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Seconde guerre mondiale - Page 53

  • Le 3 juin 1944, la police rafle 200 jeunes sur ordre des nazis dans Carcassonne.

    Nous sommes le samedi 3 juin et le dimanche 4 juin 1944 à Carcassonne. C'est jour de foire... Des agents français accrédités par l'Office du placement Allemand par un service dont le siège est à Marseille, investissent l'ensemble des cafés, la gare, les stations d'autobus et les maisons de tolérance. Sur ordre du service du placement allemand, situé 22 rue Strasbourg, elle appréhende et rafle plus de 200 jeunes français suspectés d'être réfractaires au S.T.O (Service du Travail Obligatoire). Une quarantaine de ces personnes sont retenues et confiées à la garde de la police urbaine de Carcassonne. Elles sont destinées à partir travailler de force en Allemagne pour alimenter l'effort de guerre des nazis. 

    Dans un courrier du 5 juin 1944 adressé au Chef du gouvernement de Vichy, le préfet de l'Aude indique :

    "Je suis immédiatement intervenu auprès de la Feldkommandantur pour demander qu'un fonctionnaire français qualifié assiste aux opérations de criblage. Le colonel, commandant la Feldkommandantur, a accepté la désignation de M. Bousquet, délégué départemental du Commissariat général à la main d'oeuvre."

    Selon le préfet, sa réclamation auprès des services allemands contre l'arrestation de jeunes gens à peine âgés de 18 ans et en situation régulière, a permis finalement de ne retenir que 27 individus sur 40.

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    © Musée de la résistance

     

    Personnes partant pour l'Allemagne. Prévenir au plus vite la famille pour porte les bagages à l'Office de placement Allemand, 15 place Carnot.

    Bourgeois Jean / 29.2.1920 à Aulnay sous bois / Rue de la mairie. Carcassonne 

    Domenech François / 29.5.1923 à Barcelone / Névian

    Armerio Joseph / 19.5.1925 à Béziers / Rue Capeau. Béziers

    Farran René / 9.6.1922 à Sérignan / 10, rue faïence. Béziers

    Gilbert Robert / 5.9. 1918 à Béziers / 5, rue Viennet Béziers

    Guardia Julien / 13.11.1915 à Barbastro / 10, rue Dugommier. Carcassonne

    Jeanjean Gustave / 18.7.1920 à Montjeaux / 39, av Gambetta. Béziers

    Miquel Yvon / 10.3.1912 à Aspiran / 10, rue Subleyras. Montpellier

    Ferrer Joseph / 8.3. 1917 à Narbonne / 21, rue dupleix. Narbonne

    Sylvestre François / 18.1.1919 à Quillan / 28, rue du port. Carcassonne

    Soules Émile / 2.1.1913 à Carcassonne / 59, rte de Limoux. Carcassonne

    Tricarico Jacques / 26.3.1925 à Béziers / 27, rue Corneillan. Béziers

    Taparel Roger / 31.7.1925 à Villassavary / Bassan (34)

    Viseux René / 18.7.1924 à Paris / 46, bd Pétain. Carcassonne

    Vidoni Gianino / 17.8.1916 à Trasaghis (Italie) / 37, rue de l'hôpital. Avignon

    Bertholio Henri / 25.6.1915 à Florensac / Cussac (24)

    Pages Étienne / 26.12.1919 à Argeliers / La digne d'aval

    De Madaillan François / 14.6.1925 / La loubatière

    Denat Émile / 4.7.1922 à Villalier / Villalier

    Garrigues Raoul / 24.4.1926 à Prédelles / Trèbes

     

    Source

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  • Le poète Louis Aragon et son épouse ont habité à Carcassonne

     

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    Louis Aragon

    (1897-1982)

    Le poète surréaliste Louis Aragon et son épouse Elsa Triolet s'installeront à Carcassonne durant trois mois, à partir du mois d'août 1940. Comme de très nombreux écrivains et artistes fuyant la capitale occupée par l'armée allemande, ils trouveront refuge en zone libre. Nous allons voir comment et dans quelles conditions, leur périple les a amené dans la capitale audoise.

    Le communiste

    Aragon est d'abord un intellectuel sympathisant du Parti communiste qui se félicite de la signature du pacte Germano-soviétique de 1939. Il suit la ligne du camarade Staline comme tous les communistes français et invite son gouvernement à se lier avec l'URSS. L'article qu'il écrit le 29 août 1939 dans "Ce soir" - journal dont il a la direction - provoque l'arrestation des communistes et l'interdiction du PC. Aragon se réfugie à l'ambassade du Chili sous la protection de son ami Pablo Neruda.

