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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 124

  • L'énigme de l'origine de la rue Teysseire est enfin levée !

    Nous venons de lever, non sans mal, une énigme concernant le nom de la rue Teysseire, ainsi dénommée dans le quartier de la caserne Laperrine. Jusque-là, les historiens locaux s’interrogeaient afin de savoir quel pouvait être ce Teysseire dont ils n’avaient que le patronyme comme seule indication. En effet, l’ouvrage de Léon Riba sur les rues de Carcassonne édité en 1951, auquel tout ce monde se réfère, ne donne que la date de la délibération du Conseil municipal au cours de laquelle, la rue de la Tannerie Massé devint rue Teysseire. C’est-à-dire, le 15 mai 1901. Notre enquête nous a naturellement amené à fouiller dans les archives de la presse départementale. Le courrier de l’Aude dans son édition du mois de mai 1901 informe ainsi ses lecteurs : « Rue Tannerie Massé, portera le nom de rue Teysseire, ancien maire ». La délibération du conseil municipal officialise également les noms de nouvelles artères comme les rues de Seville, d’Isly, Ourliac et les changements pour d’autres à l’instar de la place Hoche (Place Marcou), de la rue des Halles (rue Chartran).

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    Les deux indications mal orthographiées de façon différentes

    Retournant à notre recherche, nous venions de trouver l’heureux élu en qualité d’ancien maire de la ville. Naïvement, il nous avait été permis de penser que notre affaire serait entendue puisqu’il ne resterait qu’à trouver dans la liste des premiers magistrats, celui qui portait le nom de Teysseire. Or, notre quête se compliqua lorsque nous découvrîmes que Carcassonne avait eu par le passé deux maires portant ce nom-là, mais orthographié « Teisseire ». Comme si cela ne suffisait pas, ils se prénommèrent tout deux Joseph. Le doute n’était plus permis, l’administration municipale avait autrefois mal retranscrit le nom et, d’ailleurs, le journal local ne l’avait pas corrigé.

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    Le Courrier de l'Aude

    Maintenant que nous étions convaincu de la bonne orthographe, il nous fallait obtenir la certitude d’avoir le bon pour cette rue. Rose Joseph Teisseire (1793-1858) avait été élu député-maire de la ville en 1830, mais il semblait très improbable que la municipalité très Républicaine de 1901, ait attribué un tel hommage un député de la Monarchie de Juillet. Il ne pouvait donc s’agir que de l’autre, prénommé lui aussi Joseph. Comme se serait évident si ce dernier, pouvait être le fils ou un proche parent de l’illustre député. Eh ! bien, non… Rose Joseph Teisseire a eu dix enfants parmi lesquels, deux d’entre-eux portaient le prénom de Joseph mais décédés très jeunes. Il nous fallait donc chercher ailleurs… Mais, où ? Personne n’a jamais rien écrit ce sur Joseph Teisseire dont le mandat de maire n’a duré que 2 ans et 9 mois. 

    Nous avons fouillé dans les archives de la presse dans laquelle certains indices, nous ont mis sur plusieurs voies. D’abord, Joseph Teisseire vivait à Carcassonne mais possédait une propriété à Azille. Aucun des sites de généalogie auquel nous sommes abonnés, ne fait référence au bon Joseph Teisseire né dans la période à Carcassonne ou Azille. Prenant les listes de recensement de la population d’Azille, nous avons fini par y trouver un Joseph âgé de 64 ans en 1891. Pouvait-il correspondre au nôtre ? Relevant les tables décennales de l’Etat-civil, le nom de Fortuné-Joseph Teisseire né le 11 janvier 1827 à Azille de Guillaume et Rose Fourès, nous est apparu. Poussant nos recherches, Fortuné-Joseph Teisseire a bien été Officier de l’Instruction publique, délégué cantonal d’Azille en 1888, après son mandat de maire de Carcassonne. Nous le tenions !

