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Seconde guerre mondiale - Page 57

  • Les lettres de dénonciation sous l'occupation à Carcassonne

    Loi du 25 octobre 1941 votée par le gouvernement de Vichy fait de la dénonciation une "obligation légale".

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    En zone sud, c'est la Légion Française des Combattants qui remplit cet office dès 1940. À Carcassonne, son siège se situe au numéro 1 de la rue de Verdun et utilise ses chefs de quartiers dont la plupart sont commerçants, pour surveiller la population. Puisés parmi les anciens de 14-18, un bon nombre d'entre-eux démissionneront de leurs fonctions en 1942, sentant sans doute le mauvais chemin que prend Pétain sur la voie de la collaboration. Les raisons menant à délation sont multiples : Personnes de confession juive, communistes, propos anti-maréchal ou pro-gaullistes, marché noir, réfractaires au S.T.O, résistants, etc...

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    Si la dénonciation est de notorité publique pendant Vichy, on se garde bien de parler de celle qui s'exerça à la Libération ; fortement encouragée par les nouvelles institutions politiques. Dans cet article, j'ai souhaité équilibrer et montrer combien l'homme peut être vil par cupidité ou par vengeance personnelle. Ceci en dehors de toutes considérations morales ou politiques. Voici donc quelques lettres de dénonciation bien de chez nous, provenant des archives de l'occupation.

    Sous Vichy...

    6 février 1942

    (Anonyme)

    Monsieur,

    Mme X de la ferme du Viviès, commune de Arques (Aude), vend du lait fraudé et écrémé à raison de 3 francs le litre alors qu'ailleurs on vend du bon lait à raison de 2,80 francs le litre. Veuillez vous occupez de cela car c'est honteux ce qui se passe dans ces campagnes.

    Camurac, 7 février 1942

    (Anonyme)

    Il est deux ou trois petits morveux de 15 ou 16 ans, qui n'ont trouvé aucun autre amusement que de danser. Ils ne se doutent pas qu'il est interdit de danser surtout à l'heure où la France traverse la période la plus tragique de son histoire. Aux jeunes qui sont là-bas dans les camps en Allemagne, aux jeunes qui se battent en Tunisie, ne pensent-ils pas à tout cela ? Sans doute que M. le maire ne doit pas savoir tout ça, sans cela ils seraient tous en boite, car digne de emploi, assure avec honneur, fidélité et loyalisme les fonctions qu'il occupe.

    Sans Date, dactylographiée

    (Signé S, 49 allée d'Iéna)

    Comment se fait-il que chez Monsieur R, rue J.J Rousseau 7, on ait droit à avoir 1 et parfois 2 à 3 litres de lait alors que personne n'a un régime dans cette maison ? Est-ce simplement parce que ces gens sont riches, qu'ils ont de quoi manger contre le lait, en marchandises quelconques. Le tout est que chaque soir, nous voyons que la bonne de M. R aller chercher le lait, sans compter celui que l'on doit ensuite lui passer en cachette. C'est le laitier D, allée d'Iéna qui fournit ce lait. Pourquoi n'en ont-ils pas eu assez pour leurs clients habituels, alors qu'ils en passent à ceux qui n'y ont pas droit.

    Carcassonne, le 7 septembre (?)

    (Signé par 2 légionnaires)

    Monsieur le Préfet,

    Il serait obligatoire de faire un bon nettoyage dans notre hôpital. Le médecin chef Monsieur S est un hommes dangereux pour la société. Le jour du 14 juillet avec son fils publiquement, ils ont déchiré leur carte de légionnaires. Ils font de la propagande gaulliste, antigouvernementale contre le Maréchal et Laval. Ils parlent dans des termes défaitistes, contagieux, irrespectueux. Cet individu est un anormal, déséquilibré héréditaire, amoral, d'un exemple néfaste ; sa conduite dégoûtante, son cabinet est un office d'avortement pour ses maîtresses. C'est un scandale, avec sa maîtresse l'infirmière T, ils vont au Terminus se saouler à l'éther. Cette infirmière est après cela d'une rudesse méchante avec les malades. Elle se rend coupable de vol du lait au profit de son amant. Avec le cuisinier communiste, nous les avons vu cracher dans les marmottes de la cuisine. Faites Monsieur le Préfet une enquête et vous aurez la vérité. cet homme est dangereux, c'est un scandale une conduite aussi dégoûtante quand on occupe un emploi aussi public, on doit se respecter, il fait partie de l'ordre des médecins et il garde l'essence pour promener son infirmière.

