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Histoire de l'autobus-rail de la ligne Carcassonne-Quillan

La situation du trafic sur la ligne ferroviaire Carcassonne-Quillan pendant la Seconde guerre mondiale amène l’administration du gouvernement de Vichy à rechercher des solutions pour maintenir le réseau en service. Comment acheminer des voyageurs vers la Haute-Vallée de l’Aude lorsque le carburant réquisitionné par l’armée d’occupation allemande fait défaut ? Le 4 février 1943, une conférence examine la situation et le 24 du même mois, le ministre demande d’exploiter le système Talon par autobus.

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Augustin Talon (1881-1972), ingénieur en retraite des Chemins de fer du Midi retiré à Belvianes dans l’Aude, va alors proposer une solution innovante. Il s’agit de mettre un autobus sur les rails depuis Carcassonne jusqu’à Quillan, alimenté en gaz naturel de Saint-Gaudens et en gazogène. Deux jumelages de diplorys soutiennent l’autocar sur les rails et celui-ci tracte une remorque légère Decauville de 15,2 tonnes dans laquelle on peut transporter cent passagers. Dans l’autobus, cinquante y prennent place ce qui fait une capacité totale de cent-cinquante personnes. Elle triple par rapport à une Micheline classique et permet une économie de pneus puisque seules les roues motrices arrière sont en contact avec le rail. Vers 1944-1945, les roues jumelées arrière et du duplorys seront remplacées par des roues automobiles bandagées. Les quatre allers-retours quotidiens permettent une économie de 50% sur le carburant et de 80% sur les pneus.

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Compagnie Carcassonnaise de Transports en Commun

Une démonstration de ce matériel conçu selon les procédés de M. Talon a lieu le lundi 17 mai 1943 en gare de Carcassonne. Ceci en présence des autorités locales nommées par Pétain, à savoir Cazes (ingénieur des Ponts et Chaussées), Albert Tomey (Président du Conseil départemental), Génie (Président de la Chambre de commerce), Palau, Sama et Soula (ingénieurs), Lebrau (Chef de la censure à la préfecture), etc. Elle s’achève par un voyage jusqu’à la gare de Madame à Villalbe, puis il est décidé d’installer la ligne pour une période d’essai de trois mois. Le système va fonctionner ainsi jusqu’en 1946 et permettre une augmentation de la fréquentation de 50% la première année.

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Remorque Decauville de 100 places assises

La SNCF avait mis, sur ordre de Vichy, à disposition les installations à deux sociétés privées (Cars Bourdier et la CCTC) moyennant une redevance. Les chemins des fer s’engageaient à assurer la sécurité et la maintenance des installations ; les sociétés privées à assurer 8 aller-retour par jour sauf le dimanche. A la Libération, changement de musique… Une lettre de Jean Biart de la maire d’Espéraza envoyé au Comité départemental d’épuration le 9 septembre 1944 demande la reprise en main de la ligne par la SNCF :

« Vous savez en effet que le service-voyageurs Carcassonne-Quillan est assuré depuis plus d’un an par deux concessionnaires qui sont Bourdier et la Société Carcassonnaise de Transports. Ces deux firmes sont entrain d’accumuler certainement des bénéfices scandaleux au détriment de la SNCF puisqu’ils ont réussi - je ne sais par quel tour de force - à obtenir la location du rail, et à l’aise d’un procédé de traction rail-route, ces deux concessionnaires assurent (d’une façon déplorable du reste) le service-voyageurs moyennant le prix de 54 francs, aller-retour par personne. Le car ainsi que la Micheline sont archi-combles à chaque voyage, il n’est donc pas besoin d’être un grand mathématicien pour conclure que les concessionnaires ne perdent pas leur temps. »

Le 6 août 1945, l’opposition des syndicats et de la Fédération des cheminots à la circulation d’autobus de compagnies privées sur les rails amène le ministre à autoriser la SNCF à résilier les contrats d’exploitation. Les sociétés privées auront jusqu’au 1er février 1946, date à laquelle la SNCF reprendra le monopole sur ses lignes. Elle s’engage à réaliser 6 aller-retour quotidiens par des omnibus. Trois autorails Renault ABJ (série 3300) et trois remorques légères sont prévus à compter du 1er juillet 1946.

