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Seconde guerre mondiale - Page 18

  • Pierre Augé, préfet de l'Aude à la Libération

    Quand les maquisards entrèrent le 21 août 1944 dans Carcassonne libérée des troupes d’occupation, Guy David fut chargé de prendre la préfecture de l’Aude et de démettre le préfet Marchais de ses fonctions. Ce fonctionnaire zélé de l’Etat Français sentant la libération arriver s’était montré à son avantage au cours des dernières semaines. On ne sait trop combien de suppôts de Vichy furent recyclés par les gouvernements de la République, à tel point qu’il faudra attendre près de soixante ans pour juger Maurice Papon. Le préfet Marchais s’en sortit sans une égratignure, grâce à l’attitude bienveillante de son successeur qui ne voulut pas le remettre entre les mains d’une justice expéditive. Pendant une semaine, il fut protégé à l’intérieur de la préfecture des maquisards communistes qui réclamaient sa peau, au grand dam de Félix Roquefort. Suffisamment sans doute pour poursuivre l’œuvre de destructions d’archives entreprise par le directeur de cabinet de Marchais, dans la chaudière de la cave de l’ancien évêché. En matière de renseignement, on n’est jamais assez prudent… Marchais est recyclé en 1945 au gouvernement de la Sarre, administré par la France. Il reçoit même la légion d’honneur en 1952 des mains de Louis Fattacini, un résistant de la première heure au sein de la France Libre. Qui a pu lui décerner l’appréciation suivante « Bon fonctionnaire du cadre de réserve » ?

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    Pierre, Jean, Léonce Augé

    Son successeur, le très républicain Pierre Jean Léonce Augé, était né à Vias dans l’Hérault le 26 février 1895. Titulaire d’un doctorat en droit et diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales, M. Augé s’était distingué par sa bravoure à Verdun en 1916. Blessé grièvement à un oeil à la Cote du Poivre, il avait été évacué et réformé le 7 avril 1916. Quatre années plus tard, son premier poste est celui d’attaché d’ambassade. Il fait suite à son admission au concours diplomatique le 12 avril 1920. Consul suppléant à Shangaï puis à Swatow, en 1932 Pierre Augé est nommé à Colombo jusqu’en 1935. Après avoir été Consul général à Vancouver (Canada), il rentre en France et sert pour un temps comme attaché de l’Administration centrale le 13 novembre 1942. Les articles de presse de la Libération font état du passé de résistant de Pierre Augé, engagé dès l’Armistice de 1940 et Chef régional du service de renseignement de l’Armée Secrète. Sans remettre en cause cette affirmation, nous n’avons pas pu la vérifier puisqu’aucun titre d’homologation dans les Forces Françaises Combattantes au nom de Pierre Augé ne figure au Service Historique de la Défense.

    Avec l’accord de Gilbert de Chambrun, il est désigné le 21 août 1944 comme préfet de l’Aude par Jacques Bounin, Commissaire de la République. Installé officiellement le 1er septembre 1944, Pierre Augé s’oppose à la poursuite des exécutions, dissout les Cours martiales dans le département et proclame le retour de la justice républicaine. Voici son premier discours devant les Carcassonnais :

    « Citoyens français ! Après quatre années d’équivoques, d’humiliations et de douleurs, l’Aude aujourd’hui est libérée. Dans ce retour aux plus fières traditions nationales, notre pays, j’en suis assuré, saura faire un grand et noble usage de cette liberté reconquise. Nommé par le gouvernement provisoire de la République aux fonctions préfectorales dans votre beau département, je fais dès maintenant appel à votre concours pour entreprendre, avec la collaboration étroite de toutes les forces vives de la Nation et de tous les Citoyens, femmes et hommes, qui ont pendant quatre ans lutté pour l’honneur du drapeau, l’œuvre immense de reconstruction nationale. Nous ne trahirons pas la confiance que la France et la République ont mise en nous. Vive de Gaulle ! Vive la République ! Vive la France ! »

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    Dans ce texte que nous avons retranscrit d’un journal de Libération ayant servi aux services du Comité départemental d’épuration, la mention « Vive de Gaulle » prononcée par Pierre Augé a été rayée au crayon bleu. Ce comité était dirigé pour l’essentiel par d’anciens F.T.P proches du Parti Communiste. Quant au préfet de l’Aude, il ne resta que jusqu’au mois de décembre, appelé comme Ministre plénipotentiaire à Canberra (Australie) puis comme Ambassadeur à Karachi (Pakistan) en 1950. Pierre Augé mourra le 26 décembre 1967 à Paris (XVe). On doit rendre hommage à ce serviteur de l’état qui évita à notre département de tomber dans le chaos de la guerre civile, en rétablissant partout la légalité et l’ordre républicain.

