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Seconde guerre mondiale - Page 18

  • La mémoire de Martin Weill réhabilitée 75 ans après le massacre de Baudrigues

    Le 75e anniversaire de la Libération de Carcassonne a pris cette fois une dimension toute particulière. Depuis bien longtemps, on n'avait pas rendu hommage à une victime en présence de sa famille. Ceci explique sans doute l'émoi suscité par cette célébration, non seulement dans la presse mais également auprès d'une assistance plus fournie qu'à l'accoutumée. Le nom de Martin Weill, 15e victime recensée du massacre de Baudrigues, se retrouve désormais sur la stèle des martyrs avec d'autres camarades d'infortune. Ce résistant français, originaire d'Alsace et de confession juive, est Mort pour la France ! Sa vie, il l'a donnée par refus de deux idéologies mortifères, inhumaines et belliqueuses. N'ayons pas peur de les nommer : Nazisme et Fascisme. Examinons notre conscience... Si ces hommes et ces femmes fusillées puis déchiquetées par l'explosion volontaire de dépôts de munitions au domaine de Baudrigues l'ont été, c'est parce qu'ils avaient été arrêtés avec le concours de français. Ces collaborateurs avaient choisi l'idéologie de l'Allemagne hitlérienne par convictions, veulerie, vengeance ou intérêt financier.

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    Peu importe finalement qui se trouve à l'origine de cette démarche de réhabilitation par ses recherches historiques. Ce qui compte c'est le résultat. Démontrer qu'à partir d'archives, on a la faculté d'arriver au réel en retrouvant la famille de celui qui n'était jusque-là qu'un inconnu pour elle. Lui présenter une vieille photographie, un document mentionnant sa religion dont ils ignoraient tout.

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    Discours de M. Larrat, maire de Carcassonne

    Tout ceci n'est que le fruit d'une détermination et d'une passion. C'est un élan désintéressé pour faire revivre la mémoire et servir les idéaux de la République, aujourd'hui galvaudés par des intérêts économiques qui sapent les acquis sociaux nés du Conseil National de la Résistance. C'est convaincre le Souvenir Français et la ville de Carcassonne, sans lesquels cette manifestation n'aurait pu avoir lieu. Remercier Gérard Larrat qui n'a pas hésité à me faire confiance.

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    Avec Jean-Pierre et Pascale Weill

    Se tenir aux côtés de ses petits-enfants, dont l'un est un vétéran parachutiste du 3e RPIMA. Et dire qu'il ignorait que son grand-père avait été exécuté à quelques kilomètres de son casernement.

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    Avoir la reconnaissance d'une famille magnifique venue d'Alsace. Une région qui a tant souffert pendant trois conflits mondiaux (1870,1914,1940) où les gens furent expulsés et même enrôlés de force dans l'armée allemande.

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    © J. Blanco

    Vous pouvez entendre le reportage de France 3 ci-dessous

    https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/aude/carcassonne/carcassonne-nouveau-martyr-identifie-au-domaine-baudrigues-1711971.html?fbclid=IwAR1IrHmldXx_agEn_qJPnGDig5_gc_2DU2bTZHD5THbPtLAyTCkQaSjaqW8

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    A jamais dans nos cœurs ! 

    D'autres héros attendent d'avoir leur nom sur cette stèle, notre tâche se poursuivra.

    Crédits photos

    Ville de Carcassonne

    Patrice Giroux

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

  • Ici Londres...Carcassonne me recevez-vous ?

    Dernièrement, le journal local rapportant les propos d’un ancien résistant tenus lors d’une remise des prix du concours de la Résistance, titrait :

    « Si dans l’Aude la Gestapo a fait beaucoup de dégâts c’est qu’il y avait beaucoup de collabos ». 

