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Seconde guerre mondiale - Page 33

  • Petits tripatouillages politiques à Carqueyrolles après la Libération

    Nous savons par le témoignage de Lucien Roubaud, alors chef du Comité Régional de Libération, qu'un petit nombre de résistants intellectuels, fréquentant la chambre de Joë Bousquet s'étaient organisés afin de se distribuer les postes au moment de la Libération. Dans la Résistance audoise (Lucien Maury / 1980), Roubaud ne paraît pas tendre avec le creuset littéraire de la rue de Verdun.

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    Lucien Roubaud

    "Existait aussi à Carcassonne un groupe de résistants qui se préoccupaient de choisir les hommes devant occuper les postes importants à la Libération. Je le sais, car un émissaire est venu me proposer le poste d'Inspecteur d'Académie. J'ai décliné cet honneur, Gilbert de Chambrun, alerté, est venu contacter ce groupe qui a refusé de faire autre chose que la propagande orale et la préparation de l'après-libération."

    Cette réflexion doit être éclairée par un évènement survenu au début de l'été 1944. Le mot propagande prend ici tout son sens dans sa bouche. En effet, lors d'une réunion du Comité Régional de Libération, une vive altercation opposa Gilbert de Chambrun et Lucien Roubaud d'une part, à Henri Noguères et Francis Missa d'autre part. Ces derniers, membres du Parti Socialiste clandestin, souhaitaient faire de la propagande afin de placer les socialistes après-guerre au sein des futurs comités de libération. A contrario, Roubaud qui n'était d'aucun parti à cette époque, même s'il avait des sympathies pour le communisme, ne voulait pas entendre parler des socialistes. Il fallait d'abord libérer militairement la région. La commission des conflits du Conseil National de la Résistance fut saisie ; elle donna raison à Roubaud. La haine et la rancune fut si féroce que dans l'Histoire de la Résistance d'Henri Noguères (5 volumes), il n'y a pas une ligne sur Roubaud. Cherchez un nom de rue dans Carcassonne à celui qui, avec Albert Picolo - un autre oublié - organisa la Résistance dans notre ville. Vous n'en trouverez pas... Plus la Libération de l'Aude approcha et plus la politique d'avant-guerre reprit ses droits. Au sein des comités, on plaça les hommes pour remplacer les Vichystes à la tête des mairies, préfecture, Conseils départementaux, etc.  Charpentier, chef des parachutages de l'Aude, sera retrouvé mort entre Palaja et le Mas des cours le 6 septembre 1944. L'enquête conclura que le Résistant fut tué dans la clinique Delteil par le Dr Cannac. Lors du procès de ce meurtre, une partie des résistants Carcassonnais dira que Charpentier était un traitre ; l'autre partie, extérieure au département défendra la victime comme un authentique patriote. Or, Charpentier était un protégé d'Henri Noguères, dont il défendra la mémoire en se portant partie civile. La pauvre victime n'a t-elle pas fait les frais d'une vengeance sur fond de querelle politique ? Tout ceci mérite réflexion...

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    © Médiathèque de Carcassonne

    Joë Bousquet par Bernon

    Revenons au groupe d'intellectuels dont parle Roubaud, désireux selon lui de se partager les postes. Le 28 décembre 1944, on apprend dans le Midi-Libre que le poète Joë Bousquet va devenir le président du Syndicat d'Initiative. Jusqu'à présent, le Dr Jean Girou occupait ces fonctions.

