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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 134

  • Trafic de cadavres au cimetière Saint-Michel

    Après la découverte du cadavre calciné d’un homme le 6 septembre 1944 sous un ponceau entre Palaja et le Mas-des-cours, il avait été établi qu’il s’agissait du capitaine Charpentier, alias Noël Blanc. Ce résistant authentique, chef des parachutages de l’Aude, s’était rendu la veille de sa mort à une réunion dans la clinique Delteil. Il ne devait pas en ressortir vivant ; le mobile de ce crime  reste encore aujourd’hui un mystère. Mystère, largement entretenu par tous les documents disparus ou falsifiés dans les mains des principaux suspects. Le 7 septembre 1944, le corps de Charpentier était inhumé dans une fosse du carré 21, au cimetière Saint-Michel de Carcassonne. Au mois d’août 1947, une fois le mausolée aux victimes de la barbarie nazie construit à l’intérieur du cimetière, on transféra le cercueil du malheureux résistant assassiné par ses pairs. Ce monument avait été creusé pour accueillir six cercueils mais des documents officiels indiquaient que dix corps y avaient été déposés. Il s’agit de deux victimes supplémentaires de Baudrigues et du capitaine Charpentier.

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    Le capitaine Charpentier

    Le 23 octobre 1948, le cercueil du capitaine fut exhumé et transféré à Neufchâteau (Vosges) car sa veuve souhaitait que son époux repose où elle vivait. Lorsque la dépouille mortelle du chef des parachutages arriva sur place, on procéda à l’ouverture du cercueil. Oh ! Surprise… A l’intérieur du cercueil à défaut du capitaine Charpentier, on trouva les restes d’une femme et les ossements d’un inconnu. Il y avait eu recel et substitution de cadavre à Carcassonne ; ceci afin que l’on ne puisse plus autopsier la victime. Les restes transférés à Neufchâteau provenaient de deux victimes de l’explosion de Baudrigues, le 19 août 1944. 

    Lorsqu’en 1952 après la mort du Dr Cannac, venu se « suicider » dans la clinique Delteil après un long voyage depuis Antibes, la justice ouvra à nouveau le dossier Charpentier, sa veuve porta plainte. Maître Noguères défendit la partie civile contre les accusations de traîtrise proférées contre Charpentier par le Dr Delteil, soutenu par Louis Amiel. Il fut démontré que ces derniers cherchaient à justifier l’exécution du résistant par des mensonges éhontés.

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    Ouverture du mausolée en janvier 1954

    En janvier 1954, le juge Fabre ordonna que l’on exhumât les cercueils du mausolée du cimetière Saint-Michel. Contrairement aux documents officiels, la fosse en contenait six. Les corps furent remontés et examinés par le professeur Fourcade qui ne trouva pas de trace des restes de Charpentier. Le corps fut sans doute substitué en 1947 lorsqu’on l’exhuma du carré 21 pour soit disant, le mettre dans le mausolée. Où est donc passé Charpentier ? 

    L’affaire n’en resta pas là… La veuve d’André Gros et la mère de Pierre Roquefort, deux victimes de l’explosion de Baudrigues inhumées dans le mausolée, déposèrent plainte pour violation de sépulture.

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    Les cercueils à l'ouverture du mausolée

    Monsieur le procureur,

    J’ai l’honneur de vous faire connaître que parmi les corps inhumés dans le mausolée des Victimes de la Résistance au cimetière Saint-Michel à Carcassonne, se trouvait mon fils Pierre Roquefort, sauvagement exécuté à Baudrigues, le 19 août 1944 avec 18 autres résistants et patriotes.

    Or, je viens d’appendre par la presse qu’il a été procédé à l’exhumation des cadavres reposant dans ce mausolée et qu’il résulte de cette exhumation que trois cercueils auraient disparu dans des circonstances mystérieuses. Parmi ces trois cercueils se trouve peut-être celui qui contenait la dépouille de mon fils. Ainsi on se serait livré à de honteux et odieux trafics de cadavres à l’insu, évidemment des familles intéressées, sans aucun respect pour les héros massacrés à Baudrigues.