    Azille, le 28 septembre 1941

    (Signé A, ancien combattant légionnaire)

    A Monsieur le Ministre de l'Intérieur,

    Il me serait intéressant Monsieur le Ministre de savoir une petite question au sujet des lois depuis notre nouveau gouvernement. Depuis quand notre chef d'état à autorisé les étrangers résidant en France à insulter notre chef et ainsi qu'à tous les Français comme nous avons entendu de vive voix du sieur Portugais, Joaquim, résidant à la campagne St-jean par Rieux-Minervois, de lâche...etc. Si parfois nous ne sommes pas protégés par nos chefs, que cela va devenir de nos anciens combattants de 1939-1940 ? Tenons à vous signaler ce cas.

    Sans date

    Monsieur le chef,

    Je tiens à vous prévenir qu'il se passe à Sallèles-d'Aude des choses tout à fait injustes. J'ai déjà réclamé à la gendarmerie de Ginestas, mais je vois qu'il n'y a pas eu de suite. Je tiens donc à vous dire qu'il a à Sallèles d'Aude un tailleur réfugié, nommé Rubinstein Adolphe, d'origine Israélite. Il achète du tissu au marché noir et les revend à des prix fous. Il a chez lui tout un stock de tissus, et nous Français nous devons nous laisser faire. C'est une honte. J'espère que vous ferez votre devoir en bon Français et que vous donnerez des suites à cette affaire. Car si cela ne suffit pas, je m'adresserai plus haut. Il y a aussi une jeune fille chez lui qui court dans tout les villages et achète de tout, et marchande avec tous les paysans. J'espère donc que vous y donnerez des suites.

    9 juin 1942

    Monsieur le Directeur,

    Je tiens à vous prévenir d'un fait grave à la tranquillité du pays. Il y a à Sallèles d'Aude un réfugié nommé Silberwasser Adolphe, qui exerce la profession de tailleur dans ce village. Mais c'est une vraie honte ! Il fait du marché noir tant qu'il peut. C'est nous Français qui nous laissons mener par des étrangers venus en France pour nous exploiter tant qu'ils peuvent. Il enlèvent le travail aux Français. Ils viennent jusqu'à Narbonne pour prendre du travail. C'est notre gagne pain qu'il viennent prendre, tous ces étrangers. J'ai déjà écrit plusieurs fois mais je vois que tout cela n'a pas d'effet. Ils vendent des costumes de 3000 à 5000 francs. Alors je tiens à vous prévenir que si vous ne vous occupez pas de cette affaire, c'est à Vichy que je ferai poursuivre l'affaire. J'espère que vous aurez compris. Au nom des Français, merci d'avance.

    Lettre du 4 août 1944

    V. Louis, né le 5 juillet 1898 à Bize (Aude) de Philippine et feue Cros Rosalie, marié, sans enfants, exerce à Bize la profession de camionneur.

    V. a toujours été considéré à Bize comme le principal meneur communiste de la localité. À ce titre, il s'est présenté aux élections cantonales et municipales de 1934 et 1937. Largement battu, il n'en a pas moins continué une active propagande en faveur du Parti communiste. Bien que depuis la démobilisation , il ne se soit pas fait remarquer au point de vue politique, il figure sur la liste "S" de l'arrondissement de Narbonne et il était activement surveillé.

