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Seconde guerre mondiale - Page 47

  • Il n'y a plus aucun chat dans Carcassonne entre 1942 et 1945...

    Les historiens locaux ont-ils un jour traduit l'extrême misère dans laquelle s'est retrouvée la majorité des Carcassonnais au cours de l'occupation Allemande ? En consultant les quelques livres de référence nous n'avons pas trouvé de chapitre dédié à l'histoire tragique de ces corps amaigris, de ces enfants dont la croissance a été stoppée par les carences alimentaires, etc... Nous nous sommes alors mis en quête de témoignages sur ce triste épisode de la guerre qui fut le quotidien de milliers de Carcassonnais et d'Audois.

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    Conséquence directe de l'armistice de 1940, les denrées alimentaires sont d'abord détournées pour nourrir l'armée du Reich. À partir de 1941, la pénurie se fait cruellement sentir en France ; les échanges commerciaux vers les colonies et d'autres pays comme l'Angleterre ou les États-Unis sont irrémédiablement freinés par le blocus maritime. L'acheminement de nourriture en métropole entre les régions est rendu extrêmement difficile à cause de la ligne de démarcation qui sépare le pays en deux zones : occupée et libre. Le gouvernement de Vichy met en place des tickets de rationnement échangeables chez les commerçants - quand il y a un approvisionnement. Ceci donne très souvent lieu à des files d'attente interminables au bout desquelles, les gens reviennent parfois bredouille.

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    © Paola Bourrel

    Tickets d'alimentation d'une famille Carcassonnaise

    Si l'on prend en compte que le nombre de calories nécessaires pour un adulte sont comprises entre 2000 et 2500 par jour, les rations alimentaires ne dépassaient pas les 1300 calories en France en 1943. En Allemagne, on mangeait à son aise à la même époque - jusqu'à 3295 calories / jour.

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    ©Paola Bourrel

    Un petit Carcassonnais pendant la guerre

    L'État Français répartit la pénurie en divisant la population en huit catégories selon son âge et son statut : E (enfants de moins de 3 ans), à V (personnes de plus de 70 ans), J1 (jeunes de 3 à 6 ans), J2 (6 à 13 ans), J3 (13 à 21 ans) et A (adultes de 21 à 70 ans). Les travailleurs de force et le femmes enceintes ou qui allaitent ont droit à des rations supplémentaires. En 1938, un adulte consomme en moyenne 3,4 kg de bœuf par mois ; en mai 1941, un adulte A n’a le droit qu’à 350g par mois et en 1943, à 260g par mois). Les quantités prévues, déjà faibles au départ, diminuent au cour des années ; en Avril 1943, la ration de viande est de 120g par semaine. En 1944, elle n'est plus que de 60g.

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    © Musée de la Résistance de Limoges

    À gauche, la ration mensuelle de viande d'un J2 et T en 1941 (1kg).

    À droite, la ration mensuelle d'un J2 et T en 1943 (480g)

    Dans ces conditions de sous-alimentation, la première des préoccupations fut la recherche de nourriture. Ceux qui vivaient à la campagne n'eurent pas trop à souffrir des restrictions, contrairement à ceux de la ville qui crevaient de faim. Nous allons voir ci-dessous à travers des témoignages que nous avons recueillis, comment ils réussirent à lutter contre la famine.

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    © Musée de la Résistance de Limoges

    Plus aucun chat dans Carcassonne...

    Si les animaux de compagnie aux pattes de velours avaient déjà disparu du paysage Carcassonnais - pour les raisons que vous comprenez -, les pigeons leur emboitèrent le pas. Les derniers survivants de cette espèce nichaient sur les hauteurs de l'église Saint-Vincent. Lorsqu'on réussit à mettre au point quelques frondes pour les atteindre, leur sort fut scellé. Les Carcassonnais se mirent ensuite à élever des lapins dans leurs caves. Pour les nourrir, les gens ramassaient les maigres fanes au pied des platanes de la place Carnot laissés après le marché, où déjà il n’y avait pas grand chose à emporter.

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    © Musée de la Résistance de Limoges

    On récupérait la peau des lapins pour confectionner des cols de vêtements, des pantoufles avec semelles en carton.

    Pinard contre fayots

    Le département de l'Aude - grand producteur de vin - avait du pinard en grande quantité malgré le racket des troupes allemandes qui l'envoyaient outre-Rhin. Le ravitaillement général distribuait une infâme piquette à raison d'un litre et demi par quinzaine et par individu, alors les habitants allaient chercher clandestinement dans le Minervois, la Malepère ou les Corbières, un breuvage de bien meilleure qualité. Ce vin constituait une bonne monnaie d'échange pour les Audois débrouillards.