    Devant la gravité de tels faits, je me vois dans l’obligation de porter plainte contre inconnu, pour violation de sépulture. Je me réserve également le droit de me constituer partie civile.

    D’autre part, je suis amenée à faire les remarques suivantes : Il a été affirmé par certaines personnes intéressées dans l’affaire Charpentier, que ce dernier s’était au cours de la Résistance, rendu coupable de trahison. Je m’étonne alors, que à supposer que ce fait soit démontré, que l’on ait placé le corps d’un « traître » dans le mausolée de la Résistance, aux côtés d’authentiques héros. Et dans cette hypothèse, je désirerais savoir à qui incomberait la responsabilité de cette inhumation.

    Madame Roquefort, à Conques.

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    Pierre Roquefort

    Monsieur le procureur,

    Nous avons l’honneur de vous faire connaître que notre père et époux, le Lieutenant FFI Gros André, fut assassiné par les nazis à Baudrigues le 19 août 1944. Son corps reposait dans le mausolée au cimetière Saint-Michel érigé à la mémoire des Résistants tombés à Baudrigues.

    Par la presse, nous avons appris l’exhumation des cadavres reposant dans le mausolée, ainsi que de la disparition mystérieuse de plusieurs cercueils.

    Nous avons le regret de constater que des individus, sans aucun respect pour la mémoire des combattants de la Résistance, ont osé ce sacrilège, trafiquer avec des cadavres parmi lesquels peut se trouver celui de notre cher disparu.

    Devant ces actes de vandalisme, ma fille et moi, nous vous adressons une plainte contre inconnu pour violation de sépulture, et nous nous réservons le droit de nous constituer partie civile.

    Par ailleurs, nous nous élevons contre les faits renouvelés des inhumations et exhumations des résistants assassinés à Baudrigues, sans que les familles aient été avisées. La plus élémentaire des convenances est le respect que l’on doit à ceux qui ont sacrifié leur vie pour la Libération de la France, exigeant au moins des autorités qu’elles soient prévenues.

    Renée Villa (Veuve Gros) et sa fille Jacqueline.

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    Le lieutenant FFI André Gros

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  • Les "têtes brûlées" dans le ciel de l'Aude

    Peut-être vous souvenez-vous de ce téléfilm américain ayant pour titre « Les têtes brûlées » mettant en scène des aviateurs américains chassant les appareils Japonais au-dessus du pacifique. Sachez que nous avons eu ces mêmes héros dans le ciel de l’Aude à partir du 15 août 1944, juste après le débarquement des alliés en Provence. Leurs missions périlleuses avaient pour objectifs d’anéantir les convois de troupes et de matériels allemands faisant mouvement vers la vallée du Rhône. Afin d’atteindre leur but, les aviateurs américains s’étaient entraînés pendant un mois en mer Méditerranée. Nom de code : Preface-Dragoon.

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    Hellcat F6F-5 

    Dès le 18 août 1944, les escadres VF-74 et VOF-1 décollèrent respectivement depuis les porte-avions Kasaan Bay et Tulagi, mouillant au large des côtes méditerranéennes. Deux divisions reçurent l’ordre d’attaquer un train en direction de l’Ouest de Carcassonne et à environ 40 miles au Sud-Est de Toulouse. Celui-ci avait été signalé par reconnaissance. Après le décollage, les avions suivirent le cap à une altitude de 2000 pieds (609 mètres d’altitude) directement vers la tête du convoi, situé à 4 miles de Castelnaudary et en dehors du Mas-Sainte-Puelle. Vingt-deux wagons plats dont vingt transportaient des camions furent dénombrés à l’arrière de la locomotive. Une fois à portée de tir, les pilotes mitraillèrent à basse altitude, chacun effectuant sept à huit passages. La seule riposte provint des hommes au sol armés de fusils légers. La locomotive fort endommagée n’explosa pas, mais vingt camions furent détruits dont huit entièrement brûlés. Le retour à la base se fit sans problèmes.