    Cette phrase lancée d’une façon péremptoire au milieu d’une assistance commémorant la bravoure des hommes de l’armée des ombres, dut sans doute rafraîchir une atmosphère jusque-là toute patriotique. Car enfin… Il devait bien s’y trouver dans le public quelques rejetons de ces familles qui préférèrent le déshonneur - en faisant fructifier les bénéfices d’une collaboration avec l’ennemi - qu’un soutien à la Résistance. On sait que des adhérents de partis respectables dit de la mouvance républicaine, ont été les fils, les cousins ou les neveux de Miliciens ou de collaborateurs. D’autres, n’ayant point abandonné l’héritage réactionnaire anti-républicain, militent encore au sein de partis se définissant comme patriotes ou souverainistes. Ils ont l'outrecuidance de traiter leurs adversaires idéologiques de collabos ! Le cynisme est à son paroxysme, quand l'ignorance règne sur le sens des mots.

    Ce sont les fils et filles de ces commerçants et de ces propriétaires viticoles membres du Groupe collaboration, de la Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme, du parti Populaire Français de Jacques Doriot. Sans compter, les enrichis du marché-noir ayant détourné la nourriture de la répartition pour vendre les denrées sans tickets. Tous ces gens ont mis le magot à l’ombre ; et ce n’est pas la confiscation d’une partie de leurs biens qui les a appauvris. Quelques années plus tard, les résidences secondaires au bord de la mer ont blanchi l’argent salement gagné. Les retours d’Argentine où ils fondèrent des entreprises, les ont rendu plus blancs que bruns.

    Quand on les a vu assister aux commémorations des martyrs du maquis, la loi sur l’amnistie prononcée en 1951 a dû donner des ulcères à ceux qui avaient combattus leurs parents. Faut-il en vouloir à ces rejetons de s’être finalement rangés du côté de la République en tenant de faire oublier un passé dont ils ne sont pas responsables ? Faut-il les blâmer d’avoir mis leur argent au service du mécénat sportif ou culturel, du financement d’un parti politique? Faut-il leur en vouloir d’avoir été placés dans les chambres consulaires, les préfectures, les conseils généraux, etc ? On ne revient pas sur la chose jugée ; l'épuration, bien ou mal, a été faite.

    L’Aude n’a certainement pas été au-dessus du reste de la France en terme de collaboration avec l’ennemi, par le truchement - rappelons-le - du gouvernement de Vichy. Nous ne pouvons à ce titre que mentionner les chiffres que nous avons comptabilisés. Il y eut à-peu-près 500 adhérents à la Milice française, 300 membres du Groupe collaboration et moins de Légionnaires et de Doriotistes. Le registre de condoléances de Philippe Henriot, exécuté par la résistance en juillet 1944, compte près de 250 signataires éplorés à un moment où la guerre était perdue. Il s’agit-là des notables, parmi les plus endoctrinés du département, à pleurer la mort du propagandiste d’extrême-droite de Radio-Paris. Notons la présence sur le registre des signatures des officiers de l’armée allemande et de la Gestapo de Carcassonne.  

    Si l’épuration fut sauvage et désordonnée entre le 25 août 1944 et la fin septembre, c’est à cause en grande partie de résistants de la dernière heure cherchant à se laver de quelques fautes. Les miliciens ayant porté les armes contre la Résistance furent fusillés, à l’exception des chefs qui avaient pu filer en Espagne. Après le mois de septembre 1944 et jusqu’en 1945, ce sont 800 personnes dans l’Aude qui furent condamnées à la dégradation nationale et à la confiscation des biens. Pour ce qui concerne les cas les plus graves, la Cour de Justice étudia les dossiers d’au-moins 500 individus. Certains furent exécutés et d’autres, condamnés à des peines de travaux forcés. Au fil des mois et des appels, les peines se réduisirent comme peau de chagrin. Disons qu’un sujet jugé fin 1944, avait moins de chance de s’en sortir qu’un sujet jugé en avril 1945.