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    Les Allemands dans une cave audoise

    Le Haut-Limousin récoltait des haricots en abondance, ainsi que d'autres légumes secs ; mais il manquait de vin. Après avoir planqué la majeure partie de leur récolte à cause de la réquisition allemande, les Limousins voyaient arriver les Audois par le train chargés de bonbonnes. Ainsi le Minervois était-il accueilli à bras ouvert du côté de Limoges, malgré les risques d'un contrôle. La gare de Limoges et de La Souterraine n'attendaient que les braves paysans locaux viennent chercher "les pèlerins de la faim". Une fois arrivés à la ferme et fort bien reçus par ces rudes Limousins, le pinard était vidé et rempli de bons haricots. Ils serviraient a être cuisinés en ragoûts accompagnés d'une couenne et d'un os de jambon pour y donner du goût. Oh ! certes, un goût de rance, mais en période de guerre on ne fait pas la fine bouche.

    Comment les Audois connaissaient-ils les fermiers du Limousin ? Les adresses se passaient oralement avec la prudence d'un secret d'état. Le vin arrivait un peu "tréboul" par le voyage, mais les Limousins en faisait le une spécialité locale : le mijo. Il s'agit de pain trempé dans du vin avec du sucre. C'est paraît-il désaltérant. Là-bas, les Audois faisaient un véritable festin avec le ragoût de mouton, les châtaignes, le fromage maison ou le civet de lapin pris au collet. Le lendemain les voyageurs reprenaient les chemins boueux du retour vers la gare en direction de Carcassonne. Le miracle de Canna avait transformé cette fois, le vin en haricots !

    La queue devant les magasins

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    Les ménagères avaient été informées la veille dans la presse locale de la distribution de denrées alimentaires. À partir d'une heure du matin, déjà les premières clientes attendaient l'ouverture du magasin prévue aux alentours de 8 heures. Certaines fois, il a été observé des files d'attente depuis 20 heures du soir ; soit douze heures avant l'ouverture ! En été, comme en hiver... Ces courageuses mères de familles patientaient sous la pluie et le froid pour espérer 50 grammes de viande par personne, quelques patates, un quart d'huile ou 25 grammes de graisse de cheval.

    Entre amies, elles se gardaient la place et devisaient sur ce qui pourraient être acheminé prochainement.  La rumeur prétend que demain, il y a aura des châtaignes mais seulement pour le ticket des J3. Le plus embêtant était le manque de pain - pourtant aliment de base. Quand il y en avait, il était coupé avec du son, de la fécule de pommes de terre ou de fèves. Bref, une espèce de repasse distribuée à raison de 60 grammes par jour. Chez ma grand-mère qui avait cinq enfants, on coupait le pain si fin chaque jour que l'on pouvait y voir la Cité au travers : "On léchait ses doigts pour ramasser les miettes sur la table, tellement on avait faim." Je n'ai jamais vu mes tantes - même après la guerre - jeter du pain. Quant à mes oncles, ils ont conservé l'esprit de récupération et de transformation.

    Le marché, place Carnot

    Les autorités municipales avaient mis en place une procédure de sécurité les jours de marché. Personne ne devait accéder sur la place avant le coup de sifflet donné par le policier Mallabiau. Il paraît qu'il ne plaisantait guère avec la discipline. Tout cela pour quelques fanes de carottes... Au coup de sifflet donc, une nuée de femmes se précipitait sur la marché en jouant des coudes - on rapporte qu'un femme enceinte fut même piétinée. Enfin d'éviter les accidents, il fut décidé de séparer les femmes en trois groupes : cartes rouges, vertes et bleues. Tantôt les rouges pouvaient entrer les premières, tantôt les autres. Autant dire qu'une fois les premières passées, les autres devaient se contenter des épluchures... Les plus "privilégiées" restaient les femmes enceintes bénéficiant de cartes spéciales ; ceci, non sans créer des jalousies au sein des autres groupes.

    Le système D

    Avec un peu de farine de maïs récupérée à la campagne, on faisait du millas. Ma grand-mère avait essayé de faire bouillir les cosses des petits-pois, sans grand succès gustatif. Quelques topinambours, du rutabaga... Sur les berges de l'Aude, les nèfles faisaient un peu passer la faim. À la belle saison, la nature offre des mûres, du raisin et des figues.

