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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 83

  • Claude et Charlotte Julian, deux artistes de grand talent

    Dimanche matin, le téléphone sonne… "Allo ! C’est Charlotte Julian. Oh ! Comme c’est aimable à vous de me rappeler, lui dis-je. Cela fait un moment que j’essaie de vous contacter afin que vous me parliez de votre frère, Claude. Certains de mes amis Carcassonnais m’ont souvent parlé de lui, sans qu’il me soit possible de retrouver sa trace." Ainsi s’enchaîne une conversation de près d’une heure avec Charlotte Julian, artiste dans tous les sens du terme : Chanteuse, actrice et depuis plusieurs années, peintre. Celle qui avait quitté Perpignan dans sa jeunesse pour monter à la capitale vit aujourd’hui à Cannes, où elle peint de belles toiles d’art naïf désormais cotées chez Drouot. « La petite fleur de province » n’a rien perdu de sa gentillesse, ni de son humilité et lorsqu’on cherche à parler de son frère, on ressent une grande admiration pour lui. "C’est un pur, affirme t-elle. Ni l’argent, ni la gloire ne le préoccupent ; s’il a de quoi vivre cela lui suffit pourvu qu’un chevalet se dresse avec sujet à peintre. Le soucis du détail, de la couleur et surtout de la perfection. Jamais il ne cèdera une de ses toiles, s’il la juge non achevée, dit-elle."

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    © enchères-occitanes.fr

    Les parasols (1976)

    De quinze ans son aîné, Claude Julian voit le jour le 8 août 1935 à Perpignan dans une famille nombreuse au sein de laquelle il n’y a pas le sou, mais beaucoup d’amour parental. A l’école des Beaux-arts de la capitale catalane où sa sœur Charlotte suivra ses pas, le jeune homme démontre de grandes capacités pour le dessin. "Mon frère, c’est avant tout un extraordinaire portraitiste, proclame Charlotte. A mes débuts dans la chanson, il a réalisé mon portrait que je garde précieusement chez moi."

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    Charlotte Julian par son frère

    En 1964, Claude Julian illustre le célèbre roman d’Alain Fournier Le grand Meaulnes, aux éditions de la Source : In folio en feuilles, illustré de 19 aquarelles originales (dont 2 à pleine page) peintes sur chaque exemplaire. Un exemplaire de ce livre d’art estimé à 500€ s’est récemment vendu aux enchères à Bordeaux.

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    © Charlotte Julian

    Aquarelle de Claude Julian

    A Saint-Paul-de-Vence, à l’époque où le peintre Marc Chagall habite le village et où le couple Montand-Signoret vient s’y détendre, Claude Julian obtient le Premier grand prix de peinture dans la série Compositions. S’ensuit de nombreuses sollicitations afin que l’artiste catalan expose dans de célèbres galeries helvétiques.

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    © Charlotte Julian

    Toile de Claude Julian

    A Carcassonne où il vient s’établir dans les années 1970, il rencontre un vivier d’amateurs d’art investis dans la culture locale. Parmi ses grands admirateurs, nous citerons le docteur Emile Delteil. Le patron de la clinique du Bastion garde en son domaine du Majou près de Montréal d’Aude, une villégiature où Claude Julian est régulièrement invité. Le Dr Delteil comme tout collectionneur avisé sait dénicher les talents de demain ; ceux dont la cote sera promise à un bel avenir. Après la disparition du médecin, de nombreuses toiles de Julian iront garnir le salon de la maison du directeur, héritier de la clinique. Claude Julian avait également trouvé en Georges Glardon, célèbre galériste installé dans la rue Aimé Ramond, un soutien de poids et de nombreux acquéreurs parmi les plus fortunés de la ville. Etaient-ils tous poussés par leur enthousiasme, ou bien par un bon placement ? L’incompris c’est souvent l’artiste… Souvenons-nous d’Alain Clinard.

    Reportage sur Collioure en 2012 où figure Claude Julian à la fin

    Revenu dans son pays catalan, Claude Julian s’installe dans le village des peintres à Collioure, puis à Port-Vendres. C’est là qu’aujourd’hui, on peut le trouver face au port en train d’achever l’une de ses toiles. A 85 ans, l’artiste passionné vit ainsi dans un quasi anonymat. Toutefois, si son nom ne parle à personne là-bas, il n’est pas un touriste amateur d’art qui ne perçoit son extraordinaire talent. Hélas ! Comme le précise avec tristesse sa sœur Charlotte, "les experts ne s’intéressent pas à la peinture de mon frère parce que ses toiles ne sont pas sur internet." Espérons que cet article donnera une visibilité à l’oeuvre de cet extraordinaire coloriste.

