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Seconde guerre mondiale - Page 49

  • L'Aude submergée par un flot de migrants

    Qu'ils arrivent par la route ou par le train, c'est un flot discontinu de migrants auquel le département de l'Aude est confronté depuis quelques mois. Le gouvernement français dépassé par l'ampleur du phénomène  tente de s'organiser après la débâcle de nos armées face à l'invasion allemande. Au début du mois de mai 1940, les nazis se sont emparés de la Belgique jetant sur les routes de France deux millions de ses citoyens  et avec eux des Luxembourgeois et des Hollandais - ils ne veulent pas revivre l'expérience des massacres perpétrés par l'armée du Kaiser en 1914. Vers le 4 juin, les armées alliées totalement dépassées par l'avancée de la Wehrmacht n'ont d'autre choix que de tenter de rallier l'Angleterre par Dunkerque. Bientôt les allemands seront aux portes de Paris qui se déclarera ville ouverte. Sur les routes, on observe un flot discontinu de civils en fille indienne qui faute d'avoir pu sauver leurs biens, tentent de sauver leur peau. Les plus fortunés fuient en voiture, les autres en charrette à bras transportant ce qu'il leur reste de souvenirs. Où vont-ils ? Le savent-ils eux-même ? Certains d'entre-eux ne verront pas l'inconnu, ils resteront inertes sur l'asphalte touchés par la rafale d'un Stuka de la Luftwaffe qui s'amuse à les dégommer du ciel - comme à la fête foraine. 

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    Les Belges sur les route de France

    A partir du 23 mai, un grande partie du gouvernement belge s'est repliée sur Poitiers. On compte 2 millions de belges, 50 000 Hollandais et 70 000 Luxembourgeois et bientôt 3 millions de français cherchant un point de chute en France. Trois départements seulement sont destinés à acceuillir les réfugiés : Hérault, Ardèche, Haute-Garonne. Tout ceci pose des problèmes de sécurité, mais les autorités françaises sont dépassées par le flot d'arrivants ; ceci ne va pas sans mesures policières afin de contenir l'exode et maintenir un peu d'ordre. Petit à petit la vie des réfugiés s'organise...

    Dans l'Aude, le préfet ouvre des centres de répartition à partir du 21 mai avec l'arrivée des premiers convois. Le ravitaillement des 25 000 exilés belges, luxembourgeois et hollandais s'établit à Carcassonne en juillet 1940 dans l'école Jean Jaurès, à la demande du préfet Sadon par Raymond Azibert. On y distribue de la nourriture provenant en partie de la Croix-rouge américaine. La préfecture organise la répartition des réfugiés dans toutes les communes du département via les centres d'accueil.

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    © DDM

    Militaires belges en exil dans l'Aude

    Les officiers du 4e régiment de grenadiers après un transit par le camp du Barcarès, arrivent par le train à Moux. Les civils seront logés dans des familles audoises qui feront tout leur possible pour leur être agréable. Pourtant le département de l'Aude est loin s'en faut le plus riche, mais l'élan de générosité supplante la misère.

     Après l'armistice signé par Pétain le 22 juin, un coup de poignard vient se loger dans le dos des belges. Des négociations s'ouvrent entre Hitler et le l'Etat Français. La France organise alors le rapatriement des réfugiés en train vers Gand et Bruxelles. A partir de la fin août, les communes de l'Aude doivent conduire les exilés étrangers et français vers les centre d'accueil de Narbonne (Ecole de Cité), Bram, Couiza et Carcassonne. Ils doivent s'y présenter avec leur certificat et trois jours de vivres. Le 21 août, un premier convoi de 1200 belges est formé à Narbonne.

    Les expulsés d'Alsace-Lorraine

    Le 7 août 1940, la Moselle se retrouve de fait annexée au Reich et sous l'administration du Gauleiter Josef Bürckel. Le lendemain, la préfecture de Moselle s'établit à Montauban. Les Allemands possèdent des fiches de renseignement sur les individus ayant préféré la France à l'Allemagne durant la Grande guerre. Les Mosellans sont alors jugés ingermanisables donc indésirables et expulsés de leur territoire. Les nazis entendent repeupler ce département avec des aryens provenant de la Sarre. On peut sans problème évoquer le terme d'épuration ethnique. Retenons simplement ce chiffre de 84 000 expulsés entre les mois de juillet et novembre 1940. Ils laissent sur place leurs maisons ; on ne leur permet d'emporter que 50 kg de bagages et 2000 francs vers la zone dite libre. Le départ se fait en bus jusqu'à Lyon d'où partiront 66 trains entre le 12 et le 23 novembre 1940, vers les département d'accueil du sud de la France.

