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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 128

  • La romancière Colette et ses séjours à Carcassonne

    Sidonie Gabrielle Colette (1873-1954) plus connue sous le pseudonyme de Colette a effectué deux séjours à Carcassonne entre les deux guerres. Au cours d'une tournée de conférences s'intitulant "Deux côtés de la rampe, souvenirs de Music-hall" elle s'arrêta dans notre ville après Montpellier, Béziers et Narbonne. Ce fut le jeudi 13 novembre 1924 qu'elle fit le récit, devant une assistance nourrie, de ces mémoires d'artiste de cabaret à Paris. Tout le monde connaît la romancière, mais ignore souvent qu'elle fut danseuse de revue, mime et actrice de film muet. Féministe convaincue et bisexuelle, elle défraya la chronique de l'époque à cause de tenues trop déshabillées.

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    Colette caricaturée pendant sa conférence

    Après sa conférence, elle se rendit au chevet du poète Joë Bousquet dans la rue de Verdun, alité depuis sa grave blessure à la guerre de 14. Celui-ci relate cette entrevue dans les "lettres à Ginette" : "Elle est venue me voir à Carcassonne, il y a quelques années profitant d'une conférence qu'elle avait prononcée devant tous les ballots de Carcassonne. Je me demande ce qu'elle a pu leur raconter."

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    © amisdecolette.fr

    Après avoir divorcé de son mari M. Jouvenel, la femme de lettres s'enticha d'un homme d'affaire. Maurice Goudeket avec lequel elle ouvrit le 1er juin 1932, un salon de institut de beauté rue de Miromesnil à Paris. Profiant d'un retour estival de Saint-Tropez où elle avait passé les vacances d'été, les deux amants devenus époux remontèrent sur Paris. Oubliant la Nationale 7, ils décidèrent entre le 9 et le 18 août 1932 de passer Béziers, Carcassonne, Toulouse, Saint-Gaudens, Tarbes, Pau... Le but de ce périple consistait à visiter les magasins qui avaient pris en dépôt, les produits de beauté que Colette commercialisait. Dans la capitale audoise, elle séjourna à l'Hôtel de la Cité qui conserve encore sur son livre d'or, la dédicace que lui fit Colette.

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    Après tant d'hôtel, enfin un chez moi !

    La romancière qui logeait à l'hôtel Claridge, 74 avenue des Champs-Elysées à Paris avait dû apprécier le service du prestigieux établissement Carcassonnais. Peut-être y a-t-elle écrit des passages de son roman 'La chatte" paru en 1933.

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    "Deux côtés de la rampe" dans Conférencia

    Sources

    "La vie montpelliéraine" / 15 novembre 1924

    Lettres à Ginette / Joë Bousquet

    Colette / Claude Pichois et Alain Brunet / 1999

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  • L'œuvre de Paul Lacombe à la guitare : un sale signe ?

    En parcourant internet, j'ai découvert qu'un concert en hommage à Paul Lacombe avait été donné sur la place du village de Salsigne dans l'Aude, le 7 août dernier. Jusque-là, on ne peut que s'en réjouir, d'autant plus que ce sont des élèves de la classe de chant de Perpignan qui étaient à l'ouvrage. Cette aubade estivale placée sous l'égide d'un festival associatif avait sans doute pour but de faire connaître le compositeur. Une initiative à saluer ! J'ai longtemps moi-même arpenté les méandres des décideurs culturels du département pour faire interpréter sa musique, sans succès. Je n'avais pas compris à l'époque que la programmation de Paul Lacombe dépendait trop de Martial Andrieu, qu'on ne voulait pas entendre. Toutefois, il fallait bien qu'au début quelqu'un se dévoue. N'ayant pas trouvé de subventions départementales pour faire venir le Trio Wanderer, ni Felicity Lott pour interpréter sa musique de chambre et ses mélodies dans les différents festivals qui jalonnent l'Aude. Of course ! On a quand même avec deux amis de l'Opéra de Limoges, joué sa sonate pour violoncelle et piano au festival de Carcassonne. Une première depuis près de cent ans.

