Jules B et l'huissier maître T chargés de l'inventaire, découvrent des tracts jugés anti-nationaux du journal Combat, deux revolvers et un tract appelant au rassemblement du 14 juillet 1942 à la statue de Barbès. Un rapport est envoyé par Jules R, Commissaire principal, chef des renseignements généraux de l'Aude.

    À la libération, Paul Haguenauer cherchera à récupérer une partie de ses objets dispersés. Sa bibliothèque contenant plusieurs livres de valeur ayant été expertisée par un libraire de la ville, il s'adressa à lui afin de la récupérer. Il dût s'y reprendre à plusieurs reprises avec au final une mise en demeure. Voici la réponse qu'il reçut du commerçant :

    "Au cours de l'année 43, j'ai été sollicité pour examiner une bibliothèque. J'ai donné mon avis verbalement sur un certain nombre de livres en précisant que généralement le prix en occasion correspondait à la moitié du prix marqué. Au cours de la visite j'ai appris les raisons de cette vente et je n'ai fait aucune offre. Je précise que contrairement à ce que vous prétendez dans votre lettre, je n'ai pas remis d'expertise par lettre et que je n'ai reçu aucune rétribution de quelque sorte que ce soit."

    De la même manière, M. Haguenauer s'adresse à un grand magasin de vêtements de Carcassonne afin de récupérer ses seize complets que celui-ci à accepter de revendre, contrairement à d'autres tailleurs qui ont refusé de prêter une aide quelconque à un acte de spoliation. 

    (Ces commerces n'existent plus à Carcassonne)

    Paul Haguenauer participa comme lieutenant F.F.I a la libération de Carcassonne, le 20 août 1944. Il est reconnu "Mort pour la France" le 9 novembre 1946 avec le grade de Commandant. Son corps se trouve dans la nécropole nationale "Les vallons" à Mulhouse, Carré A1 n°115. 

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    © Georges Simon

    MémorialGenWeb

     

    Sources

    Service historique de l'armée

    Document déclassifiés US

    Archives de l'Aude

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  • Tournage du film "La merveilleuse vie de Jeanne d'arc, fille de Lorraine", en 1927 à la Cité

    A partir du 3 novembre 1927, la Cité de Carcassonne accueille le tournage d'un grand film muet d'envergure nationale, financé par les productions Natan à hauteur de 8 millions de francs. Toute la troupe est arrivée de Mazamet. Depuis un mois on préparait les machines de guerre et les décors sur les remparts de la Cité médiévale.

    La merveilleuse vie de Jeanne d'arc,

    fille de Lorraine.

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    L'écriture du scénario qui retrace la vie de la pucelle d'Orléans depuis Vaucouleurs jusqu'au bûcher de Rouen, a été confié à Jean José Frappa. Louis Aubert assure l'édition de l'oeuvre mise en scène par le peintre et désormais réalisateur, Marco de Castine. Après un concours au cours duquel de très nombreuses  actrices auront participé, une jeune femme de 16 ans a été choisie pour incarner l'héroïne principale.

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    Simone Genevois

    (1912 - 1995)

    Là, sur un vaste enclos qui domaine les célèbres fossés, une foule bigarrée se presse curieuse et enthousiaste. Figurants Anglais, Français, metteur en scène, administrateur, journalistes, tout ce monde ne forme un instant qu'une masse compacte... Mais un coup de sifflet strident donne un ordre et chacun court à la place qui lui est assignée. Les armes sont distribuées. Les cuirasses aux Français, les cottes de maille aux Anglais, appareils aux opérateurs et un magnifique porte-voix à Marco de Gastyne.

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    Les opérateurs Asselni et Belladone entourant M. Gaston Brun. Chef de la prise de vue Delval et son équipe surveillent les mouvements d'ensemble et expédient écuyers et arbalétriers  ans le champ utile où l'artiste Mailly leur donne les derniers conseils.