La SNCF reprend ainsi son monopole de service public et assure la liaison ferroviaire Carcassonne-Quillan jusqu’à aujourd’hui. Il y a un an, on parlait d’une transformation en ligne de tram-train qui pourrait être confiée à une société privé via une délégation de service public. En quelque sorte, une privatisation qui ne dit pas son nom comme au bon vieux temps du maréchal…

Note

Augustin Talon était né à Marvejols (Lozère) le 21 juin 1881. Ingénieur au Chemin de fer du Midi, il inventa la torpille ferroviaire dans les années 1930 puis se retira à Belvianes pour prendre sa retraite. Il avait épousé à Quillan Elizabeth Salva le 6 juillet 1904, originaire des Pyrénées-Orientales. Il est mort le 27 mai 1972 à l'âge de 91 ans.

Sources

Archives historiques de la SNCF

Historail

L'éclair, mai 1943

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Commentaires

  • Mes parents m'ont parlé de ce train qu'ils avaient souvent pris pour se rendre à Limoux.
    Dans les années cinquante,les autocars de l'entreprise Bourdier faisaient référence à cette période en arborant le sigle:: Le train bleu de la vallée de l'Aude.
    Merci d'avoir relaté cet épisode original mettant en évidence l'inventivité pendant cette dernière guerre.

  • Un grand merci pour ce récit historique, car on ne s’imagine pas tout cela et pourtant ça a bien existé !!!

  • Merci Née en 49 , je n'ai pas connu cette dure période de guerre , mais je lis avec passion tout ce qui se rattache aux années 40/45 et ça je ne connaissais pas. Petite j'ai souvent pris les cars Bourdier pour aller de Laredorte à Carcassonne. encore Merci

  • enfant j'ai pris cette micheline pour aller à limoux -ce devait être après 1946- elle s'arrêtait à tous les villages traversés - j'en ai gardé un bon souvenir car c'était un " évènement " !!une expédition !! mais que c'est loin tout ça --je l'avais oublié -- merci martial pour cette belle histoire

  • enfant j'ai pris cette micheline pour aller à limoux -ce devait être après 1946- elle s'arrêtait à tous les villages traversés - j'en ai gardé un bon souvenir car c'était un " évènement " !!une expédition !! mais que c'est loin tout ça --je l'avais oublié -- merci martial pour cette belle histoire

  • Bonjour,
    Né en 46, je n'ai point connus cette "histoire". Merci pour ce partage. Cette ligne, Carcassonne Quillan, je l'ai connue depuis le début des années 50 pendant plus de 10 ans.
    Mes parents pour les congés d'août louaient à Alet un petit appartement dans la villa Remedy. Nous venions en train depuis Paris. A la gare d'Alet il y avait un chef de gare logé sur place. Je me souviens que souvent la jeunesse éméchée venait chanter sous ses fenêtres "il est cocu le chef de gare" !!!
    Je suis à la recherche d'images fixes comme animées de cette ligne à cette période.

  • Bonjour, j'ai trouvé et acheté un "illustration' qui relate cette histoire. Votre enquète est bien plus complète. Ayant une passion pour Citroën j'ai fait de mon côté quelques recherches et j'ai acqui une action de la CCTC! Signée par un M. Ménard qui sans doute celui des concessions Citroën de la région. Toujours un plaisir de vous lire.

  • Bonjour, je prenais cet autorail que nous appelions Micheline, en 1978 ou 1979. Elle était rouge et crème. Impossible de trouver une photo ou un article sur cet autorail (Micheline). Si par hasard vous avez cela, ce serait merveilleux de le partager. Merci par avance.

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