    Fortuné-Joseph Teisseire

    Ce fils de serrurier d’Azille développa sans aucun doute de grandes facultés intellectuelles, puisqu’il enseigna le français à l’Institution Montès à Carcassonne. Cette école fondée par M. Montès puis dirigée par M. Chosset, préparait les élèves aux écoles spéciales. Pour exemple, le capitaine Danjou bien connu à Castelnaudary entra à Saint-Cyr après son passage à l’institution Montès, rue de la Grille (Coste-Reboulh) à Carcassonne. Joseph Teisseire obtient un licence es-lettres de la Faculté de Montpellier en 1858, puis fait un cours séjour comme sous-préfet de Provins en Seine-et-Marne.

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    © Assemblée Nationale

    T. Marcou, député-Maire de Carcassonne

    Au sein du conseil municipal de Carcassonne, il se fait d’abord élire sur la liste Démocratique de T. Marcou en août 1870. L’année suivante, il entre au Conseil départemental après les élections du mois d’octobre où il devient Conseiller général du canton de Carcassonne Est, puis Vice-président de l’assemblée. Fidèle parmi les fidèles de Marcou, Teisseire gravit les échelons jusqu’à devenir mairie lorsque son mentor démissionne de son mandat municipal le 4 décembre 1879. Dix jours plus tard, Joseph Teisseire est investi avec Antoine Marty et le Dr Petit, respectivement premier et deuxième adjoint.

    Pendant les deux ans et neuf mois de son mandat, la municipalité Teisseire détruit l’ancien Bastion de la Figuère, construit l’abattoir et le Petit lycée, achemine l’eau dans les hauts quartiers de la ville. Sur un plan plus sociétal, elle conduit une politique de laïcisation à travers l’école publique et s’efforce de contrer l’action des congrégations religieuses. Teisseire fait enlever les crucifix des classes, mais pas seulement. Elle lutte contre les processions et fait déboulonner le Christ au centre de la place Davilla, à charge pour les paroissiens de lui trouver un autre endroit. C’est-à-dire dans le jardin d’une maison qui deviendra ensuite le Couvent des Sœurs Marie-Auxilliatrices, à l’angle du boulevard Marcou. Parmi toutes actions, un fait marquant est aujourd’hui oublié de la mémoire collective et même historique de notre ville. C’est pourtant ce qui va provoquer la chute de Joseph Teisseire.

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    Au printemps 1882, Monseigneur Billard effectue une tournée pastorale dans les villages de l’Aude. Le 28 avril, alors que l’évêque de Carcassonne se trouve dans l’église de Lagrasse, ce dernier demande aux enfants si à l’école ils n’apprennent pas les catéchisme, s’ils font leurs prières, etc. Les réponses négatives amènent Mgr Billard à fustiger les écoles sans Dieu, les maîtres sans religion. Ses dires sont immédiatement portés sur la place publique :

    « Parents chrétiens qui m’écoutez, il est de mon devoir de vous le dire, ceux qui sont chargés ici d’élever vos enfants, les pervertissent (sic). Vos enfants confiés à de telles mains feront un jour le désespoir et le malheur de vos familles, car « qui sème le vent récolte la tempête ».

    Les instituteurs du département s’élèvent alors contre les paroles de l’évêque. On promet une enquête et si Mgr Billard est reconnu coupable d’avoir insulté les lois de la République, il sera sanctionné, dit-on. Le 28 mai 1882, un Congrès des instituteurs réuni, sans l’aval du ministère de l’instruction publique, organise une riposte à la loge l’Egalité en présence de cent enseignants. Lors de cette réunion publique, l’instituteur Bernard du village de Montlaur prend la parole en fin de séance. Il propose de

    "s’associer à la protestation faite à Carcassonne et dans plusieurs cantons pour flétrir les fureurs de ce fonctionnaire mitré et truffé qui semble n’être payé par la République que pour vilipender le corps enseignant. »

    Les paroles retranscrites dans les journaux ne furent pas si tôt imprimées qu’elles firent l’effet d’une bombe au sein de l’évêché. Celui-ci saisit immédiatement le préfet afin de faire sanctionner l’instituteur et M. Dominque-Henry Bossu - au nom prédestiné - courba l’échine et obtint de Jules Ferry la suspension pour six mois du fonctionnaire, accompagné de mille francs d’amende.