    Revenons, si vous le voulez bien, sur le titre de ce journal local… Les collabos ont-ils dénoncé tous les maquis à la Gestapo ? La vérité n’est pas aussi simple. Si l’on prend par exemple, le cas de Trassanel ou de l’arrestation de Jean Bringer. On remarque que certains résistants se sont servis d’agents travaillant pour la Gestapo pour faire arrêter leurs camarades ; ceci pour des raisons diverses et complexes. Au sein des divers groupements de résistants, l’entente à la fin de la guerre n’était plus si cordiale car le temps de la politique reprenait ses droits. Certains d’entre eux avaient été retournés après leur arrestation, pour le compte du renseignement allemand. Agent double et double-jeu faisaient loi. Il en est de même du côté des allemands, où certains renseignaient la Résistance. Sans compter sur les collabos repentis de la dernière heure, cherchant à moyenner leur sort à la Libération. Les Milices patriotiques communistes de Limoux dans lesquelles se sont retrouvés plusieurs voyous et assassins, usant de leurs attributions à faire respecter l’ordre public pour piller et exécuter sans jugement. Si l’on prend tous les autres cas, comme l’attaque contre le maquis de Villebazy à Vignevieille, celui de Chalabre et Belcaire, en effet la collaboration a fait des dégâts. Elle a fait déporter des juifs, des francs-maçons, des syndicalistes, des résistants. A Perpignan, une longue queue attendait devant une administration nazie. L'allemand a son bureau rétribuait les délateurs et on les voyait ressortir avec des billets plus ou moins gros suivant la qualité de l'information.

    Si l’on se replace dans le contexte et sans chercher à excuser l’inexcusable, l’homme est un loup pour l’homme. Dès lors que la volonté de puissance l’anime ou qu’il se trouve dans une situation de survie, il est prêt à toutes les compromissions. Les nazis avaient compris qu’en réussissant à diviser les français, il pourraient régner en maître grâce au concours d’un gouvernement idéologiquement à leur botte. C’était sans compter sur l’esprit de rébellion de quelques-uns obéissant à l’appel que leur fit Charles de Gaulle, le 18 juin 1940 depuis Londres. Ils étaient ouvriers, paysans, employés et citant le général après la guerre s’adressant au patronat : « On ne vous a pas vu beaucoup à Londres ».

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  • Trafic de cadavres au cimetière Saint-Michel

    Après la découverte du cadavre calciné d’un homme le 6 septembre 1944 sous un ponceau entre Palaja et le Mas-des-cours, il avait été établi qu’il s’agissait du capitaine Charpentier, alias Noël Blanc. Ce résistant authentique, chef des parachutages de l’Aude, s’était rendu la veille de sa mort à une réunion dans la clinique Delteil. Il ne devait pas en ressortir vivant ; le mobile de ce crime  reste encore aujourd’hui un mystère. Mystère, largement entretenu par tous les documents disparus ou falsifiés dans les mains des principaux suspects. Le 7 septembre 1944, le corps de Charpentier était inhumé dans une fosse du carré 21, au cimetière Saint-Michel de Carcassonne. Au mois d’août 1947, une fois le mausolée aux victimes de la barbarie nazie construit à l’intérieur du cimetière, on transféra le cercueil du malheureux résistant assassiné par ses pairs. Ce monument avait été creusé pour accueillir six cercueils mais des documents officiels indiquaient que dix corps y avaient été déposés. Il s’agit de deux victimes supplémentaires de Baudrigues et du capitaine Charpentier.

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    Le capitaine Charpentier

    Le 23 octobre 1948, le cercueil du capitaine fut exhumé et transféré à Neufchâteau (Vosges) car sa veuve souhaitait que son époux repose où elle vivait. Lorsque la dépouille mortelle du chef des parachutages arriva sur place, on procéda à l’ouverture du cercueil. Oh ! Surprise… A l’intérieur du cercueil à défaut du capitaine Charpentier, on trouva les restes d’une femme et les ossements d’un inconnu. Il y avait eu recel et substitution de cadavre à Carcassonne ; ceci afin que l’on ne puisse plus autopsier la victime. Les restes transférés à Neufchâteau provenaient de deux victimes de l’explosion de Baudrigues, le 19 août 1944. 