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    The USS Kasaan Bay

    Le 20 août 1944, à 355 miles de la côte, huit avions décollèrent vers Arles, au Nord-Ouest de Nîmes, puis au Sud-Ouest de Montpellier. A l’extérieur de cette ville, quatre wagons rangés au bord de la route dans une gare de triage furent repérés et mitraillés. L’un d’eux a explosé, projetant des débris dans les airs à une altitude de 250 pieds et faisant tomber des pans du stabilisateur d’un avion. Le pilote n’étant pas au courant de la gravité des dommages sur son appareil, a poursuivi sa mission. En continuant vers le Sud-Ouest en direction de Balaruc, le vol permit de localiser des transports de troupes ennemis, du chargement, des camions-citerne et une voiture de commandement. Dans l’incendie, tous les hommes ont dû périr.

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    Mitraillage d'un convoi

    Après ces raids, le pilote de l’avion endommagé par l’explosion du camion de munitions, a demandé au leader de l’escadre, le lieutenant Harry Brinkley Bass, d’inspecter son appareil. Ce dernier ordonna au pilote de rentrer à la base et désigna un de ces camarades pour l’escorter. Les deux appareils rejoignirent le porte-avion en toute sécurité.

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    © usnamememorialhall.org

    Lt William Nathan Arburckle

    (1918-1944)

    Immédiatement après leur départ, le leader s’aperçut de l’absence de l’avion du lieutenant William Nathan Arbuckle. Malgré des appels radios, le pilote ne répondait pas. Les trois aviateurs restant firent le tour de la zone pendant dix minutes à sa recherche avant de poursuivre leur mission. On apprendra plus tard que Arbruckle s’étant perdu à cause du manque de visibilité avait attaqué seul un convoi au-dessus de Mèze. Abattu par la Flak (Défense antiaérienne allemande), son appareil heurta la cime des platanes au lieu-dit « L’aigues vaques ». Le malheureux pilote mourut ainsi carbonisé. Son corps fut inhumé à Mèze puis transféré au cimetière d’Epinal.

    Les trois autres rescapés poursuivirent au-dessus de la voie de chemin de fer vers Béziers, mais durent basculer vers le sud de Carcassonne pour éviter la zone montagneuse. Ils remontèrent la voie ferrée en direction de Villefranche-de-Lauragais. Juste au Nord-Ouest de ce village, un convoi de vingt-cinq à trente camions fut aperçu. L’un des pilotes a immédiatement attaqué et a été touché par de nombreux tirs d’armes légères. Ceci ne l’a pas empêché de mettre hors d’état une dizaine de camions.

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    Charles Wilburn Scott Hulland

    (1918-1945)

    Après que les trois avions se soient dirigés vers le Nord-Ouest, une fumée noire a commencé à s’échapper du moteur de l’appareil piloté par l’Enseigne Charles Wilburn Scott Hulland. Ce dernier a appelé le leader pour lui annoncer que la pression d’huile était tombée à zéro. Le lieutenant Brinkley Bass a pris un virage à 180° et a dirigé l’escadrille sur Sud-Sud-Est pour nettoyer le territoire ennemi le plus rapidement possible. Quelques minutes plus tard, Hulland annonça par radio que le moteur tournait à 3500 tours ; il ne pensait pas que l’avion pourrait continuer ainsi. Il était 11H40 lorsque Hulland s’éjecta de l’appareil au-dessus de Saint-Julien de Briola (Aude) à 1600 pieds. Son parachute s’ouvrit à 800 pieds et on le vit atterri en toute sécurité et rentrer son parachute. Hulland séjournera dans une ferme et rejoindra Bordeaux, l’Angleterre, l’Irlande et les Etats-Unis grâce à la Résistance. Il mourra en mission en mer des Philippines le 23 avril 1945. Son corps et son appareil ne seront jamais retrouvés. Les deux pilotes restant en vol, John. H. Shroff et Thomas. F. Kendrick, encerclèrent la zone suffisamment longtemps pour s’assurer que Hulland était en sécurité. Ils repartirent pour éviter de révéler la position à l’ennemi. L’avion de Hulland s’écrasa et explosa à cent mètres de lui. L'autre aviateur de l'escadrille était le lieutenant Gérald. G. Hogan.