     Le 21 novembre, Otto Abetz réussit à convaincre Hitler d'arrêter des expulsions jugées comme contre-productives. Le Gauleiter n'est pas de cet avis... Le 21 février, l'Allemagne créée une commission pour le rapatriement des réfugiés qui en feront la demande. Sur 749 demandes, seulement 82 seront acceptées. La commission sera supprimée trois plus tard.

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    ©shpn.fr

    Après le départ des belges, les audois accueilleront les Mosellans dans un pays où seul le vin coule à flot. Ils avaient déjà donné beaucoup aux belges, mais se sacrifieront quand même pour les nouveaux arrivants. Le centre de ravitaillement de Carcassonne à l'école Jean Jaurès poursuit l'aide aux réfugiés. Avec l'arrivée des Alsaciens les 8, 9 et 10 septembre il a distribué 43 188 repas pour 6000 personnes. Depuis son ouverture en juillet 1940, six ou sept normaliens de 18 à 20 ans de la région de Nancy rendent des services à la bonne marche du centre. Ils sont logés à l'école normale de Carcassonne dans le grand plus dénuement et sans ressources. 

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    © ASCOMEMO

    Chez Mme Courset à Coursan

    A partir de novembre 1940, plusieurs trains en provenance de Lyon acheminent les réfugiés Mosellans dans l'Aude. Le préfet Alapetite a ouvert deux centres d'acceuil ; l'un à Narbonne à l'école de Cité, l'autre à Bram (château de Lordat ?). Chaque centre est dirigé par un Commissaire de police chargé de faire remplir une fiche pour chaque expulsé. Elle doit comporter le nom du chef de famille, la profession, le nombre de membre de la famille, la commune d'origine. Un récépissé leur est ensuite délivré. Au bout du compte les familles réparties selon la commune d'origine seront dirigées vers une ville ou un village du département. Par exemple, les villageois de Vaux logeront à Conques-sur-orbiel.

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    © ASCOMEMO

    La famille Adrian d'Haboudange

    Les Audois feront ce qu'ils peuvent afin de loger au mieux les réfugiés, en partageant leurs maigres ressources. Ces derniers leur apprendront à se méfier des Allemands ; certains aideront les maquisards. A Carcassonne, ils fondent chez Miailhe au Café glacier le "Groupement des expulsés de Lorraine et d'Alsace de Carcassonne et du département de l'Aude". Le 7 décembre 1941, la préfecture les autorise à fêter St-Nicolas ; un char défile autour des boulevards et une gerbe est déposée au monument aux morts. Dans la salle du Café glacier, les enfants reçoivent des jouets et des friandises. 

    A la fin de la guerre, lorsque les Mosellans expulsés rentreront chez eux ils ne découvriront que des ruines, leurs maisons sans leurs meubles et dans un triste état. Jamais ils n'oublieront la générosité des Audois ; c'est parce qu'aujourd'hui la génération qui pouvait témoigner s'éteint lentement qu'il faut rappeler ces souvenirs de fraternisation. 

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    A Carcassonne, au pied de la statue de Jeanne d'arc... une plaque commémorative inaugurée en mai 1945, témoigne de la reconnaissance des Mosellans. 

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  • La conférence Anti-maçonnique de Robert Vallery-Radot, le 26 octobre 1942

    Que l'on le veuille ou pas ; que l'on l'accepte ou pas... Carcassonne a toujours été une ville conservatrice et profondément catholique. Elle se distingue en cela de sa rivale Narbonnaise, beaucoup plus laborieuse et populaire. Il y a dans la capitale audoise depuis fort longtemps une bourgeoisie qui dirige ou qui pèse fortement sur sa destinée. Quand on nous parlons d'élan bourgeois, nous ne faisons pas de distinction entre ceux de gauche et ceux de droite. Le Radicalisme socialiste a prouvé dans notre région qu'il s'accommodait fort bien de la politique de Vichy. Il n'est d'ailleurs pas étonnant de voir quelques noms célèbres localement émerger aux côtés des maréchalistes, dès 1940. Dans ce contexte, doit-on s'étonner de voir l'écrivain catholique Robert Valléry-Radot au Théâtre municipal, le 26 octobre 1942 ?