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    © Musée de la Résistance de Limoges

     Pour faire un bon usage des pommes de terre, on garde les épluchures et un petit morceau de chaque pomme de terre utilisée pour le repas (si possible avec un œil), pour le replanter aussitôt et assurer à bon compte les prochaines récoltes. Quant au café, celui que l’on peut se procurer est imbuvable : il sent la merde. On confectionne un appareil pour torréfier de l’orge...  

    Le Marché noir

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    Il ne faut pas hésiter à dénoncer hélas, les commerçants (bouchers, boulangers ou épiciers) Carcassonnais qui se sont enrichis sur le dos de la famine en faisant du marché noir. Comment ? En détournant une partie des produits de la répartition arrivés par wagons, qu'ils revendaient sans tickets à des prix faramineux. Après la guerre, l'indignité nationale et la confiscation d'une partie de leurs biens ne les a pas ruinés, puisque beaucoup d'entre eux ont été amnistiés au début des années 1950. Quant à certains autres subitement fortunés, l'argent leur est tombé du ciel en parachute dans des caissons destinés aux maquis. Pour faire fortune pendant la guerre, il n'y avait pas trente-six mille solutions : la collaboration ou le marché noir. Parfois les deux...

    Nous attendons vos témoignages pour enrichir cet article

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  • L'étrange connivence de l'évêché de l'Aude avec le Maréchal Pétain pendant l'occupation

    L'article qui suit ne dressera pas un constat objectif de l'attitude de l'ensemble de la curée Carcassonnaise pendant la seconde guerre mondiale - il n'en a pas les moyens. Si certains prêtres comme les abbés Gau ou Courtesole se sont rangés derrière la Résistance en lui prêtant main forte contre la politique de Vichy, il semble que l'évêché de Carcassonne ait été clairement maréchaliste. Ceci nous est révélé par un certain nombre de faits mettant en avant l'action de Mgr Pays auprès des autorités de Vichy. À commencer par sa présence à la soirée inaugurale de la milice en 1943 au théâtre municipal.

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    Mgr Pays

    Si certains évêques français ont adopté une attitude de neutralité ou tenté de manifester leur désapprobation vis à vis de la politique raciale de Vichy, nous pouvons penser que Mgr Pays s'est rangé du côté du maréchal Pétain. L'évêque de Carcassonne avait la fibre royaliste et anti-républicaine, si l'on en croit le récit diffusé sur le site de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, retranscrit ci-dessous :

     En 1942, sous l'impulsion de M. l'abbé Paul Merme, directeur de l'oeuvre de Jésus Ouvrier à Carcassonne, une souscription est ouverte pour offrir un fanion du Sacré-Coeur au Maréchal Pétain.

    Le dimanche 10 janvier 1943, le fanion, d'une grande réalisation chrétienne et artistique, symbolisant la royauté du Christ et la vocation de la France, est porté à la cathédrale, exposé devant l'autel pendant la Grand'Messe solennelle et béni par Mgr Pays, évêque de Carcassonne. M. l'abbé Merme prononce une vibrante et prenante allocution.

    Le 28 janvier 1943, une délégation de catholiques audois, conduite par l'abbé Merme, est reçue en audience publique par le Maréchal Pétain. Dans une émouvante adresse, l'abbé Merme présente le drapeau au Chef de l'Etat, qui en saisit aussitôt la haute signification:

    Monsieur l'abbé, dit le Maréchal, je suis très heureux et vraiment touché de votre démarche. J'ai toujours admis ces forces spirituelles dont vous me parlez et je tiens à ce qu'on y ait recours sous mon gouvernement ». Prenant le fanion dans ses mains et le serrant sur sa poitrine, le Maréchal ajouta: « Monsieur l'abbé, j'accepte avec bonheur ce fanion que vous m'offrez. Il sera mon drapeau ». Ce fut son drapeau, dont il ne se sépara pas... 

    Cinq mois après ce grand événement suscitant la confiance et l'espoir, le 29 juin 1943, en la fête des apôtres Pierre et paul, M. l'abbé Merme écrivait une lettre au maréchal Pétain, lui rappelant la journée historique du 28 janvier, et, devant le fracas redoublé des batailles et l'aggravation des sacrifices, sollicitait de lui la réalisation de la troisième demande du Sacré-Coeur: la consécration officielle de la France, en s'appuyant sur cette parole de vérité:

     La France ne peut revivre qu'en retournant aux forces spirituelles dont elle issue.

