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Seconde guerre mondiale - Page 51

  • L'exécution par la Résistance d'Albert Kromer, chef de la Milice à Carcassonne

    Albert Kromer né le 12 juin 1905 à Belfort, commerçant 21 rue Georges Clémenceau, est exécuté avec Elise Journet née le 17 février 1903 à Carcassonne - son épouse - au second étage de son appartement situé rue Tranquille.

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    Le Midi Socialiste / 25 février 1944

    Le chef de centaine Kromer fut avec René Bach - l'interprète de la Gestapo - la figure la plus redoutée de la collaboration Carcassonnaise. Marié à une Carcassonnaise depuis le 23 octobre 1929, il tenait un magasin de jouet dans la rue de la gare depuis plusieurs années. En représailles après l'affaire de Belcaire dont nous allons parler plus bas, la Résistance commença par lui adresser un courrier le 8 décembre 1943, puis un cercueil miniature pour lui souhaiter une Bonne année 1944.

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    L'exécution de Kromer

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    Le magasin de jouet Kromer et leur appartement

    © Google maps

    Les chefs de la Résistance, ayant décidé d'éliminer Kromer, demandent aux dirigeants de la Région R3 de leur fournir des volontaires pour l'abattre. On leur envoie deux jeunes gens appartenant aux groupes francs. Il s'agit de Louis Bonfils alias "Paulo" né le 12 août 1920 à Nice et de Mathieu alias "Fracasse". Le premier sera fusillé à Montpellier pour avoir ensuite tenté d'assassiner le chef du groupe Collaboration de Narbonne, le 7 avril 1944. Le second, fit partie du commando qui assassina Philippe Henriot le 28 juin 1944 à Paris ; il sera tué pendant la Libération de la capitale en août de la même année.

    Mathieu se présente donc le 24 février 1944 à la porte du domicile des époux Kromer, rue Tranquille à Carcassonne. Il tire trois balles de pistolet 7,65 ; deux atteignent Kromer qui est tué sur le coup, la troisième atteint sa femme qui s'était portée à son secours. Blessée au visage, elle est transportée à la clinique Cathala (route de Toulouse) où elle décèdera le lendemain.

    Aux obsèques des époux Kromer, tout ce que Carcassonne compte de collaborateurs et miliciens est là, dont 120 francs-gardes en uniforme avec leurs armes. Les allemands offrent deux couronnes et sont représentés par quatre officiers dont un colonel. L'enquête confiée à deux inspecteurs du Service régional de police judiciaire de Montpellier ne donnera rien.

    Après l'exécution, les deux Résistants furent pris en charge par l'abbé Courtessole. L'équipe resta à Carcassonne, tantôt hébergée par madame Fournier, tantôt à l'hôtel.

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    Albert Kromer est inhumé à Villemoustaussou dans le caveau de sa belle famille.

    L'affaire de Belcaire

    Au début du mois de novembre 1943, les allemands avaient eu connaissance que des réfractaires du S.T.O (Service du Travail Obligatoire) se cachaient à Belcaire et Camurac, où ils recevaient de l'aide. Ils exigèrent de la police française qu'elle mène une enquête. Les commissaires Pierre Escudey et Gabriel Creupelandt furent chargés de la mission. Ils étaient Résistants et dressèrent, bien entendu, un rapport négatif. Celui-ci n'ayant pas convaincu la Gestapo, c'est là qu'entre scène Albert Kromer - membre du P.P.F et chef de la Milice sous le numéro MO-221. Accompagné par l'inspecteur de la Gestapo Hoffman, ils font une descendante à l'hôtel Bayle de Belcaire. Ils y recueillent des renseignements en se faisant passer pour des résistants. Ils apprennent que L'hôtel Bayle héberge des clandestins et que le menuisier Julien Toustou, emploie en cachette des réfractaires du S.T.O.

