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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 133

  • A l'origine du Grand Hôtel Terminus...

    Dans quelques mois, le Grand Hôtel Terminus aura cessé définitivement ses fonctions pour accueillir en ses lieux prestigieux, un résidence pour séniors. Ainsi en a décidé son propriétaire, le groupement hôtelier « Le soleil » qui, ayant fait bâtir un hôtel de luxe à l’ancienne maison de retraite du Pont vieux, n’a plus intérêt à conserver le vieil Grand Hôtel Terminus comme tel. Au moins aura-t-il pu fêter dignement son centième anniversaire en 2014 ! A l’heure où nous écrivons, il nous est impossible de savoir si la résidence en question gardera le nom de Terminus. Avouez qu’il s’agirait là d’une plaisanterie dont le mauvais goût n’aurait d’égal, que la transformation de ce bâtiment autrefois destiné à accueillir les touristes dans notre ville. Toutefois, on voit mal comment il serait possible de buriner le fronton du « Grand Hôtel Terminus », puisqu’il est classé et à l’intérieur du périmètre sauvegardé de la Bastide. Donc, Terminus pour les personnes âgées. C’est à Carcassonne et nulle part ailleurs !

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    Le grand escalier du grand salon

    Bien avant l’édification du Terminus en 1914, plusieurs porteurs de projets avaient frappé à la porte de Carcassonne afin de réaliser à cet endroit un hôtel offrant toutes les commodités de son temps. L’express du midi nous informe qu’à « différentes reprises déjà, des tentatives dans le même sens avaient été faites. On avait depuis longtemps compris l’utilité d’avoir, à Carcassonne, un grand hôtel installé avec tout le confort moderne pouvant retenir, dans notre ville, les visiteurs qui ne font que la traverser aujourd’hui. Mais tous les essais effectués avaient piteusement échoué. Dernièrement encore, un groupe de financiers parisiens avait annoncé son intention d’acquérir l’hôtel Saint-Jean-Baptiste. Hélas ! le projet ne put recevoir le moindre commencement d’exécution car - les journaux nous l’annoncèrent - dame justice vint leur mettre des bâtons dans les roues. Si toutes ces tentatives ont ainsi échouées, c’est qu’elles étaient faites par des étrangers. Dès que l’idée a été reprise par des Carcassonnais, elle a obtenu auprès des capitalistes un accueil chaleureusement favorable, de sorte que la Société du Terminus-Cité, na pas rencontré, à sa naissance, les difficultés qui avaient arrêté les autres. » Parmi les projets qui n’aboutirent pas, la construction d’un hôtel Terminus à l’intérieur de la gare des voyageurs et en bordure du quai.

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    Hôtel Saint-Jean-Baptiste avant 1912

    Le banquier Raoul Motte, administrateur de la Société des marbres de Caunes-Minervois, possédait également plusieurs affaires dans Carcassonne comme le « Cinéma des familles » qu’il vendra en 1913 à Gaston Cazanou. Cet homme vertueux qui finira sa vie devant un peloton d’exécution - fusillé pour l’exemple durant la Grande guerre - fonda le 3 octobre 1912 la Société Anonyme « Terminus-Cité » devant Maître Auriol, notaire à Carcassonne. Dans quels buts ? Démolir l’ancien Hôtel Saint-Jean-Baptiste (avenue de la gare), l’immeuble contigu lui faisant angle sur la route de Toulouse (Bd Omer Sarraut) et construction le nouvel établissement.

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    Vendu à la Société « Terminus-Cité » par Léopold Lignon demeurant à Saint-Hilaire pour la somme rondelette de 200 000 francs, l’hôtel Saint-Jean-Baptiste va disparaître du paysage. Une clause permet à Marie Bigué veuve Ricard, locataire dans l’hôtel, de résilier son bail moyennant une indemnité de 40 000 francs.