    Je remercie vivement Charlotte Julian pour sa disponibilité et sa gentillesse. 

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  • Claude Cals (1928-2005), avocat et homme de lettres Carcassonnais

    Claude Cals naît en 1928 à Couiza. Elève brillant, il obtient son baccalauréat à l’âge 16 ans et part étudier le droit à Toulouse d’où il sort licencié trois ans plus tard. A 21 ans, il prête serment, enfile la robe d’avocat et s’inscrit au barreau de Carcassonne. Le jeune homme qui avait été éveillé à l’histoire régionale par son professeur de français - un certain René Nelli - et encouragé à écrire par le poète Joë Bousquet, nourrit une véritable passion pour les belles lettres. A côté des compte-rendus d’audience, il n’est pas rare que Cals griffonne des vers… A l’âge de 40 ans, il publie ses premiers essais et des pièces de théâtre sur des personnages épiques qui le fascinent, comme « Don Juan d’Albigès ».

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    Illustration de Jean Camberoque

    Dans « Le rêve foudroyé de Pierre II d’Aragon », illustré par son ami le peintre Jean Camberoque, il met en scène l’échec du roi d’Aragon devant Simon de Montfort. En 1198, Pierre II, comte de Toulouse et Bernard IV, comte de Comminges, se réunissent à Perpignan. C’est cette réconciliation diplomatique, cette union des forces qui, d’après Cals, aurait pu fonder un état occitano-catalan et pérenniser la langue occitane.

    Sur la révolte des vignerons de 1907, « Gloire et mort de Marcelin Albert » inscrit dans le marbre de l’histoire, la vérité dramatique d’une pièce interprétée au Festival de Carcassonne par Jean Davy de la Comédie française en 1987. Nous pourrions également citer « A la bonne heure, Joseph ! » sur le poète paysan Joseph Delteil ou encore, « L’étrange invité de l’abbé Saunière ».

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    Cet homme dont la prose, l’intelligence et l’immense culture se sont évanouies dans les culs-de-basse-fosse de Carcassonne où les sectaires enterrent ceux qui ne pensent pas comme eux, présidait après 1970 l’association Action fidélité au général de Gaulle. Contrairement aux autres héritiers de Nelli, Claude Cals avait choisi de s’opposer au socialisme audois. Lors des élections municipales des 14 et 21 mars 1965, il menait la liste U.N.R qui perdit contre Jules Fil au premier tour avec 30% des voix. Quatre ans plus tard, avec quatre de ses colistiers il entra au conseil municipal suite à une élection complémentaire due au décès du maire.

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    Jean Camberoque et Claude Cals

    Ami de Jean Camberoque, de Claude Marti et du jazzman Jean Osmont, Maître Cals fréquentait des artistes audois de sa trempe dont la jeune génération pourrait s’inspirer. Cet inconditionnel de la musique et de l’art en général, présida l’association « Musique et formes » dans les années 1980 aux côtés d’Isabelle Alay, Louis Andrieu et Claude Serrano dit Claude Musique. Le pianiste Alain Mammozer fit même partie du jury de l’un des concours de piano organisé par l’association.

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    Claude Cals s’est éteint brutalement en mars 2005. Sa lumière éclaire toujours sa fille Odile qu’il a contribué à devenir l’une des danseuses et professeure, parmi les plus doués de sa génération. Quant à son héritage livresque, nous avons tenté ci-dessous d’en dresser un état non circonstancié. Espérons que l’on jouera à nouveau les pièces de Claude Cals…

    Don Juan d’Albigès

    Le rêve foudroyé de Pierre II d’Aragon (4 actes)

    L’étrange invité de l’abbé Saunière (3 actes)

    Gloire et mort de Marcelin Albert

    L’enfant plume

    A la bonne heure, Joseph !

    Jean de Belle Aude (1 acte)

    Le berger des Corbières (œuvre posthume)

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  • La visite du Premier ministre, Pierre Mauroy, à Carcassonne le 14 décembre 1981

    Septième étape régionale de son « Tour de France » pour l’emploi, le Languedoc-Roussillon figurait sur l’agenda du nouveau Premier ministre nommé par François Mitterrand le 22 juin 1981. Dans le département de l’Aude où le candidat socialiste avait obtenu 63% des voix au second tour contre Valéry Giscard d’Estaing, Pierre Mauroy (1928-2013) devait être reçu comme un coq en pâte. Depuis l’aéroport de Salvaza où son avion s’était posé le 14 décembre 1981, le Premier ministre accompagné par Madame Edith Cresson, ministre de l’agriculture, Monsieur Anicet le Pors, ministre de la fonction publique et des réformes administratives, avait été accueilli par les grandes figures du socialisme audois.