    "Le pacte de non-agression avec l'Allemagne, imposé à Hitler qui n'avait pas d'autre possibilité que de capituler ainsi ou de faire la guerre, c'est le triomphe de cette volonté de paix soviétique. (…) Et que ne vienne pas ici comparer le pacte de non-agression germano-soviétique qui ne suppose aucun abandon de la part de l'URSS aux pactes « d'amitié » qu'ont signés les gouvernements toujours en exercice en France et en Angleterre avec Hitler : ces pactes d'amitié avaient pour base la capitulation de Munich… L'URSS n'a jamais admis et n'admettra jamais de semblables crimes internationaux. Silence à la meute antisoviétique ! Nous sommes au jour de l'effondrement de ses espérances. Nous sommes au jour où l'on devra reconnaître qu'il y a quelque chose de changé dans le monde et que, parce qu'il y a l'URSS, on ne fait pas la guerre comme on veut."

    La débâcle de l'armée française

    Après la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne, suite à l'attaque de la Pologne, Louis Aragon est incorporé comme médecin-auxiliaire. Il se trouve à la frontière belge et dirige une unité sanitaire composée d'étudiants. Le 26 mai 1940, Louis Aragon obtient une citation à l'ordre de la brigade. Pris dans la poche de Dunkerque avec une grande partie de l'armée française, il réussit à joindre l'Angleterre vers Plymouth. Le 2 juin 1940, il revient en France avec son unité et débarque à Brest. Après avoir été fait prisonnier à Angoulême, il s'évade avec six automobiles et trente hommes. On lui décerne une citation à l'ordre de l'armée pour avoir sous le feu de l'ennemi et au péril de sa vie, ramassé de très nombreux blessés. 

    L'armistice de juin 1940

    Louis Aragon tente de se rapprocher de son épouse Elsa, réfugiée à Bordeaux. Lui, se trouve à Ribérac en Dordogne. Le 28 juin 1940, ils se retrouvent enfin à Javerlhac où ils restent quelques jours. Il écrit "le lilas et les roses" et est démobilisé le 31 juillet 1940.

    Ô mois des floraisons, mois des métamorphoses

    Mai qui fut sans nuage et juin poignardé

    Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses

    Ni ceux que le printemps dans les plis a gardés

    À Carcassonne...

    Venus à Carcassonne pour rejoindre l'éditeur Gallimard qui possédait une propriété à Azille, le couple Aragon retrouve Julien Benda, Jean Paulien, Pierre Seghers et René Magritte chez Joë Bousquet - 53, rue de Verdun. Ce dernier avait ouvert sa porte à tous ses compagnons de littérature. 

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    Chez Mlle Bayle - 24, route minervoise - Louis et Elsa demeurent d'août à décembre 1940 à l'étage d'un restaurant appelé "La grillade". Ils n'ont plus aucun revenu ; ils paient leur logeuse avec leurs droits d'auteur. Aragon rencontre Jean Paulhan dans un café de la ville ; il lui lit "Les lilas et les roses". Avec ce dernier, il va organiser la résistance intellectuelle au nazisme en montant une stratégie pour déjouer la censure de Vichy. Le 10 octobre 1940, Aragon et Paulhan mettent au point un code contre la censure.

    "Dès Carcassonne, écrit Saoul. Aragon avait établi un plan de résistance littéraire légale. Son difficile combat durant la drôle de guerre lui avait prouvé qu'il pouvait continuer d'exprimer ses sentiments profonds par ses vers. Dans les nouvelles conditions créées par la défaite, l'occupation hitlérienne, le gouvernement Pétain, les censures de la Gestapo et de Vichy, il fallait organiser légalement, par le moyen de la poésie, un mouvement de résistance littéraire qui utiliserait avec la fiction et les contradictions de la Zone libre toutes les publications les plus diverses."

     Dans la cuisine de l'appartement où Pierre Seghers et Aragon se retrouvent régulièrement, le poète remet à son ami plus de la moitié des poèmes du "Crève-coeur".

    "Les douleurs ne ressemblent pas, varient à l'infini. Ainsi le sombre malheur que nous éprouvâmes à Carcassonne, aux derniers mois de 1940 ne ressemblait-il à aucune des peines jusque-là connues. Une mélancolie comme l'immobile eau noire du canal, noire comme les cyprès de cette ville.

    La citadelle croulante et factice...