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    Lieutenant Harry Brinkley Bass

    (1916-1944)

    Le leader de l'escadrille fut abattu le 20 août 1944 près de Vanosc (Ardèche) par la défense antiaérienne allemande (Flak). Inhumé à Vanosc, il  fut ensuite transféré au Roselaw Mémorial Park à Little Rock (Arkansas). Son nom a été donné à un navire, le USS Brinkley Bass. 

    Sources

    Nous devons cet excellent travail de recherche à Marcel Ertel qui ne compta pas ses heures pour retrouver la trace de ces pilotes. Il fit élever des stèles commémoratives et retrouva les familles américaines. Nous n'avons fait que synthétiser et rédiger à partir des documents contenus dans les archives historiques d'Alfred Raucoules. Si quelqu'un à une information sur le lieu précis où fut abattu l'aviateur Hulland au-dessus de St-Julien de Briola, nous sommes preneur.

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  • Félicité Pradher, une grande cantatrice française née à Carcassonne

    Thérèse « Félicité » More naît le 18 Nivôse de l’An VI (7 janvier 1798) à Carcassonne dans la Section de l’Egalité. Son père, Guillaume Raymond More, est l’un des comédiens les plus distingués du midi et possède une voix de Basse-taille. Il deviendra le directeur des théâtres de Carcassonne, Nîmes, Avignon, Perpignan… C’est au sein de ce creuset artistique qu’évolue la petite Thérèse qui déjà à l’âge de cinq ans se fait remarquer sur les planches du théâtre de Nîmes. Elle y interprète le rôle de la jeune paysanne Jeannette dans « Le déserteur », opéra-comique de Monsigny, créé en 1769 à l’Hôtel de Bourgogne à Paris. On la verra ensuite dans « La servante maîtresse » de Pergolèse et « Le devin du village » de Jean-Jacques Rousseau.

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    A dix ans, Thérèse More devient l’idole du public de l’Athénée à Montpellier où elle restera jusqu’à ses seize ans avant de partir rejoindre la capitale. Après plusieurs appels du pied de l’Intendant des Menus-Plaisirs, elle se décide à quitter le midi faute de n’avoir pas pu obtenir une augmentation de ses cachets. C’est en 1816 qu’elle fait son entrée à l’Opéra-Comique dans une reprise du « Calife de Bagdad » de Boieldieu, puis de « Une folie » de Méhul. A cette époque, elle fait la rencontre de Louis Pradher, lui-même élève de Méhul. Il est diplômé du Conservatoire de Paris et compose des œuvres d’opéra-comique et des romances. Thérèse, l’épouse à Paris le 9 novembre 1820 et devient Madame Félicité Pradher, Sociétaire de l’Opéra-Comique.

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    Costume de Mme Pradher dans "Le chalet"

    A ce titre, la Carcassonnaise créé consécutivement les rôles titres du « Chalet » de Adam (1834), de « L’éclair de Halévy (1835), de « Le cheval de bronze » de Auber (1835), de « Actéon » de Auber (1836), etc.

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    Le nom de la soprano Félicité Pradher, figure en très bonne place dans les critiques de la Gazette musicale de Paris et de bien d’autres revues spécialisées, comme l’une des voix les plus remarquables. Elle est la contemporaine de Mademoiselle Mars, originaire également de Carcassonne, à laquelle nous avons consacré un article.

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    Félicité Pradher en 1860

    En 1840, Félicité se retire avec son mari à Gray dans la Haute-Saône où ce dernier décède trois ans plus tard. Elle lui survivra trente-trois ans et mourra à un âge très avancé pour l’époque, le 12 novembre 1876. L’ensemble des ses partitions, des dédicaces de compositeurs furent léguées à son neveu Jules More. Elles sont aujourd’hui rassemblées dans un fonds conservé dans la bibliothèque du Conservatoire du Pays de Montbéliard. 

    Voici donc le nom d’une Carcassonnaise, inconnue chez nous, à rajouter à la liste des personnages célèbres de notre ville. Elle fut une très grande cantatrice française…

    Sources

    Recherches, synthèse et rédaction / Martial Andrieu

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