     Le 29 novembre au cours d'une opération menée au petit matin par 60 soldats du 71e régiment de l'Air, cantonné à la caserne Laperrine de Carcassonne, des policiers allemands, de René Bach et de miliciens avec Albert Kromer, plusieurs personnes sont arrêtées. Elles sont amenées dans les geôles de la caserne pour y être interrogées. Seront déportés en Allemagne : Jacques Vacquié (Maire de Camurac), René Bayle (Hôtelier), Julien Toutou (Menuisier), René Fournet, Raymond Demarchi, Baptiste Arnaud et Raymond Dieuzère.

    Témoignage de Reine Bayle en 1989

    "J'avais flairé un piège quelques jours auparavant en voyant dans l'hôtel deux hommes, un chef de la Gestapo et un marchand de jouet nommé Kromer. Le 29, lors des arrestations elle aperçoit que les allemands arrachent du registre de l'hôtel la page où est inscrit le nom du commerçant. Le lendemain, raconte Reine, je suis allée à Carcassonne, à la préfecture et au commissariat pour avoir des renseignements sur l'arrestation de mon frère René, puis dans une rue du centre ville j'ai reconnu ce Kromer dans son magasin. Grâce à une cousine, on m'avait indiqué le marchand de jouets. Revenue à Belcaire, il y avait le sous-préfet, on faisait semblant de ne pas croire mes explications. Par chance, les allemands ne m'ont jamais interrogé. Je n'ai pas été inquiétée."

    Le 10 janvier 1944, une perquisition a lieu dans le bureau du commissaire Escudey et au domicile de son adjoint, Gabriel Creupelandt. Ils sont envoyés en déportation. Pierre Escudey, né à Toulenne le 24 novembre 1909, mourra à Neuengamme le 6 janvier 1945.

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    Gabriel Creupelandt, né à Roubaix le 31 décembre 1910, mourra le 28 février 1945 à Vaihingen. Ce dernier a son nom gravé au Monument aux morts de Bram.

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    Leurs noms figurent sur une plaque en hommage aux "Morts pour la France" dans la cour du commissariat de Carcassonne.

    Sources

    La 2e guerre mondiale dans l'Aude / J. Allaux

    La Résistance audoise / Lucien Maury

    Archives de l'Aude

    Généanet

    Merci à Sylvain le Noach pour ses renseignements sur G. Creupelandt

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016 

  • L'arrestation d'André Coste par la Milice Française

    Le policier André Coste - natif de Fanjeaux - était un agent P2 des S.S.D.N (Services Spéciaux de la Défense Nationale) pendant la Seconde guerre mondiale. Après avoir rendu ses services au sein de la Résistance à Paris, il arrive à Carcassonne en octobre 1942 afin d'y remplir plusieurs missions. Elles consistent notamment à recueillir des renseignements de personnes jugées dangereuses pour l'Armée secrète : Miliciens, membres du P.P.F (Parti Populaire Français), agents de la Gestapo, etc... Son appartement situé dans la rue de l'aigle d'or, lui permet d'observer les mouvements dans le Grand café Not de la place Carnot. C'est le siège du P.P.F et le lieu de rendez-vous des miliciens.

    Dans le livre "La Résistance audoise" de Lucien Maury paru en 1980, André Coste raconte son arrestation par la Milice Française en mai 1944. Dans les détails, il explique comment et grâce à qui il a pu finalement échapper au triste sort qui l'attendait. Nous avons trouvé par hasard dans les archives de l'Aude, un document dactylographié de septembre 1944. Il s'agit de l'interrogatoire de l'un des collabos qui l'a fait arrêter ; il nous a paru très intéressant de confronter les deux versions. 

    Le récit d'André Coste

    Le 20 mai 1944, j'avais rendez-vous avec Müller sous-officier d'aviation du groupe Testa. Il avait une chambre dans l'immeuble de la droguerie Arnal, face à la gare, près du café Continental. Notre rendez-vous était fixé à 13 heures dans cette chambre, au deuxième étage, où on accédait par un immense escalier. Nous échangeâmes divers renseignements puis nous décidâmes de ne pas quitter la chambre en même temps. Il partit donc le premier. Quant à moi, je restai trois-quarts d'heures environ avant de partir. Descendu au premier étage, qu'elle ne fut pas ma surprise de me trouver en face de trois miliciens , qui, révolver au point, s'approchèrent, me fouillèrent ; parmi eux un résistant authentique, l'officier de paix Aimé Ramond, du Commissariat de police !...

