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Le poète Louis Aragon et son épouse ont habité à Carcassonne

 

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Louis Aragon

(1897-1982)

Le poète surréaliste Louis Aragon et son épouse Elsa Triolet s'installeront à Carcassonne durant trois mois, à partir du mois d'août 1940. Comme de très nombreux écrivains et artistes fuyant la capitale occupée par l'armée allemande, ils trouveront refuge en zone libre. Nous allons voir comment et dans quelles conditions, leur périple les a amené dans la capitale audoise.

Le communiste

Aragon est d'abord un intellectuel sympathisant du Parti communiste qui se félicite de la signature du pacte Germano-soviétique de 1939. Il suit la ligne du camarade Staline comme tous les communistes français et invite son gouvernement à se lier avec l'URSS. L'article qu'il écrit le 29 août 1939 dans "Ce soir" - journal dont il a la direction - provoque l'arrestation des communistes et l'interdiction du PC. Aragon se réfugie à l'ambassade du Chili sous la protection de son ami Pablo Neruda.

"Le pacte de non-agression avec l'Allemagne, imposé à Hitler qui n'avait pas d'autre possibilité que de capituler ainsi ou de faire la guerre, c'est le triomphe de cette volonté de paix soviétique. (…) Et que ne vienne pas ici comparer le pacte de non-agression germano-soviétique qui ne suppose aucun abandon de la part de l'URSS aux pactes « d'amitié » qu'ont signés les gouvernements toujours en exercice en France et en Angleterre avec Hitler : ces pactes d'amitié avaient pour base la capitulation de Munich… L'URSS n'a jamais admis et n'admettra jamais de semblables crimes internationaux. Silence à la meute antisoviétique ! Nous sommes au jour de l'effondrement de ses espérances. Nous sommes au jour où l'on devra reconnaître qu'il y a quelque chose de changé dans le monde et que, parce qu'il y a l'URSS, on ne fait pas la guerre comme on veut."

La débâcle de l'armée française

Après la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne, suite à l'attaque de la Pologne, Louis Aragon est incorporé comme médecin-auxiliaire. Il se trouve à la frontière belge et dirige une unité sanitaire composée d'étudiants. Le 26 mai 1940, Louis Aragon obtient une citation à l'ordre de la brigade. Pris dans la poche de Dunkerque avec une grande partie de l'armée française, il réussit à joindre l'Angleterre vers Plymouth. Le 2 juin 1940, il revient en France avec son unité et débarque à Brest. Après avoir été fait prisonnier à Angoulême, il s'évade avec six automobiles et trente hommes. On lui décerne une citation à l'ordre de l'armée pour avoir sous le feu de l'ennemi et au péril de sa vie, ramassé de très nombreux blessés. 

L'armistice de juin 1940

Louis Aragon tente de se rapprocher de son épouse Elsa, réfugiée à Bordeaux. Lui, se trouve à Ribérac en Dordogne. Le 28 juin 1940, ils se retrouvent enfin à Javerlhac où ils restent quelques jours. Il écrit "le lilas et les roses" et est démobilisé le 31 juillet 1940.

Ô mois des floraisons, mois des métamorphoses

Mai qui fut sans nuage et juin poignardé

Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses

Ni ceux que le printemps dans les plis a gardés

À Carcassonne...

Venus à Carcassonne pour rejoindre l'éditeur Gallimard qui possédait une propriété à Azille, le couple Aragon retrouve Julien Benda, Jean Paulien, Pierre Seghers et René Magritte chez Joë Bousquet - 53, rue de Verdun. Ce dernier avait ouvert sa porte à tous ses compagnons de littérature. 

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Chez Mlle Bayle - 24, route minervoise - Louis et Elsa demeurent d'août à décembre 1940 à l'étage d'un restaurant appelé "La grillade". Ils n'ont plus aucun revenu ; ils paient leur logeuse avec leurs droits d'auteur. Aragon rencontre Jean Paulhan dans un café de la ville ; il lui lit "Les lilas et les roses". Avec ce dernier, il va organiser la résistance intellectuelle au nazisme en montant une stratégie pour déjouer la censure de Vichy. Le 10 octobre 1940, Aragon et Paulhan mettent au point un code contre la censure.

"Dès Carcassonne, écrit Saoul. Aragon avait établi un plan de résistance littéraire légale. Son difficile combat durant la drôle de guerre lui avait prouvé qu'il pouvait continuer d'exprimer ses sentiments profonds par ses vers. Dans les nouvelles conditions créées par la défaite, l'occupation hitlérienne, le gouvernement Pétain, les censures de la Gestapo et de Vichy, il fallait organiser légalement, par le moyen de la poésie, un mouvement de résistance littéraire qui utiliserait avec la fiction et les contradictions de la Zone libre toutes les publications les plus diverses."

 Dans la cuisine de l'appartement où Pierre Seghers et Aragon se retrouvent régulièrement, le poète remet à son ami plus de la moitié des poèmes du "Crève-coeur".

