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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 189

  • L'Almanach Boher : la belle histoire d'un berger catalan devenu éditeur

    Fondé en 1875 par un berger des Pyrénées-Orientales, cet almanach était l'oracle des semailles, des travaux du jardinet des prévisions météorologiques. Nos anciens ne partaient pas en voyage sans avoir consulté le Boher. On ne plantait pas un légume où semé une graine sans l'avis de l'almanach. C'était en quelque sorte le Nostradamus des viticulteurs et des jardiniers de sept départements. Le père Boher posait avec un air de penseur sur la couverture rose de ce bréviaire du paysan. Il ajoutait à ses prévisions, maintes histoires en patois, maints contes dits à la veillée.

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    Sébastien Boher, berger de son état, gardait ses troupeaux tant dans les pâturages catalans que dans les prairies audoises de haute montagne. Tout au long des gardes de ses troupeaux, ce berger inspiré, qui se doublait d'un sage et d'un philosophe sans le savoir, observait le mouvement et les réactions de ses bêtes face au soleil, au nuits de lune et aux caprice des vents. Il pensait que les astres avaient un influence sur le comportement de son troupeau. Ainsi, devint-il capable de prédire le temps et ses caprices. Si l'on en juge par les témoignages, il ne trompait pas. Une idée vint alors à son esprit : pourquoi donc ne pas faire profiter à ses semblables de ses observations ? Il nota d'abord tout au fil des jours sur des modestes carnets. L'almanach Boher, naquit ainsi.

    Si les débuts de la publication furent modestes, au fil des ans Boher devint une institution. Les premiers numéros de cet almanach furent tirés à Sorède (P-O) puis, à l'imprimerie Pierre Polère rue du Port (Aujourd'hui, rue Armagnac) à Carcassonne. Le chiffre atteint les 150 000 exemplaires sur sept ou huit départements ! L'imprimeur composait ses textes à la main, c'est-à-dire caractère par caractère. Un travail de bénédictin ! Ce n'est qu'au moment où cette imprimerie artisanale fut rachetée par Gabelle, que le travail fut simplifié. Dès 1930, Gabelle s'équipa d'une linotype. 

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    "Lé bossut" caricaturé par Dantoine

     Le créateur de l'almanach ne pouvait le diffuser via les diffuseurs de presse. Sa publicité ses faisait par le bouche à oreille, grâce à des colporteurs. 

    "Le génial Boher en rencontra deux à Carcassonne. L'un qui était l'une des figures les plus pittoresques de Carcassonne dans les années 30, avait pour nom "Lé Boussut". En effet, homme de petite taille, il était porteur d'une gibbosité importante qui déformait sa silhouette. Pour accentuer le pittoresque de son personnage, il s'affublait d'une étrange blouse grise, plus longue que lui, et d'un chéchia à long gland. Outre le Boher, ce colporteur baratinait le public de la place Carnot en proposant des lacets, des savonnettes et des pastilles de menthe. Ce petit homme, visitait tous les villages de la région et cela jusqu'à Foix. Il accomplissait ses déplacements à pied, par étape de 20 km par jour. Il était connu de tous les fermiers du coin, était reçu à leur table et couchait dans la paille des granges. L'autre colporteur qui diffusait "Le Boher" était Soigné, pittoresque, brave homme qui, précédé de sa boite en bois blanc emplie d'almanachs et de lacets se mettait, en tous les instants, sous la protection de Saint-Antoine de Ligouri." (Marcel-Yves Toulzet)

    La parution de l'almanach Boher s'arrêta en 1958. Vous n'en trouverez plus que quelques rares exemplaires chez les bouquinistes.

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  • L'ouverture de la route touristique Luchon-Carcassonne par les Pyrénées en 1939

    Depuis 1935, la SNCF avait rétabli la liaison touristique par autocars entre Biarritz et Luchon. Réalisant un vœu émis par les municipalités et les sociétés d’exploitation des stations thermales de l’Ariège et de l’Aude, la nouvelle ligne Luchon-Carcassonne était inaugurée le 24 juillet 1939. Cette liaison, qui fit de Carcassonne la plate-forme d’accès aux Pyrénées fut assurée en deux étapes par un service bihebdomadaire. Un mois après, la Seconde guerre mondiale éclatait... Ces excursions furent d'ailleurs interrompues à partir du 6 septembre 1939.

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    Réunis samedi 22 juillet au matin à Luchon, les journalistes, après un petit déjeuner à l’hôtel d’Angleterre, commencèrent leur périple en direction de Carcassonne. Ce sont les cars Sors-Redonnet de Luchon qui embarquèrent tout ce beau monde.

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    "De Luchon, coquette ville d’eau à 630 mètres d’altitude - la Reine des Pyrénées, comme l’appellent les guides - un funiculaire conduit à Superbagnères. L’excursion en vaut la peine : à 1800 mètres, une solitude grandiose, le silence majestueux des grandes altitudes…

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    Au sortir de Luchon, on descend la grande vallée de la Pique, puis on traverse la Garonne, dont on suit quelque temps la rive droite. Mais, dès Fronsac, on quitte la vallée pour s’élever graduellement par une impressionnante montée en lacets, jusqu’au col des Ares, d’où l’on aperçoit au sud, les cimes neigeuses qui marquent la frontière espagnole.