    "Il faudra, dit J. Bousquet, lui assigner dès maintenant un but assez lointain. Ce but pourrait être de jeter les bases d'une société franco-anglaise. Ce ne sera pas une simple succursale de la société franco-anglaise de Paris. Cette société sera autonome et son but sera de faire coopérer les deux pays par le dedans, par l'âme même et non pas seulement par la tête. Carcassonne est le lieu rêvé pour la réalisation de tels projets. Il est difficile de trouver en France un lieu plus apte à faire séjourner des Anglais pendant un temps relativement long. Il pourrait s'établir une entente entre les hôteliers pour que cette publicité soit commune. Une deuxième conséquence d'un ordre différent serait de toujours servir le Syndicat d'Initiative pour favoriser l'échange scolaire des jeunes gens et jeunes filles entre l'Angleterre et la France. On pourrait chaque année envoyer quelques bons sujets aptes à profiter des voyages et de même nous recevrions en France des jeunes Anglais et jeunes Anglaises. Une troisième conséquence serait de ressusciter l'ancien bulletin du Syndicat d'Initiative, mais en élargissement grandement sa portée. On demanderait à d'excellents écrivains d'y apporter leur talent et nous pourrions ainsi donner à ce bulletin un intérêt international. Il serait possible également de s'adresser aux directeurs des revues anglaises, pour qu'ils nous fassent parvenir des livres édités en langue anglaise. Il se constituerait ainsi assez rapidement une précieuse bibliothèque. Enfin, pour assurer l'unité d'action de l'hôtellerie audoise, il serait nécessaire d'obtenir la création d'une fédération des hôteliers audoise."

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    © Musée de Narbonne

    Jean Girou

    Si Bousquet prenait la tête du Syndicat d'Initiative, le Dr Girou devait-il en être alors exclu ? Les tripatouillages sur fond de querelles politiques et de règlements de comptes battaient leur plein. Nous n'avons pas trouvé, pour le moment, d'enquête du comité d'épuration concernant Jean Girou. Toutefois, l'ancien président de l'ordre des médecins de l'Aude s'était rangé plutôt du mauvais côté. Il restera président de l'ESSI (Syndicat d'Initiative de l'Aude) jusqu'en 1963, année où il on lui indiqua la sortie. Dans un courrier à René Nelli, il manifeste son amertume.

    "Merci d'abord pour le témoignage d'amitié dans mon éviction scandaleuse de l'ESSI à Carcassonne menée par Sablayrolles avec la complicité de Drevet, Noubel et Bonnafous."

    A la lumière de ces quelques réflexions, il appartient à chacun désormais de se faire une idée sur la vie politique Carcassonnaise, telle qu'elle fut menée depuis la Libération. 

    Sources

    ADA 11

    Archives Nationales

    Midi-Libre / 18.12.1944

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2017

  • L'attaque contre le Corps Franc de la Montagne noire par les Allemands en juillet 1944

    Au matin du 8 juin 1944, il est donné l’ordre aux escadrons du Corps Franc de la Montagne noire cantonnés à Laprade d’aller occuper Montolieu. A 13 heures, ce sont 120 hommes commandés par Kervenoael qui défilent dans les rues de ce village d’un millier d’habitants. On cherche à défier les Allemands en leur montrant que les maquisards sont partout. A tous les carrefours les sentinelles sont en faction, la mairie et le bureau de poste sont occupés. Une heure plus tard, l’autobus venant de Carcassonne dépose ses voyageurs ainsi que deux soldats de la Wehrmacht. Ces derniers sont immédiatement faits prisonniers. 19 heures sonne à l’horloge de l’église de Montolieu ; c’est l’heure du rassemblement sur la place. Il est dangereux de s’attarder davantage dans ce village qui serait difficile à défendre en cas d’attaque ennemie ; il suffirait d’un collaborateur zélé pour donner l’alerte à Carcassonne. Grâce au dossier du procès Bach conservé aux archives, nous savons que les Allemands apprirent l’évènement de Montolieu et y envoyèrent des troupes. Fort heureusement, les maquisards étaient déjà partis. Revenons sur la place du village en cette fin après-midi du 8 juin où la population en liesse, s’est attroupée autour des maquisards. Une minute de silence est observée devant le monument aux morts, suivie de la Marseillaise. Les habitants applaudissent, des femmes pleurent… Il est temps de revenir dans la clandestinité ; la guerre n’est pas encore terminée.