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    Jules Ferry

    Le Cercle Républicain de Carcassonne avec à sa tête le maire Teisseire et l’adjoint Petit, réunit en conclave laïc le 27 juillet, soutint l’enseignant tant moralement que financièrement et demanda « la révocation du préfet et le retrait des mesures ordonnées par l’administration. » L’affaire fut portée au ministère où Jules Ferry, au centre de la mêlée, préféra botter en touche. Le préfet Bossu eut le dernier mot et révoqua le maire et son adjoint par ordre du Ministre de l’Intérieur. Ils devinrent inéligibles pour une année. L’affaire en resta là, mais pas les ressentiments… Ne n’étions qu’à vingt-cinq ans de la loi de séparation de l’église et de l’Etat. Pour le moment, ce dernier payait les salaires des ecclésiastiques.

    Au mois de septembre de cette année, Joseph Teisseire, maire révoqué fut réélu par ses conseillers. Il remercia vivement ses collègues pour leur confiance en signe de résistance, mais jugea qu’il était inutile de faire de la provocation et que cela compromettrait les intérêts de la ville. Aussitôt, il démissionna. Ainsi, Antoine Marty qui était Premier adjoint fut élu à l’unanimité. Gaston Fédou devint 1er adjoint et le neveu de Teisseire, le vétérinaire Casimir Fabre occupa le poste de 2e adjoint. Tout en conservant son mandant de Vice-Président du Conseil départemental, Joseph Teisseire resta ensuite pendant plusieurs années au conseil municipal de Carcassonne. Il décéda certainement avant 1901 à une date que nous ne pouvons pas préciser pour le moment.

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    Désormais, il faudra changer les panneaux

    Rue Fortuné-Joseph Teisseire 

    Maire de Carcassonne

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  • Le Vice-consulat d'Espagne et du Portugal à Carcassonne

    Le 21 septembre 1871, le gouvernement espagnol du roi Amédée 1er ouvre un Vice-Consulat à Carcassonne sur le boulevard du Canal (actuel, Boulevard de Varsovie). Par Ordonnance royale en date du 11 septembre de la même année, il avait été donné l’exequatur à Son Excellence Godefroy Gairaud. Cet instituteur né à Paulhan dans l’Hérault le 9 novembre 1829 qui s’était révélé comme un sauveteur émérite, se distingue à Carcassonne comme un très grand humaniste et philanthrope. Fondateur de la Société des Sauveteurs de l’Aude, il vient en aide aux pauvres et aux orphelins au sein de l’Institut philotechnique. Un an à peine après son entrée en fonction, le roi d’Espagne le fait Commandeur de l’Ordre de Charles III et d’Isabelle la Catholique. D’autres distinctions viendront compléter son médailler, comme celle d’Officier de l’Ordre de Nichan Iftikhar. Godefroy Gairaud cumule ses fonctions de Vice-consul d’Espagne à Carcassonne, avec celles du Portugal en 1875 à Carcassonne.