    On se laisse ensuite mollement descendre vers la vallée du Job pour remonter cette fois à travers bois, vers le col d’Aspet, qui atteint 1074 mètres d’altitude. Et voici Saint-Girons, capitale du Conserans, au triple confluent du Salas, du Les et du Baup. Calme Conserans aux frais paysages de pelouses vertes et d’eaux vives, véritable oasis de sérénité dans le chaos tourmenté des Pyrénées… Son ancienne capitale, Saint-Lizier, offre d’authentiques joyaux d’architecture romane, avec son cloître, son palais épiscopal et sa cathédrale où abonde le marbre, car la région en est riche.

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    Audinac-les-bains, où les voyageurs de l’autocar font halte pour déjeuner, est une calme et reposante station dont les eaux chargées en sel font merveille dans certaines caves.

    La seconde étape comporte une curiosité : les grottes de Labouiche et ses merveilles souterraines. A quelques kilomètres de là, voici Foix, dont le château célèbre, qui abrita les fastes de la Cour de Gaston Phœbus, évoque sur son socle de rocher, dans son décor sauvage, l’art d’un Gustave Doré…
    Plus loin, la traversée de l’Ariège, à Tarascon, nous transporte soudain dans un paysage nouveau et curieusement méditerranéen, bien qu’il nous faille rouler longtemps encore avant de découvrir, comme nous le ferons au-delà des Gorges de l’Aude, le panorama méditerranéen type, à quelques nuances près. Mais déjà l’on perçoit une influence maritime, dans ce bourg coloré, aux tons rudes, aux rocs pelés, aux vieilles portes d’enceintes admirablement conservées…

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    Mais c’est la journée du lendemain qui offre sans doute la large variété de panoramas et de sites, puisqu’elle conduit de près de 2000 mètres, pour le ramener au niveau de la mer ou presque, en traversant tour à tour les défilés vertigineux des gorges de l’Aude et les vallées verdoyantes que coupe la frontière espagnole à Bourg-Madame. La matinée se passe en ascensions et en descentes, aussi raides les unes que les autres. A la splendeur désolée du panorama qu’on embrasse du haut du col de Puymorens, à 1918 mètres, succède la promenade en lacets à travers la brûlante Cerdagne, puis la descente sur la vallée du Carol, avec sa fameuse tour dont le nom évoque les heures dramatiques de la guerre d’Espagne…

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    Une courte halte à Bourg-Madame pour contempler, à l’autre bout du pont international, les carabiniers espagnols, et l’on recommence une nouvelle ascension, celle de Font-Romeu, brillante station de sports d’hiver qui mérite mieux qu’un court passage. Et l’on redescend, à travers bois, vers Mont-Louis aux remparts inexpugnables qui rappellent le souvenir de Vauban.

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    Un nouveau col, celui de la Quillane, et c’est la descente, fertile en émotions, sur l’Aude et ses défilés sinueux qu’il fallut bien souvent gagner sur la montagne elle-même, à coups de mine.

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    Enfin, la vallée d’élargit, la campagne prend soudain - transformation d’autant plus saisissante après la sauvagerie du décor que l’on vient de traverser - l’aspect débonnaire des vignobles et des vergers méridionaux. Bientôt, à un détour de la route, la Cité de Carcassonne dressera ses remparts intacts au-dessus de la plaine, comme sur une enluminure des « très riches heures du duc de Berry… » (Le petit journal)

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     Ce périple inaugural se termina par une réception à la mairie de Carcassonne, avant une dernière visite de la Cité médiévale. Dans la salle des fêtes, M. Sigé (adjoint au maire) représentant le Dr Tomey reçut les nombreuses personnalités : MM. Hyvert (Président de la Société d'Etudes Scientifiques) ; Embry (Conservateur du musée) représentant le Syndicat d'Initiative en l'absence du Dr Girou; Sorel (Délégué du Touring-Club de France), Colonel Cros-Mayrevieille (Président du folklore Audois) ; Génie (Chambre de Commerce) ; Lasserre (Syndicat des hôteliers) ; Brun (Chef de gare) ; Sablayrolles (Inspecteur de la SNCF) ; Doubrère (Chef de publicité SNCF), etc.

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    Stand du Syndicat d'initiative 

    Cette manifestation avait amené à Carcassonne un très grand nombre de journaliste régionaux et nationaux qui ne tarit pas d'éloges sur la Cité médiévale. Surtout après le somptueux dîner donné à l'Hôtel de la Cité par son patron, M. Jordy. Parmi eux on put apercevoir : MM. Toulet (La dépêche) ; A. Praviel (La Garonne), Cep (La petite Gironde) ; Paul-Emile Cadilhac (L'illustration) ; Bruni (Le jour) ; Codur (Le petit Marseillais) ; Delhi-Cluzaux (Paris-Midi) ; Forestier (Paris Soir) ; Gardet (Agence Havas) ; Gouin (La France) ; Herpin (Journal des débats) ; Kuyper (Maasbode de Rotterdam) ; Lavedan (La journée industrielle) ; Mommarche (Les guides bleus) ; Perrin (La populaire) ; Pichon (L'époque) ; Georges Pernot (Le petit journal) ; Ranc (L'œuvre) ; Sangle-Ferrière (L'émancipation nationale) ; Mme Claude Sézanne (La République) ; Mme Gude (La presse américaine) ; Mme Léon (New-York Hérald) ; Mme Pernoud (L'intransigeant) ; Mme Vincent (Les pages de la femme) ; Guiter (Rummelspacher), etc.

