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Seconde guerre mondiale - Page 52

  • Dans la valise des déportés Carcassonnais vers Auschwitz

    Nous avons déjà évoqué sur ce blog, l'aryanisation, c'est-à-dire la spoliation des biens immobiliers et mobiliers des familles juives avant leur déportation dans les camps de la mort. Ceux-ci étaient d'abord confiés à un liquidateur - désigné par l'administration allemande - avec le concours de l'État Français, puis vendus aux enchères publiques ou cédés gracieusement à des nazis. Nous avons retrouvé des documents dans les archives de l'armée américaine prouvant qu'hélas, Carcassonne n'est pas passée au travers de ces spoliations. La difficulté pour les familles héritières -s'il en restait- de ces pauvres malheureux envoyés à la chambre à gaz, fut d'obtenir après la Seconde guerre mondiale, la restitution de ce qui avait été volé. La plupart du temps, des familles entières ayant été exterminées, les biens restèrent entre les mains de ceux qui les avaient acquis. Qui allait porter réclamation ? Dans d'autres cas, les héritiers durent s'armer de courage pour faire valoir leurs droits auprès des autorités compétentes ; il fallut qu'elles apportassent les preuves de propriété. Il y a sans aucun doute des propriétaires actuels qui, sans le savoir - dans le meilleur des cas - possèdent des biens provenant de l'aryanisation. Ci-dessous, nous ne donnerons que deux exemples parmi... combien ?

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    L'entrée du camp d'Auschwitz

    Steiner Greta

     Madame Steiner Greta de nationalité française, habitait 9 route de Limoux à Carcassonne, quand elle tenta de récupérer un logement en novembre 1947, par l'intermédiaire chef de la division des restitutions et réparations, au quartier général des forces armées américaines en Autriche.

    "J'ai l'honneur de vous informer que l'immeuble situé à Vienne VII, Zieglergasse 38, appartenait avant la guerre à Madame Rosa Krieger ; il a été confisqué le 15 juillet 1942 au bénéfice du Reich conformément au Reichbürgergesetz*Il est toujours entre les mains du Reich comme cela apparaît dans Grundbuch du registre de Neubau (Numéro 1200).

    Rosa Krieger disparut durant sa déportation. Par décision du 16 octobre 1947, le tribunal régional l'a déclaré comme étant décédée. Il résulte que sa succession est par conséquent ouverte. Son unique héritière est sa fille, Madame Gerta Steiner, de nationalité française habitant à Carcassonne qui demande la restitution de l'immeuble confisqué dès qu'elle deviendra propriétaire de son héritage.

    En conséquence, vous seriez aimable de noter que cet immeuble, bien qu'apparemment allemand, représente un intérêt français, prendre les mesures pour le protéger et me tenir informé.

    Je suis disposé à vous donner toutes information complémentaire."

    *La loi sur la citoyenneté du Reich de 1935 créait deux espèces d'Allemands ; ceux de "sang pur" et les  ressortissants raciaux considérés comme étrangers. Ces derniers avaient moins de droits que les autres.

    Haguenauer Paul

    Paul Georges Haguenauer demeurant 10, rue de la préfecture pendant la guerre, possédait une société de vente de tracteurs sous la marque "Le Français". Par arrêté du 24 janvier 1942 paru au Journal Officiel, les biens de M. Haguenauer sont mis entre les mains d'un administrateur et d'un huissier Carcassonnais chargés d'en rédiger l'inventaire en vue de la vente. Il est également mis fin aux fonctions de M. Haguenauer comme directeur de cette société.

    Le 30 novembre 1942, un courrier du Commissariat aux questions juives de Montpellier (2, rue des Etuves) signé de J. Tollincri est adressé au préfet de l'Aude :

    " J'ai l'honneur de vous demander l'internement administratif du juif Haguenauer Paul, dont les agissements et l'activité croissante en qualité d'ingénieur conseil portent un grave préjudice aux vrais français."