    Vers la mi-juin 1942, il fut accusé par Monsieur L, Président de la délégation spéciale de Bize, d'avoir tenu des propos antinationaux au café Serres. Il aurait déclaré en présence de C (Communiste) et A (Royaliste) : "Le gouvernement que nous subissons ne tiendra pas toujours et alors le mot d'ordre sera celui de Simon de Montfort : Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens.

    À la Libération...

    Carcassonne, juin 1945

    J'ai l'honneur de porter à votre connaissance un renvoi politique d'un patron coiffeur de Carcassonne, que vous qualifieriez je l'espère de mauvais français.

    J'ai débuté comme apprenti chez Monsieur L, rue Pinel à Carcassonne, le 11 mai 1945 pour avoir fêté la victoire du 8 et 9 mai. Conformément aux instructions de la radio, précisant que la fête de la victoire débutait le 8 après-midi et toute la journée du 9 ; je me suis donc rendue le 8 au matin chez mon qui ne m'a pas retenue pour travailler. Le 9 étant fête officielle, le 10 jour de l'ascension. Je me suis rendue le 11 au matin au salon de coiffure et avec mon camarade apprenti coiffeur Monsieur Gilbert, nous avons eu la désagréable surprise d'être traités de paresseux pour avoir fait fête ; s'adressant à Monsieur Gilbert il lui a indiqué qu'ayant le contrat, il ne pouvait le renvoyer, mais qu'il en supportait les conséquences ; se tournant vers moi, le contrat n'étant pas établi ; il m'a informé de prendre ma blouse et de retourner chez moi.

    Ce renvoi abusif démontre  aisément les idées politiques de Monsieur L, (de nationalité espagnole) il ne peut admettre la victoire Française si ardemment désirée par le peuple français. Il se venge sur une apprentie comme moi, et prouve par ce geste qu'il souhaitait la victoire allemande.

    Les patrons comme Monsieur L, imbus de vengeances politiques contre la classe ouvrière devraient à mon avis être épurés, de tels actes ne devraient pas rester impunis.

    Je sollicite donc Monsieur le Président votre bienveillante intervention auprès de la Commission  que vous présidez, afin qu'elle puisse prendre une sanction des plus sévères contre Monsieur L, qui est un mauvais patron et un mauvais français.

    Ps : Je ne donne aucune suite à l'indemnisation proposée, ce que je désire et qui me paraît justifié ; serait la fermeture de son magasin de coiffure.

    Note du blog

    Sous l'occupation, Carcassonne dépendait du Commisariat aux Questions juives de Montpellier, situé 2 rue Étuves. La préfecture audoise comptait deux délégués. Chaque lettre de dénonciation faisait l'objet d'une enquête de la part des services de police. L'être humain n'a pas changé et si demain...

    Sources

    Archives de l'Aude

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  • Le mystère est levé sur le cadavre de la tombe 17...

    Le 12 août 2014, j'évoquais l'histoire de la disparition du cadavre d'un responsable de la Résistance, retrouvé calciné le 6 septembre 1944 en bordure de la route menant au Mas-des-cours. Il s'agissait de Noël Blanc, alias Charpentier, envoyé par Londres pour enquêter sur la disparition d'une grosse somme d'argent destinée aux maquis, après un parachutage. Il est indispensable que vous relisiez cet article en lien ci-dessous afin de comprendre ce qui va suivre :

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    Depuis ce temps, je me suis rendu aux archives départementales de l'Aude où j'ai tenté de retrouver certains dossiers jusque-là classifiés. J'ai découvert les dépositions des témoins ayant découvert le cadavre, quelques rapports de police, les lettres du préfet et les sanctions prononcées contre un de ses agents. Voilà un puzzle, qui reconstitué, va nous éclairer sur cette ténébreuse affaire...

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    C'est là... sous ce ponceau situé à 800 mètres de la ferme de Cassagnac en direction de Fajac-en-val qu'a été découvert le cadavre de Charpentier.

