Le 12 août 2014, j'évoquais l'histoire de la disparition du cadavre d'un responsable de la Résistance, retrouvé calciné le 6 septembre 1944 en bordure de la route menant au Mas-des-cours. Il s'agissait de Noël Blanc, alias Charpentier, envoyé par Londres pour enquêter sur la disparition d'une grosse somme d'argent destinée aux maquis, après un parachutage. Il est indispensable que vous relisiez cet article en lien ci-dessous afin de comprendre ce qui va suivre :
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Depuis ce temps, je me suis rendu aux archives départementales de l'Aude où j'ai tenté de retrouver certains dossiers jusque-là classifiés. J'ai découvert les dépositions des témoins ayant découvert le cadavre, quelques rapports de police, les lettres du préfet et les sanctions prononcées contre un de ses agents. Voilà un puzzle, qui reconstitué, va nous éclairer sur cette ténébreuse affaire...
C'est là... sous ce ponceau situé à 800 mètres de la ferme de Cassagnac en direction de Fajac-en-val qu'a été découvert le cadavre de Charpentier.
La découverte du cadavre
Le 7 septembre 1944, Jean Labadie et Henri Mas, Maréchaux-des-logis chef, rédigent un rapport dans lequel ils indiquent avoir été prévenus par le Président de la Commission de Libération de Palaja, de la découverte du cadavre d'un homme sous un ponceau de la route départementale 42, à proximité de la ferme Montgrand, en direction du Mas-des-cours. Ce sont deux hommes qui, partis pour chercher des champignons, ont fait la macabre découverte en voulant cacher leurs bicyclettes sous ce ponceau. Il était impossible d'apercevoir le corps depuis la route ; l'entrée du petit pont était obstruée par quelques ronces.
Constatations sur la victime
Le corps était allongé de tout son long, la face tournée vers le haut et les mains crispées repliées vers le milieu du corps. Après avoir été arrosé d'un liquide inflammable, le ou les assassins ont mis le feu au cadavre qui a été entièrement brûlé. Une quinzaine d'allumettes ont été allumées et jetées près du corps. La victime était habillée d'un costume bleu marine avec rayures blanches, une chemise gris-bleu à manchettes, nu-tête, les chaussures complètement détruites par le feu. On a retrouvé des boutons de manchettes qui ont été déposées comme pièces à conviction. La victime a été tuée à l'aide d'une arme à feu et transportée ensuite en ce lieu désert, puis incendiée avec un liquide inflammable. Aucune douille n'a été retrouvée à proximité ou dans les environs. Aucune pièce d'identité n'a pu être trouvée sur lui.
Les témoins
M. Ricard Joseph, Président de la Commission de Libération de Palaja, déclare à 17h :
"Aujourd'hui, six septembre 1944, vers 12h45, j'ai été avisé par les nommés Plantier et Roquefort, tous deux de Carcassonne, que le cadavre d'un homme, se trouvait sous un ponceau de la route départementale N°42 de Palaja à Fajac-en-val, à 3,5 km au sud-est de Palaja. Je vous ai avisé aussitôt et j'ai mandé d'urgence un docteur en médecine. Je ne me suis pas rendu sur les lieux avant votre arrivée. Je ne connais pas cet homme comme étant de la région. Dans ma commune aucune disparition ne m'a été signalée. Durant ces derniers jours, je n'ai remarqué aucun véhicule suspect passer à Palaja. Cette route avant la rentrée des F.F.I à Carcassonne, était peu fréquentée ; il n'en est pas de même actuellement."
Laganthe Élie, 73 ans ; André Besse, 38 ans et Rios Narcisse, 46 ans ; demeurant respectivement à la ferme Montgrand (située à 500 mètres) et à la ferme Cassagnac (située à 800 mètres), n'ont rien entendu et n'ont rien vu de suspect.