     Le préfet Marc Freund-Valade ne va pas se soustraire contrairement à son prédécesseur à la demande du Commissariat aux questions juives. Le 5 janvier 1943 :

    "M. Haguenauer Paul né le 24 décembre 1890 à Colmar (Haut-Rhin) de Simon et de Neyer Eve, domicilié 28 rue de la mairie à Carcassonne, est astreint de résider au centre de séjour de Fort-Barreaux (Isère) où il sera immédiatement conduit.

    M. le chef d'escadron, commandant la compagnie de gendarmerie d'Aude, est chargée de l'application et de l'exécution du présent arrêté."

    Après son internement sans sa fille et sa femme restées sous surveillance en leur domicile de Carcassonne, l'inspecteur de police Valentin D, l'administrateur Jules B et l'huissier maître T chargés de l'inventaire, découvrent des tracts jugés anti-nationaux du journal Combat, deux revolvers et un tract appelant au rassemblement du 14 juillet 1942 à la statue de Barbès. Un rapport est envoyé par Jules R, Commissaire principal, chef des renseignements généraux de l'Aude.

    À la libération, Paul Haguenauer cherchera à récupérer une partie de ses objets dispersés. Sa bibliothèque contenant plusieurs livres de valeur ayant été expertisée par un libraire de la ville, il s'adressa à lui afin de la récupérer. Il dût s'y reprendre à plusieurs reprises avec au final une mise en demeure. Voici la réponse qu'il reçut du commerçant :

    "Au cours de l'année 43, j'ai été sollicité pour examiner une bibliothèque. J'ai donné mon avis verbalement sur un certain nombre de livres en précisant que généralement le prix en occasion correspondait à la moitié du prix marqué. Au cours de la visite j'ai appris les raisons de cette vente et je n'ai fait aucune offre. Je précise que contrairement à ce que vous prétendez dans votre lettre, je n'ai pas remis d'expertise par lettre et que je n'ai reçu aucune rétribution de quelque sorte que ce soit."

    De la même manière, M. Haguenauer s'adresse à un grand magasin de vêtements de Carcassonne afin de récupérer ses seize complets que celui-ci à accepter de revendre, contrairement à d'autres tailleurs qui ont refusé de prêter une aide quelconque à un acte de spoliation. 

    (Ces commerces n'existent plus à Carcassonne)

    Paul Haguenauer participa comme lieutenant F.F.I a la libération de Carcassonne, le 20 août 1944. Il est reconnu "Mort pour la France" le 9 novembre 1946 avec le grade de Commandant. Son corps se trouve dans la nécropole nationale "Les vallons" à Mulhouse, Carré A1 n°115. 

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    © Georges Simon

    MémorialGenWeb

     

    Sources

    Service historique de l'armée

    Document déclassifiés US

    Archives de l'Aude

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2016

  • La collaboration industrielle dans l'Aude sous l'occupation

     Le 20 septembre 1944, le service du bâtiment et des travaux publics de la Délégation Générale à l'Equipement National relève une liste de 143 entreprises audoises - artisanales et non artisanales - ayant travaillé pour l'occupant Allemand. Ce grand nombre s'explique par le fait, qu'à un certain moment, l'Office de placement allemand de Carcassonne a réquisitionné en bloc un certain nombre d'entreprises ; ce fut le cas en particulier de toutes les entreprises de maçonnerie de Carcassonne.

    Cette liste comporte le degré d'implication de l'entreprise, exprimé en pourcentage. Ce taux a été calculé en faisant le rapport entre le nombre d'ouvriers travaillant sur le chantier et les effectifs de chaque patron. La note de l'ingénieur en chef au Commissaire de la République rappelle que : " Ce pourcentage n'est donné qu'à titre d'indication et qu'il est probablement assez différent de celui que l'on obtiendrait, en faisant le rapport des chiffres d'affaires des secteurs allemands et français."

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    Fortifications allemandes, avenue A. Mullot.

