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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 184

  • L'éclairage public à Carcassonne du Moyen-âge à nos jours

    Comme toutes les villes du royaume, Carcassonne, au Moyen-âge, était la nuit venue plongée dans l'obscurité la plus totale. Quand les cloches de Saint-Michel et de Saint-Vincent sonnaient l'Angélus du soir et annonçaient le couvre-feu, les échoppes de la "Carriera major"ou de la rue de la Pélisserie se fermaient. Les rues boueuses devenaient alors de véritables coupe-gorges. Au XVe siècle, il existait bien quelques lumières installées aux carrefours des rues, mais comme l'entretien incombait aux habitants, ceux-ci se dérobaient le plus souvent à cette tâche. En juin 1697, sous le règne de Louis XIV, fut promulgué un édit pour l'établissement des lanternes. Suspendues à une potence, elles s'abaissaient et se levaient au moyen d'une corde passée sur une poulie. Toutefois, l'éclairage était assez timide.

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    © Vincent photographies

    A Paris, l'huile remplaça le suif à la suite d'un concours à l'Académie des sciences en 1765. A Carcassonne, il faudra attendre le 10 décembre 1771 pour que l'on installe vingt grandes lanternes à vitres, garnies en plomb, à cul de lampe, avec cordes et poulies. Ce système ne survivra pas longtemps, car seuls trois citoyens de la ville acceptèrent la charge de les placer à leurs frais et de les entretenir : Bages, Pontet et Ferrier. Pour remédier cette défaillance, la municipalité met en adjudication le service d'éclairage par délibération du conseil municipal en date du 7 décembre 1779.

    A cet effet, un devis et un plan sont dressés par Jean Dolbau, ingénieur géographe du roy, architecte et inspecteur des travaux publics de Carcassonne. Le bail est remporté par les sieurs Vidal, Guyot et Malaviaille. Le prestataire installera des lanternes peu de temps avant le 1er novembre et commencera à les allumer le soir de la Toussaint de six heures à quatre heures du matin. Il n'y aura pas d'allumage, les nuits de pleine lune. En 1783, Argand mit au point l'éclairage avec lampe à huile rationnelle à qui Quinquet donna son nom.

    Les rues, places et promenades de la ville, de ses faubourgs et de la Cité comptaient 79 lanternes. Elle passèrent à 136 en 1838, après que l'on a supprimé l'huile trop chère par celle de colza. En 1847, les deux familles Feuillerade et Pagès s'occupèrent respectivement de la Ville basse et de la Cité avec ses faubourgs.

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    Bec de gaz au hameau de Villalbe

    Un changement notable intervint avec l'industrie du gaz, due au Français Philippe Le Bon. Louis XVIII fonde une société royale en 1820 et plusieurs villes adoptent le nouveau mode d'éclairage au gaz. Carcassonne fut la première ville de l'Aude à s'y intéresser. La délibération du conseil municipal du 23 mars 1846 décide que le gaz serait substitué à l'huile à partir du 16 août 1847. L'adjudication en revint à la Compagnie Blanchet, le 10 mai 1846. Initialement prévus en fonte, les tuyaux durent être remplacés par de la tôle en fer étamée et bitumée joints par un long pas de vis. La fonte ne résisterait pas au passage des charrettes ou au un tassement de la chaussée. Compte tenu de l'économie réalisée par l'utilisation des tuyaux en fer, plus chers à l'achat, mais faciles à poser et ne demandant que peu d'entretien, il était demandé à la Compagnie de prolonger leur canalisation jusqu'à la rive droite de l'Aude en traversant le Pont neuf, éclairant ainsi les faubourgs de la Trivalle et de la Barbacane.