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    Qui est Vallery-Radot ?

    Robert Vallery-Radot (1885-1970), croix de guerre et légion d'honneur à la boutonnière pour ses faits d'armes durant la Grande guerre est ami de Mauriac et Bernanos avant 1914. Tenté par le fascisme en 1930, il milite contre la Franc-Maçonnerie et publie de nombreux ouvrages sur ce thème. En 1940, il rejoint le régime de Vichy et doit s'exiler en Espagne à la Libération pour échapper à l'épuration. Après l'amnistie, il est ordonné prêtre en 1953 et finit ses jours à l'abbaye cistercienne de Bricquebec (Manche). Il prend le nom de père Irénée.

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    Dans son ouvrage "La contrition de Joë Bousquet", le chanoine Sarraute indique que Vallery-Radot s'est rendu au chevet de Joë Bousquet en 1942 : "Admirateur du poète François-Paul Alibert qui était un ami de Joë Bousquet et plus qu'un ami, une sorte de maître, c'est certainement en sa compagnie qu'il vint le voir." Radot rendit compte de sa visite au chanoine Sarraute en ces termes à propos de Bousquet : "C'est un gnostique". (...) Il lit Erigène, Saint-Jean de la Croix, mais il n'y a pas chez lui la moindre pratique."

    La conférence

    "En présence d'un public attentif et nombreux M. Vallery-Radot fait un historique très documenté de la Franc-Maçonnerie rappelant ses origines à Londres, en 1777, d'où elle s'étendit immédiatement en France, tout en restant sous l'obédience du roi d'Angleterre et de deux pasteurs anglicans qui édictaient les mots de passe. 

     L'orateur met en évidence la coopération d'idées et d'action de la City anglaise et de la F-M, l'influence néfaste des écrivains français du XVIIIe siècle tels que Voltaire, Montesquieu, Diderot qui symbolisent l'esprit maçonnique, et on arrive aux déplorables résultats dont nous supportons les funestes conséquences.

    M. Vallery-Radot montre que les adeptes de la secte sont de trois sortes : les naïfs, les fanatiques et les profiteurs. Il espère que les premiers auront compris ; quant aux autres, il déclare qu'ils doivent cesser de nuire. L'orateur insiste sur l'action criminelle conjuguée de l'Angleterre et de la F-M pour nuire à la France. Il rappelle les évènements de Fachoda, la scandaleuse attitude des francs-maçons qui, en juin 1917, tenaient un congrès à Paris pour empêcher la paix avec l'Autriche qui aurait mis fin à la guerre un an plus tôt. Il dénonce le rôle d'hommes d'état américains et anglais dont le but était d'asservir la France comme le montrent les plans Young, Dawes, etc... et flétrit l'alliance de la finance internationale de la Cité de Wall-Street, cimentée par les liens maçonniques.

    Aussi, M. Vallery-Radot n'hésite pas à affirmer que les responsables de la défaite sont les francs-maçons alliés aux juifs et soutenus par le communisme destructeur. La guerre actuelle, dit-il, est une guerre d'idées qui met d'un côté les barbares d'Asie alliés aux juifs et aux maçons et de l'autre les défenseurs de la civilisation européenne. Il faut prendre position et l'orateur conclut en proclamant que la France, fière de son passé à ses traditions, ne peut pas hésiter et confiante dans son destin suivra les directives du Maréchal qui lui a montré la voie de la renaissance et de la résurrection."

    (L'Eclair / 1942)

    Si de nombreux catholiques ont été bercés par la propagande de Vichy, c'est qu'ils se faisaient la même idée que Vallery-Radot sur le déclin de la France, ci-dessous exprimée en 1941. Une idée qui n'a pas disparu... Le discours de M. Valléry-Radot résumé par l'Eclair en 1942, a encore aujourd'hui un côté très contemporain. Ce qui est intéressant à étudier, ce sont les rapports sociologiques et idéologiques assez troublants entre Carcassonnais, que l'on nous présente depuis 1944, à priori, comme opposés.

    "Il ne s’agit pas de savoir s’il y a tel ou tel Juif qui a bien servi la France (il en existe certes et nous en connaissons), mais si, dans son ensemble, la nation juive, par sa conception économique du monde, autant que par le ferment révolutionnaire qu’elle porte héréditairement en elle, a tenté par tous les moyens de dissoudre la chrétienté. Or, les faits sont là."