    Si une très grande partie d'entre-elles a exécuté ces travaux sous la contrainte de la réquisition, 31 cas ont fait l'objet d'un examen particulier. Certains entrepreneurs de maçonnerie se sont portés volontaires pour la réalisation de travaux militaires tels que casemates, blockhaus et autres tranchées anti-char. Des poursuites ont été engagées contre eux après la guerre, avec dans certains des arrestations. La circulaire ministérielle du 2 décembre 1944 "recommande aux administrations et aux Services publics concernés de s'abstenir d'attribuer aux entreprises dont l'activité en faveur de l'ennemi a eu un caractère notoire, des commandes et des marchés." Le 2 juillet 1946, suivant instructions du préfet de l'Aude, les noms de cinq entrepreneurs Carcassonnais exclus et condamnés sont affichés au tableau officiel de la mairie.

    Lettre de Louis Amiel (Maire de Carcassonne) à M. le Commandant Georges (Commandant départemental des F.F.I)

    31 août 1944

    J'ai l'honneur de vous faire part d'une résolution du Comité local de la Libération, approuvée par le Comité départemental, tendant à mettre à la charge des entrepreneurs constructeurs de fortifications, la démolition des ouvrages qu'ils ont exécuté pour le compte de l'armée allemande.

    Les conditions d'exécution de ces ouvrages ont soulevé pendant l'occupation, parmi la population, une émotion considérable. Certaines entreprises ont travaillé à forfait à des conditions honteuses que les allemands se souciaient fort peu de discuter puisqu'il s'agissait en définitive que des finances de la France. D'autres ont construit des ouvrages avec la main d'oeuvre fournie par la réquisition civile qui, durant quatre mois, a astreint nos compatriotes à de véritables travaux forcés.

    Dans tous les cas, il est de notoriété publique que les entrepreneurs des ouvrages fortifiés ont édifié, sur les deniers de la France et la sueur des Français, des fortunes scandaleuses. Il est donc logique qu'ils participent les premiers à l'oeuvre de redressement moral à laquelle nous nous attachés.

    Ces considérations ont conduit le Comité local, parfaitement d'accord sur ce point avec le Comité départemental, à vous demander de contraindre les entrepreneurs qui ont construit les ouvrages de défense allemands à les démolir immédiatement à leurs frais, à la main, avec l'obligation pour eux d'embaucher au tarif syndical, le personnel qui y travaillait et les ouvriers sans travail qui leur seront adressés.

    Les allemands n'étaient pas regardant sur les sommes demandées par ces entreprises de travaux publics, car la France payait 400 millions de francs par jour au titre de l'armistice de 1940. Sans compter, bien entendu, les bénéfices de tous ordres qu'ils retiraient de l'aryanisation. C'est à dire, de la spoliation des entreprises et des biens appartenant aux juifs, après leur assassinat dans les camps. Je laisse le lecteur apprécier le caractère moral de l'enrichissement des entreprises, collaborant volontairement avec l'occupant. Certaines d'entre-elles ont disparu depuis, mais d'autres sont passées du statut de petit artisan avant-guerre à une importante société, après les lois d'amnistie du milieu des années 1950. Certes, leurs dirigeants ont été condamnés à des amendes et exclus des marchés publics ; dans les faits, les pénalités financières furent modestes en rapport de ce qu'ils avaient gagné. L'Indignité nationale avec confiscation des biens n'a pas toujours été prononcée ou a été minorée en appel, quand ces personnes profitant de quelques complicités n'ont pas retrouvé tout simplement une belle virginité morale au sein du milieu associatif ou politique.

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    © ADA 11

    Maquis Faïta à Buc (Aude)

    Qu'ont pensé les proches des résistants - morts au combat ou déportés - quand ils ont vu réapparaître dans les villes, ces anciens entrepreneurs du bâtiment ou commerçants enrichis grâce au détournement de la répartition pour inonder le marché noir, faire l'acquisition d'immeubles, d'hôtels ou tout simplement construire des maisons secondaires à la mer ? J'en ai beaucoup entendu me dire : "Maintenant, ce sont eux qui nous donnent des leçons." Eh ! oui, on ne s'enrichit pas en se cachant dans le maquis, on risque sa peau et celle de sa famille chaque jour. On mange ce que l'on trouve et parfois rien pendant quelques jours... Pendant ce temps, d'autres ont choisi une voie moins exemplaire mais bien plus lucrative.