    La découverte du cadavre

    Le 7 septembre 1944, Jean Labadie et Henri Mas, Maréchaux-des-logis chef, rédigent un rapport dans lequel ils indiquent avoir été prévenus par le Président de la Commission de Libération de Palaja, de la découverte du cadavre d'un homme sous un ponceau de la route départementale 42, à proximité de la ferme Montgrand, en direction du Mas-des-cours. Ce sont deux hommes qui, partis pour chercher des champignons, ont fait la macabre découverte en voulant cacher leurs bicyclettes sous ce ponceau. Il était impossible d'apercevoir le corps depuis la route ; l'entrée du petit pont était obstruée par quelques ronces. 

    Constatations sur la victime

    Le corps était allongé de tout son long, la face tournée vers le haut et les mains crispées repliées vers le milieu du corps. Après avoir été arrosé d'un liquide inflammable, le ou les assassins ont mis le feu au cadavre qui a été entièrement brûlé. Une quinzaine d'allumettes ont été allumées et jetées près du corps. La victime était habillée d'un costume bleu marine avec rayures blanches, une chemise gris-bleu à manchettes, nu-tête, les chaussures complètement détruites par le feu. On a retrouvé des boutons de manchettes qui ont été déposées comme pièces à conviction. La victime a été tuée à l'aide d'une arme à feu et transportée ensuite en ce lieu désert, puis incendiée avec un liquide inflammable. Aucune douille n'a été retrouvée à proximité ou dans les environs. Aucune pièce d'identité n'a pu être trouvée sur lui.

    Les témoins  

    M. Ricard Joseph, Président de la Commission de Libération de Palaja, déclare à 17h :

    "Aujourd'hui, six septembre 1944, vers 12h45, j'ai été avisé par les nommés Plantier et Roquefort, tous deux de Carcassonne, que le cadavre d'un homme, se trouvait sous un ponceau de la route départementale N°42 de Palaja à Fajac-en-val, à 3,5 km au sud-est de Palaja. Je vous ai avisé aussitôt et j'ai mandé d'urgence un docteur en médecine. Je ne me suis pas rendu sur les lieux avant votre arrivée. Je ne connais pas cet homme comme étant de la région. Dans ma commune aucune disparition ne m'a été signalée. Durant ces derniers jours, je n'ai remarqué aucun véhicule suspect passer à Palaja. Cette route avant la rentrée des F.F.I à Carcassonne, était peu fréquentée ; il n'en est pas de même actuellement."

    Laganthe Élie, 73 ans ; André Besse, 38 ans et Rios Narcisse, 46 ans ;  demeurant respectivement à la ferme Montgrand (située à 500 mètres) et à la ferme Cassagnac (située à 800 mètres), n'ont rien entendu et n'ont rien vu de suspect.

    Pierre Roquefort, 38 ans, chauffeur domicilié à Carcassonne et son camarade Plantier Étienne, 46 ans, mécanicien à Carcassonne ont déclaré avoir découvert le corps en allant aux champignons, le 6 septembre 1944. En voulant cacher leurs vélos, ils ont vu un homme étendu sous le ponceau au petit matin. Avec l'obscurité, ils n'ont d'abord pas vu qu'il s'agissait d'un cadavre, mais plutôt un individu en train de dormir ou encore un "bôche". Après leur cueillette, ils sont retournés à midi voir si l'homme y était toujours. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il se sont aperçu avec le jour, qu'il s'agissait d'un homme carbonisé.

    Certificat médical

    Le Dr Henri Piétréra, médecin assermenté a constaté que la victime avait tué par une balle de révolver ayant pénétré dans l'espace inter-uno vertébrale gauche et est sortie en avant au-dessus de la clavicule gauche. Le corps a été brûlé après la mort.