    Sources

    France Archives

    La République du Sud-Ouest / Sept 1944

    Le Midi-Libre / Sept 1944

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

  • La mémoire de Martin Weill réhabilitée 75 ans après le massacre de Baudrigues

    Le 75e anniversaire de la Libération de Carcassonne a pris cette fois une dimension toute particulière. Depuis bien longtemps, on n'avait pas rendu hommage à une victime en présence de sa famille. Ceci explique sans doute l'émoi suscité par cette célébration, non seulement dans la presse mais également auprès d'une assistance plus fournie qu'à l'accoutumée. Le nom de Martin Weill, 15e victime recensée du massacre de Baudrigues, se retrouve désormais sur la stèle des martyrs avec d'autres camarades d'infortune. Ce résistant français, originaire d'Alsace et de confession juive, est Mort pour la France ! Sa vie, il l'a donnée par refus de deux idéologies mortifères, inhumaines et belliqueuses. N'ayons pas peur de les nommer : Nazisme et Fascisme. Examinons notre conscience... Si ces hommes et ces femmes fusillées puis déchiquetées par l'explosion volontaire de dépôts de munitions au domaine de Baudrigues l'ont été, c'est parce qu'ils avaient été arrêtés avec le concours de français. Ces collaborateurs avaient choisi l'idéologie de l'Allemagne hitlérienne par convictions, veulerie, vengeance ou intérêt financier.

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    Peu importe finalement qui se trouve à l'origine de cette démarche de réhabilitation par ses recherches historiques. Ce qui compte c'est le résultat. Démontrer qu'à partir d'archives, on a la faculté d'arriver au réel en retrouvant la famille de celui qui n'était jusque-là qu'un inconnu pour elle. Lui présenter une vieille photographie, un document mentionnant sa religion dont ils ignoraient tout.

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    Discours de M. Larrat, maire de Carcassonne

    Tout ceci n'est que le fruit d'une détermination et d'une passion. C'est un élan désintéressé pour faire revivre la mémoire et servir les idéaux de la République, aujourd'hui galvaudés par des intérêts économiques qui sapent les acquis sociaux nés du Conseil National de la Résistance. C'est convaincre le Souvenir Français et la ville de Carcassonne, sans lesquels cette manifestation n'aurait pu avoir lieu. Remercier Gérard Larrat qui n'a pas hésité à me faire confiance.

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    Avec Jean-Pierre et Pascale Weill

    Se tenir aux côtés de ses petits-enfants, dont l'un est un vétéran parachutiste du 3e RPIMA. Et dire qu'il ignorait que son grand-père avait été exécuté à quelques kilomètres de son casernement.

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    Avoir la reconnaissance d'une famille magnifique venue d'Alsace. Une région qui a tant souffert pendant trois conflits mondiaux (1870,1914,1940) où les gens furent expulsés et même enrôlés de force dans l'armée allemande.

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    © J. Blanco

    Vous pouvez entendre le reportage de France 3 ci-dessous

    https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/aude/carcassonne/carcassonne-nouveau-martyr-identifie-au-domaine-baudrigues-1711971.html?fbclid=IwAR1IrHmldXx_agEn_qJPnGDig5_gc_2DU2bTZHD5THbPtLAyTCkQaSjaqW8

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    A jamais dans nos cœurs ! 

    D'autres héros attendent d'avoir leur nom sur cette stèle, notre tâche se poursuivra.

    Crédits photos

    Ville de Carcassonne

    Patrice Giroux

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

  • Ici Londres...Carcassonne me recevez-vous ?

    Dernièrement, le journal local rapportant les propos d’un ancien résistant tenus lors d’une remise des prix du concours de la Résistance, titrait :

    « Si dans l’Aude la Gestapo a fait beaucoup de dégâts c’est qu’il y avait beaucoup de collabos ». 

    Cette phrase lancée d’une façon péremptoire au milieu d’une assistance commémorant la bravoure des hommes de l’armée des ombres, dut sans doute rafraîchir une atmosphère jusque-là toute patriotique. Car enfin… Il devait bien s’y trouver dans le public quelques rejetons de ces familles qui préférèrent le déshonneur - en faisant fructifier les bénéfices d’une collaboration avec l’ennemi - qu’un soutien à la Résistance. On sait que des adhérents de partis respectables dit de la mouvance républicaine, ont été les fils, les cousins ou les neveux de Miliciens ou de collaborateurs. D’autres, n’ayant point abandonné l’héritage réactionnaire anti-républicain, militent encore au sein de partis se définissant comme patriotes ou souverainistes. Ils ont l'outrecuidance de traiter leurs adversaires idéologiques de collabos ! Le cynisme est à son paroxysme, quand l'ignorance règne sur le sens des mots.

    Ce sont les fils et filles de ces commerçants et de ces propriétaires viticoles membres du Groupe collaboration, de la Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme, du parti Populaire Français de Jacques Doriot. Sans compter, les enrichis du marché-noir ayant détourné la nourriture de la répartition pour vendre les denrées sans tickets. Tous ces gens ont mis le magot à l’ombre ; et ce n’est pas la confiscation d’une partie de leurs biens qui les a appauvris. Quelques années plus tard, les résidences secondaires au bord de la mer ont blanchi l’argent salement gagné. Les retours d’Argentine où ils fondèrent des entreprises, les ont rendu plus blancs que bruns.

