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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 325

  • La collaboration industrielle dans l'Aude sous l'occupation

     Le 20 septembre 1944, le service du bâtiment et des travaux publics de la Délégation Générale à l'Equipement National relève une liste de 143 entreprises audoises - artisanales et non artisanales - ayant travaillé pour l'occupant Allemand. Ce grand nombre s'explique par le fait, qu'à un certain moment, l'Office de placement allemand de Carcassonne a réquisitionné en bloc un certain nombre d'entreprises ; ce fut le cas en particulier de toutes les entreprises de maçonnerie de Carcassonne.

    Cette liste comporte le degré d'implication de l'entreprise, exprimé en pourcentage. Ce taux a été calculé en faisant le rapport entre le nombre d'ouvriers travaillant sur le chantier et les effectifs de chaque patron. La note de l'ingénieur en chef au Commissaire de la République rappelle que : " Ce pourcentage n'est donné qu'à titre d'indication et qu'il est probablement assez différent de celui que l'on obtiendrait, en faisant le rapport des chiffres d'affaires des secteurs allemands et français."

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    Fortifications allemandes, avenue A. Mullot.

    Si une très grande partie d'entre-elles a exécuté ces travaux sous la contrainte de la réquisition, 31 cas ont fait l'objet d'un examen particulier. Certains entrepreneurs de maçonnerie se sont portés volontaires pour la réalisation de travaux militaires tels que casemates, blockhaus et autres tranchées anti-char. Des poursuites ont été engagées contre eux après la guerre, avec dans certains des arrestations. La circulaire ministérielle du 2 décembre 1944 "recommande aux administrations et aux Services publics concernés de s'abstenir d'attribuer aux entreprises dont l'activité en faveur de l'ennemi a eu un caractère notoire, des commandes et des marchés." Le 2 juillet 1946, suivant instructions du préfet de l'Aude, les noms de cinq entrepreneurs Carcassonnais exclus et condamnés sont affichés au tableau officiel de la mairie.

    Lettre de Louis Amiel (Maire de Carcassonne) à M. le Commandant Georges (Commandant départemental des F.F.I)

    31 août 1944

    J'ai l'honneur de vous faire part d'une résolution du Comité local de la Libération, approuvée par le Comité départemental, tendant à mettre à la charge des entrepreneurs constructeurs de fortifications, la démolition des ouvrages qu'ils ont exécuté pour le compte de l'armée allemande.

    Les conditions d'exécution de ces ouvrages ont soulevé pendant l'occupation, parmi la population, une émotion considérable. Certaines entreprises ont travaillé à forfait à des conditions honteuses que les allemands se souciaient fort peu de discuter puisqu'il s'agissait en définitive que des finances de la France. D'autres ont construit des ouvrages avec la main d'oeuvre fournie par la réquisition civile qui, durant quatre mois, a astreint nos compatriotes à de véritables travaux forcés.

    Dans tous les cas, il est de notoriété publique que les entrepreneurs des ouvrages fortifiés ont édifié, sur les deniers de la France et la sueur des Français, des fortunes scandaleuses. Il est donc logique qu'ils participent les premiers à l'oeuvre de redressement moral à laquelle nous nous attachés.

    Ces considérations ont conduit le Comité local, parfaitement d'accord sur ce point avec le Comité départemental, à vous demander de contraindre les entrepreneurs qui ont construit les ouvrages de défense allemands à les démolir immédiatement à leurs frais, à la main, avec l'obligation pour eux d'embaucher au tarif syndical, le personnel qui y travaillait et les ouvriers sans travail qui leur seront adressés.