    L'enquête

    Elle mènera à la clinique du Bastion de Carcassonne, après la réouverture de l'enquête suite au décès suspect du Dr Cannac dans cette même clinique. Il semble évident qu'une partie de la Résistance ait occis Charpentier. Mais qui ? L'infirmière Thérèse Paillet s'accuse du meurtre ; elle indique que Charpentier l'avait menacé de ses avances et qu'elle a agi par légitime défense. Puis, elle se rétracte... Elle accuse le Dr Cannac d'être l'assassin car il fallait l'éliminer, c'était un traître. Thèse également soutenue par une partie des Résistants mais démontée par l'autre partie. Qui croire ? Facile de faire porter la responsabilité sur un   défunt ; le Dr Cannac venu se suicider (chose étrange) depuis Antibes - où il s'était réfugié après la guerre - le lendemain dans la clinique Delteil. Tout ceci va créer un véritable émoi dans la presse locale et la presse nationale ; détective et Paris-Match font leur gros titre.

    On étouffe l'affaire ?

    J'ai retrouvé une lettre du Préfet de l'Aude datée du 28 novembre 1952. Elle adressée au Ministre :

    "Cette affaire est de nature à avoir des répercutions considérables dans mon département et peut-être même sur le plan national, en faisant hâter le procès du ou des assassins de Charpentier (Blanc) et de mettre en cause un certain nombre de personnes considérées comme honorables."

    Des documents disparaissent

    Parmi les policiers Carcassonnais épurés (ils sont nombreux), J'en ai trouvé un qui a été sanctionné pour avoir participé aux activités pro-allemandes et pour avoir faire disparaître des documents très importants du dossier d'enquête de l'affaire Charpentier. Tiens donc... 

    On sait où est Charpentier

    Ce cadavre inhumé à Saint-Michel dans la tombe 17, puis placé dans le caveau des martyrs de la Résistance, avant d'être envoyé à Chäteauneuf (Vosges) à la demande de la veuve, n'a jamais été celui de Charpentier. On a subtilisé le corps à la morgue, afin qu'aucune nouvelle autopsie ne puisse être pratiquée, tout en plaçant deux individus inconnus dans le cercueil. Plus de corps, beaucoup moins de chances de résoudre l'énigme du crime... Mais alors, où est passé le corps de Charpentier ? Nous avons trouvé la réponse manuscrite au bas d'un document confidentiel de la police, en date du 24 décembre 1953. Nous sommes à cette époque en plein procès de l'affaire Delteil, Cannac, Charpentier...

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    "On ne le retrouvera pas. Il est enterré avec le corps de miliciens"

    Au début du mois de septembre 1944, certains miliciens Carcassonnais (n'ayant pas pu fuir) ont été fusillés à la caserne Laperrine. Qui a pu placer le corps de Charpentier avec celui des Miliciens ? J'ai mon idée... L'implication de certains Résistants à faire disparaître un responsable venu enquêter sur le vol d'argent parachuté, me semble se faire plus nette.  Qu'entend le Préfet par "personnes considérées comme honorables" ? Qui a t-on voulu protéger ?... Je vous invite à regarder les élections d'après-guerre, vous verrez des amitiés de circonstance faire alliance en dépit d'idéologies politiques à priori opposées. Carcassonne conserve encore ses secrets...

    Sources

    Archives de l'Aude

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  • Le tortionnaire de la Villa de la Gestapo est inhumé dans Carcassonne.

    On lui aurait donné le bon Dieu sans confession avec sa gueule d'ange de premier communiant et pourtant...

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    © ADA 11

    C'est bien le diable qui se dissimulait derrière René Bach, agent du SD (Gestapo) de Carcassonne du 20 avril 1943 au 18 août 1944 après avoir proposé ses services comme interprète à la Kommandantur dès le 1er novembre 1943. Du haut de ses 23 ans, l'alsacien de Voellerdingen (Bas-Rhin) - Eh ! oui, il était français - a su se rendre utile et même faire preuve de zèle. Pour 3000 francs mensuels, plus quelques extras dérobés à ses victimes, il est passé en peu de temps, maître en coups de matraques et nerfs de boeufs.