    Le Maréchal convoqua aussitôt les membres de l'Episcopat français en vue de ce grand acte officiel qui devait être accompli avec foi publiquement et solennellement le 2 juillet 1943, fête du Sacré-Coeur, ou à une date aussi rapprochée que possible. Malheureusement, le Maréchal ne put réaliser son désir, partagé par celui de millions de Français....

    Le 12 juillet 1943, le secrétaire particulier du Maréchal faisait parvenir la lettre suivante à l'abbé Merme :

    Monsieur l'Abbé,

    Monsieur le Maréchal a reçu le lettre du 29 juin par laquelle vous lui demandez, de façon pressante, de vouloir bien, au cours d'une cérémonie officielle, consacrer la France au Sacré-Coeur. Le Maréchal a été sensible aux sentiments d'affectueux attachements que vous lui avez exprimés à cette occasion et il vous en remercie.

    Votre projet est très louable et le Maréchal s'en est entretenu avec plusieurs hautes personnalités de l'épiscopat français. Si sa réalisation ne semble actuellement pas opportune, cela ne veut pas dire qu'elle soit écartée.

    Je vous prie d'agréer, monsieur l'Abbé, l'expression de mes sentiments déférents et dévoués .

    Autrement dit, sous un beau langage, c'était un enterrement de première classe. Peu après, le 15 octobre 1943, à Alger, au nom du Gouvernement Provisoire de la République Française, le Général De Gaulle, ce « grand catholique », ce « saint » de la Patrie, rétablissait le Franc-Maçonnerie, comme s'en réjouissait dans ses mémoires son fils Philippe (page 347, tome II)...

    Ce n'est pas moi qui l'écrit mais la Fraternité Saint-Pie X sur son site internet ; elle a rompu toute relation avec l'actuel Saint-siège de Rome en raison de divergence, notamment sur le Concile Vatican II. La Fraternité Saint-Pie X qui possède une église et une communauté à Montréal d'Aude est considérée comme intégriste. 

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    Nous avons retrouvé le fanion offert par le père Merme et les catholiques de Carcassonne au Maréchal Pétain en 1943.

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    Qui était le père Merme ?

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    Dans son ouvrage "Carcassonne, quartiers et faubourgs au fil du temps", Henri Alaux indique que le curé était un homme de bien. Selon lui, Paul Joseph Merme "marqué ce quartier (NDLR Grazaille) par son action sociale, en particulier envers les jeunes de condition modeste, parfois en difficulté. Fondateur de l'oeuvre de Jésus ouvrier, le père Merme créa dans sa maison de la rue Buffon, dans les années 1930, un centre d'apprentissage ; chaque année, 20 à 30 jeunes gens y apprirent le métier de menuisier ou d'imprimeur, logés et nourris par l'oeuvre du père Merme, ils devinrent de bons ouvriers."

    L'oeuvre du Jésus ouvrier

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    Le père Paul Merme fit imprimer pendant l'occupation le journal l'Enclume, organe officiel du Jésus ouvrier. Sûrement grâce aux apprentis imprimeurs dont il avait la charge. Dans ce trimestriel, tout était à la gloire du maréchal Pétain et de sa grandeur.

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    "Que le Sacré coeur de Jésus garde à la France son adorable chef, qu'il le soutienne et qu'il l'inspire."

    A l'arrière du maréchal, on aperçoit le fanion offert par les Carcassonnais.

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    On fête le bicentenaire de l'insurrection des vendéens contre les armées de la République.

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    Un extrait de l'Enclume

    Dans une note d'octobre 1944 - après la Libération de Carcassonne - on s'insurge que le père Merme ait pu obtenir tous les mois pendant 3 ans pour son oeuvre du Jésus ouvrier, 1,200 kg de matières grasses et 4 kg de viande avec la complice du ravitaillement général et hors de tout contrôle (ADA 11). Ceci pendant que la majorité des Carcassonnais crevait de faim. En effet, la ration mensuelle de viande en 1943 par individu n'était que de 480 grammes - quand il y en avait...

