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Seconde guerre mondiale - Page 50

  • La naissance de la Résistance audoise, d'après Roger Stéphane

    Roger Stéphane (1919-1994) de son vrai nom Roger Worms, fut l'un des tout premiers en France à s'engager dès 1941 dans l'organisation des réseaux de Résistance. Né de confession juive dans une famille bourgeoise, homosexuel et militant communiste, il avait sans doute toutes les dispositions pour déplaire au régime de Vichy. Roger Stéphane co-fondera le journal l'Observateur en 1950. Après son suicide en 1994, il sera inhumé au cimetière d'Ivry.

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    © Tout est bien / R. Stéphane / 1989

    Roger Stéphane en costume F.F.I

    Avec l'aide de Jacques Rénouvin (1905-1944), il participe à la création du réseau et du journal Combat. Le 1er octobre 1941, il est envoyé dans l'Aude par Rénouvin qui le charge de l'organisation et de la direction de la Propagande dans ce département. A Narbonne, Carcassonne, Montpellier, il démarche quelques-uns des 80 parlementaires réfractaires de juillet 40, dont on pourrait supposer qu'ils constituent un vivier naturel de résistance depuis que le 14 août, dans son discours du "Vent mauvais" Pétain a annoncé la suppression des indemnités des parlementaires (Source : Enquête sur l'aventurier - 2004)

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    Roger Stéphane raconte avec une grande précision son passage dans notre département et les personnes qu'il a tenté de mobiliser à la cause de la Résistance naissante. Voilà qui devrait poser un regard différent et peut-être complémentaire sur l'histoire de la Résistance locale. Dès les premières années de l'occupation, Carcassonne fut le vivier de la résistance intellectuelle à Vichy. C'est ici qu'elle s'organisa, c'est ici qu'elle mobilisa pour défendre l'honneur perdu de la patrie. Ils n'étaient pas nombreux à cette époque et venaient d'ailleurs... réfugiés de la zone occupée. 

    Narbonne

     6 octobre 1941

    Roger Stéphane débarque à Narbonne dans l'après-midi par le train et assiste à une réunion d'amis chez le Dr Lacroix, maire de Narbonne révoqué par Vichy :

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    Achille Lacroix

    "Après une bonne heure de palabres, de discussions, de questions insignifiantes, nous allons "boire un verre". Les mots sublimes (I) : En sortant, Lacroix dit à un de ses anciens adjoints : "Voyez-vous, mon vieux, c'est le commencement de la revanche." Ne pas s'imaginer un instant qu'il s'agit de la revanche de la France, ni même, ce qui serait moins beau, de la revanche du parti socialiste. Non : il s'agit exclusivement de la revanche de la section narbonnaise dudit parti contre ses adversaires électoraux.

    Il est impossible qu'il n'y ait pas dans cette ville une personne intéressante, une personne à qui parler. Mais je ne l'ai pas trouvée. Il paraît que le groupe d'hier représentait l'élite. Brrr... Les mots sublimes (II) comme je parle à Lacroix de son éventuel avenir politique, il évoque sa popularité : passant dans la rue Droite à vélo, il reçut, pendant cent mètres, vingt et un coup de chapeau. Il les a comptés. Je ne sais pas si je réussirai à faire du bon travail, mais je sens que je sortirai misanthrope de ce métier de "bonimenteur de la Résistance".

    Carcassonne

    Le surlendemain, il passe voir le sénateur Bruguier; il était à Montpellier. Sa femme envoie Stéphane chez un journaliste de la Dépêche qui le reçoit cordialement jusqu'au moment où il lui parle de ce qui l'amène :

    C'est alors l'indifférence la plus extraordinaire que j'ai rencontrée., le silence le plus buté, le plus définitif.  Enfin, suis allé chez le député Gout absent. Donc journée ratée.

    14 octobre 1941

    Visite au sénateur Bruguier qui se dérobe. Il viendra à nous au dernier moment. Je lui précise que nous ne tiendrons aucun compte des amis de la dernière heure. 