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    Royaume d'Espagne d'Amédée 1er

    Il faut considérer que nombreux espagnols sont venus se réfugier dans notre Midi pour tenter de fuir la misère, en travaillant la vigne. On oublie que cette migration s’est faite plus tôt qu’au moment de la Retirata, suite à la guerre civile espagnole. Nous pouvons donc légitimement penser que nos voisins espagnols étaient suffisamment nombreux, pour que le gouvernement de leur pays ouvrît un Vice-consulat dans notre ville. D’ailleurs, au moment où Godefroy Gairaud passe la main à Armand Tejero, ce dernier s’installe au n°38 de la rue du Mail. Il s’agit de l’actuelle rue Marceau Perrutel dans le quartier des Capucins. Il n’y a pas plus espagnol que ce « barrio » miséreux de Carcassonne, dans lequel s’entassent les familles ouvrières travaillant dans le bâtiment. Emmanuel, César, Armand Tejero né le 5 février 1835 à Carcassonne d’un père espagnol, marié à Augustine Caroline Savary, succède en 1883 à S.E Gairaud. Nous n’avons trouvé que peu de choses sur ce diplomate, sinon qu’il était agent d’assurances, mais aussi compositeur. Le 17 janvier 1896, il fait exécuter une opérette en un acte qu’il a écrite, sur la scène du théâtre municipal de Carcassonne. « Criminel » est tirée d’un livret d’Edouard Lafargue, fils de l’ancien Secrétaire général de la Présidence de la République, trésorier général de l’Aude. 

    A la suite d’Armand Tejero, l’exequatur est donnée à Dieudonné Delsol le 31 août 1902. Ce dernier obtient la légion d’honneur la même année dans la promotion des Affaires étrangères. Son Excellence Delsol ne restera en poste que trois ans. Suite à son dèces, c’est Blaise, Justin Farge, l’un des fils de l’industriel en chiffons Léon Farge, qui devient Vice-Consul d’Espagne au n°26 rue Mazagran.

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    Le Vice-Consulat d'Espagne, 1 rue Trivalle

    La famille Farge possédait une affaire de chiffons dans le quartier du Palais. Le 13 décembre 1904, suivant acte reçu par Me Coste les trois frères (Justin, Léon et Faustin) montent la société : « Les fils de L. Farge ». L’usine se déplace dans les immeubles appartenant à la Compagnie de la manufacture de la Trivalle. Outre ses activités de chef d’entreprise, Justin Farge détient la charge de Vice-consul d’Espagne et représente ce pays lors des fêtes du bi-millénaire de la Cité en 1928. Il fonde la Société de secours mutuels « La casa de Espana » Le 23 avril 1936, il est fait chevalier de la Légion d’honneur sur proposition du préfet de l’Aude. Pendant la période franquiste où de très nombreux républicains espagnols ont fui leur pays, Justin Farge occupa ses fonctions jusqu’à sa mort en 1943. Il est inhumé au cimetière Saint-Michel.

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    A partir de cette date, il nous est très difficile de poursuivre nos recherches. En 1950, le Vice-Consulat d’Espagne se trouve au n°1 de la rue Trivalle. C’est précisément dans le bâtiment de l’usine Farge ; ce qui laisse penser que la charge a pu rester dans la famille. En tout état de cause, la représentation espagnole a déménagé dans le quartier des « baraquets », le surnom que l’on donne aux espagnols à Carcassonne. Le « Barrio » de Gualdo, l’amuseur de la Trivalle qui lors des fêtes de Saint-Saturnin chantait « Aquella Trivalla ». 

    Nous espérons pouvoir un jour préciser la date à laquelle ferma définitivement le Vice-Consulat d’Espagne à Carcassonne. Qui sait si cet article inédit sur le sujet ne rafraîchira pas la mémoire à certains de nos lecteurs.

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  • Mgr Pierre Marie Puech, l'évêque des ouvriers de l'Aude

    Pierre-Marie Puech naît le 8 mars 1906 à Mazamet au cœur de l’industrie de délainage où son père Albert exerce la profession de commissionnaire. Après ses études secondaires à l’école Barral à Castres, le jeune séminariste est ordonné prêtre le 2 juillet 1930 à l’âge de 24 ans. Un an après, l’évêque du diocèse lui confie pour mission d’ouvrir une colonie de vacances pour petits séminaristes à la métairie de Pratlong. Ce domaine avait été légué par le maquis de Villeneuve à l’évêché du Tarn. A cette époque, l’abbé Puech enseigne à l’école catholique Barral, dont il deviendra le directeur à partir de 1937 et jusqu’en 1947.