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    © David Mallen

    A Carcassonne, les autorités Allemandes entendent mettre bientôt fin aux exactions du Corps Franc de la Montagne noire contre ses troupes. Elles sont régulièrement victimes d’embuscades lorsqu’elles transitent par les routes forestières de la Galaube ou encore de la Loubatière. Les chefs militaires vont alors mettre les moyens humains et techniques afin de faire taire ce maquis. Où se trouve t-il exactement ? Quels sont ses effectifs et ses moyens ? Autant d’interrogations qui ne pourront trouver de réponse sans le concours et la collaboration de français infiltrés, ayant une bonne connaissance du terrain. Depuis quelques temps, le Sipo-SD (Gestapo) de Carcassonne, aidé dans sa tâche par la Milice départementale de l’Aude, rassemble des renseignements sur l’existence de ce maquis. Antoine Maury âgé de 19 ans et originaire de Tourouzelle, fait partie de la Franc-Garde de la Milice. Il s’y est engagé parce qu’il ne voulait plus travailler la terre et qu’on l’avait refusé dans la police. Ses chefs, dont la grande partie fuira à la Libération sans être inquiétée, savent endoctriner la jeunesse qu’ils détiennent sous leurs ordres. Celle-là même qui sera fusillée en septembre et octobre 1944 comme Antoine Maury…

    En ce mois de juillet 1944, Georges Prax, chef départemental de la Milice de l’Aude, convoque Maury et l’envoie à la Gestapo, route de Toulouse. C’est bien la première fois qu’il s’y rend. René Bach, interprète Alsacien du SD lui donne alors la somme de 500 francs. Quelle est sa mission ? Aller à la Galaube, indiquer l’emplacement du maquis, son armement et son effectif. C’est sur les indications de Fernand Fau, agent du SD, que Maury s’y rend. A son retour, il racontera qu’étant tombé sur le poste de garde, la sentinelle le pria de rebrousser chemin. Avec 500 francs supplémentaires, René Bach n’a pas de mal à convaincre Maury d’aller cette fois au Pic de Nore. A cette époque, un ouvrier agricole gagne environ 45 francs par jour. En se faisant porter pâle Maury rentre à Tourouzelle et ne retourne pas dans la Montagne noire.

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    © David Mallen

    L'hôtel Terminus en 1944

    Du côté de la Kommandantur de Carcassonne, on commence à s’agiter. Fernand Fau a été présenté par le chef du Sipo-SD Eckfellner au colonel de la Luftwaffe Haffner. Il doit lui indiquer les observations qu’il a faite sur le terrain en vue des préparatifs de l’attaque contre la Galaube. Haffner dépêche alors deux soldats pour faire des relevés topographiques. Ce sont deux français engagés dans l’armée allemande qui viennent de faire leurs preuves lors de la campagne de Russie. On met leur habileté au service de la lutte contre les maquis. Habillés en civil, ils fréquentent très régulièrement le Café du midi, boulevard Barbès. Ils n’auront aucune difficulté à se fondre dans la population. Fernand Fau fait le même travail, mais se serait-il trop montré ? Comment expliquer alors qu’il paraît aux côtés des résistants du maquis de Villebasy replié dans la Maleperre, ce qui lui permettra de faire arrêter Jean Bringer le 29 juillet 1944 ? On ne s’explique pas comment cet homme a pu berner aussi facilement le Corps Franc Lorraine (Villebasy), alors qu’il avait déjà dénoncé plusieurs maquis de l’Aude. Il y a forcément une grave légèreté dans le renseignement, voire une complicité quelque part…

    D’après ce que Fau a raconté à René Bach car il se trouvait à la Galaube, à l’aube ce sont cinq cents hommes de la 2e compagnie du 71e flieger régiment (aviation) de la caserne Laperrine qui partent vers la Montagne noire en ce 20 juillet 1944. Ce régiment de l’air était composé de 1775 unités réparties en trois bataillons : Montpellier, Carcassonne dont deux compagnies à Perpignan, Béziers. Nous ignorons l’effectif de la garnison de Laperrine ; en divisant par trois bataillons cela représente à peu près 500 hommes. Ceci est proche du chiffre que donne René Bach lors de son procès.