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    Le député Henri Gout

    Suis allé ensuite voir un professeur qui remet sa réponse "à huitaine". Découragé, je tente de téléphoner au Dr Gout, député, qui était la semaine dernière dans sa propriété à la campagne. Par un heureux hasard, il est ici et accepte de me recevoir immédiatement. C'est un parlementaire radical-socialiste, dans toute l'horreur de ce terme, doublé d'un petit médecin de province. Il m'indique deux de ses amis que je puis aller trouver en toute confiance, précisant à propos de l'un deux, procureur de la République et retraite : " Je lui disais justement tout à l'heure : si l'on venait me demander de désigner un préfet de l'Aude, je vous désignerais immédiatement."

    Quoique député, le docteur prétend ne connaître personne d'autre à Carcassonne : on le connaît, mais il ne connaît point. Les mots sublimes (III) : "Je puis bien être l'âme d'un mouvement, je n'en puis être l'animateur." Je lui propose de réunir ses amis chez lui pour vendredi, afin que je leur explique de quoi il s'agit. Il accepte, ce qui ne m'empêchera pas d'aller les voir demain matin.

    En le quittant, je flâne dans la ville et entre dans une librairie qui me paraît particulièrement bien fournie. J'y demande, sans grand espoir de réponse affirmative, si l'on connaît l'adresse de Benda et de J. Bousquet. On m'indique seulement où habite ce dernier, que je me décide immédiatement à aller voir, bien que n'étant pas muni de l'introduction de L. Aragon.

    Joe Bousquet est jeune - il ne paraît pas quarante ans - assez plaisant ; sa chambre : assez sombre, seulement éclairée par quelques tableaux surréalistes et cubistes. De nombreux livres. Comme il me reçoit couché, je m'interroge stupidement sur son état : blessé à la colonne vertébrale à la guerre 14-18, il n' a pas, depuis lors, quitté son lit. Il ne manifeste aucune amertume. Il me parle avec enthousiasme des Fleurs de Tarbes, le dernier livre de Paulhan.

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    Julien Benda

    J'ai la bonne fortune de rencontrer chez lui Julien Benda qui me reconnaît aussitôt et manifeste une sympathique curiosité. Nous évoquons l'Ordre et les Volontaires. Nous descendons faire quelques pas ensemble. Il m'entretient de ses projets contrecarrés de départ en Amérique. Il se montre très intéressé par mon activité et me propose de m'emmener demain chez un sénateur de ses amis. Je l'ai trouvé aussi jeune, aussi allant qu'avant la guerre, et surtout, aussi logique, aussi sûr. Rien renié, rien ajouté à ce qu'il ne cessa jamais de proclamer. Etonnamment serein.

    15 octobre 1941

    Longuement vu Julien Benda, d'abord seul, ensuite avec son ami, le sénateur Bruguier. Il ne suffit pas à Benda d'être antihitlérien. Il est germanophobe. Il s'oppose violemment à la thèse des deux Allemagnes. Il n'existe, d'après lui, qu'une Allemagne, et cette Allemagne nous a constamment empêchés de vivre en paix. Il a trouvé trop modéré le traité de Versailles et souhaite que si les Anglais gagnent la guerre, ils mettent l'Allemagne définitivement hors d'état de nuire.

    Comme je m'élève contre ces généralisations abusives, il me demande si les Allemands ne généralisent pas, eux, à propos des Juifs. "Mais c'est précisément contre ces injustices que nous luttons." - "La justice internationale et la justice individuelle sont incompatibles." me répond-il. D'après lui, notre défaite fait partie des multiples tentatives de subversion de la réaction : 4 mai, affaire Boulanger, affaire Dreyfus, 6 février... et 1940. Ce qui distingue celle-ci des autres, c'est que la réaction, en faisant ouvertement intervenir l'étranger, joue le tout pour le tout. Et comme elle perdra...