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    © l'Indépendant

    Donc, les prodiges élèves de Perpignan chantèrent les mélodies de Paul Lacombe. Là, où le bât blesse c'est qu'ils furent accompagnés à la guitare, un instrument certes magnifique mais pour lequel Lacombe a écrit aucune note. Vous me direz, où se trouve le problème ? Entendrait-on les lieders de Schumann, de Schubert ou les mélodies de Duparc on se privant du piano pour lesquelles elle furent composées ? Eh ! bien, non. Tout simplement parce que l'accompagnement révèle toutes les qualités d'orchestration du compositeur. Que des élèves soient soutenus à la guitare n'est pas gênant en soi dans leurs salles du conservatoire. Mais, lors d'un concert... Si le compositeur est connu, le public se réfère à l'original et se fait une raison. On a déjà entendu des revisites, comme en pâtisserie, des airs de Carmen. Si le compositeur est à connaître, le public dira : C'est cela la musique de Lacombe ? 

    Cette réflexion primesautière sera sans doute confirmée par l'article du correspondant local de l'Indépendant qui dit ceci pour annoncer l'évènement : "Paul Lacombe (1837-1927) s'est consacré aux musiques de salons et airs d'opéra." S'il est bien malheureusement une chose que Lacombe n'a pas faite, c'est de composer une œuvre lyrique. Point d'airs d'opéra dans son catalogue ! Quant à sa musique de salon, c'est tout à fait réducteur. Certes, je ne dis pas que quelques bluettes sont venues égailler les soirées mondaines, mais tout de même... Il a composé trois symphonies, trois sonates pour violon, une sonate pour violoncelle, un quatuor, trois trios et des œuvres orchestrales. A chaque fois, elle eurent les honneurs de la salle Pleyel, concerts Colonne et Lamoureux, etc. 

    Le correspondant poursuit sa litanie ainsi en annonçant qu'un "travail est en cours pour adapter ses œuvres avec de jeunes instrumentistes du conservatoire de Perpignan : piano, violon, violoncelle, guitare..." La musique de Lacombe n'a pas besoin d'être adaptée par de pseudos arrangeurs ; elle a besoin qu'on lui donne les moyens d'être jouée. Bien entendu par des élèves, mais surtout par des Renaud Capuçon, des Véronique Gens, des trios Wanderer... Qui va déposer ensuite les droits d'auteurs sur ces arrangements à la SACEM, puisque les œuvres de Lacombe sont dans le domaine public ?

    Le bouquet final tient dans une phrase. Lors de ce concert : "On pourra suivre chronologiquement la vie de l'artiste à travers ses compositions et les influences des compositeurs qui l'on marqué : Rossini, Bizet, Berlioz..." Paul Lacombe n'a jamais été inspiré par Rossini. Il n'en parle jamais ! Si ces gens avaient pris le temps de lire ma biographie, ils auraient su que ses influences sont Schumann, Debussy, Saint-Saëns... 

    Si vous ne pouvez pas faire du bien à Lacombe, ne lui faites pas du mal !

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  • Pierre Augé, préfet de l'Aude à la Libération

    Quand les maquisards entrèrent le 21 août 1944 dans Carcassonne libérée des troupes d’occupation, Guy David fut chargé de prendre la préfecture de l’Aude et de démettre le préfet Marchais de ses fonctions. Ce fonctionnaire zélé de l’Etat Français sentant la libération arriver s’était montré à son avantage au cours des dernières semaines. On ne sait trop combien de suppôts de Vichy furent recyclés par les gouvernements de la République, à tel point qu’il faudra attendre près de soixante ans pour juger Maurice Papon. Le préfet Marchais s’en sortit sans une égratignure, grâce à l’attitude bienveillante de son successeur qui ne voulut pas le remettre entre les mains d’une justice expéditive. Pendant une semaine, il fut protégé à l’intérieur de la préfecture des maquisards communistes qui réclamaient sa peau, au grand dam de Félix Roquefort. Suffisamment sans doute pour poursuivre l’œuvre de destructions d’archives entreprise par le directeur de cabinet de Marchais, dans la chaudière de la cave de l’ancien évêché. En matière de renseignement, on n’est jamais assez prudent… Marchais est recyclé en 1945 au gouvernement de la Sarre, administré par la France. Il reçoit même la légion d’honneur en 1952 des mains de Louis Fattacini, un résistant de la première heure au sein de la France Libre. Qui a pu lui décerner l’appréciation suivante « Bon fonctionnaire du cadre de réserve » ?

