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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 146

  • La veuve, le marchand de fromage et le chirurgien

    Dans un domaine près Roullens, le corps à moitié déchiqueté d'un chef résistant était retrouvé souillé par une explosion provoquée la veille. Aussitôt, quelques charognards avertis se précipitaient sur les lieux et ôtaient de la dépouille mortelle, la chevalière, le mouchoir et quelques papiers dans la poche du blouson. Fallait-Il qu'ils soient bien renseignés pour que dès potron-minet, leur mauvaise conscience leur conseillât ce triste forfait. Chemin faisant, ils croisaient un ami vautour, chirurgien de son état, avec lequel ils firent le trajet jusqu'à la grande ville. Là, devant l'hôtel de ville où siégeait un marchand de fromage auréolé d'un titre remporté dans les alcôves de la trahison, ils déposèrent ce qu'ils venaient prendre sur l'infortuné défunt : Chevalière, mouchoir brodé J.B et les papiers manuscrits. Chirurgien et marchand de fromage, entre charognards de compagnie, autour d'un déjeuner à la clinique devisèrent sur la bonne fortune.

    A 80 kilomètres de là, une veuve pas encore éplorée allait apprendre des Vautours repus et par télégramme, la triste nouvelle. Nous sommes le 27 août, soit 8 jours après le terrible incident. Avertir une veuve, une semaine après ? Que ceci est troublant ! On avait trouvé le corps le 20 août, inhumé le malheureux le 23 à Roullens, exhumé son cercueil le 26, prévenu la veuve le lendemain. Au cours d'une grande farce goldoniene, avec beaucoup de pleurs et de cinémas, les vautours organisèrent la parade autour des boulevards. Tout le cirque s'y trouvait, même les plus honnêtes. On enterra Bringer le 31 août, cette fois dans le caveau du marchand de fromage. Fallait bien se racheter, pour ces gens quel hommage ! Quant aux papiers manuscrits, ils ne furent pas rendus à la veuve mari. Ainsi se termina, le testament de Bringer et les preuves gravées dans un bout de papier, que les traitres avaient été désignés.

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  • Les parachutages dorés sur le département de l'Aude

    Mon père aimait à raconter dans les repas de famille ce que mon grand-père, petit artisan menuiser à la Barbacane, s'amusait à répondre aux inspecteurs des impôts venus le contrôler. Martial Andrieu ne manquait pas d'humour... Dans les années 1960, lorsqu'il recevait les charges inhérentes à son activité d'artisan, il lui arrivait de mettre un peu de temps avant de les régler au fisc. Des préposés des impôts se pointaient alors à son atelier pour réclamer la douloureuse. Mon grand-père sortait la phrase magique : "Croyez-vous que l'argent me tombe tous les matins en parachute devant la porte ?" A l'époque où mon père le racontait, j'étais trop jeune pour comprendre. Surtout, je ne m'étais pas comme aujourd'hui, intéressé de très près à l'histoire de l'Occupation dans l'Aude. J'ai découvert que le grand-père qui n'aimait ni les Allemands, ni leurs suppôts français, devait en connaître un rayon sur la soie tombée du ciel. Le pauvre, il est mort dans l'honnêteté avec sa petite pension d'artisan sans n'avoir pu monter une usine de meubles. Là, où certains sont devenus hôteliers ; des rentiers immobiliers, transporteurs routiers... Le parachutage doré n'était pas tombé dans la rue Dujardin-Beaumetz, mais dans quelques lieux bien connus de certains.  Au début du mois de juillet 1944, c'est 1 million et demi de franc à destination des maquisards qui disparaît dans la nature. Jean Bringer, le chef des FFI, est furieux !!! "Je vais trouver les coupables ; il me les faut, dit-il à sa femme." Le 29 juillet 1944, il est arrêté par la Gestapo... Curieuse coïncidence, n'est-ce pas ? Alors, j'ai cherché depuis des mois... Oh ! pas à Carcassonne. Et j'ai trouvé, j'ai trouvé ce qu'il y a de plus mauvais dans l'homme : la vanité, le pouvoir, l'argent !