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    © Collection H. Alaux

    La dernière locataire de l'hôtel

    L’immeuble contigu sur le côté de l’actuel boulevard Omer Sarraut qui appartenait à la veuve d’Henri Sorel, Caroline-Jeanne Prax, et à sa fille Henriette, sera cédé pour 120 000 francs. Quant au fabricant de sandales Fidel Perxachs, locataire des locaux à la famille Sorel, il accepta de partir moyennant la somme de 15 000 francs. C’est à partir de cette époque que Perxachs transféra sa boutique au 36 de la Grand rue (rue de Verdun). L’acquisition de l’ensemble de ces immeubles se fit contractuellement le 1er novembre 1912.

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    L'immeuble démoli sur lequel se trouve le cinéma "Le Colisée"

    La construction de l’hôtel Saint-Jean-Baptiste ayant été soumise au plan d’alignement, la Société Terminus-Cité dut se soumettre à la même loi. Le Conseil municipal dans sa séance du 29 novembre 1912, autorisa la société à lui vendre 140 m2 en bordure de l’ancien hôtel au prix de 70 000 francs.

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    L'avenue avant la destruction de l'hôtel St-jean Baptiste

    Le Grand Hôtel Terminus recula, s’aligna parfaitement sur l’Hôtel des deux gares (Hôtel Bristol) et la ville vit l’avenue de la gare s’élargir d’autant. Entre la vente des immeubles, la mise aux enchères du mobilier (fauteuils, canapés, tapis, rideaux…) et le début de la démolition, il ne sera écoulé qu’un mois et demi. Les premiers coups de pioche furent donnés le 15 décembre 1912. En seulement un an et demi, le Grand Hôtel Terminus sortira de terre pour être inauguré à la veille de la Grande guerre.

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    Sur cette photographie inédite issue de l'une de mes plaques de verre, on voit les débuts de la démolition de l'hôtel Saint-jean-Baptiste.

    Sources

    Recherches, synthèse et rédaction / Martial Andrieu

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  • Pierre Mendès France en visite à Carcassonne

    Pierre Mendès France (1907-1982) que l'on voit ci-dessus à l'entrée de la cité médiévale avec ses partisans, probablement au début de l'été 1958, fut un homme d'état français de gauche. Il entra au Parti Radical à l'âge de seize ans et participa à la coalition du Front populaire. D'origine juive mais profondément laïc, Pierre Mendès France s'opposera toute sa vie à l'extrême droite. Au début de la Seconde guerre mondiale, il est incarcéré par le gouvernement de Vichy avant de réussir à rejoindre Londres après l'appel du 18 juin 1940. Il combat dans les Forces Françaises Libres ; le général de Gaulle lui confie les finances de la France Libre puis devient son ministre de l'économie en 1944. Sa démission intervient en avril 1945. Après avoir pendant un temps quitté la politique, Mendès France prend la présidence du Fond Monétaire International en 1948. Entre juin 1954 et février 1955, René Coty le nomme Président du Conseil des ministres de la IVe République. Il signe les accords de Genève mettant fin à la guerre d'Indochine. En 1956, après trois mois de fonction comme Ministre d'état dans le gouvernement de Guy Mollet, Mendes s'en va. Il est contre la politique menée par la France sur le dossier Algérien. Un an plus tard, il prononce un discours que l'on peut qualifier aujourd'hui comme visionnaire sur le devenir de l'Europe, au moment de l'adoption du traité de Rome. Il votera contre ce texte et le réarmement de l'Allemagne :

    « Nos partenaires (européens) veulent conserver l’avantage commercial qu’ils ont sur nous du fait de leur retard en matière sociale. Notre politique doit continuer à résister coûte que coûte, à ne pas construire l’Europe dans la régression au détriment de la classe ouvrière (…)

    Il est prévu que le Marché commun comporte la libre circulation des capitaux. Or si l’harmonisation des conditions concurrentielles n’est pas réalisée et si, comme actuellement, il est plus avantageux d’installer une usine ou de monter une fabrication donnée dans d’autres pays, cette liberté de circulation des capitaux conduira à un exode des capitaux français (…)

    Les capitaux ont tendance à quitter les pays socialisants et leur départ exerce une pression dans le sens de l’abandon d’une politique sociale avancée. On a vu des cas récents où des gouvernements étrangers ont combattu des projets de lois sociales en insistant sur le fait que leur adoption provoquerait des évasions de capitaux (…)