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    © David Mallen

    Caserne Laperrine en 1944

    Ils sont accompagnés par des Osttrupen cantonnés à Douzens. Ces troupes improprement appelées « Mongols » viennent d’Europe de l’Est et appartiennent à la 4e compagnie du 681e bataillon de la 326 Infanterie division. D’après nos renseignements, les effectifs de Douzens n’auraient pas dépassé une cinquantaine d’hommes. L’infanterie boche possède des canons légers et est appuyée dans les airs par six avions Junkers JU 88.

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    © David Mallen

    Les 3/4 de l’infanterie se déplace à pied et à cheval, mais le journal de marche du Corps Franc raconte que des civils ont vu le matin 80 camions pleins d’Allemands sur la route d’Arfons et vers 11 heures, 50 camions à Fontiers. Au total 130 camions, représentant 1500 hommes. C’est sur cette observation visuelle effectuée par des civils que se base le journal de marche pour donner les effectifs Allemands.

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    © David Mallen

    Du côté du Corps de Franc de la Montagne, les maquisards seraient 900. Nous n’avons aucun moyen de le contester, mais depuis 1946 les historiens ont sérieusement revu à la baisse les chiffres des effectifs donnés par la résistance après l’attaque contre le maquis des Glières en Haute-Savoie. Dans un élan d’héroïsme qu’il faut reconnaître, on a souvent modifié les données historiques. Ceci n’enlève rien à la bravoure des maquisards, bien au contraire.

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    © David Mallen

    Ce 20 juillet 1944, l’aviation allemande pilonne dès 6h45 l’un des trois cantonnements du maquis. Le camp du Rietgé où se trouve le dépôt de munitions est bombardé par des engins explosifs de 300 kilos. C’est ensuite au tour du Village des Escudiers. Ces combats causeront la perte et les blessures de plusieurs hommes. Le cadavre du commandant Mathieu sera retrouvé quelques jours après sous un tas de fumier. Pendant toute la journée, les maquisards opposeront un combat farouche à l’armée allemande. Menacés d’encerclement, l’ordre sera donné de décrocher et de se replier vers le Pic de Nore. Le Corps Franc ne s’en sort pas trop mal et évoque des pertes d’appareils et d’hommes du côté de l’occupant. En revanche, Bach indique que le rapport rédigé par l’administration allemande évoque aucune perte. Cela semble peu vraisemblable. Les Allemands auraient détruit le matériel de roulage du maquis et récupéré des millions de litres d’essence.

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    Membres du Corps Franc de la Montagne noire

    Sans la participation, les indications et la collaboration de français endoctrinés ou attirés par l’argent, l’armée Allemande n’aurait eu que peu de prise sur la Résistance. Le rôle de la Milice française qui n’est pas évoqué militairement dans cette opération, fut essentiel dans le renseignement avec l’aide des agents français du SD. Il nous a paru essentiel pour la compréhension des évènements de nous pencher sur ce qui se passait du côté des Allemands. Pendant trop d’années, on a tenu les historiens éloignés des archives. Il ne fallait surtout pas mettre en évidence le rôle d’une partie de la France, dans les déportations et massacres perpétrés par les nazis sur notre sol.
    Regarder l’histoire en face, c’est ce que entendons faire sur ce blog. 

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    L'ossuaire de Fontbruno près de Laprade 

    Ici, des Français et des étrangers de toutes confessions politiques ou religieuses sont morts pour la libération de la France. Si vous passez-là, recueillez-vous.