    Les allemands n'étaient pas regardant sur les sommes demandées par ces entreprises de travaux publics, car la France payait 400 millions de francs par jour au titre de l'armistice de 1940. Sans compter, bien entendu, les bénéfices de tous ordres qu'ils retiraient de l'aryanisation. C'est à dire, de la spoliation des entreprises et des biens appartenant aux juifs, après leur assassinat dans les camps. Je laisse le lecteur apprécier le caractère moral de l'enrichissement des entreprises, collaborant volontairement avec l'occupant. Certaines d'entre-elles ont disparu depuis, mais d'autres sont passées du statut de petit artisan avant-guerre à une importante société, après les lois d'amnistie du milieu des années 1950. Certes, leurs dirigeants ont été condamnés à des amendes et exclus des marchés publics ; dans les faits, les pénalités financières furent modestes en rapport de ce qu'ils avaient gagné. L'Indignité nationale avec confiscation des biens n'a pas toujours été prononcée ou a été minorée en appel, quand ces personnes profitant de quelques complicités n'ont pas retrouvé tout simplement une belle virginité morale au sein du milieu associatif ou politique.

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    © ADA 11

    Maquis Faïta à Buc (Aude)

    Qu'ont pensé les proches des résistants - morts au combat ou déportés - quand ils ont vu réapparaître dans les villes, ces anciens entrepreneurs du bâtiment ou commerçants enrichis grâce au détournement de la répartition pour inonder le marché noir, faire l'acquisition d'immeubles, d'hôtels ou tout simplement construire des maisons secondaires à la mer ? J'en ai beaucoup entendu me dire : "Maintenant, ce sont eux qui nous donnent des leçons." Eh ! oui, on ne s'enrichit pas en se cachant dans le maquis, on risque sa peau et celle de sa famille chaque jour. On mange ce que l'on trouve et parfois rien pendant quelques jours... Pendant ce temps, d'autres ont choisi une voie moins exemplaire mais bien plus lucrative.

    Sources

    Archives de l'Aude

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  • Le 26 août 1923, Carcassonne reçoit le maréchal Joffre

    Au matin du 26 août 1923, le maréchal Joseph Joffre arrive en gare de Carcassonne par le rapide Paris-Font Romeu, à 8H02. Le train a 20 minutes de retard lorsque le glorieux combattant de la Grande guerre descend du wagon. Il est aussitôt accueilli par M. Vincent Jordy (adjoint au maire) qui représente en son absence le Dr Albert Tomey. On remarque également MM. Maurice Sarraut (sénateur), Renard (préfet de l'Aude), Milhet (député), Albert (Président de l'Association des mutilés), le colonel Crébassol (commandant d'armes), Rougé (secrétaire de la préfecture), Cazenave (conseiller de la préfecture), Justin Guilhem (Conseiller général), Estève (Directeur des postes), etc... Après avoir salué ces personnalités, le maréchal s'est rendu en automobile à la préfecture ; sur son passage, une foule dense et enthousiaste s'était massée le long du Jardin des plantes.

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    © Wikipédia

    M. Albert Sarraut, ministre des colonies est allé rejoindre le maréchal à la préfecture et, à 9 heures et demi, le cortège officiel monta à la Cité par le square Gambetta et le Pont vieux. Quand le maréchal arriva sur la place du château comtal, l'Union Musicale exécute la Marseillaise ; puis M. Poux, le savant archiviste départemental, donne au maréchal quelques explications sur le château et son rôle dans l'histoire de la Cité. Du château, le cortège se rend à la Tour Narbonnaise et on monte dans la salle des chevaliers, où un partitif d'honneur est offert par la municipalité. M. Poux continue ses explications sur la Cité par un tableau d'ensemble des fortifications et un bref historique de l'antique forteresse. Autour de la table où le vin d'honneur est servi prennent place les personnalités et d'autres, parmi lesquelles : MM. Durand (Sénateur), Constans (député), Albert et Mestre (Association des mutilés), Bès et Marsans (Association des vétérans), Granat et Argiles (Association des médaillés militaires).

    M. Jordy souhaite la bienvenue au maréchal au nom des Carcassonnais et salue en lui, l'enfant du pays. Joseph Joffre était né à Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales. Le maréchal remercie Carcassonne pour son chaleureux accueil et indique qu'il connaît bien cette ville, dans laquelle il a passé en 1868 son baccalauréat, auquel il fut... recalé. Depuis il n'y était pas revenu, mais n'en compte pas moins des amis parmi les citoyens.