    L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement “une politique”, au sens le plus large du mot, nationale et internationale. » (Assemblée nationale / 18 janvier 1957)

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    Pierre Mendès France à Carcassonne vers 1958

    Après avoir soutenu l'homme du 18 juin 1940, Pierre Mendès France devient l'adversaire politique du général. En 1958, il refuse les pleins pouvoirs à de Gaulle et vote contre le référendum sur la constitution de la Ve République. Ce sentiment se renforce quand éclate la guerre d'Algérie. Pierre Mendès France n'a jamais transigé sur ces positions et à combattu le populiste Poujade qui cherchait à discréditer sa politique par des relents d'antisémites :« Si vous aviez une goutte de sang gaulois dans les veines, vous n'auriez jamais osé, vous, représentant de notre France producteur mondial de vin et de champagne vous faire servir un verre de lait dans une réception internationale ! C'est une gifle, monsieur Mendès, que tout Français a reçue ce jour-là, même s'il n'est pas un ivrogne." Jean-Marie Le Pen ne fut pas en reste en 1958 : « vous savez bien, monsieur Mendès France, quel est votre réel pouvoir sur le pays. Vous n'ignorez pas que vous cristallisez sur votre personnage un certain nombre de répulsions patriotiques et presque physiques."

    Pierre Mendès France est décédé le 18 octobre 1982. Soit 17 mois après le retour de la gauche au pouvoir qu'il avait tant espéré depuis 1958. 

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  • Ici Londres...Carcassonne me recevez-vous ?

    Dernièrement, le journal local rapportant les propos d’un ancien résistant tenus lors d’une remise des prix du concours de la Résistance, titrait :

    « Si dans l’Aude la Gestapo a fait beaucoup de dégâts c’est qu’il y avait beaucoup de collabos ». 

    Cette phrase lancée d’une façon péremptoire au milieu d’une assistance commémorant la bravoure des hommes de l’armée des ombres, dut sans doute rafraîchir une atmosphère jusque-là toute patriotique. Car enfin… Il devait bien s’y trouver dans le public quelques rejetons de ces familles qui préférèrent le déshonneur - en faisant fructifier les bénéfices d’une collaboration avec l’ennemi - qu’un soutien à la Résistance. On sait que des adhérents de partis respectables dit de la mouvance républicaine, ont été les fils, les cousins ou les neveux de Miliciens ou de collaborateurs. D’autres, n’ayant point abandonné l’héritage réactionnaire anti-républicain, militent encore au sein de partis se définissant comme patriotes ou souverainistes. Ils ont l'outrecuidance de traiter leurs adversaires idéologiques de collabos ! Le cynisme est à son paroxysme, quand l'ignorance règne sur le sens des mots.

    Ce sont les fils et filles de ces commerçants et de ces propriétaires viticoles membres du Groupe collaboration, de la Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme, du parti Populaire Français de Jacques Doriot. Sans compter, les enrichis du marché-noir ayant détourné la nourriture de la répartition pour vendre les denrées sans tickets. Tous ces gens ont mis le magot à l’ombre ; et ce n’est pas la confiscation d’une partie de leurs biens qui les a appauvris. Quelques années plus tard, les résidences secondaires au bord de la mer ont blanchi l’argent salement gagné. Les retours d’Argentine où ils fondèrent des entreprises, les ont rendu plus blancs que bruns.

    Quand on les a vu assister aux commémorations des martyrs du maquis, la loi sur l’amnistie prononcée en 1951 a dû donner des ulcères à ceux qui avaient combattus leurs parents. Faut-il en vouloir à ces rejetons de s’être finalement rangés du côté de la République en tenant de faire oublier un passé dont ils ne sont pas responsables ? Faut-il les blâmer d’avoir mis leur argent au service du mécénat sportif ou culturel, du financement d’un parti politique? Faut-il leur en vouloir d’avoir été placés dans les chambres consulaires, les préfectures, les conseils généraux, etc ? On ne revient pas sur la chose jugée ; l'épuration, bien ou mal, a été faite.