    Sources

    Journal de marche du Corps Franc / 1946

    Procès de René Bach / ADA 11

    Merci à David Mallen pour ses photos

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  • Enquête sur l'arrestation de Mlle Billot sur le Pont vieux par la Gestapo le 11 juillet 1944

    Il y a une semaine nous vous révélions un épisode méconnu de la Seconde guerre mondiale à Carcassonne. L'arrestation de Madeleine Billot sur le Pont vieux par deux agents de la Gestapo le 11 juillet 1944, avait fait avorter la tenue d'une réunion de la Résistance à quelques centaines de mètres de là. S'il nous avait été possible de retracer cet évènement, nous ignorions en revanche qui était réellement Mlle Billot, le lieu précis de la réunion et les personnes qui devaient s'y trouver. D'un naturel teigneux, nous avons mené notre enquête en nous mettant sur la piste des parents de Madeleine Billot et en recherchant éventuellement des informations dans les livres d'anciens résistants. Ainsi, nous avons non seulement retrouvé sa fille que nous avons interrogée, mais également de précieux renseignements dans l'ouvrage du chef de la résistance régionale. C'est cette synthèse que nous sommes heureux de vous présenter dans ce nouvel article.  

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    © Pinterest

    Photo d'illustration / Un village français - France 3

    Madeleine Billot était née le 5 juillet 1914 à Gaillac (Tarn). Ses parents tenaient une pharmacie à l'angle des rues de Verdun et de la préfecture, où son père fabriquait des pommades qui faisaient sa réputation. La famille habitait un peu plus bas dans la rue, au numéro 20. C'est à cet endroit que Madeleine et sa sœur Geneviève, toutes les deux étudiantes en pharmacie, faisaient transiter les aviateurs vers les maquis, chargés de leur exfiltration vers l'Espagne. Malgré les risques, le père Billot, aux idées plutôt nationalistes, fermait les yeux sur ce trafic et aidait ses filles dans l'accomplissement de cette tache. Aux dires de ceux qui les ont connus, les Billot étaient d'une extrême générosité. Au sein de la Résistance, Madeleine et Geneviève occupaient les fonctions d'agents de liaison. Cette dernière faisait même transiter le courrier vers la chambre de Joë Bousquet - située à 150 mètres de chez elle - auquel elle délivrait les doses de morphine indispensables pour soulager ses douleurs. 

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    L'ancienne pharmacie Billot

    Ce 11 juillet 1944, Madeleine est arrêtée sur le Pont vieux par la Gestapo. Elle ignorait que le jeune homme qui devait la rejoindre ce jour-là, avait été interpellé par la police allemande la semaine précédente. Lorsqu'elle se présenta à lui pour l'amener à une réunion de la Résistance, le piège se referma sur elle. Amenée à la villa de la route de Toulouse, elle refusa de parler malgré les tortures qui lui furent infligées. Elle confia à Madame Rizzato - une de ses amies - qu'on lui fit subir le supplice de la baignoire et qu'on l'obligea à se fléchir sur une barre d'acier. Lors de son procès, René Bach avoua s'être mis en colère en reprochant aux deux agents ayant procédé à l'arrestation, de ne pas avoir suivi Mlle Billot. Ainsi, la Gestapo aurait-elle pu coffrer les membres de cette réunion. Où se tenait-elle ? Quel était l'ordre du jour ? Qui étaient les personnes présentes ? 

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    Le domaine de la Jasse, à Carcassonne

     C'est au domaine de la Jasse, situé sur la plaine Mayrevielle à un kilomètre du Pont vieux, qu'était fixé le lieu de la réunion. Ce beau bâtiment caché au milieu de la nature appartenait depuis 1850 à la famille de Paul Mouton, Conseiller d'état. Sa fille Simone avait épousé Jean Cahen-Salvador, Conseiller d'état. En raison de sa religion juive, il sera arrêté et s'évadera du train lors de son transfert vers Auschwitz. Madeleine Billot avant son arrestation avait fait passer les Cahen-Salvador en Suisse. D'après l'ouvrage de ce chef de la résistance régionale, voici l'objet de cette réunion et les noms de ceux qui s'y trouvaient.