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  • Lucien Roubaud (1906-1999), un grand Résistant oublié...

    Lucien Roubaud naît en 1906 à Toulon. Il est orphelin ; son enfance très pauvre aurait pu le conduire sur des chemins pas très fréquentables, s'il n'avait eu l'opportunité de se réfugier dans les études grâce au secours des bourses. Admis à l'Ecole Normale Supérieure en 1926, c'est là qu'il fait la connaissance de Suzanne Molino - sa future épouse. Suzanne sera l'une des trois premières femmes admises à l'ENS ; une situation extrêmement rare pour l'époque. C'est à l'intérieur de ce creuset normalien qu'ils font la connaissance de leurs amis Simone Weil et Georges Canguilhem - né à Castelnaudary et futur résistant.

    lucien roubaud

    Lucien Roubaud

    Après son agrégation en 1935, les deux époux sont nommés en Corrèze avant d'arriver à Carcassonne à l'automne 1937 avec leurs enfants. Parmi eux se trouve Jacques Roubaud - mathématicien et écrivain - dont nous parlerons dans un prochain article. Suzanne et Lucien Roubaud enseignent au lycée de Carcassonne respectivement, l'anglais et la philosophie. Le nouveau professeur reprend la poste laissé vacant par de Ferdinand Alquié, nommé au lycée Condorcet à Paris.

    lucien roubaud

    Laissons à Jean Cau - secrétaire de J-P Sartre et Prix Goncourt 1961 - qui fut son élève à Carcassonne, le soin de nous raconter les méthodes d'enseignement de Lucien Roubaud.

    "Un colosse sportif et qui nous initiait à la philosophie avec un santé de champion ; et qui réussissait à nous parler des Descartes comme d'un athlète qui aurait hésité entre jouer au rugby et écrire "Le discours de la méthode". Du sport, avec Roubaud, la philo. Un joyeux exercice pour soulever, comme haltère de plume, les concepts. Un matin d'hiver, je ratai, avec ma grosse boule de neige, dure et tassée, le copain que je visais et la boule vin s'écraser sur la tête de M. Roubaud. Pile.

    - Je dois vous punir, mais choisissez la punition.

    - Un sonnet, Monsieur

    - Très bien. faites-moi un sonnet. Voici le titre : Boule de neige.

    Je composai le sonnet. Et, à partir de ce jour, à chaque fois que je chahutais en classe, la sanction tombait."

    lucien roubaud

    La maison, rue d'Assas à Carcassonne, où vécut la famille Roubaud pendant la guerre.

    La Résistance

    Lucien Roubaud - avec le soutien de sa femme - va peu à peu s'affirmer comme l'un des dirigeants de la Résistance régionale. Du côté de sa belle famille Molino, sa belle-mère Blanche, cachera des juifs pendant l'occupation ce qui lui vaudra le titre de Juste parmi les Nations : Caroli Brulh, Levy Bruel, Renée Mayer, Nina et Georges Morguleff. Ce dernier entrera dans la Résistance audoise aux côtés de Lucien

    lucien roubaud

    Georges Morguleff

    Voici comment Lucien Roubaud entra en Résistance :

    " Au début, je n'ai pas eu d'autres contacts que celui de mes amis, de mes relations habituelles. Tenez, un exemple... C'était peu après l'Armistice. Un élève qui s'appelait Astruc, qui n'était pas dans ma classe mais que je connaissais au club de football, est venu me voir chez moi. Il m'a dit : "Je veux partir à Londres..." Son père était colonel ou général d'aviation. Il avait pris contact avec des aviateurs.  Je lui ai répondu : "Je pars aussi s'il y a de la place..." Une petite valise, une brosse à dents, nous avons filé vers l'aérodrome... Hélas, ce fut un départ manqué... Sans doute n'était-ce encore que des enfantillages, mais qui montraient notre désir que les choses ne s'arrêtent pas là...

    lucien roubaud

    A. Picolo après son retour des camps

    L'affaire est devenue eu peu plus sérieuse avec Albert Picolo qui, avant d'être déporté à Buchenwald a, sans doute, été le premier organisateur de la Résistance dans l'Aude. Ancien candidat socialiste à Carcassonne, Picolo était, comme moi, professeur au lycée, mais il avait été révoqué dès le début par Vichy. Il connaissait beaucoup de socialistes aussi quelques communistes. Le magasin de sa femme, qui était pharmacienne, était devenu un lieu de rendez-vous. Je me souviens, que fusil de chasse à la main, nous partions avec lui reconnaître les endroits où ultérieurement nous pourrons faire des embuscades.