"Les douleurs ne ressemblent pas, varient à l'infini. Ainsi le sombre malheur que nous éprouvâmes à Carcassonne, aux derniers mois de 1940 ne ressemblait-il à aucune des peines jusque-là connues. Une mélancolie comme l'immobile eau noire du canal, noire comme les cyprès de cette ville.

La citadelle croulante et factice...

Le vent. Et notre seul havre, la chambre obscure de Joë Bousquet, seule lumière, seule âme de cette ville aux portes closes, inhumaine. Non, il y avait notre logeuse, une vieille demoiselle qui s'était prise d'affection pour nous, et de nous voir si démunis, ne sachant qu'entreprendre, qui était prête à acheter une épicerie pour nous en confier la gérance." (Elsa Triolet)

Le 2 septembre 1940, le général Weygand décerne à Aragon la médaille militaire et la Croix de guerre avec palme. À Carcassonne, un dîner est organisé par J. Bousquet en l'honneur de cette distinction. Les écrivains Pierre et Maria Sire sont chargés de la besogne. Ainsi, autour d'une table dressée chez les Sire (18, rue porte d'Aude) dans la Cité médiévale, se trouvent Joë Bousquet, Louis Aragon, Elsa Triolet, René Nelli et son épouse. Bousquet épingle sa propre décoration de 1918 sur la veste d'Aragon.

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La maison Pierre et Maria Sire à la Cité

Durant la seconde moitié de décembre 1940, le couple Aragon quitte Carcassonne. Il se rend avec Pierre Seghers à Villeneuve-les-avignon. L'éditeur installa le couple aux Angles, dans une maison de curé.

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Louis Aragon, Elsa Triolet et Pierre Seghers en 1941 à Villeneuve-les-avignon

© Wikipedia

Que reste t-il du séjour de Carcassonne à Louis Aragon ?

Plusieurs poèmes dont "Ombres", "Richard II Quarante", "Zone libre", "Les croisés"...

Que reste t-il de Louis Aragon à Carcassonne ?

Pas même une plaque sur la façade du 24, route minervoise...

Remerciements

Madame Sylvie David

Abbé Jean Cazaux

Sources

Le temps des Bohèmes / Dan Franck

Aragon, un destin français / Pierre Juquin

Minuit / Dan Franck

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Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

Commentaires

  • Très bel article. C est passionnant de connaître ces choses du passé. Étant de Carcassonne, je ne savais pas. On devrait l apprendre à l école car ça touche notre histoire. Vraiment magnifique. Merci à vous de nous faire voyager dans le passé

  • Très bon article sur Aragon et les circonstances de son séjour à Carcassonne. Merci de reprendre la plume , bon courage ....
    S. David

  • De ce séjour carcassonnais, on peut en trouver des bribes dans sa correspondance, ainsi que dans ses volumes des "Communistes"; ainsi il y est question d'un instituteur, figure qui pourrait bien être celle de Pierre Sire, (au moment de l'arrivée des réfugiés d'Espagne (et le journal d'Aragon finance en partie le camp de Réfugiés de Montolieu), ensuite la caserne y est décrite, ainsi que quelques autres scènes, se déroulant pendant la guerre...C'est un gros pavé, mais l'écriture d'Aragon est tellement agréable à lire...

  • très émouvant cet article -on regrette de ne pas avoir pu rencontrer
    ces personnages- carcassonne : un nid d'artistes !

  • Merci pour cet excellent article. Pierre Sire s'est occupé des intellectuels et artistes Espagnols réfugiés à Montolieu. Il a organisé une exposition pour qu'ils présentent leurs œuvres. J'ignore les dates.
    Amicalement
    Sylvie David