    "Pour établir un programme de parachutages que Jacques (Picard, NDLR), Délégué Militaire Régional adjoint devait câbler d'urgence à Alger, je convoquai à Carcassonne, Suberville, Bringer, Cayrol et Bonnafous, respectivement chefs départementaux FFI de l'Hérault, de l'Aude, des Pyrénées-Orientales, de l'Aveyron, ainsi que Balouet, adjoint de Cayrol, et "Jean-Louis" (Louis Amiel, NDLR) adjoint de Bringer au titre des FTP, Roubaud, chef du Mouvement de Libération Nationale, nouveau président du Comité Régional de Libération, et Georges, chef du département, assistaient à la rencontre."

    Si la Gestapo avait suivi Madeleine Billot, elle aurait arrêté l'ensemble des chefs de la Résistance régionale. Seul, Jean Bringer sera interpellé 18 jours plus tard... Selon le témoignage de sa veuve, il se plaignait début juillet de n'avoir pas reçu les bons parachutés d'Alger pour payer ses maquis. Très en colère, il se faisait fort de rechercher les coupables. L'objet de la réunion du 11 juillet était précisément l'établissement du programme de parachutages. C'est sûrement entre le 11 et le 29 juillet 1944, que Bringer n'a pas reçu cet argent parachuté ; que Charpentier (assassiné dans la clinique du Bastion en septembre 1944) a été diligenté par Londres pour enquêter. Bringer avait-il trouvé les coupables ? La vénalité de certains au sein même de la Résistance Audoise, a eu la peau du chef départemental des FFI de l'Aude. Ceci est nôtre conviction, mais l'enquête se poursuit de notre côté.

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    Jean Bringer

    Alors qu'elle était détenue, la Gestapo alla perquisitionner au domicile des Billot. Fort heureusement, la bonne avait fait passer les documents compromettant dans l'arrière cuisine pour les brûler. Toutes les enquêtes et interrogatoires n'ayant rien donnés, Madeleine Billot fut transférée à Montpellier le 20 juillet 1944, puis dirigée sur Romainville le 31 juillet. Le 15 août 1944, elle était déportée vers le camp de Ravensbrüch en Allemagne. Nous avons transcrit son témoignage lors du procès Bach, mais d'autres éléments donnés par sa fille l'enrichissent.

    Quand le convoi partit pour l’Allemagne, elle entendit l’aviation alliée bombarder la France. Du côté de Berlin, le train fut stoppé pendant une heure pour attendre la fin des bombardements. Une heure pendant laquelle, elle aurait pu s’échapper. Lorsqu’elle tomba malade au camp, elle passa une semaine à l’infirmerie ; le paradis selon elle. Libérée par les Russes, elle passa par Odessa puis en bateau vers Marseille et en train à Carcassonne. L’accueil fut triomphant. Suite à son passage au camp, on dut lui faire un dentier complet ; toute sa vie durant elle sera dépressive. 

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    © cite-tapisserie.fr

    Marc Saint-Saëns, petit neveu du compositeur 

    En 1948, Madeleine Billot se maria avec Marc Saint-Saëns. Le peintre Toulousain aux idées communistes était entrée dans la Résistance. Observons qu'il connaissait Joë Bousquet, car au-dessus du lit du poète se trouvait une tapisserie de Marc Saint-Saëns. Elle est conservée au Musée des Beaux-arts de Carcassonne. Madeleine tint un temps une pharmacie à la Barbacane, puis reprit ses études de biologie et travailla au CNRS avec le professeur Camille Soula. Ce dernier œuvra dans la résistance ariégeoise. La résistante et ancienne déportée est décédée au mois d'avril 2009. A sa demande, elle fut incinérée et inhumée au cimetière du Mont Valérien à Paris. D'après sa fille, jamais elle ne se considéra comme une héroïne, disant que dans tout conflit il y eut des résistants.

    Sources

    Nous ne donnerons désormais que des informations parcellaires sur nos sources. Le but de ce blog est d'informer, pas de livrer sur un plateau des informations inédites à ceux qui se servent de l'histoire pour briller sur notre dos.

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