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    L'ancienne pharmacie Picolo, avenue Bunau-Varilla

    Plus sérieusement, nous faisions aussi de la propagande orale et nous menions campagne contre les quelques pétainistes de l'endroit. Nos propos trouvaient un écho certain auprès des petits commerçants du quartier : le réparateur de vélos, le menuisier, le tonnelier, etc... C'était limité, mais c'était très net. Nous nous sommes manifestés plus ouvertement lors de la cérémonie du 11 novembre 1940... Ainsi, au fil des mois, avons-nous monté plusieurs manifestations, dont celle où Picolo a arraché le bouquet qu'on venait de remettre à un allemand (Le SS Dr Grimm, NDLR) qui venait faire une conférence à Carcassonne. Peu à peu ces manifestations ont pris de l'ampleur."

    Lucien Roubaud allait prendre du galon au sein de la Résistance, d'abord comme responsable régional du journal "Combat" puis du M.U.R (Mouvements Unis de Résistance) pour la R3. C'est-à-dire Aveyron, Aude, Hérault, P-O, Lozère et le Gard. Il se heurta aux refus politiques régionaux de certains, qui selon lui " durent se régler au niveau national". Henri Noguères fut de ceux-là... Faut-il s'étonner que le nom de Lucien Roubaud ne figure pas dans son ouvrage de 3500 pages en cinq volumes " L'histoire de la Résistance en France". Une omission coupable sans doute, du célèbre historien, malgré l'importance de Roubaud comme président du Comité Régional de Libération et au sein de l'Assemblée Consultative Provisoire en 1946. C'est d'ailleurs cette nomination qui motive son départ pour Paris la même année, où il logera... dans la rue d'Assas située dans le Vie arrondissement de la capitale.

    Le fondateur du Midi-Libre

    Le journal de Montpellier "l'Eclair" qui paraissait sous l'occupation est dissous à la Libération. Il est repris en main par la Résistance régionale et c'est Lucien Roubaud qui trouve le nouveau nom. Le Midi-Libre paraît pour la première fois le 27 août 1944. Lucien Roubaud nomme à la direction du quotidien Armand Labin dit Jacques Bellon dans la Résistance. Il sera l'époux de Denise Hulmann (Bellon) à qui l'on doit les nombreuses photographies du poète Carcassonnais Joë Bousquet.

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    Le 27 août 1944

    Après une retraite dans l'Aude, le couple Roubaud s'en est allé discrètement. D'abord Suzanne en 1993, puis Lucien six années plus tard. On aimerait aujourd'hui avoir leur opinion sur la prise en main récente du Midi-Libre par l'ancien journal Radical-socialiste longtemps financé par René Bousquet - chef de la police de Vichy. 

    A savoir que « La Dépêche », premier quotidien régional français de l'époque, a collaboré avec l'Allemagne nazie pendant quatre ans et 1.500 numéros, en enfonçant le maréchal Pétain, en traitant les résistants de « terroristes » et « d'étrangers », de Gaulle de « traître » et de « lâche » et en disqualifiant les juifs. « Le juif doit vivre au grand jour », lit-on, le 23 novembre 1941, dans un article sur les dispositions l'écartant des sociétés anonymes pour l'empêcher « de devenir nuisible, le protéger de ses propres instincts ». « La Dépêche », interdite de publication le 20 août 1944, sera autorisée à reparaître le 22 novembre 1947 sous son nouveau nom « La Dépêche du Midi ». (Les échos / 3 mai 2001)

    Ne cherchez pas de nom de rue "Lucien Roubaud" ; il n'appartenait à aucun parti politique. Il faut penser que dans cette région, la carte de membre a suffi à certains pour se construire un postérité à laquelle ils étaient assez loin de pouvoir prétendre. Aux vrais résistants le sens du devoir accompli, aux autres les médailles...

    Sources

    Chronique de la Résistance / Alain Guérin / 2010

    La boucle / Jacques Roubaud / 1993

    Midi-Libre : Un journal dans sa région / 1995

    Croquis de mémoire / Jean Cau / 1985

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