Pierre Roquefort, 38 ans, chauffeur domicilié à Carcassonne et son camarade Plantier Étienne, 46 ans, mécanicien à Carcassonne ont déclaré avoir découvert le corps en allant aux champignons, le 6 septembre 1944. En voulant cacher leurs vélos, ils ont vu un homme étendu sous le ponceau au petit matin. Avec l'obscurité, ils n'ont d'abord pas vu qu'il s'agissait d'un cadavre, mais plutôt un individu en train de dormir ou encore un "bôche". Après leur cueillette, ils sont retournés à midi voir si l'homme y était toujours. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il se sont aperçu avec le jour, qu'il s'agissait d'un homme carbonisé.
Certificat médical
Le Dr Henri Piétréra, médecin assermenté a constaté que la victime avait tué par une balle de révolver ayant pénétré dans l'espace inter-uno vertébrale gauche et est sortie en avant au-dessus de la clavicule gauche. Le corps a été brûlé après la mort.
L'enquête
Elle mènera à la clinique du Bastion de Carcassonne, après la réouverture de l'enquête suite au décès suspect du Dr Cannac dans cette même clinique. Il semble évident qu'une partie de la Résistance ait occis Charpentier. Mais qui ? L'infirmière Thérèse Paillet s'accuse du meurtre ; elle indique que Charpentier l'avait menacé de ses avances et qu'elle a agi par légitime défense. Puis, elle se rétracte... Elle accuse le Dr Cannac d'être l'assassin car il fallait l'éliminer, c'était un traître. Thèse également soutenue par une partie des Résistants mais démontée par l'autre partie. Qui croire ? Facile de faire porter la responsabilité sur un défunt ; le Dr Cannac venu se suicider (chose étrange) depuis Antibes - où il s'était réfugié après la guerre - le lendemain dans la clinique Delteil. Tout ceci va créer un véritable émoi dans la presse locale et la presse nationale ; détective et Paris-Match font leur gros titre.
On étouffe l'affaire ?
J'ai retrouvé une lettre du Préfet de l'Aude datée du 28 novembre 1952. Elle adressée au Ministre :
"Cette affaire est de nature à avoir des répercutions considérables dans mon département et peut-être même sur le plan national, en faisant hâter le procès du ou des assassins de Charpentier (Blanc) et de mettre en cause un certain nombre de personnes considérées comme honorables."
Des documents disparaissent
Parmi les policiers Carcassonnais épurés (ils sont nombreux), J'en ai trouvé un qui a été sanctionné pour avoir participé aux activités pro-allemandes et pour avoir faire disparaître des documents très importants du dossier d'enquête de l'affaire Charpentier. Tiens donc...
On sait où est Charpentier
Ce cadavre inhumé à Saint-Michel dans la tombe 17, puis placé dans le caveau des martyrs de la Résistance, avant d'être envoyé à Chäteauneuf (Vosges) à la demande de la veuve, n'a jamais été celui de Charpentier. On a subtilisé le corps à la morgue, afin qu'aucune nouvelle autopsie ne puisse être pratiquée, tout en plaçant deux individus inconnus dans le cercueil. Plus de corps, beaucoup moins de chances de résoudre l'énigme du crime... Mais alors, où est passé le corps de Charpentier ? Nous avons trouvé la réponse manuscrite au bas d'un document confidentiel de la police, en date du 24 décembre 1953. Nous sommes à cette époque en plein procès de l'affaire Delteil, Cannac, Charpentier...
"On ne le retrouvera pas. Il est enterré avec le corps de miliciens"
Au début du mois de septembre 1944, certains miliciens Carcassonnais (n'ayant pas pu fuir) ont été fusillés à la caserne Laperrine. Qui a pu placer le corps de Charpentier avec celui des Miliciens ? J'ai mon idée... L'implication de certains Résistants à faire disparaître un responsable venu enquêter sur le vol d'argent parachuté, me semble se faire plus nette. Qu'entend le Préfet par "personnes considérées comme honorables" ? Qui a t-on voulu protéger ?... Je vous invite à regarder les élections d'après-guerre, vous verrez des amitiés de circonstance faire alliance en dépit d'idéologies politiques à priori opposées. Carcassonne conserve encore ses secrets...
Sources
Archives de l'Aude
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