    M. René Ginet, notre distingué confrère de la presse cinématographique parisienne, délégué des Productions Natan, nous a aimablement invité a suivre les opérations d'une prise de vues. Et notre excursion ne s'est réalisée qu'après un excellent déjeuner, où tous les confrères furent réunis.

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    La troupe est rassemblée. Sous une même cuirasse on ne reconnaît plus soldats, ni civils. L'égalité est si uniforme que tout esprit de commandement disparaît. Et pourtant, ces hommes obéissent au moindre geste du metteur en scène. Il y a là, comme figurants des Carcassonnais, des soldats du 80E, des artistes même qui, pour les encourager et former une atmosphère nécessaire se sont glissés parmi eux. Marco de Gastyne harangue tous ceux qui vont se battre et transmet à l'artificier qui, par hasard, se nomme Pétard, ses ultimes recommandations.

    A droite, il dit que les Anglais prennent l'offensive !

    A gauche, il crie que les Français se méfient !

    Au milieu, il nous crie de rester tranquilles !

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    Et pendant ce temps, la foule des curieux se presse aux alentours gênant parfois les mouvements et offrant le spectacle comique de particuliers béatement ahuris.

    Un coup de sifflet. Le capitaine anglais , Lord Glasdal, aperçoit les Français. Il donne à ses soldats l'ordre de s'élancer. Mais nous ne sommes plus aux temps des arbalétriers et des catapultes. Nos soldats du XXe siècle s'élancent mollement. Alors Marco, énervé, leur crie dans le haut-parleur.

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    - Cent mètres de gâchés ! Un peu plus d'ardeur, s'il vous plaît !

    Et l'on recommence jusqu'à la perfection. Les soldats du 80e sont pétris de bonne volonté. Le soleil baisse à l'horizon. Il est quatre heures. Nous interviewons tour à tour MM. Gaston Modot - le capitaine anglais - et Mailly - le capitaine Lahire. Tous deux sont satisfaits. Et Marco de Gastyne nous dit :

    - Si je suis content ? Il faudrait que je sois fou pour ne pas l'être. Je suis enchanté, ravi, exultant de joie. Nous assistons à un effort comme jamais il n'en a été fait en France jusqu'à ce jour, effort dépassant même celui si considérable qui fut osé pour "Le miracle des loups". Et quel appuis, quels concours, quelles facilités ne nous a t-on pas accordés. Pensez-donc, la porte des monuments historiques largement ouverte. Toutes les facilités possibles pour tourner à Reims, Carcassonne, Aigues-Mortes, Mont Saint-Michel, Pierrefonds, etc... décors uniques au monde, ce qui nous permet, tout en évoquant la plus magnifique pas de notre histoire, de porter à l'écran les plus beaux sites de France.

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    Devant la cathédrale de Reims

    A Reims, nous avons obtenu pour la première fois l'autorisation de tourner à l'intérieur de la cathédrale, transformée pendant quelques jours en studio de cinéma. Pouvoir utiliser pour la figuration un nombre presque illimité de soldats volontaires des 6e, 15e, 16e et 17e corps d'armée : avoir pu joindre ainsi aux figurants civils pour la bataille de Patay, l'effectif d'une brigade de dragons, et pour le siège d'Orléans celui de deux régiments d'infanterie et d'un régiment de cavalerie. Et vous me demandez si je suis content ?

    Tant que le cinéma nous apparaît ainsi, il semble auréolé de gloire et de prestige. Quelle erreur ! Le cinéma est très beau nous dit-on : on y gagne 6, 8 ou 10 000 par mois. Mais il faut mettre en garde tous ceux qui veulent en faire à tort et à travers. Car si on réalise des bénéfices, on ne vit heureux qu'à condition de tourner toujours. Et ce n'est pas le cas, même pour les plus grands artistes ! Je crois que cette situation se retrouve partout, qu'il s'agisse de grand théâtre, d'opérette ou de music-hall.