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    Ecole Barral à Castres

    Au moment l’armistice de juin 1940, Pierre-Marie Puech dit avoir d’abord admiré, comme la majorité de français, les paroles « dignes et courageuses du maréchal Pétain, puis ses appels au pays pour qu’il retrouve le sens du sacrifice. » Toutefois, nuance t-il, « les mesures prises par Vichy à l’encontre des juifs, les tentatives pour une « Jeunesse unique », le texte de la « Charte du travail » avaient provoqué un réel désenchantement. » Au sein de l’école Barral, on ne se mêlait pas de politique en raison de la diversité des opinions dans l’établissement. Certains professeurs écoutaient Radio-Londres, quand d’autres voulaient faire de la propagande pour la Légion de Pétain. Jamais on ne chanta « Maréchal, nous voilà ! » lors du salut aux couleurs chaque dimanche. C’est dans cette atmosphère de suspicion que l’école vécut sous la menace d’une fermeture. C’est surtout au sein de cette institution que l’abbé Puech va sauver la vie à plusieurs personnes de confession juive. Parmi le corps professoral, se trouvait Marcel Bernfeld qui enseignait l’Anglais et que l’abbé logea en dissimulant son identité sous le nom de Bernède. Il y avait également l’élève Henri Englander, auquel on fit un faux certificat de baptême sous le nom d’Anglade. Ces israélites assistaient aux messes et au cours de religion, sans leur demander d’en changer. Si on avait prévu de les interroger sur leur instruction chrétienne, on leur avait donné les réponses avant le cours. Le jeune Englander âgé de 15 ans qualifiera l’abbé Puech de « Tsadik », ce qui signifie en Hébreu : « Juste ». Dans les maquis de la Montagne noire, les prêtres de Barral allaient parfois dire la messe lorsqu'ils étaient sollicités.

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    Mgr Puech, à droite

    Le 7 juin 1947, l’abbé Puech est nommé évêque auxiliaire d’Albi par le Pape ; il sera consacré le 24 septembre de la même année dans la cathédrale Sainte-Cécile. Il devient évêque de Carcassonne le 18 mars 1952 et succède à Mgr Pays, décédé quelque temps plus tôt. En 1959, il est invité à participer à Rome aux quatre sessions du Concile Vatican II qui va réformer l’église catholique romaine pour les décennies à venir. Les positions de Mgr Puech demeureront sur un plan idéologique assez conservatrices. Il considère par exemple que l’amour pour Dieu s’exprime pleinement dans le célibat des prêtres. Sur les questions éthiques, comme celle de l’I.V.G, il s’exprime ainsi au début des années 1970 :

    « Les chrétiens ne sauraient demeurer silencieux et inactifs. Ils feront la preuve qu’un enfant peut toujours trouver sur son chemin quelqu’un qui l’aime. Notre fidélité à l’Evangile est en cause. Tuer une cellule initiale, si ténue soit-elle, c’est un meurtre. »

    Ce caractère conservateur doit être nuancé, car Mgr Puech procéda à la première ordination d’un diacre, père de nombreux enfants, dans la cathédrale Saint-Michel. Il fit également en sorte d’assouplir les positions de l’église sur les mariages mixtes.