    Lorsqu’en 1952 après la mort du Dr Cannac, venu se « suicider » dans la clinique Delteil après un long voyage depuis Antibes, la justice ouvra à nouveau le dossier Charpentier, sa veuve porta plainte. Maître Noguères défendit la partie civile contre les accusations de traîtrise proférées contre Charpentier par le Dr Delteil, soutenu par Louis Amiel. Il fut démontré que ces derniers cherchaient à justifier l’exécution du résistant par des mensonges éhontés.

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    Ouverture du mausolée en janvier 1954

    En janvier 1954, le juge Fabre ordonna que l’on exhumât les cercueils du mausolée du cimetière Saint-Michel. Contrairement aux documents officiels, la fosse en contenait six. Les corps furent remontés et examinés par le professeur Fourcade qui ne trouva pas de trace des restes de Charpentier. Le corps fut sans doute substitué en 1947 lorsqu’on l’exhuma du carré 21 pour soit disant, le mettre dans le mausolée. Où est donc passé Charpentier ? 

    L’affaire n’en resta pas là… La veuve d’André Gros et la mère de Pierre Roquefort, deux victimes de l’explosion de Baudrigues inhumées dans le mausolée, déposèrent plainte pour violation de sépulture.

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    Les cercueils à l'ouverture du mausolée

    Monsieur le procureur,

    J’ai l’honneur de vous faire connaître que parmi les corps inhumés dans le mausolée des Victimes de la Résistance au cimetière Saint-Michel à Carcassonne, se trouvait mon fils Pierre Roquefort, sauvagement exécuté à Baudrigues, le 19 août 1944 avec 18 autres résistants et patriotes.

    Or, je viens d’appendre par la presse qu’il a été procédé à l’exhumation des cadavres reposant dans ce mausolée et qu’il résulte de cette exhumation que trois cercueils auraient disparu dans des circonstances mystérieuses. Parmi ces trois cercueils se trouve peut-être celui qui contenait la dépouille de mon fils. Ainsi on se serait livré à de honteux et odieux trafics de cadavres à l’insu, évidemment des familles intéressées, sans aucun respect pour les héros massacrés à Baudrigues.

    Devant la gravité de tels faits, je me vois dans l’obligation de porter plainte contre inconnu, pour violation de sépulture. Je me réserve également le droit de me constituer partie civile.

    D’autre part, je suis amenée à faire les remarques suivantes : Il a été affirmé par certaines personnes intéressées dans l’affaire Charpentier, que ce dernier s’était au cours de la Résistance, rendu coupable de trahison. Je m’étonne alors, que à supposer que ce fait soit démontré, que l’on ait placé le corps d’un « traître » dans le mausolée de la Résistance, aux côtés d’authentiques héros. Et dans cette hypothèse, je désirerais savoir à qui incomberait la responsabilité de cette inhumation.

    Madame Roquefort, à Conques.

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    Pierre Roquefort

    Monsieur le procureur,

    Nous avons l’honneur de vous faire connaître que notre père et époux, le Lieutenant FFI Gros André, fut assassiné par les nazis à Baudrigues le 19 août 1944. Son corps reposait dans le mausolée au cimetière Saint-Michel érigé à la mémoire des Résistants tombés à Baudrigues.

    Par la presse, nous avons appris l’exhumation des cadavres reposant dans le mausolée, ainsi que de la disparition mystérieuse de plusieurs cercueils.

    Nous avons le regret de constater que des individus, sans aucun respect pour la mémoire des combattants de la Résistance, ont osé ce sacrilège, trafiquer avec des cadavres parmi lesquels peut se trouver celui de notre cher disparu.

    Devant ces actes de vandalisme, ma fille et moi, nous vous adressons une plainte contre inconnu pour violation de sépulture, et nous nous réservons le droit de nous constituer partie civile.

    Par ailleurs, nous nous élevons contre les faits renouvelés des inhumations et exhumations des résistants assassinés à Baudrigues, sans que les familles aient été avisées. La plus élémentaire des convenances est le respect que l’on doit à ceux qui ont sacrifié leur vie pour la Libération de la France, exigeant au moins des autorités qu’elles soient prévenues.

    Renée Villa (Veuve Gros) et sa fille Jacqueline.

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    Le lieutenant FFI André Gros

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