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    © Claude Sicre

    Parmi elles, citons MM. Fernand Ancely (Maire) Robert Capdeville (Président du général de l’Aude), Joseph Vidal (Député) et bien sûr Raymond Courrière (Secrétaire d’état aux rapatriés). Signalons au passage que depuis cette époque, plus aucun responsable politique audois n’a figuré dans un gouvernement. C’est dire si nous sommes bien représentés à Paris…

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    Le premier geste du nouveau premier ministre fut de visiter l’Agence pour l’emploi de Carcassonne et de rencontrer les chômeurs. Accueil chaleureux et amical des camarades socialistes, non sans - comme à leur à habitude - le chahut d’une cinquantaine de membres de la C.G.T réclamant, banderoles à l’appui, la réduction à 35 heures de la durée hebdomadaire du temps de travail. La mise en œuvre de cette réforme attendra le gouvernement Jospin en 1997, soit seize ans après. A leurs côtés où pas bien éloignés d’eux, la F.D.S.E.A manifestait également son droit à la part d’un gâteau élaboré à partir du Programme commun. Pierre Mauroy engagea brièvement un dialogue avec les paysans qui s’est poursuivi avec Madame Edith Cresson, au milieu de la rue.

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    Fendant la foule depuis la place Carnot jusqu’à la salle du conseil municipal dans l’ancienne mairie, le premier ministre salua les nombreux supporters venus de tout le département ; le plus socialiste de France ! A l’hôtel de ville, en présence des dirigeants viticoles de la région, le chef du gouvernement évoqua les récentes manifestations paysannes et regretta l’attitude de la F.D.S.E.A 

    « Jamais aucun gouvernement, au terme d'une conférence annuelle, n'a consacré autant de crédits à l'agriculture. Et pourtant, en dépit de ce fait, certains cherchent à dresser les agriculteurs contre le gouvernement. Pas ici, à Carcassonne, mais quelques centaines par-ci, quelques centaines par-là, sont regroupés devant les préfectures et les sous-préfectures. J'ai parfois l'impression que la véritable origine de ces quelques mouvements, c'est que certains ne se résolvent pas à accepter la pluralité syndicale et pourtant, dans notre pays, il ne peut pas y avoir de monopole. Le gouvernement n'acceptera jamais qu'une organisation puisse se dire la seule représentative d'une catégorie de Français s'il y a plusieurs organisations."

    Après quoi, Pierre Mauroy réaffirma la volonté du gouvernement de « faire œuvre de justice et tenir compte des revenus réels des agriculteurs ". Il a confirmé que les crédits publics seront réservés aux paysans les plus défavorisés. »

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    Pendant la réunion, Pierre Mauroy quitta ses hôtes pour connaître les dernières informations sur la situation de Pologne. Il fut ensuite invité par le maire Fernand Ancely a signer le livre d’or de la ville. Il rejoignit ensuite l’aérodrome de Salvaza avec l’ensemble de membres de sa délégation.

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    Fernand Ancely, Joseph Vidal, Pierre Mauroy

    Le deuxième gouvernement Mauroy  devait mettre en œuvre la semaine de 39 heures, la 5e semaine de congés payés, la décentralisation, les nationalisations, l’Impôt sur la Grande Fortune, l’abolition de la peine de mort et le remboursement de l’IVG. Après toutes ses mesures sociales inscrites dans le Programme commun de la gauche, la France dut se plier aux réalités économiques imposées par ceux qui dans le monde détiennent le trésor. Le reniement de Saint-Pierre se mit en marche à partir du 23 mars 1983. Contraint d’abandonner ses convictions et surtout les promesses, par le savant alliage de Delors de Deferre le chef du gouvernement dût redresser les comptes avec rigueur. Saint-François d’Assise dans le fauteuil présidentiel lui permit toutefois de se retirer le 17 juillet 1984 ; le fils de l’un des plus riches antiquaires de la place de Paris pouvait désormais rassurer les marchés financiers. Le rêve de millions de français venait de s’évanouir…

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    © Coll. Martial Andrieu

    Le livre d'or signé par Pierre Mauroy et sa délégation

    Sources 

    Le Monde / 14 décembre 1981

    Vivre à Carcassonne / Bulletin municipal / Décembre 1981

    Livre d'or de la ville de Carcassonne

    Crédit photos

    Guy Anduze

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