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    L'usine à gaz de Carcassonne en 1963

    A la fin de l'année 1846, le travaux de construction de l'usine à gaz débutèrent sur un terrain situé en dehors de la ville appartenant à M. Cabrié. L'usine comprenait une salle des fours couverte d'une toiture en tôle, une salle d'épuration avec ventilateur, une cheminée de 33 mètres de hauteur, deux gazomètres de 400 m2 chacun. On accédait à l'usine depuis l'allée de Bezons, par le chemin dit du "gazomètre". Le directeur ou "fermier" était M. Paul Léonard Pailhiez-Piécour, représentant la Cie Blanchet frères. Le personnel de l'usine était composé d'un contremaître, M. Delmas, de trois chauffeurs de fours : Auguste, Antoine et Pierre. Ils se relayaient toutes les huit heures pour un salaire de 50 francs mensuels. Messieurs Chameau, Sabatier, Charlou et Raymond étaient allumeurs de réverbères et s'occupaient chacun d'une section de la ville. Dans les faubourgs encore éclairés à l'huile, on faisait appel à Marie et Jeanne Bousquatier, ainsi qu'aux épouses Chameau et Sabatier.

    La Cie Blanchet fut mise en difficulté par les événements de 1848. La vile signa un traité avec M. Bellenger, fermier de l'usine à gaz depuis 1849. Dans son cahier des charges, l'entrepreneur devait réaliser les travaux nécessaires pour éclairer au gaz les faubourgs l'Araignon, Barbacane, Trivalle et la Cité, ainsi que la route principale conduisant à la gare de chemin de fer. Au total : 7000 mètres de canalisations nouvelles, 125 becs de gaz dont 20 candélabres et 105 consoles. Chaque bec étant positionné à une distance de 40 mètres et à une hauteur de 4 mètres du niveau du pavé. Le prix du gaz par bec et par heure sera de 3 centimes, pour une consommation de 140 à 150 litres à l'heure. 

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    © Coll. Martial Andrieu

    Dans les années 50, on voit fort bien les gazomètres

    En 1865, l'usine à gaz est cédée à la Société Néerlandaise pour l'éclairage et le chauffage par le gaz basée à La Haye. Le Hollandais M. Gros devint directeur, secondé par un contremaître, M. Mestre. L'usine entreprit des travaux d'agrandissement vers l'Est jusqu'à l'Aude. Un troisième gazomètre de 1500 m3 comprenant 8 piliers en maçonnerie fut construit, puis un autre en 1870 et un cinquième de 5000 m3. Ainsi furent éclairés entre 1868 et 1869, les actuels lieux suivants : Jacobins, Bd Sarraut, Iéna, Laraignon, square Chénier, pont Marengo, Caserne Laperrine, Palais de justice, St-Gimer, rue Antoine Marty et chemin de Montredon. Des bâtiments furent également éclairés progressivement : La gare (1867), la Préfecture et la cathédrale St-Michel (1868) et l'Hôtel Dieu. A la cité, les lices alors pourvues de vieilles maisons de tisserands possédèrent 8 becs de gaz. A partir du 1er juin 1866, la société laissa le gaz dans les canalisations le jour afin que les habitants puissent se chauffer. 

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    Réverbère dans les lices vers 1900

    En 1887, l'usine était reprise par la Compagnie Générale Française et Continentale d'Eclairage. La municipalité faisait stipuler dans un avenant "Le directeur de l'usine à gaz sera toujours de nationalité française".

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    © Henri Alaux

    Les ouvriers et allumeurs de réverbères en 1896

    Elle prit dix ans plus tard le nom de "Société du Gaz de Carcassonne". Elle subsista jusqu'en 1946, date à laquelle elle fut intégrée au Gaz de France.

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    © I.G.N

    Les deux gazomètres et l'usine en 1958

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    © Google maps

    Vue aérienne du site en 2018

    L'arrivée du gaz de Lacq à Carcassonne va sonner le glas du gaz de houille à partir de 1963. Les deux gazomètres, derniers témoins de l'usine à gaz seront rasés au mois d'avril 1974 par l'entreprise Olivier, de Revel. 

    Sources

    Conférence de M.Guérin au C.D.D.P / Octobre 1974

    Exposition "Gaz-Panorama"

    Midi-Libre / Avril 1974

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  • "Le Cid" de Pierre Corneille avec Francis Huster à Carcassonne en 1976

    Francis Huster, désormais parrain du Festival de Carcassonne, n'a pas découvert les planches de notre ville récemment. Sa première intervention remonte au 4 juillet 1971. Jean Deschamps qui l'avait repéré au conservatoire, lui proposa de mettre en scène "Les amours de Jacques le fataliste" d'après le roman de Denis Diderot. La représentation eut lieu dans la Cour du Midi, à l'intérieur du Château comtal avec Jacques Spiesser dans le rôle du Maître. C'est ce même comédien qui, cinq ans plus tard, réalisera la mise-en-scène du Cid de Pierre Corneille dans le Grand théâtre. Le premier grand rôle du répertoire pour Francis Huster à Carcassonne, avec pour décor les remparts de la Cité. Quelle magie !