    Presse de questions, je leur dis que je venais de la chambre au-dessus qu'un ami m'avait prêtée où j'avais rendez-vous avec une fille qui n'était pas venue. Il m'obligèrent à remonter dans la chambre où ils perquisitionnèrent sans aucune autorisation, ne trouvèrent rien de compromettant, sauf des tenues de sous-officier d'aviation qui appartenaient à Müller. Ces tenues les inquiétaient. Ils me demandèrent le nom de mon ami, son adresse, que je donnai. Quelqu'un fut envoyé prendre Müller qu'on trouva fort heureusement. Ce dernier confirma aux miliciens ce que je leur avais dit quant à ma présence dans sa chambre. C'est d'ailleurs "l'alibi" que nous nous étions donné en cas de "coup dur". Mais les miliciens n'en étaient pas tellement convaincus, ils voulurent savoir le nom et l'adresse de cette jeune fille. Je leur dit que je la connaissais à peine depuis trois jours, qu'elle n'agitait pas en ville, mais du côté de Lézignan, qu'elle ne m'avait donné aucune précision sur son domicile et qu'elle s'appelait "Josiane", c'est tout ce que je savais.

    Ce qui m'inquiétait surtout, et me rassurait à la fois, c'était la présence de Ramond avec les miliciens, Ramond qui faisait semblant de ne pas me reconnaître et qui ne m'adressa pas une seule fois la parole. Les idées les plus "moches" me passèrent par la tête. Müller ou Ramond était-il un agent double ? Comment Ramond savait-il que j'étais là ? Tout cela ne me paraissait pas possible. Après un interrogatoire sommaire et une perquisition de la chambre de Müller, qui ne fut pas arrêté, nous quittions cette chambre ; d'autres miliciens étaient en faction au rez-de-chaussée et dans la rue. Je fus conduis au siège de la Milice, Place Carnot, de là, toujours avec Ramond et deux miliciens, au domicile de ma femme, rue de l'Aigle d'or, menottes aux mains. Encore une fois, cette pauvre femme me vit arriver encadré de miliciens pour perquisitionner ; elle fut, elle aussi, interrogée, menacée, en présence de notre petite fille qui n'arrêtait pas de pleurer.

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    Le siège de la Milice à Carcassonne

    Pendant que les miliciens perquisitionnaient dans une pièce qui se trouvait sur le palier de l'appartement, à gauche au premier étage, Ramond et moi, nous nous trouvâmes seuls dans une des deux pièces qui donnaient sur la rue. Raymond qui ne m'avait jusque-là jamais adressé la parole, me dit spontanément :

    - Surtout ne bouge pas, je te sortirai de là, mais-moi faire. Tu n'as rien de compromettant ici ? Sur ma réponse négative, il me fit un petit signe de tête qui voulait die "ça va". Ce furent ses seules paroles.

    Ma femme fut interrogée pendant les deux jours que je restai place Carnot et gardée à vue. Je fus ensuite transféré au lieu-dit "Bouttes-Gach", un ancien asile où étaient stationnés les miliciens de choc qui participaient aux opérations de police, patrouilles et attaques de maquis.

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    L'ancien asile de Bouttes Gach a été rasé, route de Toulouse.

    Un jour, Ramond vint me voir (nous étions seuls) et m'expliqua comment j'avais été arrêté. J'avais été aperçu dans la rue par deux membres du Comité d'Action P.P.F de Carcassonne, Fontvieille et Lamouret, ces deux-là devaient me connaître ou avaient quelques renseignements sur moi. Je les connaissais parfaitement puisque j'avais fait leur fiche, en septembre 1943, et celle de tous les gros bonnets de ce mouvement à Carcassonne, qui avait son siège rue de l'Aigle d'or, même rue que celle de mon domicile. Or, suivi par les deux cités ci-dessous, je ne m'étais pas aperçu que j'étais "filé" ; ça peut arriver même à un ancien policier ! L'un deux avait dû rester sur place et l'autre était allé à la Milice, place Carnot où se trouvait le chef de centaine très connu pour son activité débordante à Carcassonne et dans les environ. F... se rendit avec un autre chef milicien trouver le commissaire de police Fra auquel ils expliquèrent qu'ils allaient procéder à l'arrestation d'un Français et demandèrent l'assistance d'un responsable de la police française. Ce fut Ramond qui fut désigné par le commissaire. La Milice prenait soin lorsqu'elle procédait à des arrestations de Français, d'être accompagnée d'un policier Français, de façon que l'arrestation soit officielle.