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    L'adjoint au maire présente pour la première fois le livre d'or de la ville à la signature des illustres visiteurs de Carcassonne. C'est donc le maréchal Joffre qui a l'honneur de l'inaugurer.

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    À 10h15, le glorieux maréchal part pour Sigean par la route de Narbonne en compagnie du ministre, du préfet et des membres du parlement. Il doit inaugurer dans l'après-midi, le monument aux morts de la ville de Sigean. Joseph Joffre y prononcera ce bref discours :

    "Je suis heureux de me retrouver parmi cette population de Sigean, que j'ai connue et appréciée autrefois, il y a une trentaine d'années, lorsque je venais presque annuellement rendre visite à mon ami Gauthier, dont je connais le mérite patriotique."

    Par décision du conseil municipal de Carcassonne, l'avenue de la gare prit le nom du maréchal Joffre, le 4 mars 1936 ; il en fut de même pour celle du maréchal Foch.

    Sources

    L'express du midi / 27 août 1924

    Carcassonne et ses rues / Léon Riba

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  • Le 19 août 1912, un cyclone dévaste Carcassonne en un quart d'heure

    Lundi 19 août vers 8 heures, les éclairs se succèdent à l'horizon du côté ouest de la ville ; bientôt, les roulements du tonnerre s'approchent et l'orage éclate dans un fracas assourdissant. Il atteint la plaine d'Arzens, les Castelles, Grèzes, Salvaza, Carcassonne, Montredon, Berriac, Villalier, Malves et Villarzel-Cabardès. La zone dévastée a une longueur de 2 à 4 kilomètres maximum.

    Il était exactement 8h45, car c'est l'heure que marqua l'horloge de la caserne du 19e dragons (Laperrine) qui s'arrêta à ce moment-là. Accompagnant les éclairs et le tonnerre, une trombe d'eau mêlée de grêle, se déversa alors sur Carcassonne. Le vent soufflant en tourbillons abattait les arbres, les cheminées et enlevait les toitures. Tout obstacle fut emporté sur le passage du cyclone. En quelques minutes, les rues furent transformées en véritables torrents, et la plupart des maisons envahies par l'eau qui pénétrait partout. L'ouragan ne dura pas plus d'un quart d'heure, mais les dégâts furent énormes.

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    Boulevard Barbès, une énorme branche d'ormeau est tombée au milieu de deux roulottes d'artistes dramatiques qui, heureusement pour eux, étaient absents au moment de la chute et se préparaient, au café Glacier (actuelle Maison de retraite Montmorency), à donner leur représentation quotidienne. La baraque installée à côté des voitures et qui contenait leur vestiaire a été enlevée comme un fétu de paille et transportée à l'entrée de la rue Basse, à 25 mètres plus loin. À hauteur des Variétés-Cinéma (Maison des syndicats), un gros tilleul déraciné est couché sur le sol. Au café Glacier, la toile qui abrite les consommateurs est en pièces.

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    Sur le boulevard du Musée, le tableau est navrant : les beaux et séculaires platanes qui s'élèvent aux abords du café du musée (Trésorerie générale), ont leurs plus grosses branches à terre : un tronc est déraciné ; du côté du square Gambetta, une énorme branche a écrasé la toiture de la baraque de bonbonnerie de l'angle sud ; une autre est tombée sur la grille de l'entrée du jardin qu'elle a brisée.

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    Dans le square, face à l'ancienne prison, un platane, arraché du sol, est resté suspendu sur l'arbre voisin qui a sa plus grosse branche à terre.

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    Boulevard de la préfecture, c'est encore un enchevêtrement inextricable de branchages ; tous les platanes ont été plus ou moins abîmés , deux sont tombés dans le jardin de l'habitation de M. Murat, agent d'assurances, dégradant dans leur chute la corniche de l'immeuble.