    "J'ai joué "Le Cid" pour la première fois en costume moyenâgeux en 1976, au Festival de Carcassonne." (Francis Huster / Paris-Match / 1993)

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    © Charles Camberoque

    Francis Huster dans "Le Cid" à Carcassonne le 15 juillet 1976

    Distribution

    Mise en scène de Jacques Spiesser, avec Francis Huster de la Comédie-Française (Don Rodrigue), François Eichotzer (Le Comte) fut remplacé au dernier instant par Claude Dreyfus, Georges Audoubert, de la Comédie-Française (Don Diègue), Yves le Moign (Don Arias), Hervé Briaux (Don Sanche), Patrice Alexandre (Le Roi de Castille), Martine Chevalier (Chimène), Elisabeth Bourgine (Elvire), Léa Anthome (Léonor), Françoise Thuries (L’Infante).

    Merci à Charles Camberoque pour sa photo

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  • À la recherche de la tuilerie disparue du Pont rouge...

     Dans ce paysage géologique du Carcassonnais, il n'est pas utile d'aller bien loin pour trouver des sols argileux de couleur rougeâtre. Au XIXe siècle, on ne compte plus le nombre de tuileries et briquèteries installées tout autour de la capitale audoise. Aussi, il nous a paru intéressant de tenter de reconstituer l'historique de l'une d'entre elles, à savoir la Tuilerie du Pont-rouge. 

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    La tuilerie du Pont-rouge avant le carrefour de Bezons

    Michel Féréol Brique (1919- 1900) - enfant abandonné à l'âge de quinze mois devant la porte de l'hôpital de Carcassonne - va devenir le patron de l'une des plus importante tuilerie du secteur. Il vit avec Marie Sabatier, son épouse, à Pennautier. De cette union, naîtront plusieurs enfants : Louis, Anna, Marie, Claire  et Bernard. Veuf de bonne heure, il se remariera avec Marthe Bonnave avec laquelle il finira sa vie.

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    © Jacques Blanco

    Cette tuilerie située sur la commune de Villemoustaussou existe déjà d'après le recensement de 1866. Elle est alors exploitée par la famille de Pierre Ormières. Il nous est permis de penser que Michel Brique a repris cette affaire entre 1866 et 1872, année où le recensement mentionne son nom pour la première fois à cet endroit. 

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    © Jacques Blanco

     Le 5 juillet 1900, après la mort de Michel les biens sont en indivision entre ses trois fils. Les filles n’arrivaient qu’en seconde position sur l’ordre d’héritage. Une vente sur licitation des biens immobiliers (tuilerie et terres) a eu lieu. Retrouvé dans un article de presse de l'époque, l'inventaire des possessions de Michel Brique nous a renseigné sur l'importance de la tuilerie. Chez les Brique, les fils sont aussi tuiliers. Bernard travaille chez Fournial à Trèbes et Louis, aidait jusque-là son père.28279917_1701618549900066_3185766282133766144_o.jpg

    La tuilerie vue depuis la rive du Canal du midi

     Il s'agit donc d'une maison d'habitation avec ses dépendances formant la Tuilerie dite du Pont Rouge. Faut-il voir dans l'origine du nom de Pont rouge, la couleur de la brique ? Cette hypothèse n'a jamais été avancée, mais elle prend au regard de notre article une sacrée tournure. La tuilerie comprennait : sols, fours à cuire les briques, puits avec pompe, hangars, cave et grenier à fourrage. A l'intérieur, le matériel est constitué par une machine à malaxeur, une machine à barrots, une charrette, deux tombereaux, un cheval, un rouleau en pierre avec trainoir, deux moules à tuiles et courbettes, deux battoirs pour briques, etc. La maison d'habitation est élevée d'un étage sur le rez-de-chaussée, constituée en tuiles à canal. Une vigne attenante contient 1200 souches environs ; l'ensemble forme une surface d'environs 13 ares, 70 centiares. La surface sera réduite de 9 ares puisque Michel Brique l'avait vendu à la compagnie des tramways à vapeur de l'Aude le 20 mars 1900. 