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    Le sénateur G. Bruguier

    Le sénateur Bruguier : une belle tête d'honnête Français : assez ronde, avec des cheveux gris et des yeux doux. Un léger accent du Midi. Environ soixante ans. M. Bruguier écoute avec intérêt, et me promet son concours, plus exactement ses indications. Je sens ses fils m'envier. Un mot sublime (IV) : "C'est au Sénat qu'est dévolue la mission de sauver la France." Il est sénateur socialiste. 

    Julien Benda me raccompagne fort aimablement à la gare. Nous parlons un peu de Gide, qu'il n'apprécie guère. Pour lui, "Gide est un démagogue, puisque, de son propre aveu, il a besoin d'approbation." Puis il s'élève contre les éloges exagérés que l'on décerne à Bernanos. Certes, cet écrivain est courageux ; mais la confusion dans les esprits est telle que l'on crie au génie, confondant les valeurs morales et les valeurs intellectuelles. Il ne s'agit pas d'établir une hiérarchie entre les valeurs mais une séparation.

    Depuis hier, Benda me répète : "Nous sommes en plein belphégorisme." et développe cette formule. L'ennui est que je n'aie point lu Belphégor et ne sache pas ce qu'est le belphégorisme. Pour Benda, les écrivains doivent se taire, retourner à Kant jusqu'à nouvel ordre. Il a écrit trois livres depuis l'armistice...

    Narbonne

    16 octobre 1941

    Jacques Rénouvin est venu le rejoindre. Réunion chez le Dr Lacroix.

    Carcassonne

    17 octobre 1941

    Il arrive ce matin avec Rénouvin et déjeune chez Auter, restaurant dans la rue de la gare.

    Nous sommes allés ensuite chez le Dr Gout. Aucun de ses amis n'est là, tous se contentant de leur oisiveté. Par contre. Bruguier est venu. Pour le sénateur et il cite de nombreux exemples individuels à l'appui de sa thèse, l'union d'après-guerre ne se fera ni sur les partis, ni sur les idées, mais sur les hommes. Il nous donne d'intéressants renseignements sur la conduite des deux assemblées. En nous quittant, il nous propose de dîner chez lui ce soir.

    Auparavant, Renouvin et moi allons voir Picolo, militant syndicaliste dont Bruguier nous a donné l'adresse. C'est un de ces hommes purs, désintéressés, honnêtes, comme on en trouvait seulement dans le syndicalisme. Nous donnera sa réponse ce soir. Pendant que Renouvin, fait une course, je cause avec lui. Je lui dis qu'à mon sens le malheur de la France réside dans le fait que les partis de gauche sous-estimaient la valeur de la patrie, et les partis de droite la valeur de la liberté. Il me dit : "Croyez-vous que quand nous avons exclu les communistes qui pourtant de bons copains et d'efficaces militants, ce n'était pas par patriotisme ? Ça nous a brisé le coeur." J'aime cette race d'hommes.

    Dîner donc chez Bruguier. Parlé de la crise du socialisme, des responsabilités des socialistes. Il dissimule mal son regret de n'avoir pas été ministre en 1936. Il reproche à Blum de s'être alors entouré de "freluquets". J'ai aimé qu'il dise : "Nous autres socialistes", impliquant dans "ce nous autres" Renouvin qui s'était fâché avec son cousin parce que celui-ci s'était marié avec la soeur de Monnet.

    Quels enseignements ?

    Ces mémoires nous révèlent les difficultés rencontrées par les premiers résistants pour rallier les  parlementaires - n'ayant pas voté les pleins pouvoirs à Pétain - à leur cause. On peut légitimement penser que le premier mouvement de résistance à Carcassonne le 14 juillet 1942 devant la statue de Barbès à l'initiative d'Albert Picolo, trouve son fondement grâce à l'opération d'unification de Roger Stéphane en octobre 1941. D'ailleurs lors de cette manifestation qui réunit 2000 personnes, ne trouve t-on pas en tête de cortège Henri Gout et Georges Bruguier ? Picolo distribuait déjà les tracts de Combat - fondé par Renouvin - depuis 1941 au sein de l'usine de Salsigne. Qui a une avenue à son nom dans Carcassonne ? Albert Picolo  qui fut le premier à y croire ou Henri Gout, le député qui sera ensuite maire de la ville ?