    Le vent. Et notre seul havre, la chambre obscure de Joë Bousquet, seule lumière, seule âme de cette ville aux portes closes, inhumaine. Non, il y avait notre logeuse, une vieille demoiselle qui s'était prise d'affection pour nous, et de nous voir si démunis, ne sachant qu'entreprendre, qui était prête à acheter une épicerie pour nous en confier la gérance." (Elsa Triolet)

    Le 2 septembre 1940, le général Weygand décerne à Aragon la médaille militaire et la Croix de guerre avec palme. À Carcassonne, un dîner est organisé par J. Bousquet en l'honneur de cette distinction. Les écrivains Pierre et Maria Sire sont chargés de la besogne. Ainsi, autour d'une table dressée chez les Sire (18, rue porte d'Aude) dans la Cité médiévale, se trouvent Joë Bousquet, Louis Aragon, Elsa Triolet, René Nelli et son épouse. Bousquet épingle sa propre décoration de 1918 sur la veste d'Aragon.

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    La maison Pierre et Maria Sire à la Cité

    Durant la seconde moitié de décembre 1940, le couple Aragon quitte Carcassonne. Il se rend avec Pierre Seghers à Villeneuve-les-avignon. L'éditeur installa le couple aux Angles, dans une maison de curé.

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    Louis Aragon, Elsa Triolet et Pierre Seghers en 1941 à Villeneuve-les-avignon

    © Wikipedia

    Que reste t-il du séjour de Carcassonne à Louis Aragon ?

    Plusieurs poèmes dont "Ombres", "Richard II Quarante", "Zone libre", "Les croisés"...

    Que reste t-il de Louis Aragon à Carcassonne ?

    Pas même une plaque sur la façade du 24, route minervoise...

    Remerciements

    Madame Sylvie David

    Abbé Jean Cazaux

    Sources

    Le temps des Bohèmes / Dan Franck

    Aragon, un destin français / Pierre Juquin

    Minuit / Dan Franck

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    Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • Vitalis Cros (1913-1999) : résistant, préfet et écrivain

    Vitalis Cros naît le 13 octobre 1913 à Villeneuve-Minervois dans une famille agnostique profondément ancrée dans l'histoire, les traditions et la culture de ce département. À tel point qu'il est d'usage d'attribuer aux enfants mâles, des prénoms issus des générations précédentes. Vitalis est hérité ainsi de son grand-père qui le tenait déjà du sien...etc. Que dire alors du prénom de son père, Vercingétorix ? Cet homme à la stature inébranlable, revient de la Grande guerre très sérieusement blessé, au point d'en garder un lourd handicap. Il est marié avec Juliette Durand qui tiendra plus tard un kiosque à journaux, puis la librairie Hachette dans Carcassonne qui deviendra le lieu de rendez-vous des premiers résistants.

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    Vitalis Cros fait ses études au lycée de Carcassonne, puis étudie le droit à Toulouse. Une fois diplômé, il s'inscrit au barreau de cette ville et se destine au Conseil d'État. Au moment de l'armistice, cet objectif s'est éloigné avec l'obligation de prêter serment à Pétain. Il entre alors dans la clandestinité et l'opposition farouche au pouvoir de Vichy.

    Le résistant

    À bord de sa camionette 202 qui - bricolée par ami - fonctionne à l'alcool, il use de sa fonction de dépositaire de presse et devient agent de liaison entre les maquis de la région et au-delà : Montpellier, Toulouse, Clermont-Ferrand.

    Notes de V. Cros extraite de son journal de bord

    " 1940 : C'est la débandade - Rentré à Carcassonne, je ne trouve que des gens soulagés... avec deux millions de prisonniers ! J... et G... que j'ai revus, sont effondrés. Je sens la pourriture nous envahir. Il faudrait adorer ce que nous avons brûlé. Et on commence à nous parler de Révolution nationale ! Dans un pays occupé par l'ennemi ! De qui se fout-on ? Autour de nous beaucoup font comme si le destin de la France était d'être ce qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire ne pas être.

    "Fin 1941 - J'ai arrêté ces notes parce qu'il est impossible de faire le point, mais on sait où on va : La guerre avec la Russie se traduit pour l'Allemagne par de véritables annexions (Ukraine, Pologne...) et en France occupée tout est désormais très clair (en octobre massacre de Châteaubriant, déportation de patriotes). Que se passe t-il en Alsace-Lorraine ? On voit passer ici des tas de gens, et pas seulement des juifs, qui fuient la barbarie. Tout cela est trop significatif pour qu'on ait la moindre hésitation."