    Boulevard Omer Sarraut, les arbres de la partie supérieure du jardin des plantes (Square Chénier) ont particulièrement souffert. Ici, comme sur les boulevards de la préfecture et du musée, de grosses branches jonchent les allées.

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    Les boulevards du Canal et Marcou, ainsi que le haut du boulevard Barbès ont été moins atteints ; néanmoins, des branches gisent par ci par là sur le sol. Même aspect lamentable au-dessous de la statue Barbès.Place Carnot, c'est une jonchée monstre sur toute l'étendue de la vaste place. La ville a offert toute la nuit un curieux tableau : des centaines de pauvres gens, hommes, femmes et enfants, ont fait une ample provision de bois, emportant leur chargement les uns sur la tête, les autres sur des charretons  ; la tâche n'a cessé a aucun moment de retentir ; on aurait dit une armée de bûcherons en pleine forêt. Signalons encore les amateurs de brochettes qui, à la lueur de lanternes, recherchaient sous le feuillage les moineaux tués, blessés ou simplement étourdis par la grêle. Ils ont ramassé ces pauvres petits oiseaux par milliers.

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    Un peu partout, les fils électriques sont rompus et à terre, n'offrant cependant aucun danger, le courant ayant été supprimé au début de la tempête, plongeant la plupart des maisons dans une obscurité inattendue. On voit encore dans les rues quantité de tuiles ou de briques provenant de la chute des cheminées abattues par centaines. Dans de nombreuses maisons, l'eau a inondé tous les étages ; des cloisons se sont effondrées sous l'influence des courants intérieurs qu'on n'a pas eu le temps d'empêcher. Certains magasins ont eu beaucoup de marchandises détériorées. 

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    À l'extérieur de la ville, les vignes et les arbres ont été littéralement arrachés sur le coteau de la Gravette. À la Trivalle, il y a eu également d'importants dégâts : dans le jardin potager, vers Saint-Jean, les arbres fruitiers sont lamentablement couchés sur le sol et les diverses plantations gâchées par la pluie et la grêle. On signale aussi de graves dégâts au vignoble, du côté de Montredon, à la Madeleine.Le cyclone qui allait de l'Ouest vers l'Est aurait arrêté ses ravages au tunnel de Trèbes.

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    À Montréal d'Aude, le Fort, Fontaines, ont bien souffert. Au Rebenty, des ormeaux séculaires ont été déracinés par le cyclone. À Villeneuve, la cave de M. Mazières a sa toiture fort endommagée ; dans les vergers, les arbres fruitiers ont été ravagés par la grêle, le palier de M. Clercy a été renversé. À la Leude, une toiture emportée ; à Fourmilla, les paliers renversés ; à Codaigues, la toiture en zinc du hangar a vu également sa toiture emportée ; à Fontcarrell, plusieurs vignes ont été littéralement hâchées par la grêle. À la Grande Fontaine, plusieurs arbres ont été partagés en deux.

    Contexte météorologique du 19 août 1912

    La France est influencée par un minimum dépressionnaire présent sur le proche Atlantique, et qui évolue en thalweg le 19 août. Ce dernier s'enfonce temporairement jusqu'au Portugal, et pilote un flux de sud-ouest sur la France, et particulièrement sur le bassin méditerranéen occidental. Cette configuration est propice à des développements orageux générateurs de fortes pluies et de fortes rafales de vent.

    Sur la France, les températures maximales connaissent des valeurs peu excessives: 26,8°C de maximum à Toulouse, et 31,6°C à Perpignan, ce qui constitue le maximum mensuel pour cette dernière station.

    A Carcassonne, le total pluviométrique relevé à l'Ecole Normale n'atteint que 7 mm. En revanche, le 20 août, plusieurs cotes pluviométriques significatives sont enregistrées sur les contreforts Cévenols: à Lodève (Hérault, 90 mm), à Campestre-et-Luc (Gard, 80 mm), et au Vigan (Gard, 86 mm).

     (keraunos.org)

    Photos

    Coll. Martial Andrieu

    Source

    L'express du midi

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