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  • Les événements tragiques du 23 août 1944 à Conques-sur-Orbiel

    Après le débarquement des troupes alliées en Provence le 15 août 1944, les unités de la 11e panzer division allemande - stationnées à Toulouse - se mettent en ordre de marche afin de gagner la vallée du Rhône. Dans l'après-midi du 22 août, elles entrent dans les villages de Maurens et Le Vaux à 4 kilomètres de Saint-Félix Lauragais où elles se rendent coupables de pillages et d'assassinats. Le jeune Antonin Escaffre est ce jour-là tué par la horde barbare forte de 3000 hommes, parce qu'il cherchait à s'enfuir. Son forfait une fois accompli, le convoi choisit de s'écarter de la RN 113 - régulièrement mitraillée par l'aviation alliée et les maquisards. Il emprunta alors un itinéraire à travers les routes de la Montagne noire afin de rejoindre la méditerranée. Est-ce celui-ci que l'on retrouve le lendemain dans l'Aude au village de Conques-sur-Orbiel ? La description qui sera faite de ces hommes semble en tous points semblable à celle de ceux ayant commis des crimes dans le Lauragais. Les témoins du massacre du 20 août au Quai Riquet à Carcassonne évoquent également des "Mongols" parmi les Allemands.

    Il ne s'agissait pas en fait de Mongols mais d'hommes provenant de l'armée Vlassov, enrôlés dans la Wehrmacht. Parmi eux, on comptait des Géorgiens, des Russes, des Ukrainiens...

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    La légion du Turkestan

    Ces hommes sous l'emprise de l'alcool se sont comportés comme des criminels partout où ils sont passés. Le 23 août 1944, le village du Conques-sur-Orbiel va subir la loi de ces barbares. Il n'existe que quelques lignes très vagues sur cet épisode tragique dans les ouvrages de références que nous avons consultés : La Résistance audoise (Lucien Maury) et La 2e guerre mondiale dans l'Aude (Julien Allaux). La chance de ce blog c'est de pouvoir encore recueillir des témoignages, alors même que les acteurs de cette triste histoire sont morts ou beaucoup trop âgés. Les travaux historiques se sont énormément concentrés ces dernières décennies sur les actions héroïques de la Résistance. Fallait-il cacher les choses les moins avouables ?...

    Que s'est-il passé à Conques ?

    Une réfugiée d'Alsace-Lorraine résidait à Conques-sur-Orbiel et s'y trouvait ce jour-là. Sa fille a recueilli son témoignage et me l'a transmis. Il corrobore et complète celui raconté dans le livre d'Annie Kochert-Bonnefoy "Ils voulaient vivre libre", que nous citerons à la fin de cet article.

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    Quand ce convoi arrive à Conques, j'habite dans la maison tout en haut du village, à la limite de celui-ci, au fond d’une toute petite impasse.
    Ils fouillent les maisons... Ernest a peur pour les femmes, surtout Paulette , mais elle échappe aux troupes grâce à la couverture qui cache l’escalier ….. d’ailleurs ils ont trouvé une partie des pots de confit d’oie et ils sont fourbus et affamés ! Pendant ce temps je me suis accroupie sur le bord extérieur de la fenêtre de l’étage, prête à sauter plutôt que de tomber dans leurs mains !
    Après le pillage de toutes les denrées alimentaires qu’ils ont pu trouver dans le village, ils font la fête toute la nuit et s’enivrent.
    Ernest - un ancien de 14-18 - pense qu’ils vont finir par mettre le feu au village avec les gens dedans (il a vu cela en Russie). Il faut absolument trouver le moyen de fuir, le moindre bruit la moindre tentative de sortie provoquent des tirs nourris des soldats qui sont sur les toits.
    Alors ils tentent de passer par les terrasses chez le voisin - un cordonnier - mais celui-ci leur avoue que sa maison est bourrée d’armes ; il y en a partout dans les planchers et les plafonds. 
    Toutefois les Mongols ont peur du maquis et n’osent pas s’aventurer en dehors du village : donc si l’on parvient à sortir de la maison en direction de la route de LASTOURS ils ne poursuivront pas le fuyard ; il ne devrait pas y avoir trop de problèmes car la forêt n’est pas loin.