  • Faut-il donner un nom de rue à tous les gens de passage? Beaucoup se gausse de Pezenas appelé "ville de Molière" alors que l'illustre comédien n'y aurait séjourné que trois jours!
    Louis Aragon, canonisé par les communistes de : " plus grands poètes de notre temps" est un personnage sulfureux qui ne peut être encensé que par ceux dont l'aveuglement tient lieu de système de pensée. Il est pourtant fort difficile d'écorner sa statue bétonnée par des décennies de mensonges. Je vais essayer en espérant que vous me pardonnerez mon insolence.
    D'après son ancien camarade Philippe Robrieux, c’était un "dandy secrètement travaillé par une attirance pour les jeunes gens" (Histoire intérieure du parti Communiste). Depuis la mort de sa femme, l’agent soviétique Elsa Kagan dite Triolet, notre "grand poète" avait ses habitudes au restaurant des Halles baptisé "Monsieur Bœuf". entouré d'un cortège de minets en costumes cintrés qu’il rinçait généreusement. Malgré quoi, d’ailleurs, il ne fit pas un geste pour sauver son beau-frère, Maïakovski, acculé au suicide par Staline qui le soupçonnait d’homosexualité.
    D’abord anarchiste, Aragon avait craché son mépris de "Moscou la gâteuse" et de la révolution bolchevique qu’il appelait "une crise ministérielle, tout au plus". Puis, le pouvoir des soviets installé, il s’était jeté dans les bras des staliniens en publiant dans L’Humanité un pamphlet intitulé "Guerre à la pensée française, guerre à la civilisation occidentale".
    Aragon fut aussi un fonctionnaire de l’écriture. Un "ingénieur des âmes" selon le mot de Jdanov qui l’avait mobilisé au service de la propagandastaffel stalinienne.
    Mais, avant tout, Aragon fut un traître.
    En 1925, dans "La Révolution surréaliste", conférence donnée à Madrid il déclare : "Nous sommes ceux-là qui donnerons toujours la main à l’ennemi".
    En 1926, dans sa "Lettre à Paul Claudel" où il écrivait : "Tout ce qui est français me répugne à proportion de ce que c’est français. Un Français ? Vous me prenez pour un Français ? Je me lève pourtant en face de cette idée, la bouche débordant d’imprécations. J’arrache de moi cette France qui ne m’a rien donné que de petites chansons et des vêtements bleus d’assassin."
    En 1927, en se désolidarisant publiquement "de tout ce qui est français, en paroles et en actions".
    En 1928, dans le manifeste "Révolution partout et toujours" où il appelait "les mongols à camper sur nos places".
    En 1929, dans son "Traité du style", où il énonçait : "J’ai bien l’honneur, chez moi, dans ce livre, très consciemment, de dire que je conchie l’armée française dans sa totalité".
    En 1937, Aragon approuva la sanglante pitrerie des procès de Moscou. En 1939, il applaudit le Pacte infernal Hitler-Staline.
    En 1940, le général Weygand (pétainiste) décerne à Aragon la médaille militaire et la Croix de guerre avec palme.
    En 1941, le "résistant" Aragon écrivit, un poème violemment anti-anglais sur commande du gouvernement de Vichy.
    En 1942, Aragon, interpellé par les nazis fut aussitôt remis en liberté avec un sauf-conduit officiel, ce qui ne l’empêcha pas de publier un recueil d’"Ecrits en prison" où il mêlait impudemment le récit de son infime mésaventure aux adieux déchirants des maquisards conduits au poteau.
    A la Libération, le "résistant" Aragon souilla ignoblement, la mémoire de Paul Nizan, héros tombé à Dunkerque parce que ce jeune militant communiste avait rompu avec le Parti au lendemain du Pacte Hitler-Staline.
    Aragon fut l’épurateur qui présida le tribunal d’inquisition stalinienne du "Comité national des écrivains", grand pourvoyeur de pelotons d’exécution.
    Il applaudit au "procès des blouses blanches", à l’issue duquel furent conduits au poteau des dizaines de médecins juifs ; l’adorateur du déserteur Thorez ; le contempteur des martyrs du Goulag ; l’insulteur des résistants hongrois massacrés en 1956 ; l’éboueur qui, sur ordre de Khrouchtchev, jeta aux ordures le Staline qu’il avait idolâtré et, plus tard, vomit Khrouchtchev sur ordre de Brejnev ; le renégat qui trahit son camarade Casanova sur ordre de Garaudy, puis son camarade Garaudy sur ordre de Marchais.
    En mai 1968, il minaudait devant Cohn-Bendit qui le traitait de "vieux con" préférant se faire débragueter par des enfants de maternelle que par des vieux cochons.
    C'est aussi le cocollabo qui approuva le "coup de Prague".
    Quant au "plus grand poète de notre temps", citons-le au Tribunal de l’Histoire :
    Le premier poème fut écrit en 1930 à la gloire des tueurs des abattoirs humains de la Gestapo bolchevique :
    J’appelle la terreur du fond de mes poumons
    Je chante le Guépéou qui se forme.
    En France à l’heure qu’il est je chante le Guépéou nécessaire de France.
    Le second fut éructé en 1932 à l’adresse du drapeau français :
    Les trois couleurs à la voirie Le drapeau rouge est le meilleur
    Leur France, jeune travailleur, N’est aucunement ta patrie.
    Quant au troisième, c’est un autoportrait où il décrit son propre personnage. Il avoue tout :
    Ceux que je fus sont à la fois Ses femmes et Barbe Bleue. Et maître de leur vie qu’ainsi qu’un assassin dissimulé dans la mémoire.
    Je les montrais aux lumières obliques des mots. On aurait entendu voler les mouches, j’ai pris sur moi le crime.
    Une infinité de crimes. Caché façon pagure dans
    La bouche noire des victimes. J’ai glorifié le meurtre avec la langue coupée la nuit avec les yeux crevés.
    Et le frémissement sans fin du sang qui fuit
    M’a fait la beauté des bouchers au crépuscule.
    Voila, pourquoi je ne souhaite pas que l'on donne le nom d'une rue de Carcassonne au "résistant", poète, et héros que l'on salue "les larmes aux yeux" et qui s’avouait lui même un "boucher".

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