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Seconde guerre mondiale - Page 14

  • 14 juillet 1942 : Une opinion publique Carcassonnaise sous surveillance...

    Le 14 juillet 1942, une importante manifestation en faveur de la République réunit au moins 2000 personnes à Carcassonne, malgré l’interdiction du gouvernement de Vichy. Parmi les personnes à l’origine de ce rassemblement se trouvait Albert Picolo, le docteur Henri Gout et Georges Bruguier. Tout ce monde défila fièrement à la barbe des partisans les plus fanatiques du Maréchal Pétain, le Service d’Ordre Légionnaire dont plusieurs membres intégreront en février 1943 la Milice départementale de l’Aude ; cette organisation française responsable de l’arrestation de juifs, maquisards, communistes, etc.

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    Au pied de la statue de Barbès qui avait été fondue par la mairie de Carcassonne, les manifestants républicains entonnèrent la Marseillaise. Le gouvernement de Vichy refusait qu'on la chante pour ne pas déplaire aux Allemands, mais il se disait patriote en collaborant avec eux.

    A la suite de cet évènement, le service de contrôle postal de Vichy intercepta de très nombreuses lettres, en prit connaissance avant de les remettre à leurs destinataires. Il fut ensuite dressé un rapport remit aux autorités compétentes de la préfecture. Autant dire que le S.A.C entre 1960 et 1981 et les écoutes téléphoniques de l’Elysées sous François Mitterrand n’avaient eu qu’à s’en inspirer. Aujourd’hui, les réseaux sociaux mis sous surveillance ne permettraient plus l’émergence de la Résistance et pourraient même envoyer très rapidement des milliers de dissidents dans des camps. 

    Les meneurs de la manifestation du 14 juillet 1942 ne tarderont pas d’ailleurs à être inquiété avant d’être incarcérés à la Maison d’arrêt de Carcassonne. Ci-dessous, une partie des lettres interceptées après la fête nationale interdite.

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    Le Service d'Ordre Légionnaire de l'Aude

    Jacques est furieux. Il y a eu en ville une grosse manifestation gaulliste, dans les 3000 personnes. Le préfet a empêché les SOL et les compagnons de disputer les manifestants. Jacques voulait se battre. Pauvre France. Pauvre Maréchal. Quelle ville Carcassonne…

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    Le 14 juillet a provoqué de la part des Gaullistes une manifestation devant la caserne Laperrine, devant Barbès, sur le boulevard. Ces cochons ont chanté la Marseillaise, parce qu’il ne leur était pas permis de chanter l’Internationale. Car à Carcassonne, les Gaullistes sont communistes. La police d’état est venue mettre de l’ordre à tout ça. Et je vous prie de croire que tout a été calmé. Cela m’a mise en colère et il a fallu que je parte. D’ailleurs, je n’étais pas la seule. Si vous aviez vu Henry, c’était effrayant, honteux, et ça me dégoûte des Anglais pour la vie…

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    Nous avons eu une belle manifestation sur le boulevard Barbès qui était noir de monde. Les SOL sont arrivés et la bagarre a été évitée de justesse par le préfet qui a fait montre de beaucoup de cran. Après une Marseillaise retentissante, la foule a défilé sans incident. Cependant, ce matin et je ne sais pas s’il n’y a pas une relation avec les évènements, nos chers hôtes de la Cité ont repris leur défilé chanté dans les rues, chose qu’ils ne faisaient plus depuis au moins un mois. Ils sont toujours corrects, mais leur nombre a diminué de moitié.

    Les hôtes sont les Allemands qui, bien qu'en zone libre, s'étaient installés à la Cité avec la Commission d'armistice.

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    Hier, 14 juillet on a manifesté autour de la statue de Barbès, tout Carcassonne était à voir, la contrepartie chantait la Marseillaise le poing levé, et quand la voiture des Allemands est passée tout le monde sifflait.