    Elles révèlent également que la Résistance dans l'Aude s'est organisée dès l'automne 1941, grâce à une intervention extérieure au département. Grâce aussi aux intellectuels qui avaient fui la capitale en zone occupée et trouvés refuge chez Joë Bousquet. N'oublions pas les milliers de personnes en juin 1942 pour accueillir le maréchal Pétain à Carcassonne...

    Les passages en italique sont tirés du livre "Chaque homme est lié du monde" de Roger Stéphane.

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  • Les Jourdanne : Deux maires, une même famille...

    Gaston Jourdanne

    (1858-1905)

    Avocat de son état - il siège comme élu dans le Conseil municipal du maire Omer Sarraut, en mars 1887. Prenant le contre-pied de son éducation conservatrice et catholique, il se tourne politiquement du côté des anticléricaux du parti Radical. Après la mort soudaine d'Omer Sarraut, il occupe les fonctions de maire par intérim entre octobre 1887 et mars 1888. Sur plainte de l'opposition, qui l'accuse de fraude électorale, Gaston Jourdanne est condamné à un mois de prison.

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    © Chroniques de Carcassonne

    "M. Gaston Jourdanne, a été incarcéré ce soir, à deux et demie. Dès onze heures du matin, les gendarmes se présentaient, porteurs d'un mandat d'arrêt, à la porte de la maison qu'il habite, Grand-rue, 44. Ils sont entrés dans le magasin tenu rue Courtejaire, par Charles Jourdanne, et ont expliqué le motif qui les amenait. M. Charles Jourdanne leur a fait remarquer qu'il était chez lui, et leur a fait comprendre que, s'ils persistaient à entrer, ils s'exposaient à des poursuites graves pour violation de domicile. Ces gendarmes ont fait appel au Commissaire central, qui s'est rendu sur les lieux, accompagné de M. Béziat, deuxième adjoint. Ces magistrats n'ont pu vaincre la résistance opiniâtre de Charles Jourdanne, et ont été obligés d'aller chercher les ordres auprès de M. le procureur de la République.

    Mais la nouvelle s'était bientôt répandue dans la ville, et une foule nombreuse accourait de toutes parts, et attendait sous une pluie battante, le dénouement de cette affaire. M. Gaston Jourdanne après son retour de Lézignan, lundi soir, aurait voulu suivre sa musique, la lyre Carcassonnaise, seulement couvert sur sa tête d'une casquette de musicien en toile blanche. Cette imprudence fut cause que mardi matin, M. Jourdanne ne pouvait plus parler et resta au lit. Les médecins constatant son état lui recommandèrent le repos absolu. Cependant, le Parquet envoyait mardi soir les docteurs Cordes et Rigail qui, après vu le malade, constatèrent qu'une angine catarrhe s'était déclarée.

    Des ordres durent donnés, et la gendarmerie avisée d'aller procéder à dix heures à l'arrestation de M. Gaston Jourdanne. Mais devant la déclaration de la famille Jourdanne, la brigade entière a été appelée pour contenir la foule. Pourtant, force est restée à la loi ; et à une heure et demie, une civière a été requise pour transporter M. Jourdanne à la maison d'arrêt. 

    La foule était nombreuse de la rue Courtejaire à la prison. Quelques applaudissement ont éclaté devant la maison Jourdanne et devant la porte de la maison d'arrêt.