    Sources

    Archives de l'Aude

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  • Le 3 juin 1944, la police rafle 200 jeunes sur ordre des nazis dans Carcassonne.

    Nous sommes le samedi 3 juin et le dimanche 4 juin 1944 à Carcassonne. C'est jour de foire... Des agents français accrédités par l'Office du placement Allemand par un service dont le siège est à Marseille, investissent l'ensemble des cafés, la gare, les stations d'autobus et les maisons de tolérance. Sur ordre du service du placement allemand, situé 22 rue Strasbourg, elle appréhende et rafle plus de 200 jeunes français suspectés d'être réfractaires au S.T.O (Service du Travail Obligatoire). Une quarantaine de ces personnes sont retenues et confiées à la garde de la police urbaine de Carcassonne. Elles sont destinées à partir travailler de force en Allemagne pour alimenter l'effort de guerre des nazis. 

    Dans un courrier du 5 juin 1944 adressé au Chef du gouvernement de Vichy, le préfet de l'Aude indique :

    "Je suis immédiatement intervenu auprès de la Feldkommandantur pour demander qu'un fonctionnaire français qualifié assiste aux opérations de criblage. Le colonel, commandant la Feldkommandantur, a accepté la désignation de M. Bousquet, délégué départemental du Commissariat général à la main d'oeuvre."

    Selon le préfet, sa réclamation auprès des services allemands contre l'arrestation de jeunes gens à peine âgés de 18 ans et en situation régulière, a permis finalement de ne retenir que 27 individus sur 40.

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    © Musée de la résistance

     

    Personnes partant pour l'Allemagne. Prévenir au plus vite la famille pour porte les bagages à l'Office de placement Allemand, 15 place Carnot.

    Bourgeois Jean / 29.2.1920 à Aulnay sous bois / Rue de la mairie. Carcassonne 

    Domenech François / 29.5.1923 à Barcelone / Névian

    Armerio Joseph / 19.5.1925 à Béziers / Rue Capeau. Béziers

    Farran René / 9.6.1922 à Sérignan / 10, rue faïence. Béziers

    Gilbert Robert / 5.9. 1918 à Béziers / 5, rue Viennet Béziers

    Guardia Julien / 13.11.1915 à Barbastro / 10, rue Dugommier. Carcassonne

    Jeanjean Gustave / 18.7.1920 à Montjeaux / 39, av Gambetta. Béziers

    Miquel Yvon / 10.3.1912 à Aspiran / 10, rue Subleyras. Montpellier

    Ferrer Joseph / 8.3. 1917 à Narbonne / 21, rue dupleix. Narbonne

    Sylvestre François / 18.1.1919 à Quillan / 28, rue du port. Carcassonne

    Soules Émile / 2.1.1913 à Carcassonne / 59, rte de Limoux. Carcassonne

    Tricarico Jacques / 26.3.1925 à Béziers / 27, rue Corneillan. Béziers

    Taparel Roger / 31.7.1925 à Villassavary / Bassan (34)

    Viseux René / 18.7.1924 à Paris / 46, bd Pétain. Carcassonne

    Vidoni Gianino / 17.8.1916 à Trasaghis (Italie) / 37, rue de l'hôpital. Avignon

    Bertholio Henri / 25.6.1915 à Florensac / Cussac (24)

    Pages Étienne / 26.12.1919 à Argeliers / La digne d'aval

    De Madaillan François / 14.6.1925 / La loubatière

    Denat Émile / 4.7.1922 à Villalier / Villalier

    Garrigues Raoul / 24.4.1926 à Prédelles / Trèbes

     

    Source

    ADA 107W145

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