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    Prenez Bringer (Chef FFI né à Vincennes) et Charpentier (chef parachutages, né à Neuilly-sur-Seine) qui ne sont pas issus de Carcassonne, chargés d'homologuer des terrains de parachutages. Prenez des résistants verreux qui les entourent mais qui eux connaissent fort bien la géographie de l'Aude. Bringer leur demande de trouver des terrains pour qu'il les homologue, afin que les alliés puissent larguer armes et argent pour aider les patriotes à libérer la France. Les verreux font parachuter sur de petits maquis fantomes puis le jour J, leurs complices s'emparent des fonds. Bringer furieux de la perte de cet argent, mène l'enquête et est sur le point de démasquer les coupables. A ce moment, les chefs verreux montent une conjuration et font arrêter Bringer et Ramond par la Gestapo au moyen d'agents français travaillant pour les nazis mais infiltrés dans les maquis. Ces résistants verreux ont un réseau de renseignement dans une clinique dans lequel ils jouent le double-jeu.

    Après quoi, ils font porter le chapeau à certains résistants authentiques de ces maquis pour se dédouaner.
    Bringer et Ramond sont exécutés à Baudrigues le 19 août, sans que la Résistance Carcassonnaise n'ait tenté de les libérer. Le Dr Delteil est le seul relâché et puis les autres s'ocupent de détruire les preuves, grâce aux postes qu'ils prennent au sein du Comité départemental de libération.
    Bringer est un martyr à vie mais eux ont le pouvoir politique et l'argent des parachutages.

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  • Le chef-d'oeuvre de Louis Lacombe, artisan plâtrier Carcassonnais

    Les plus humbles sont très souvent les plus méritants, il conviendrait ne pas l'oublier... C'est l'histoire d'un Carcassonnais né le 12 mai 1856 dans une famille miséreuse, comme il en existe tant dans la Cité médiévale à cette époque. Guillaume et Julie Lacombe exercent la profession de tisserand et habitent dans une vieille demeure accrochée à la Barbacane près du château comtal. C'est pour ainsi dire une espèce de bidonville dans lequel on subsiste grâce aux manufactures de draps pour un salaire de misère. Là, a vu le jour Louis Lacombe.

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    Louis Lacombe dans son atelier

    Cet homme singulier n'a pas suivi le métier de ses parents ; il s'est formé pour devenir artisan maçon. Plus exactement, plâtrier. Après son mariage avec Marie-Elisabeth Lannes en 1879, il a installé son atelier dans le faubourg de la Trivalle, numéro 138. Cigalet - c'est son sobriquet - voue une véritable admiration pour sa Cité à tel point qu'il envisage d'en faire une maquette. Chaque jour que Dieu fait, il monte chez la vieille dame de pierre. A l'aide d'un mètre ruban, il mesure lui-même la largeur des créneaux. Avec une corde, il pointe sa mesure afin de relever la hauteur des tours. Pas question d'être dans l'à-peu-près, car Cigalet veut que sa maquette soit parfaitement à l'échelle de 1/100e. Les remparts font deux kilomètres de long... Les cinquante tours et les cinq portes d'entrées sont d'une fidélité qui défie l'imagination. On y reconnaît chaque fenêtre, chaque mâchicoulis, chaque tuile. La maquette fait 20 mètres de périmètre et 4,50 mètres de diamètre.

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    © Monuments nationaux

    Détail de la maquette

    Ce qui impressionne, c'est le temps qu'à mis notre artisan pour réaliser cette œuvre : 40 années ! Tout son loisir y passa et quand on voit la beauté de sa Basilique Saint-Nazaire, on ne peut être qu'admiratif. Quand son travail fut achevé, Louis Lacombe en fit don à la Cité et on l'exposa dans une des salles du château. Jusqu'à sa mort en 1933, le petit plâtrier de la Trivalle faisait lui-même visiter son œuvre en noyer au touristes. Il reconstituait l'embrasement de la Cité avec des ampoules rouges... 

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    La basilique Saint-Nazaire et Saint-Celse

    La consécration suprême vint après sa mort, le 4 avril 1961, lorsque le Ministère de la culture classa la maquette à l'inventaire des Monuments historiques. Si vous visitez l'intérieur du château comtal vous verrez encore la sublime Cité de Carcassonne de Louis Lacombe. Le petit plâtrier devenu architecte miniaturiste.

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