    (Le rappel de l'Aude / 21 juin 1888)

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    A la suite de cette affaire, Gaston Jourdanne ne pourra plus exercer de fonctions électives. Il se retire dans son domaine de Poulhariès à Carcassonne et se consacre pleinement à l'oeuvre félibréenne. L'ancien premier magistrat de la ville rédige de nombreux livres sur les traditions et la culture occitane. Il est également à l'origine du Comité des Cadets de Gascogne en 1898, dont ne nous reste que le feu d'artifice  tiré depuis les remparts de la Cité médiévale. Gaston Jourdanne pourra prématurément en 1905 à l'âge de 47 ans. Une place porte son nom, face au centre des impôts.

    Jules Jourdanne

    (1892-1983)

    naît le 21 novembre 1892 à Carcassonne. Il est le fils d'Alexandre Joseph Paul Jourdanne et d'Aurélie Passérieux, résidants à Cazilhac. Après ses études secondaires, il entre à l'Institut National agronomique et habite à Paris. Durant la Grande guerre, c'est un remarquable officier - lieutenant puis Capitaine - au 3e régiment d'artillerie ; ceci lui vaudra la Croix de guerre et la légion d'honneur. En 1921, Jules Jourdanne épouse Marie-Thérèse Ancelme avec lequel il aura une fille - Magali. Cette dernière se mariera avec Pierre Castel (dit de la Reille). En sa qualité de docteur en droit, il publie en 1928 "Les associations de fonctionnaires et le recours pour excès de pouvoir." En 1938, les époux Jourdanne habitent 3, square Gambetta à Carcassonne.

    Un maire nommé par Vichy

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    En février 1941 - sur décision du gouvernement de Vichy - Albert Tomey démocratiquement élu depuis 1919 à la tête de la ville est remplacé par Jules Jourdanne, maire nommé. C'est le cas - voir ci-dessus - d'un très grand nombre de maires de la zone libre. Jules Jourdanne dont la pensée politique avait suivi celle du maréchal Pétain au-delà de son admiration pour le vainqueur de Verdun, rassemblait toutes les qualités pour administrer Carcassonne selon les lois de Vichy. Le 11 mars 1941, le conseil municipal de Carcassonne compte dans ses rangs : MM. Combe, Nelli, Grossetête, Carrière, etc... (source : ADA 108W32)

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    Le Conseil départemental de l'Aude nommé par Vichy

    D'après l'historien Claude Marquié, Jules Jourdanne refusa de toucher ses indemnités de maire et se serait contenté d'expédier les affaires courantes de la ville, sans prendre une part active aux lois coercitives de Vichy. C'est ce qui sans doute lui a voulu de ne pas être inquiété à la Libération. (Les dimanche dans l'histoire / La dépêche)

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    © Martial Andrieu

    Jules Jourdanne, Philippe Pétain, le préfet Cabouat

    Le 14 juin 1942, Carcassonne reçoit la visite du maréchal Pétain et lui adresse un accueil des plus fervents. Ci-dessus, le maire Jules Jourdanne sort de la maternité de Carcassonne avec à ses côtés Philippe Pétain et Jean Cabouat, préfet de l'Aude. Le 24 août 1944, Louis Amiel - Président du Comité de Libération - remplace Jules Jourdanne qui se retire dans son domaine de Samary, situé à Caux-et-Sauzens. C'est dans ce village qu'il est inhumé depuis 1983.

    Généalogie

    Quel lien de parenté entre Gaston et Jules Jourdanne ? Le grand-père de Jules - Pierre Guillaume, né le 11 février 1827 - était le frère du père de Gaston - Jean-Pierre Hippolyte, né le 26 février 1822. Leurs parents : Alexandre Hippolyte (Marchand de cuirs) et Marie-Françoise Rieussec, habitant rue St-Vincent (actuelle rue Tomey). 

    Sources 

    Gallica

    ADA (Etat-civil et recensement militaire)

    Le rappel de l'Aude

    Merci à J. Blanco pour son aide iconographique

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  • Georges Antoine (1926-1945), héros de la Libération de la France.

    Georges Antoine

    est né le 11 juin 1926

    à Carcassonne.