    Un jour, au début de l'après-midi, la Milice, comme d'habitude, me descendit au siège place Carnot. Pendant que je l'attendais, sous la surveillance de deux miliciens, je pouvais voir Ramond qui discutait avec un chef de la Milice, celui qui a été fusillé à la Libération. Je fus introduit dans le bureau, Ramond me dit dit à ce moment-là :

    - On va vous amener au Commissariat de police, nous avons quelques questions à vous poser.

    Il passa un coup de fil et bientôt arriva une voiture avec un gardien de la paix. rond monta derrière avec moi, je n'avais pas de menottes, elles m'avaient été retirées dès mon arrivée à la Milice et non remises par Ramond. dans la voiture, il me remit un papier sur lequel était écrit :

    "Arrivés devant la porte du Commissariat, tu me bousculeras et partiras en courant, prends la première rue à droite et rue Voltaire, presque en face de la clinique Delteil au N°X... au premier étage, une porte en face l'escalier, tu entres et tu attends, il n'y aura personne. Tu t'enfermes à clé et ne réponds que si tu entends frapper deux fois à la porte. Tu me rends ce papier." Ce que je fis.

    Arrivés devant le Commissariat dont la porte d'entrée était dans le rue du Crédit agricole Mutuel, j'appliquai les consignes données : bousculade, Ramond fit semblant de tomber et de me poursuivre jusque dans la petite rue qui donne rue Voltaire. Je ne devais jamais plus le revoir. Arrêté avec Myriel le 29 juillet 1944, il périt sur le dépôt de munitions de Baudrigues le 19 août 1944. Grâce à lui qui avait tout prévu, mon évasion réussit sans grand mérite pour moi.

    Je n'oublierai jamais ses dernières paroles lorsque, dans la voiture qui nous ramenait au Commissariat de police, je lui dis qu'il ferait bien de partir avec moi. Il me répondit : "Je ne peux pas, mon travail n'est pas fini."

    Aimé Ramond était employé dans la Résistance au "Noyautage des administrations", au sein même du Commissariat de Carcassonne. Avec certains de ses collègues résistants et au milieu de la majorité des autres, Vichystes, il s'employa à recueillir des informations et à sauver des patriotes. Il mena un exercice périlleux afin de ne pas se faire repérer ; c'est aussi pour cela que l'on retrouve sa signature sur le registre de condoléances de Philippe Henriot, exécuté par la Résistance en juillet 1944 à Paris.

     L'interrogatoire de Fontvieille

    J'appartiens en qualité de membre du P.P.F de la section de Carcassonne, depuis 1932. J'ai fait partie de la Légion Française des Combattants, depuis sa fondation, mais je n'ai pas adhéré au S.O.L ni à la Milice.

    Dès le début de mon entrée dans le P.P.F, j'ai été chargé de faire des adhésions. C'est le nommé J... qui m'a fait entrer dans ce parti, et m'avait plus particulièrement chargé de faire des abonnés au journal "L'émancipation nationale". Je n'ai réussi dans cette dernière opération qu'à faire trois abonnés.

    J'ai adhéré au groupe Collaboration de Carcassonne dès sa première réunion et j'ai été inscrit par un nommé De F, demeurant actuellement à Saint-Papoul. Je n'ai assisté qu'à deux réunions organisées par le groupe Collaboration et la Milice, à savoir : la conférence de Dr Grimm et celle de Henriot. En revanche, j'assistais régulièrement à toutes les réunions et conférences organisées par le P.P.F. Celles-ci avaient lieu en caractère privé et n'étaient qu'ouvertes aux membres du parti.