    L’Aude n’a certainement pas été au-dessus du reste de la France en terme de collaboration avec l’ennemi, par le truchement - rappelons-le - du gouvernement de Vichy. Nous ne pouvons à ce titre que mentionner les chiffres que nous avons comptabilisés. Il y eut à-peu-près 500 adhérents à la Milice française, 300 membres du Groupe collaboration et moins de Légionnaires et de Doriotistes. Le registre de condoléances de Philippe Henriot, exécuté par la résistance en juillet 1944, compte près de 250 signataires éplorés à un moment où la guerre était perdue. Il s’agit-là des notables, parmi les plus endoctrinés du département, à pleurer la mort du propagandiste d’extrême-droite de Radio-Paris. Notons la présence sur le registre des signatures des officiers de l’armée allemande et de la Gestapo de Carcassonne.  

    Si l’épuration fut sauvage et désordonnée entre le 25 août 1944 et la fin septembre, c’est à cause en grande partie de résistants de la dernière heure cherchant à se laver de quelques fautes. Les miliciens ayant porté les armes contre la Résistance furent fusillés, à l’exception des chefs qui avaient pu filer en Espagne. Après le mois de septembre 1944 et jusqu’en 1945, ce sont 800 personnes dans l’Aude qui furent condamnées à la dégradation nationale et à la confiscation des biens. Pour ce qui concerne les cas les plus graves, la Cour de Justice étudia les dossiers d’au-moins 500 individus. Certains furent exécutés et d’autres, condamnés à des peines de travaux forcés. Au fil des mois et des appels, les peines se réduisirent comme peau de chagrin. Disons qu’un sujet jugé fin 1944, avait moins de chance de s’en sortir qu’un sujet jugé en avril 1945.

    Revenons, si vous le voulez bien, sur le titre de ce journal local… Les collabos ont-ils dénoncé tous les maquis à la Gestapo ? La vérité n’est pas aussi simple. Si l’on prend par exemple, le cas de Trassanel ou de l’arrestation de Jean Bringer. On remarque que certains résistants se sont servis d’agents travaillant pour la Gestapo pour faire arrêter leurs camarades ; ceci pour des raisons diverses et complexes. Au sein des divers groupements de résistants, l’entente à la fin de la guerre n’était plus si cordiale car le temps de la politique reprenait ses droits. Certains d’entre eux avaient été retournés après leur arrestation, pour le compte du renseignement allemand. Agent double et double-jeu faisaient loi. Il en est de même du côté des allemands, où certains renseignaient la Résistance. Sans compter sur les collabos repentis de la dernière heure, cherchant à moyenner leur sort à la Libération. Les Milices patriotiques communistes de Limoux dans lesquelles se sont retrouvés plusieurs voyous et assassins, usant de leurs attributions à faire respecter l’ordre public pour piller et exécuter sans jugement. Si l’on prend tous les autres cas, comme l’attaque contre le maquis de Villebazy à Vignevieille, celui de Chalabre et Belcaire, en effet la collaboration a fait des dégâts. Elle a fait déporter des juifs, des francs-maçons, des syndicalistes, des résistants. A Perpignan, une longue queue attendait devant une administration nazie. L'allemand a son bureau rétribuait les délateurs et on les voyait ressortir avec des billets plus ou moins gros suivant la qualité de l'information.

    Si l’on se replace dans le contexte et sans chercher à excuser l’inexcusable, l’homme est un loup pour l’homme. Dès lors que la volonté de puissance l’anime ou qu’il se trouve dans une situation de survie, il est prêt à toutes les compromissions. Les nazis avaient compris qu’en réussissant à diviser les français, il pourraient régner en maître grâce au concours d’un gouvernement idéologiquement à leur botte. C’était sans compter sur l’esprit de rébellion de quelques-uns obéissant à l’appel que leur fit Charles de Gaulle, le 18 juin 1940 depuis Londres. Ils étaient ouvriers, paysans, employés et citant le général après la guerre s’adressant au patronat : « On ne vous a pas vu beaucoup à Londres ».

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