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    La scène du siège d'Orléans à la Cité de Carcassonne

    Interviews

    Simone Genevois vient de nous quitter. Marco de Gastyne, impitoyable, l'a invitée à venir au plus tôt tourner quelques minutes. Et, mutine, elle a abandonné brusquement une partie de Mh-Jong pour aller revêtir son armure. C'est que Simone Genevois n'a que seize ans. Et il est permis, à cet âge heureux, d'avoir quelques distractions. Mais à la table où nous sommes, Mesdames Choura-Milena et Dora Starni restent encore. Aussi, pendant que Lord Glasdal, discute aimablement avec son ennemi le capitaine Lahire, nous interviewons nos deux charmantes interlocutrices.

    - Carcassonne, nous dit-on, est une jolie ville. Mais... je préfère Toulouse, avoue Mme Starni. Nous avons trouvé auprès des Carcassonnais, un accueil chaleureux. Toute la population nous a été favorable. c'est si rare, savez-vous ! Imaginez qu'un jour...

    Mais Mme Choura nous interrompt.

    - Je devise ce que vous voulez, nous dit-elle. Eh bien ! dites à vos lecteurs que "Jeanne d'arc" sera une de nos plus belles productions et aussi un film qui diffusera étonnement les beaux sites de votre France. Nous avons tourné à Reims, à Aigues-Mortes, au Mont Saint-Michel, à Pierrefonds, aujourd'hui à Carcassonne.

    - Ce qui vous évite d'aller à Beauvais.

    - Laissons-là le mauvais souvenir de ces ridicules histoires entre deux villes. Carcassonne l'emporte aisément. Du reste vous voyez combien est grand l'engouement des interprètes du film. Nous sommes ici tous réunis. Vous avez vu Simone Genevois, voici Mme Marie Laurent qui joue le rôle d'Eléonore, alors que Mme Starni incarne celui de Gilda. Vous savez que l'on m'a désigné pour le rôle d'Isabeau.

    - A ce moment Gaston Modot, qui venait de tourner plusieurs scènes sur les remparts ainsi que nous l'avons décrit dernièrement, complète cette distribution. Philippe Thérial tient le rôle de Gilles de Rais, autrement dit Barbe Bleue, et Daniel Mandaille assure l'interprétation du fameux Lord Talbot. Mailly, le si sympathique artiste, joue le capitaine Lahire, et Dehucourt incarne Charles VII digne d'être couronné par l'héroïne Jeanne d'arc. Louis Alibert, Georges Paulais, P-P Stock, Viguier, Soarez J. d'Albe, Marc Vahele, interprètent successivement les rôles de Rémy l'oiseau, Dunois, Bâtard d'Orléans, Jean Poitou, le frères de Ponargès et un page.

    Gaston Modot vêtu de sa lourde côte de maille venait de nous quitter, lorsqu'un homme, un géant, s'avance. c'était Vasseur, le célèbre champion de force, que les productions Natan avaient enté pour réaliser certaines scènes du film où l'acteur doit faire preuve d'une constitution robuste et d'une habileté extraordinaires. Ce bon géant, paternel et débonnaire, soulève facilement à bras tendus deux hommes de forte corpulence. 

    Le légendaire coup de sifflet retentit.

    - A vous les Anglais ! crie Marco de Gastyne

    - Attaquez ! les Français, lance Lahire...

    Et un journaliste compatriote ajoute justement :

    - C'est curieux, mais les Anglais n'ont jamais été si dociles !