    Dans quelles circonstances, avez-vous fait arrêter le nommé Coste de la Résistance par la Milice de Carcassonne ? Je vous demande de me répondre en toute franchise.

    Il y a environ quatre mois, j'ai aperçu la présence au café Not du nommé Gayraud et d'un moniteur que j'ai appris par la suite qu'il s'appelait Coste, et qui consommaient à une table voisine de la mienne. Je me trouvais à ce moment-là en compagnie de membres P.P.F ; les nommés C..., I... et Lamouret. Comme je doutais que le nommé Gayraud appartenait à un groupe de la Résistance, nous avons défiguré l'invité de Monsieur Gayraud avec qui il discutait à voix basse et nous avons compris que nous avions affaire à un individu suspect. Lorsque cet individu s'est levé, mon camarade C... est sorti pour voir la direction qu'il prenait. Quelques instants après il est revenu nous joindre nous déclarant qu'il n'avait pas pu se rendre compte où il était passé. Au cours de la discussion qui s'en suivit, le nommé Lamouret nous demanda de faire notre possible pour établir l'identité de cet individu et de son domicile. Bien qu'intrigué par la présence de cet individu à Carcassonne, je ne me suis jamais livré à aucune surveillance sur lui. Je n'ai jamais cherché à savoir ce qu'il faisait et son identité. J'ai toujours cherché à l'éviter, craignant cet individu et le prenant pour un "terroriste".

    Ne revoyant plus cet individu avec mon camarade Lamouret, nous en avons conclu qu'il avait dû quitter la ville. Un mois environ après, j'ai rencontré cet individu au moment où il rentrait dans l'immeuble Arnal qui fait corps avec mon bureau. Comme je sortais de celui-ci, je suis revenu sur mes pas et je suis allé dire à Monsieur Lamouret, mon associé, que cet individu était là. A ce moment-là, il m'a dit : "Je vais prévenir la Milice, faites le guet et regardez qu'il ne ressorte pas." Immédiatement un groupe de miliciens conduit par C de la Reille, s'est rendu sur les lieux et a attendu que cet inconnu sorte de l'immeuble pour l'appréhender. Dès l'arrivée de la Milice, j'avais quitté les lieux sans attendre le résultat de l'opération. C'est à 14 heures 30 seulement que j'ai connu que cet individu avait été arrêté et que la Milice s'apprêtait à la relâcher, n'ayant rien trouvé de suspect sur sa personne et au cours d'une perquisition effectuée à son domicile. C'est mon collègue Lamouret qui m'a mis au courant de cela.

    Par la suite, mon camarade Lamouret devait faire une réflexion suivante : "Il a dû aller rejoindre son ami Gayraud et on n'aurait pas dû le relâcher, car vous le reverrez revenir à Carcassonne avec une mitraillette à la main !" Lamouret a prononcé des paroles par suite de l'absence de cet individu à Carcassonne pendant une période de trois mois environ.

    Je n'ai jamais appartenu ni fourni aucun renseignement aux service de Police allemande. Je sais qu'au sein du P.P.F existait les Comités d'Action chargés de pourchasser pour le compte du Bureau de Placement allemand et ensuite pour le compte de la Gestapo, les réfractaires au S.T.O. Parmi les individus travaillant pour ces organismes, le seul individu que je connaisse et habitant Carcassonne est un nommé M... qui demeure rue Barbès, sur le côté gauche en se dirigeant vers la Place Carnot, sous un porche, et à proximité d'un marchand de primeurs. Je puis vous fournir quelques précisions sur le sus-nommé : C'est le nommé C... qui l'a enrôlé à Carcassonne et l'a présenté à Lamouret.

    M... est allé faire un stage de trois semaines à un mois. Ce stage a eu lieu, si je m'en souviens, vers la fin juillet commencement d'août 1944. En plus du nommé M..., il y avait aussi le nommé B..., réfugié de Toulon demeurant à Axat, et le nommé F... de Castelnaudary.