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    Il n'a que 17 ans lorsqu'il décide de rentrer dans le combat clandestin contre les Allemands. Un peu maladroitement... Il s'adressa d'abord à un Maquisard nommé "Lecointre" près de Montolieu qui lui indiqua comment rejoindre le maquis : "Tu diras que tu viens de la part de Marcellin Horus". Ainsi, Georges Antoine pu rejoindre le maquis de Montolieu. Le dit "Lecointre" l'avait aiguillé vers le chef Marcellin Horus, qui était comme lui de Villesèquelande. Lorsque ce dernier l'apprit, il convoqua immédiatement un Conseil de guerre qui se tint chez M. Fraisse à St-Martin-le-vieil en présence de Pigauche, Horus, Bardou, etc...

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    Avec ses camarades à Villesèquelande

    La crainte de M. Horus fut que Georges Antoine qui aurait été vu quelques temps avant arborant l'insigne de la Milice à la boutonnière, ne dénonçât le maquis aux Allemands. Georges Antoine prouvera tout au long de sa trop courte existence son grand courage au combat. Après la Libération de l'Aude, il continuera la lutte au sein de la 2e Unité du 81e régiment d'infanterie - dit des "sans-culottes" fondé à Carcassonne le 16 décembre 1944.

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    A Strasbourg en 1944

    Son neveu a été le témoin des activités de son oncle et des évènements pendant l'occupation à Villesèquelande. Nous avons décidé de les retranscrire ci-dessous avec son autorisation.

    "Je vivais chez ma grand-mère et son compagnon Émile Goza qui était ouvrier agricole chez Campourci. Mes parents venaient et vivaient également dans cette maison avec mon oncle Georges Antoine. Je n'ai pas le souvenir de l'arrivée des Allemands au village, j'étais trop jeune. Je sais qu'il s'étaient installés dans la propriété Campourci qui se trouve à l'entrée de Villesèquelande. Je pense qu'ils étaient venus dans ce village car le général Sarrail y avait des terres et une maison. Ils devaient se délecter de venir envahir le patrimoine de celui-ci, même s'il était déjà disparu ; la première bataille de la Marne avait démontré que l'armée l'armée de Sarrail avait tenu. Le temps s'écoulant les maquis ont vu le jour et la résistance a commencé à s'organiser ; mon oncle était de ceux-là. Il transportait mitraillettes, grenades et munitions pour les maquis. Tout ceci était enterré dans le jardin que cultivait Émile Goza en face du cimetière. Ceux qui devaient récupérer le matériel avait comme signe le bras de la pompe du puits vers le bas. Il s'avère que deux soldats allemands qui étaient rentrés à la maison - ils faisaient comme bon leur semblait - se trouvaient là un jour où mon oncle Georges rentrait avec un sac à dos dans lequel il y avait une mitraillette et cent cinquante cartouches. Ils ont questionné ma mère en disant : "Terroriste, terroriste !" . Elle répondit : "Laboureur". Georges est parti vers ce qu'on appelait "la passade" ; je l'ai suivi, il voulait monter la mitraillette pour tirer sur les Allemands. Mon père l'en a dissuadé parce que tout le village aurait été peut-être massacré, en représailles.

    Quand en août 1944, le débarquement est arrivé, deux Allemands étaient dans la cuisine à côté du poste à lampe et disaient : "Reich Kapout". Émile Goza leur dit alors en patois : "Fichez-moi le camp d'ici". Ces allemands pleuraient en disant : "Demain Perpignan". En ce qui concerne la Libération de Villesèquelande, aucun coup de feu ; les allemands sont partis comme ils étaient venus, mais moins fiers et belliqueux. Cependant, sur la route de Bram se trouvait un camion. Marcellin Horus tenait une mitraillette et avait peur que ce camion ne soit piégé. L'attente à longue distance se déroulait quant un garçon du village et mon père ont bondi sur le véhicule en disant qu'il n'y avait pas de danger. En effet, ce camion était la propriété du boucher de Bram qui s'était vu prendre son véhicule par les troupes allemandes. Le camion étant tombé en panne peu après, ils l'avaient tout simplement abandonné. 