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    La salle à manger de l'Hôtel de la Cité vers 1930

    Menu

    Filets de sole à la sauce méditerranéenne

    Poulardes du Languedoc aux Rousillous

    Foies gras du pays

    Sorbets

    Corbières, Picpoul et Blanquette de Limoux

    Tous ces convives repartirent en direction de Paris en fin de soirée avec le rapide Port-Bou-Paris. Ils emportèrent le meilleur souvenir des richesses touristiques de notre région. Leurs échos résonnèrent chez les lecteurs du monde entier, contribuant ainsi à la renommée de notre ville.

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    Hôtel de la Cité vers 1930

    Sources

    La dépêche / 24 juillet 1939

    Le petit journal

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  • Les anciennes guérites des édifices publics de Carcassonne

    Si vous passez par la rue Jean Bringer, devant la préfecture, vous remarquerez à droite du portail donnant accès à la cour d’honneur, une guérite en pierre de taille incorporée à la maçonnerie de même appareil. Avant 1941, date à partir de laquelle se tint un gardien de la paix à cet endroit, personne ne gardait l’entrée de la préfecture. Antérieurement, le ministre de l’Intérieur ne possédait pas de fonctionnaires de police en uniforme. Cette fonction était de la prérogative des municipalités qui avaient à recruter leurs agents rémunérés par la commune. De cet fait, la surveillance requise était confiée aux soins de l’armée qui devait assurer le service de garde à la Préfecture, au Palais de justice, à la Banque de France, à l’Évêché situé à l’Hôtel Murat (actuelle Chambre de Commerce) et au cercle des officiers. Ce dernier avait son siège à l’hôtel Saint-Jean Baptiste, démoli en 1911 et remplacé par le Grand Hôtel Terminus.

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    De ces guérites, seuls deux subsistent : celle dont nous venons de parler et celle de l’ancien évêché, rue Aimé Ramond. Celle-ci est située à gauche du portail d’entrée de la Chambre de Commerce. Elle est aussi en pierre de taille ouvragée et murée pour éviter qu’elle ne serve d’abri pour une mauvais action.

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    Dans un journal local, une anecdote nous est rapportée à propos de cette guérite… Un habitant de Carcassonne s’étant attardé pour rentrer chez lui, allait passer devant la guérite, c’était là son chemin pour rentrer en ville. La Ville basse était encore ceinte de remparts et notre homme, peut-être ayant fait la fête, déambulait trainant ses pas sur les pavés inégaux de la chaussée de la rue de la mairie, après avoir passé la porte des Cordeliers. Il arrivait à hauteur du factionnaire, lorsqu’il s’entendit interpeller par un : « Halte là ! qui vive » impératif. Il répondit aussitôt : Rouvenac ! Ce devait être son nom. La sentinelle répondit par : « Passez au large ! ». Notre homme, un paysan habitué au langage occitan, se fit comprendre en répondant : « Je rasée la muraille », voulant ainsi rassurer le militaire qu’il n’avait rien contre lui.

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    © Collection Martial Andrieu

    La Banque de France en 1906

    La troisième guérite, celle de la Banque de France, a été démolie en 1964, au cours de réparations effectuées à cet établissement. Moins ouvragée que les précédentes, elle était en pierre et comportait une petite ouverture dans le fond pour communiquer avec l’intérieur de l’immeuble. Elle était située à huit mètres à droite de l’entrée de la banque.

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    La garde du Palais de Justice était faite par une escouade de six à sept hommes, lequel étaient logés dans le bâtiment de Thémis. Ils occupaient les locaux à gauche des escaliers du palais ; on y voyait encore en 1964, les rateliers d’armes, les bas-flancs où s’allongeaient aux heures de repos les hommes du corps de garde et sur les murs de nombreux graffitis tels que « C’est du peu, c’est 15 au jus. »
    Au centre des officiers, l’entrée était située côté boulevard Omer Sarraut de l’hôtel Saint-Jean Baptiste ; c’était une simple guérite de bois adossée au mur de l’hôtel, lequel fit place en 1914 à l’hôtel Terminus. La guerre de 1914 ayant éclatée, le Cercle des officiers ne fut pas réinstallé en ce lieu.

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    Avec l’état d’urgence en vigueur depuis 2015, nous voyons que nos édifices publics sont à nouveau l’objet d’une surveillance active. Ce ne sont plus les Sergent de ville qui veille, mais les soldats de l’armée d’active. De là à réinstaller des guérites ?…

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