    Source

    L'express du midi

    Crédit photos

    Collection Martial Andrieu

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  • Louis-Napoléon Bonaparte à Carcassonne, le 2 octobre 1852

    C'est un Louis-Napoléon Bonaparte conquérant, tout auréolé d'avoir réussi à prendre le pouvoir par la force militaire d'un coup d'état le 2 décembre 1851, qui arrive dans Carcassonne en ce début d'octobre 1852. Arrivé à la fin de son mandat de Président de la République, la constitution ne lui permettait plus de se représenter. La répression contre les opposants au futur monarque sera féroce : 27 000 arrestations, des centaines de tués et une presse aux ordres. Après avoir rétabli le suffrage universel masculin, Louis Napoléon Bonaparte provoque une élection les 20 et 21 décembre 1851 afin que le peuple se prononce sur les réformes du Prince-président - seule la presse favorable au régime est autorisée. Les civils se prononcent à bulletin secret... Le Oui est imprimé, le Non doit être écrit à la main ; le bulletin est ensuite donné à la main à président du bureau de vote pour qu'il le mettre lui-même dans l'urne. Les militaires, eux, votent à bulletin ouvert. Les résultats publiés par décret en janvier 1852, donnent près de 80% de Oui. A ce sujet, Vladimir Poutine n'a pas fait mieux... Se considérant de fait plébiscité par le vote populaire, plus rien n'empêche le couronnement du futur Empereur qui interviendra le 2 décembre 1852, jour d'anniversaire du sacre de Napoléon 1er et de la bataille d'Austerlitz.

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    Auparavant, le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte entreprend une tournée à travers la France dès le 1er septembre 1852. Persigny, ministre le plus favorable au rétablissement de l'Empire veille à museler toute tentative d'opposition sur le parcours. Partout où passe le futur Napoléon III - d'Orléans à Marseille - ce n'est que liesse populaire et distribution d'argent et de cadeaux aux autorités locales.

    Nous avons retrouvé dans un vieux livre le récit du passage de Louis-Napoléon Bonaparte à Carcassonne, le 3 octobre 1852. 

    "À dix heures, le prince quitte Narbonne et tous les coeurs, tous les bras se lèvent vers lui. Dans toutes les localités que traverse le Prince, à Cruscades, à Moux, à Barbaira, il trouve des arcs de triomphe, des guirlandes de verdure, des estrades drapées avec élégance et richesse. Les maisons sont pavoisées, les rues sont ornées de faisceaux de l'aigle, portant des écussons où l'ont lit :

    A Louis-Napoléon ! A Napoléon III ! Vive l'Empereur !

    Carcassonne a reçu le Prince avec cet éclat de fêtes et cette chaleur d'enthousiasme, que nous avons trouvé dans tout le Midi. Aux portes de la ville S.A.I est attendue par M. Edouard Bosc, maire de la ville, entouré du conseil municipal et du Conseil général de l'Aude, du conseil d'arrondissement, de la magistrature, du clergé et de tous les fonctionnaires. Sa voiture s'étant arrêté M. Bosc, maire, lui a adressé les paroles suivantes :

    La ville de Carcassonne est heureuse de vous recevoir dans ses murs. Chef du corps municipal, je suis fier d'un titre qui naguère me permettait d'être auprès de vous l'interprète de ses sentiments, et me donnent aujourd'hui le droit d'offrir à Son Altesse Impériale les clefs de notre Cité.

    Entrez, Prince, les voeux de nos concitoyens vous appellent  ; continuez, au milieu de nous, cette marche triomphale qui, sur votre passage, fait éclater les transports les plus vifs, résumés dans ce cri, symbole de l'ordre et de la gloire :

    Vive Napoléon ! Vice l'Empereur !

    Ces paroles et la réponse du Prince ont été suivies d'une vive acclamation

    Vive L'Empereur !

    À deux heures, le Prince a fait son entrée à cheval, au bruit de l'artillerie, au son des cloches, au milieu des cris d'enthousiasme de toute la population. À la Préfecture, il avait été attendu par cent jeunes filles qui lui ont offert des fleurs ; l'une d'elle lui a adressé un compliment auquel il a répondu par les paroles les plus gracieuses. Après quelques instants de repos, le Prince est sorti par la porte du jardin, il parcouru les boulevards du Palais et du Cours, où il a trouvé rangés les délégués des communes et les anciens militaires de l'Empire, ces dignes descendants des braves que César signalait comme les "hommes forts et vaillants de Carcassonne, qui vinrent lui prêter l'appui de leurs bras."