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    © Jacques Blanco

    Aspect de ce qu'il reste de la carrière de Saint-Pierre

    La famille Brique possédait deux carrières, pour extraire la terre argileuse indispensable à la fabrication des briques et des tuiles. La première dite de Saint-Peyre ou Parrano, située à quelques 500 mètres du carrefour de Bezons en direction de Conques-sur-Orbiel, faisait 20 ares. La seconde, dite "Caye de Saint-Pierre", avait une contenance de 54 ares. Toutes les deux étaient à équidistance de la tuilerie et permettaient de l'approvisionner en terre assez rapidement.

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    © Jacques Blanco

    La carrière à la Caye de St-Pierre 

    C’est le cadet des Brique qui bénéficia de la tuilerie. Louis Brique fit donc tourner la tuilerie avec son épouse Alexandrine née Auriol et ses enfants : Pierre et Achille. Ce dernier mourra en 1923 lors d’une opération militaire à l’âge de 21 ans (1902-1923). Pierre (1896-1978) marié avec Paule Gout (1900-1998) sera amputé du bras droit en 1915 lors des combats de la Grande guerre. Il ne poursuit pas la carrière de tuilier, il est employé. En 1950, il habite 14 rue Tourtel et est représentant en produits agricoles. En 1969, les bâtiments de l’ancienne tuilerie Brique du Pont rouge sont vendus.

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    © Claude Marquié

    On peut également penser que l'usine à deux pas de là, fut élevée avec les matériaux de la tuilerie Brique. La cheminée porte le millésime de l'année 1905.

    La tuilerie de la route de Toulouse

    Après avoir hérité de la tuilerie du Pont Rouge, Louis Brique fondera ou reprendra celle de Septours située route de Toulouse. L'annuaire de 1904 mentionne la tuilerie Brique au n°10. C'est à cette époque les premiers bâtiments en entrant dans Carcassonne.

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    Bâtiments de la tuilerie Brique vus du ciel en 1954

    Rasée dans les années 80, la tuilerie occupait les terrains à l'arrière de l'actuelle pharmacie Baldy. Ci-dessus, on aperçoit les bâtiments en forme de T, un peu en arrière de la route.

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    © Jacques Blanco

    Sur le terrain, il ne reste que peu de vestiges. L'emplacement probable d'une cheminée avec les traces de la fumée sur les briques, par exemple.

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    © IGN

    La carrière d'où était extraite la terre d'argile se trouvait à l'actuel n°11 de la rue Mozart. Sur la photo ci-dessus, c'est cette espèce de tache blanche en bas. D'après M. Satgé du domaine d'Alibert, elle fut ensuite régulièrement comblée avec des déchets et servit de dépotoir. Dans la tuilerie, les pain d'argile arrivait sur un tapis roulant, étaient ensuite tranchés. L'ouvrier leur donnait la forme de la tuile directement sur la cuisse.

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    Dans les années 1935, Louis Brique vendit son affaire à Louis Blaché. Ce fut la "Tuilerie du Méridien". Pendant trois ans, il édifia une maison témoin avec les briques de son usine. Nous la voyons ci-dessus ; elle fait le bonheur actuellement d'une pizzeria.

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    © Coll. Martial Andrieu

    Louis Blaché qui avait choisi le mauvais côté durant l'Occupation allemande, ne revint à Carcassonne qu'après 1951. Sa tuilerie perdura pendant ce temps. Il ne reste désormais plus que son ancienne habitation. 

    Sources

    Huile coude et Gasoil

    Relations de terrain

    Recensements de Villemoustaussou

    Presse locale de 1900

    Etat-civil de Villemoustaussou et Arzens

    À partir de presque rien, on peut arriver tout de même à réaliser des miracles... Comment ? En combinant la science du terrain et les rapports avec les habitants, avec la recherche historique et généalogique depuis son ordinateur. C'est ce travail que nous avons mené Jacques Blanco et moi-même, chacun de notre côté mais avec complémentarité.

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