    J'ai également le souvenir qu'un lundi de pâques allant faire l'omelette sur l'herbe au château d'Alzeau, se trouvait dans un petit champ en bordure de la route, un petit char allemand qui certainement en panne, avait été sabordé par la troupe. Les allemands qui venaient sans être invités chez Émile Goza nous donnaient à ma soeur et moi des bonbons. Nos parents nous interdisent ensuite de les manger, car on nous avait dit qu'ils étaient empoisonnés.

    Un soir, nous venions avec ma tante Marie-Rose, mon grand-père et peut-être aussi ma cousine Monique de Carcassonne à Villesèquelande à pied (9 km). Heureusement, j'étais dans une poussette. Au niveau du plateau d'Herminis, le maquis a fait sauter un pylône. J'ai le souvenir du bruit de la déflagration et de ma tante qui invectivait ceux qui l'avaient fait sauter. Un soldat allemand est alors arrivé un fusil à la main et s'en est pris au grand-père, avant que ce dernier ne réussisse à lui faire comprendre qu'il n'était pour rien dans cette explosion. J'ai appris que ce soldat était venu en courant du poste qui se trouvait avant le pont qui enjambe la voie ferrée Carcassonne - Quillan. Ce poste était au service des eaux en bordure de la route."

    Mort pour la France

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    © MemorialGenWeb

    Le monument aux morts de Villesèquelande

    Georges Antoine a été mortellement blessé dans le nettoyage de la forêt noire avec la 1ère armée du Rhin. Il appartenait à la 2e compagnie du 81e RI de Carcassonne, formé à Carcassonne. Ces 2216 hommes comprenaient les bataillons de Picaussel, Rodez, de l'Aveyron, Janvier, des volontaires de l'Hérault, Myriel et du 2e bataillon de marche de l'Aude. Son corps fut exhumé et placé au cimetière Saint-Michel lors d'une cérémonie le 28 octobre 1945, au cours de laquelle Marcellin Horus prononça le discours suivant :

    "C'est au nom du conseil municipal et de la section des anciens combattants de la commune de Villesèquelande où Georges Antoine a vécu pendant plusieurs années jusqu'au jour de sa mort glorieuse ;  que je viens saluer en m'inclinant respectueusement devant la dépouille de notre ami et camarade.

    Devant ce cercueil j'ai le devoir de lui apporter l'hommage de la patrie et la cordiale et affectueusement sympathie de ses concitoyens. Il était au milieu de nous avant  le déchaînement de la tourmente. Nous l'avons connu plein de jeunesse et de santé. Hélas, la guerre l'a pris bien jeune. La destiné cruelle n'a pas voulu qu'il revienne vivant parmi nous où l'attendait l'affection de toute sa famille.

    A l'âge de 17 ans, il prit avec courage le chemin de l'honneur et c'est dans le maquis de la Montagne noire qu'il commença à combattre pour la Libération du sol Français. Engagé volontaire au 81e RI, il continuait à servir et le 16 août 1945, je recevais la confirmation officielle et combien pénible de sa mort au champ d'honneur pour la France. A ce titre, il est digne de notre gratitude, de notre admiration profonde mais que ton sacrifice soit une leçon pour nous apprendre à maudire encore et toujours la guerre et les fauteurs de guerre.

    Dors en paix Georges Antoine ! Que cette terre qui t'a vu naître et sous laquelle tu vas reposer, soit légère et que la présence devant cette tombe de tous ceux qui ont voulu te dire un dernier adieu, soit en même temps une atténuation à la douleur des tiens, une preuve de nos sentiments d'estime et de reconnaissance."

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    Marcellin Horus (au centre) et ses compagnons d'arme

    Sources

    Aude Horus

    M. Jean-Pierre Antoine

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