    Quand on les a vu assister aux commémorations des martyrs du maquis, la loi sur l’amnistie prononcée en 1951 a dû donner des ulcères à ceux qui avaient combattus leurs parents. Faut-il en vouloir à ces rejetons de s’être finalement rangés du côté de la République en tenant de faire oublier un passé dont ils ne sont pas responsables ? Faut-il les blâmer d’avoir mis leur argent au service du mécénat sportif ou culturel, du financement d’un parti politique? Faut-il leur en vouloir d’avoir été placés dans les chambres consulaires, les préfectures, les conseils généraux, etc ? On ne revient pas sur la chose jugée ; l'épuration, bien ou mal, a été faite.

    L’Aude n’a certainement pas été au-dessus du reste de la France en terme de collaboration avec l’ennemi, par le truchement - rappelons-le - du gouvernement de Vichy. Nous ne pouvons à ce titre que mentionner les chiffres que nous avons comptabilisés. Il y eut à-peu-près 500 adhérents à la Milice française, 300 membres du Groupe collaboration et moins de Légionnaires et de Doriotistes. Le registre de condoléances de Philippe Henriot, exécuté par la résistance en juillet 1944, compte près de 250 signataires éplorés à un moment où la guerre était perdue. Il s’agit-là des notables, parmi les plus endoctrinés du département, à pleurer la mort du propagandiste d’extrême-droite de Radio-Paris. Notons la présence sur le registre des signatures des officiers de l’armée allemande et de la Gestapo de Carcassonne.  

    Si l’épuration fut sauvage et désordonnée entre le 25 août 1944 et la fin septembre, c’est à cause en grande partie de résistants de la dernière heure cherchant à se laver de quelques fautes. Les miliciens ayant porté les armes contre la Résistance furent fusillés, à l’exception des chefs qui avaient pu filer en Espagne. Après le mois de septembre 1944 et jusqu’en 1945, ce sont 800 personnes dans l’Aude qui furent condamnées à la dégradation nationale et à la confiscation des biens. Pour ce qui concerne les cas les plus graves, la Cour de Justice étudia les dossiers d’au-moins 500 individus. Certains furent exécutés et d’autres, condamnés à des peines de travaux forcés. Au fil des mois et des appels, les peines se réduisirent comme peau de chagrin. Disons qu’un sujet jugé fin 1944, avait moins de chance de s’en sortir qu’un sujet jugé en avril 1945.

    Revenons, si vous le voulez bien, sur le titre de ce journal local… Les collabos ont-ils dénoncé tous les maquis à la Gestapo ? La vérité n’est pas aussi simple. Si l’on prend par exemple, le cas de Trassanel ou de l’arrestation de Jean Bringer. On remarque que certains résistants se sont servis d’agents travaillant pour la Gestapo pour faire arrêter leurs camarades ; ceci pour des raisons diverses et complexes. Au sein des divers groupements de résistants, l’entente à la fin de la guerre n’était plus si cordiale car le temps de la politique reprenait ses droits. Certains d’entre eux avaient été retournés après leur arrestation, pour le compte du renseignement allemand. Agent double et double-jeu faisaient loi. Il en est de même du côté des allemands, où certains renseignaient la Résistance. Sans compter sur les collabos repentis de la dernière heure, cherchant à moyenner leur sort à la Libération. Les Milices patriotiques communistes de Limoux dans lesquelles se sont retrouvés plusieurs voyous et assassins, usant de leurs attributions à faire respecter l’ordre public pour piller et exécuter sans jugement. Si l’on prend tous les autres cas, comme l’attaque contre le maquis de Villebazy à Vignevieille, celui de Chalabre et Belcaire, en effet la collaboration a fait des dégâts. Elle a fait déporter des juifs, des francs-maçons, des syndicalistes, des résistants. A Perpignan, une longue queue attendait devant une administration nazie. L'allemand a son bureau rétribuait les délateurs et on les voyait ressortir avec des billets plus ou moins gros suivant la qualité de l'information.

    Si l’on se replace dans le contexte et sans chercher à excuser l’inexcusable, l’homme est un loup pour l’homme. Dès lors que la volonté de puissance l’anime ou qu’il se trouve dans une situation de survie, il est prêt à toutes les compromissions. Les nazis avaient compris qu’en réussissant à diviser les français, il pourraient régner en maître grâce au concours d’un gouvernement idéologiquement à leur botte. C’était sans compter sur l’esprit de rébellion de quelques-uns obéissant à l’appel que leur fit Charles de Gaulle, le 18 juin 1940 depuis Londres. Ils étaient ouvriers, paysans, employés et citant le général après la guerre s’adressant au patronat : « On ne vous a pas vu beaucoup à Londres ».

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