    J'ai rendu des services notamment aux nommés S..., tripier à la Trivalle et M..., coiffeur domicilié à la Barbacane, et j'ai empêché ceux-ci d'être affectés à l'usine de tuilerie de Limoux. C'est en qualité d'ami Monsieur F... que j'ai obtenu satisfaction.

    Si j'ai agi ainsi vis-à-vis du nommé Coste, c'est que j'ai cru être menacé par celui-ci. Je croyais avoir affaire à un terroriste et être visé par celui-ci en tant que membre du P.P.F. J'affirme que c'est surtout sous la pression des nommés C..., I... et Lamouret que j'ai agi ainsi.

    "Fonfon" a été condamné aux Travaux forcés à perpétuité par jugement de la Cour Martiale, en date du 10 septembre 1944.

    Le nommé Gayraud alias Marty, était un membre important de la Résistance. Nous avons caché volontairement certains noms divulgués dans cet interrogatoire quand nous n'avons pas pu vérifier leur authenticité. Seuls Fontvieille et Lamouret étant cités dans le livre "La Résistance audoise".

    Sources

    ADA 11

    La Résistance audoise / L. Maury / 1980

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  • L'urne des déportés retrouve sa place au pied du monument à la Résistance.

    À une date que l'on estime être celle de l'inauguration du monument à la Résistance au Square Gambetta - soit en 1948 - une urne contenant de la terre provenant du camp de Buchenwald a été scellée au pied du monument. Elle aurait été ramenée par les déportés et déposée lors de la cérémonie officielle à cet endroit.  Nous n'avons pas de certitude concernant la date précise - il faudrait consulter les registres des délibérations du conseil municipal de Carcassonne - en revanche, les photos et cartes postales en ma possession attestent de l'existence de cet objet en ce lieu au moins jusqu'aux années 1990. 

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    L'urne au pied du monument à la Résistance

    En 2013, je saisissais Madame Tamara Rivel - adjointe à l'urbanisme - sur la disparition de l'urne après la destruction du square Gambetta et sa transformation en parking souterrain. Celle-ci commissionnait des agents municipaux afin de tenter de la retrouver. Sans succès...  Si tous les autres monuments du jardin avait été rassemblés aux serres municipales avant 2009, l'urne en fonte ne s'y trouvait pas. Notre hypothèse c'est qu'elle fut jetée à la benne ou, au mieux, récupérée par un ouvrier pour son usage personnel.

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    Les collégiens et les élus à Sachsenhausen

    L'histoire en resta là, quand en juin 2014 Tamara Rivel - Conseillère départementale - proposa au président Viola de refaire une urne et de profiter du voyage annuel des collégiens en Allemagne, pour ramener de la terre des camps. Le président André Viola trouvant l'idée excellente fit les démarches auprès de l'ambassade d'Allemagne afin d'obtenir les autorisations. De mon côté, à sa demande, je fournissais les photos à Madame Rivel, nécessaires à la reconstitution du précieux objet. Le Conseil départemental fit une demande écrite au maire de Carcassonne en vue d'obtenir l'autorisation de remettre à une date non précisée, la nouvelle urne à Gambetta. 

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    Les collégiens s'en étant revenus d'Allemagne, la terre ramenée du camp de Sachsenhausen était gardée précieusement. Avec l'aval de l'Architecte des Bâtiments de France, on fabriqua un réceptacle en marbre en guise d'urne avec les noms de MM. Viola et Larrat ; ce dernier ayant accepté de se joindre à la future manifestation symbolique dans un élan d'oeucuménisme politique.

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    Dans le journal Perspective - organe de communication du conseil départemental de l'Aude - le président Viola annonce l'inauguration pour le 24 janvier 2016. La date sera finalement déplacée au 3 février.

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    Je regrette de n'avoir pas pu me rendre à cette inauguration et je m'en suis excusé auprès des autorités compétentes ; j'habite à 350km de Carcassonne. Selon les observateurs sur place, les discours n'ont pas évoqué l'histoire de l'urne primitive et de son parcours. Ceci aurait permis de comprendre les raisons d'une telle manifestation aujourd'hui ; mais aurait suscité l'embarras de certains élus vis à vis d'un objet dont ils avaient la charge.

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