    Les délégués des communes étaient conduits par les maires, adjoints et conseillers municipaux. Les quatre cent trente-cinq communes du département avaient répondu à l'appel pour se rendre au chef-lieu ; on en cite plusieurs où tout le a marché, et où on a dû tirer au sort le nom des deux ou trois hommes valides qui resteraient pour avoir soin des troupeaux.

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    © ADA 11

    Louis-Napoléon Bonaparte devant la caserne de Carcassonne

    Après la revue des communes, le Prince a passé celle de l'armée. Le 2e hussards, une batterie du 3e d'artillerie, un autre bataillon du 67e et du 20e léger, rangés en bataille ont offert un superbe spectacle, et ont défilé aux cris de : Vive l'Empereur ! Un arc de triomphe élégant, élevé devant la porte d'une caserne, portait ces mots : Fiat Imperium.

    En rentrant, le Prince a reçu les différents corps, toutes les autorités et tous les fonctionnaires du département. Il a remis la croix de la légion d'honneur à M. Bosc, maire de Carcassonne, et Champeaux, sous-préfet de Limoux. 

    Le général comte d'Hautpoul, grand référendaire du Sénat et président du Conseil général, a présenté les membres du conseil à S.A.I. Le Prince s'est entretenu avec eux et leur a dit : " Je sais que les intérêts du Midi ont été depuis longtemps sacrifiés : il ne tiendra pas à moi que cet oubli-là ne soit réparé."

    Mgr de Bonnechose qui était allé au-devant à du Prince jusqu'à Narbonne, était revenu à Carcassonne pour présenter son chapitre et le clergé de la ville épiscopale. Il a rappelé au Prince que la cathédrale de Narbonne est inachevée et qu'on lit sur les murs de la façade ce distique latin, qui ne manquait certainement pas d'à-propos pour la visite du Prince-Président :

    Interrupta utinam tandem haec sacra maenia surgant imperio fiat quod cogitate pietas !

    (Plaise à Dieu que ces saintes murailles inachevées s'élèvent, que cette oeuvre s'accomplisse par un ordre que la piété réclame.)

    Le soir, la ville est toute entière illuminée. Spectacles gratis, danses publiques, feu d'artifice. Le Prince se rend à un bal qui lui est offert par la ville.

    La journée avait commencée par un acte de bienfaisance de la municipalité, qui avait décidé qu'une distribution de pain et de viande serait faite aux pauvres de la ville. Le Prince voulut qu'elle se terminât de la même manière, et il a laissé une somme pour être distribuée aux moins heureux des vieux soldats de l'Empire.  

    En quittant Carcassonne, le Prince a chargé M. E. Fugué, préfet de l'Aude, de remercier les habitants de ce département de l'accueil  qu'ils lui avaient fait.

    (Voyage de S.M Napoléon III, empereur des Français / F. Laurent / 1853)

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    Napoléon III

    La tradition orale locale raconte que la future impératrice -Eugénie de Montijo"- a laissé de nombreux cadeaux aux églises de Carcassonne.

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    À Saint-Vincent, elle aurait offert la parure et les habits pour la statue Notre-Dame de la parade. À l'église paroissiale de Villalbe, c'est le superbe lustre qui orne le centre de la nef.

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    Lustre de l'église de Villalbe

    Le plus beau des cadeaux de Napoléon III à la ville de Carcassonne est sans aucune contestation la restauration de la Cité médiévale. 

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    "Il examina les dessins de Carcassonne qui accompagnaient un rapport de Viollet-le-duc pendant une heure, raconta Mérimée, et parla avec lui de la cathédrale de Laon." 

    (Prosper Mérimée / Correspondance générale Vol.8)

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    © Ministère de la culture

    Ce rapport, daté du 15 mars 1853, sur les restes de l'ancienne Cité de Carcassonne, a été adressé à son excellence Monsieur le ministre d'état. Il était accompagné d'un atlas de 29 feuillets et fut imprimé.

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