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    Vous avez certainement entendu de Gaulle inviter les « patriotes » à manifester à 6h30 sur les places publiques des villes le 14 juillet. Les Carcassonnais ont entendu cet appel, et nous Lorrains aussi. Donc, hier à Carcassonne, sur le boulevard, un monde fou attendait 6h30. A cette heure, la Marseillaise a été entonnée, répétée plusieurs fois avec d’autres chants républicains. La police de la ville est d’abord intervenue pour faire évacuer les promenades où au moins un millier d’hommes et de femmes montaient et descendaient. Alors un renfort de policiers d’Etat est arrivé et nous a fait circuler. Mais nous chantions toujours, et comme une voiture d’Allemands passait, on les siffles et hués. Quelques petites bagarres ont commencé entre les SOL et des patriotes. Et voilà à 7 heures et demi tout était à peu près calme. Tel a été le 14 juillet 1942 à Carcassonne et je crois, dans chaque ville.

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    Une relation lamentable vient d’arriver ce soir aux SOL de Carcassonne. Yves est rentré désespéré. On leur a fait faire une bourde monumentale à l’occasion du 14 juillet. Primo, ce matin quelques rares personnes avaient pavoisé et quelques SOL allaient prier ces personnes de retirer leurs drapeaux. Du moment que les monuments publics étaient officiellement pavoisés, les gens avaient aussi le droit de le faire… Ce soir a été pire. M. de Gaulle avait donné l’ordre à ses fidèles d’aller chanter la Marseillaise devant un monument rappelant la défunte IIIe (République, NDLR). Ici c’était devant le socle de Barbès puisque Barbès n’est plus là. On réunit quelques SOL à leur permanence, puis au moment où tous les Gaullistes (environ 2000) sont bien rassemblés, M. Imbart, ordonne à mes 60 SOL de foncer dedans. Le chef qui est sous Imbart, donne l’ordre contraire, le préfet se précipite, au devant d’eux, la police les empêche de passer. Ils se sont bagarrés avec la police. Et qui est un comble pour eux qui sont faits au contraire pour maintenir l’ordre. Imbart a démissionné, mais cela n’empêche pas qu’il ait ridiculisé à tout jamais les SOL dans Carcassonne. Avant de faire sa contre-manifestation, il aurait dû s’entendre d’abord avec le préfet et la police, ne pas arriver au moment où la manifestation battait son plein, surtout 60 contre 2000. Ils auraient seulement pu empêcher les rassemblements. J’espère bien que cette histoire ne s’est produite qu’à Carcassonne et que les autres chefs SOL n’auront pas fait de gaffes pareilles dans des endroits aussi importants. On ne peut soupçonner Imbart, mais il aurait agi pour « couler » ce mouvement, qu’il n’aurait pas mieux réussi.

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    En attendant, on se sent tout de même libre dans notre zone de demi liberté. On l’a vis au 14 juillet. Il y eut ici une manifestation assez imposante. Chant de Marseillaise, près du socle vide de la statue de Barbès. Les SOL ont voulu intervenir, mais en furent empêchés par le préfet en personne. Sera-ce la lutte du pot de terre contre le pot de fer ? Dans tous les cas, il y eut une gaffe quelque part. Ailleurs, le mot d’ordre venu de l’étranger a été suivi avec enthousiasme. Est-ce un plébiscite ou une manœuvre préparatoire ?

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    Georges vous a narré tout au long nos tribulations de mardi. Que j’étais anxieuse de ne pas le voir rentrer à plus de 8 heures. Que c’était beau et émotionnant cette soirée-là. Jamais, je ne l’oublierai. Quel enthousiasme encore pour notre bonne République. j’en ai pleuré et tremblé sur les jambes, que de monde ! Hélas, mon pauvre Géo aurait pu payer chez sa déveine de ses trouver au milieu de jeunes qu’il a voulu défendre pour quelques paroles bien inoffensives.