    "Le rapprochement avec l'Angleterre et l'Amérique se poursuit de façon irréversible. Le coup récent de Pearl Harbor semble avoir réglé la question du côté américain. Mais ils mettent du temps et ce la reste préoccupant. William Bullitt est toujours ambassadeur à Vichy. Alors quoi ?

    Des tracts de zone occupée arrivent péniblement en zone non occupée. Une nommée Mme Nadel a fait passer par Dewoitine (Primo Combino, ndlr), des journaux véritables : Défense de la France.

    Vitalis Cros cache son journal près de la chaudière de sa maison de Villeneuve-Minervois et de temps en temps y rédige quelques notes. Comme celle-ci où des néo-résistants se rassemblèrent à la statue de Barbès à Carcassonne le 14 juillet 1942.

    Je veux signaler une manifestation nombreuse à Barbès, organisée par Picolo. Je n'ai su la chose qu'après coup, j'étais à Toulouse, le 14 juillet. Petit cénacle le 16 à la maison. (P.R.A.B.M.S.D.F.G.H).

    Il s'agit des noms suivants que Cros a bien sûr voulu protéger : Picolo, Roubaud, Amiel, B, Merlane, Sable, Daraud, Fourès, Gout, Hidoux). Vitalis Cros est convaincu que l'anéantissement de nazisme ne peut passer que par l'action de réseaux structurés. Il se bat contre l'idée qu'il faille attendre des libérateurs étrangers.

    Le préfet 

     vitalis cros

    © Wikipédia

    Le gouvernement provisoire de la République Française lui demande en juillet 1944 d'administrer la sous-préfecture de Narbonne. Il entre en fonction au moment de la libération de la ville, le 22 août 1944 et y restera jusqu'au 15 mars 1954. Au début de l'année 1957, il devient à Paris chef de cabinet de Georges Guille - ancien résistant audois - alors secrétaire d'état à la présidence du Conseil. Le 11 mars 1958, il est nommé préfet de l'Aude puis, un an après, préfet des Ardennes. 

    À Alger...

    De novembre 1961 à juillet 1962, Vitalis Cros occupe les difficiles fonctions de préfet d'Alger. Il doit faire régner l'ordre dans une période où les attentats sont quotidiens entre le F.L.N et l'O.A.S. Le plus sanglant est sûrement celui de la rue d'isly en mars 1962 qui fit 67 morts et près de 200 blessés, dans lequel l'armée a ouvert le feu pour faire respecter l'interdiction de manifester contre la décolonisation.

    vitalis cros

    La fusillade à la Grande poste d'Alger

    "La population du grand Alger est mise en garde contre les mots d’ordre de manifestation mis en circulation par l’organisation séditieuse. Après les événements de Bab-El-Oued, il est clair que les mots d’ordre de ce genre ont un caractère insurrectionnel évident. Il est formellement rappelé à la population que les manifestations sur la voie publique sont interdites. Les forces du maintien de l’ordre les disperseront, le cas échéant, avec toute la fermeté nécessaire. (Vitalis Cros)"

    Du côté de l'état, on indique qu'un provocateur a tiré les premières salves et que les gendarmes n'ont fait que riposter ensuite aux émeutiers. Cette thèse est battue en brèche par les défenseurs de l'O.A.S, partisans de l'Algérie française. 

    Villeneuve-Minervois

    Vitalis Cros est maire de son village natal entre 1971 et 1983 et se présente aux élections législatives de 1973 pour succéder à son ami G. Guille, élu S.F.I.O. Il est battu par le candidat socialiste Antoine Gayraud et aussi, pour son soutien à Georges Pompidou. Vitalis Cros est décédé le 6 avril 1999 à La Redorte.

    vitalis cros

    Le complexe Vitalis Cros est inauguré en Juillet 2005

     L'écrivain

    vitalis cros

    Vitalis Cros est l'auteur de plusieurs ouvrages remarquables dont "Le temps de la violence" sur les événements d'Alger et leur justification ; "Le mal du siècle"; "La liberté colonisée" explique que la police n'est pas un frein aux libertés, mais au contraire vise à les maintenir ; "La liberté" pour lequel il obtient le Grand prix de l'Académie française en 1986 ; "L'Homme et l'utopie"... 

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    Raymond Chésa reçoit Vitalis Cros en 1985

     Sources

    La résistance audoise / Lucien Maury / 1980

    Radioscopie / Jacques Chancel / 1975

    Wikipédia

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