    Sur le plan social, l’évêque de Carcassonne n’hésite pas à se ranger du côté des pauvres et du monde ouvrier à chaque fois qu’il lutte contre l’injustice sociale. « L’attention privilégiée aux petits et aux pauvres n’attire pas toujours les sympathies », écrit-il. Au mois de mai 1968, Monseigneur Puech prend parti pour les ouvriers en grève et approuve l’abbé Cazaban, Supérieur du lycée Saint-Stanislas, qui tolère des manifestations d’élèves avec drapeaux rouges et noirs. Mentionnons que quelques prêtres se trouvaient aux premiers rangs des cortèges et que deux professeurs laïcs d’obédience trotskiste enseignaient à Saint-Stanislas. Dans ce même lycée, Mgr Puech et le vicaire Mazière s’opposent en 1971 à Maurice Grignon, le président de l’Association responsable de la gestion financière de l’établissement. Ce dernier reproche la qualité de l’enseignement catholique qui est dispensée aux élèves ; l’évêque lui répond : « Qui est plus qualifié que l’évêque pour juger du caractère catholique d’un établissement ? » Le chanoine Alcouffe, directeur de l’enseignement libre, dénoncera la convention qui liait Stanislas à l’association d’expansion. Le fondateur de ce groupement, Maurice Capdevilla, fit savoir qu’il ne céderait pas devant l’évêque : « Cette école nous colle à la peau. Nous nous battrons jusqu’au bout. » Plainte fut déposée pour pour dénonciation abusive de contrat.

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    Mgr Puech regretta la fin des prêtres ouvriers. Dans le cadre de ses fonctions, il intervint à plusieurs reprises auprès du patronat. Dans ce Lauragais où les gens vivaient encore dans des maisons au sol en terre battue et sans eau courante. Dans un lettre pastorale, Il invita les propriétaires agricoles à inciter leurs ouvriers à se syndiquer. De son point de vue, c’était un moyen pour que ceux-ci s’affranchissent de leur misère en faisant la promotion de l’agriculture. Ce langage fut difficilement admis par ses interlocuteurs. 

    A Chalabre, il se rend la nuit pour discuter avec le patron d’une usine.

    « J’ai toujours pris soin de dire et de redire que je n’intervenais pas pour prendre parti dans des revendications salariales, mais uniquement contre le dureté de certaines conditions de travail ou pour le dialogue entre ouvriers et patrons. »

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    Une grève s’éternisait à la SOMECA sur la route Minervoise à Carcassonne. Mgr Puech reçut le dirigeant de l’entreprise Michel Talmier à l’évêché, mais celui-ci ne voulut rien entendre des revendications des ouvriers. Il expliqua à l’évêque comment parti de rien, il avait fait de cette usine l’une des plus importantes de l’Aude. La situation empira, à tel point, que les employés séquestrèrent leur patron dans son bureau. Au milieu d’une vingtaine de maires et de conseillers généraux, d’un député, apparut Mgr Puech à 14 heures au milieu de l’usine. La stupéfaction fut totale auprès des journalistes sur place. Dans le bureau du patron assiégé, l’évêque tenta une nouvelle fois de le raisonner, sans succès. Le préfet réussit à venir à bout de l’entêtement de Michel Talmier, car sans reprise de l’activité la SOMECA risquait de perdre un importante commande de l’Etat pour l’armée française. L’action mal comprise de l’évêque, lui vaudra la qualification « d’Evêque rouge », inscrite en graffiti sur les murs de la ville.

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    A l’âge de 75 ans, celui qui avait refusé d’être nommé cardinal et archevêque - ce poste alla finalement à Mgr Marty, archevêque de Paris - donna sa démission au pape en 1981. Cette disposition était prévue dans le droit canon. C’est Mgr Jacques Despierre qui le remplaça comme évêque de Carcassonne en 1982. Avant de mourir le 1er janvier 1995, Pierre-Marie Puech se vit décerner le titre de « Juste parmi les Nations » par le Mémorial de Yad Vashem pour avoir sauvé des juifs pendant l’Occupation.

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    La tombe de Mgr Puech dans la cathédrale Saint-Michel

    Sources

    Témoignages pour l'histoire / P-M Puech / Siloë

    L'église persécutée / Sergio Grossu / 2002

    Vichy et les Justes : l'exemple du Tarn / Ed. Privat / 2003

    Vie sociale / CEDIAS / 1982

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