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    Il faut attendre la nuit et se préparer. Paulette et Marcel, plus menacés, décident de partir seuls, le plus vite possible en utilisant un réseau de minuscules ruelles et de terrasses ; Marcel ouvrant la route, Paulette à sa suite quand tout va bien. Ils parviennent à sortir du village et à franchir l’Orbiel à pied. 
    Ils prennent la direction de Carcassonne et rencontrent le maquis au carrefour de Villegailhenc. 
    Ceux-ci se posent des questions, ils ne savent pas s’ils doivent intervenir pour libérer le village ou attendre. Marcel leur décrit la situation en donnant le plus de précisions possibles sur les occupants ; il leur dit les craintes d’Ernest mais leur conseille de rester sur place et de ne rien faire pour l’instant car ce serait trop dangereux pour la population. Il est alors convenu que le maquis va rester sur place à l’affut du moindre bruit anormal, de la moindre odeur ; dans le cas de tirs ou d’odeur de feu ils interviendront. 
    Marcel et Paulette repartent vers Carcassonne où ils trouvent refuge à la Gravette chez la fiancée de Marcel. Monsieur Bénazet est seul avec Louise car sa femme est partie chez son autre fille à Villanière dont les jumeaux nouveaux nés sont malades. À cause de la présence des Mongols et par manque de soins, un des jumeaux mourra. Paulette et Marcel vont rester là plusieurs jours …sans nouvelles de la famille.
    Ernest, Juliette et Marie ont eux aussi réussi à se sauver : ils possèdaient la clé d’une barraque de vigne des Bauquier dans laquelle Paulette cachait sa bicyclette. Cette cabane n’est pas très loin du village : ils partent à la nuit par l’arrière de la maison, avec quelques vivres et une couverture jusqu’à cette cabane sur la route de LASTOURS et y passent la nuit (de toute façon Juliette ne peut pas marcher plus loin).
    Un peu plus tard Ernest va jusqu’à la première ferme demander du secours et ils reviennent tous dans celle-ci, Juliette dans une brouette.Dans le village c’est la terreur ; les habitants se sont enfermés chez eux, le village occupé par des troupes très frustres, avinées et prêtes à tout : la directrice de l’école a été réquisitionnée pour cuisiner à ses messieurs les chefs, elle passe toute la nuit à faire des patisseries : tant qu’ils ont besoin d’elle elle ne risque rien ! Son mari cloitré dans la maison passe la nuit devant la porte de la chambre de sa fille.
    Le cordonnier a réuni quelques hommes chez lui il est prêt à se servir des armes cachées chez lui... si nécessaire.  

    Finalement les Mongols partent plusieurs jours plus tard sans avoir commis d’autres dommages ,pressés qu’ils sont de remonter vers le nord …. Un vrai miracle.

    Le lendemain du départ des Mongols, le médecin est passé afin d’apporter son aide partout où cela était nécessaire. Ayant été la première à voir arriver ces troupes, j'ai également vu qu’ils s’en étaient pris à deux gamines qui se trouvaient en bas de leur rue : c’est alors qu’une jeune femme Russe est sortie en hurlant et s'est interposée... les deux gamines ont pu s’échapper (c’est pour cette raison que je m'étais réfugiée sur la fenêtre de l’étage prête à sauter et à courir à travers champs plutôt que de me faire prendre à la maison).
    Il faut préciser que cette femme, employée de ménage à la kommandantur avait été tondue quelques jours plus tôt ...malgré cela elle a courageusement défendu ces deux gamines !

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    Dans l'ouvrage ci-dessus, l'auteure à retranscrit le témoignage suivant :

    La famille d'Alexis Belaud s'était réfugiée chez sa soeur, et les hommes s'étaient cachés sur les toits. André était resté avec les femmes et les autres enfants, dans une chambre. Ils avaient très peur... Ils entendirent frapper à la porte et durent ouvrir. Les Allemands envahirent la maison, et deux d'entre eux entrèrent dans la chambre, où la tante du garçon, encore très jeune et belle, fut contrainte, le révolver sur la nuque d'obéir aux ordres. Elle fut violée devant leurs yeux, alors qu'André tenait sur ses genoux deux enfants très jeunes qui pleuraient. Lorsque le SS termina sa besogne, il pria son compagnon de prendre sa place. Après avoir emporté quelques tricots et fouillé l'armoire, ils disparurent. Trois femmes dans le village furent violées ce jour-là...

    La macabre épopée de ce convoi de la 11e division de panzers s'achèvera entre l'Ardèche et les Vosges. Entre temps à Blomac, ils tirèrent à vue sur les véhicules qui passèrent : MM. Colomb et Castans seront tués et Mme Castans, blessée. Le 24 août 1944, c'est à Rieux-Minervois que le village est pillée et que quatre otages périssent sous la mitraille des nazis : MM. Labatut, Amalric, Malrieu et Louis Cros.

    Toute personne pouvant témoigner de ces évènements est priée de bien vouloir me contacter à l'adresse suivante : andrieu-martial@wanadoo.fr

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