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    Pierre, Jean, Léonce Augé

    Son successeur, le très républicain Pierre Jean Léonce Augé, était né à Vias dans l’Hérault le 26 février 1895. Titulaire d’un doctorat en droit et diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales, M. Augé s’était distingué par sa bravoure à Verdun en 1916. Blessé grièvement à un oeil à la Cote du Poivre, il avait été évacué et réformé le 7 avril 1916. Quatre années plus tard, son premier poste est celui d’attaché d’ambassade. Il fait suite à son admission au concours diplomatique le 12 avril 1920. Consul suppléant à Shangaï puis à Swatow, en 1932 Pierre Augé est nommé à Colombo jusqu’en 1935. Après avoir été Consul général à Vancouver (Canada), il rentre en France et sert pour un temps comme attaché de l’Administration centrale le 13 novembre 1942. Les articles de presse de la Libération font état du passé de résistant de Pierre Augé, engagé dès l’Armistice de 1940 et Chef régional du service de renseignement de l’Armée Secrète. Sans remettre en cause cette affirmation, nous n’avons pas pu la vérifier puisqu’aucun titre d’homologation dans les Forces Françaises Combattantes au nom de Pierre Augé ne figure au Service Historique de la Défense.

    Avec l’accord de Gilbert de Chambrun, il est désigné le 21 août 1944 comme préfet de l’Aude par Jacques Bounin, Commissaire de la République. Installé officiellement le 1er septembre 1944, Pierre Augé s’oppose à la poursuite des exécutions, dissout les Cours martiales dans le département et proclame le retour de la justice républicaine. Voici son premier discours devant les Carcassonnais :

    « Citoyens français ! Après quatre années d’équivoques, d’humiliations et de douleurs, l’Aude aujourd’hui est libérée. Dans ce retour aux plus fières traditions nationales, notre pays, j’en suis assuré, saura faire un grand et noble usage de cette liberté reconquise. Nommé par le gouvernement provisoire de la République aux fonctions préfectorales dans votre beau département, je fais dès maintenant appel à votre concours pour entreprendre, avec la collaboration étroite de toutes les forces vives de la Nation et de tous les Citoyens, femmes et hommes, qui ont pendant quatre ans lutté pour l’honneur du drapeau, l’œuvre immense de reconstruction nationale. Nous ne trahirons pas la confiance que la France et la République ont mise en nous. Vive de Gaulle ! Vive la République ! Vive la France ! »

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    Dans ce texte que nous avons retranscrit d’un journal de Libération ayant servi aux services du Comité départemental d’épuration, la mention « Vive de Gaulle » prononcée par Pierre Augé a été rayée au crayon bleu. Ce comité était dirigé pour l’essentiel par d’anciens F.T.P proches du Parti Communiste. Quant au préfet de l’Aude, il ne resta que jusqu’au mois de décembre, appelé comme Ministre plénipotentiaire à Canberra (Australie) puis comme Ambassadeur à Karachi (Pakistan) en 1950. Pierre Augé mourra le 26 décembre 1967 à Paris (XVe). On doit rendre hommage à ce serviteur de l’état qui évita à notre département de tomber dans le chaos de la guerre civile, en rétablissant partout la légalité et l’ordre républicain.

    Sources

    France Archives

    La République du Sud-Ouest / Sept 1944

    Le Midi-Libre / Sept 1944

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