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    La villa du 67 route de Toulouse

    Affuté aux pires techniques d'interrogatoires comme celles de la baignoire ou des brûlures sur les doigts, simulant l'exécution par pendaison ou arme à feu, la villa de la route de Toulouse fut le théâtre de ses méfaits. Ne croyez pas qu'il n'en fut pas moins efficace sur le terrain, comme à Trassanel où à Belcaire. 

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    © Pablo Iglesias

    Le 28 juillet 1945, la majorité des jurés (Yvonne Marcillac, Pierre Carbonne, Albert Sirven, Jacques Riffaud) de la cour d'assise de l'Aude répondent Oui à l'ensemble des 97 questions mettant en cause l'accusé pour vols, coups et blessures, meurtres et tentatives de meurtre, crimes de trahison. En foi de quoi, la cour le condamne à la peine de mort ; ceci après l'audition des témoins et victimes de l'agent du SD :

    Reine Bayle (Belcaire), Pierre Vacquier (Camurac), Roger Malet, Joseph Dieuzer (Carcassonne), Claire Comminges épouse Bringuier (Carcassonne), Antoine Rodriguez (Bram), Miguel Amantegui (Carcassonne), Jean Lopez (Carcassonne), Vincent Miralles, Marieront Antoine (Narbonne), Laurent Durand (Villeneuve-Minervois), Dr Camus (Narbonne), Henri Tournié (Carcassonne), Joseph Audirac (Quillan), Louis Ferral (Le bousquet), Louis Bousquet (Le Bousquet), Baptiste Seguy, Antoine Mortez (Le Bousquet), Gaetan Tristan (Le Bousquet), Jean Pijoan (Roullens), Francisco Rovira (Carcassonne), Mercedes Nunez (Carcassonne), André Verdier (Carcassonne), Pierre Tabouil (Mas Saintes-Puelles) et Robert Molinier (Castelnaudary).

    Un Pourvoi est adressé par son avocat. Il est rejeté le 14 août 1945

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    © Google maps

    C'est ici sur le champ de tir de Romieu, à la sortie de Carcassonne en direction de Bram, qu'est conduit René Bach au matin du 6 septembre 1945. 

    Procès Verbal d'exécution

    L'an mil neuf cent quarante cinq et le six septembre à 6 heures sur l'invitation de Monsieur le Procureur de la République de Carcassonne, nous Darles, Juges d'instruction à Carcassonne, assisté de Marty, notre greffier, et en présence de M. Moulais, substitut de M. le Procureur de la République. Nous sommes transportés à la Maison d'arrêt de Carcassonne, ou en notre présence le condamné Bach, 24 ans, interprète à Carcassonne, 8 rue P. Curie a été livré à l'Officier commandant le peloton chargé de mettre à exécution l'arrêt de la cour de justice de l'Aude du 28 juillet 1945. Le condamné a été conduit au terrain de Romieu près Carcassonne où l'exécution a eu lieu par fusillade à 7 heur

    Bach est ensuite inhumé en toute discrétion dans Carcassonne, où il repose depuis 70 ans. La concession a été acquise par sa famille, ainsi que la pierre tombale. Au milieu de ce lieu de repos éternel figurent également les martyrs du Quai Riquet, des résistants, des miliciens fusillés à la Libération. Finalement René Bach n'avait-il pas raison lorsqu'il déclara à son procès ?

    "Toutes les affaires ont été faites parce que les Français se sont dénoncés entre eux"

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    René Bach

    Décédé

    Le 6 septembre 1945

    à l'âge de 24 ans

    P.D.P.L*

    Concession

    à

    perpétuité

    * Priez Dieu Pour Lui

    Après la destruction de la villa de la Gestapo en janvier dernier c'est finalement le seul témoin historique qui la relie à elle. Tout cela a bien existé et nous ne souhaitons pas que cela puisse être un jour remis en cause. Nous savons que d'autres peuvent être d'un avis différent ; peut-être craignent-ils qu'elle ne devienne un lieu de dévotion à la gloire du nazisme. Nous respectons leur conscience, tout en assumant la nôtre.

    Sources

    Archives de l'Aude

    Midi-Libre / Juillet 1945

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