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    L’on nous a fait manger des œufs du Maroc qui étaient pourris, pas mal de gens ont été intoxiqués, ainsi que du mouton traité au formol. Je crois qu’ils veulent achever de nous empoisonner, le pain qui est immangeable, je crois que nous avançons avec tout cela à un cataclysme et ça commence bien. Ici, le jour du 14 juillet a été marqué à Carcassonne par une grandiose manifestation. La Marseillaise a été chantée au socle désert de Barbès par plus de 15000 personnes, une grande bagarre a été évitée par le préfet qui est intervenu à temps. Elle aurait été provoquée par les SOL sans le préfet, il y aurait eu des morts et des blessés ; cette société est une société de vandales puisque chez nous, une nuit ils ont cassé les grandes glaces chez les commerçants qui étaient républicains, d’ailleurs la police les a arrêtés. Ils étaient 7 de ce parti néfaste les SOL. Ils les ont relâchés apr§s 3 ou 4 jours de tôle. Si ça avait été du parti républicain, ils auraient été envoyés dans un camp de concentration. Voilà comment nous sommes gouvernés. A Marseille, il y a eu le 14, six blessés.

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    Ici, le 14 juillet un défilé préparé clandestinement a eu lieu à Carcassonne. D’origine républicaine sans conteste (Dr Gout, Bruguier figurant parmi les manifestants) la foule plusieurs milliers d’affamés ou insuffisamment rassasiés ont défilé devant le socle de Barbès en chantant la Marseillaise. Pas méchant du tout… cela a failli mal tourner avec les SOL qui seraient intervenus sans l’attitude énergique du préfet qui s’est montré pour une fois habile en cette circonstance. Quant aux SOL, ils se sont fait siffler et pour le ridicule ont bien rempli leur rôle… peut-être un copieux déjeuner avait annihilé leurs facultés de jugement en cette journée qui reste malgré tout notre fête nationale. 

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    Ceci est un fait paraît-il, il y avait 60 SOL et une centaine de placiers contre 4 ou 5000 manifestants ou curieux. Il a fallu que le préfet soit un homme pour prévenir la bagarre. Il donna l’ordre affirmatif aux SOL et aux policiers de rester tranquilles, et si les autres s’énervaient trop, il avait le droit recourir à l’armée. Personne ne bougea plus, cela vaut mieux, mais le point noir restera quand même. Il se pourrait qu’on mette les Carcassonnais en quarantaine, a-t-on chuchoté ce matin…

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    Voici le 14 juillet à Carcassonne ; défilé devant Barbès. De 15 à 20 000 personnes se sont groupées et ont chanté la Marseillaise et le chant du Départ. Si vous aviez vu cette foule en délire, comme il y faisait bon. On sentait un vent de liberté passer au-dessus de nos têtes. Comme c’était beau, des vieillards pleuraient, des poitrines se gonflaient comme jamais je ne l’avais vu. Des chants s’élevaient de tous les cœurs. Je ne puis vous décrire exactement car c’était trop puissant, trop touchant, c’était quelque chose dont je me souviendrai tout ma vie. Les SOL ont voulu faire du zèle, car ils désiraient la bagarre pour qu’on emboîte quelques uns.Mais rien ne s’est produit. Tout a marché d’une façon merveilleuse. le soir à 7h30, la moitié de la population s’est rendue au Monument. On a chanté la Marseillaise. Là, nous nous sommes dispersés. Puis vers 8h30, un petit groupe est allé décrocher le drapeau qui devait être salué par les SOL. Vers 9 heures, un autre petit groupe est allé enlever les lettres d’or qui étaient sur une gerbe de fleurs du monument aux morts où il y avait écrit de la part des « collaborateurs ». Cette belle phrase a été supprimée.

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    Le S.O.L de l'Aude sur la place Davilla en 1941.

    Le rapport de l'Inspecteur-adjoint au préfet de l'Aude

    Le 18 juillet 1942, l’Inspecteur-adjoint Pradleles, Président de la Commission de Contrôle Postal de Carcassonne écrit au préfet de l’Aude

    J’ai l’honneur de vous adresser ci-dessous le compte-rendu, que vous m’avez demandé, des réactions de l’opinion concernant, la manifestation du 14 juillet. A cette occasion, pendant les journées des 15,16 et 17 juillet et 18 juillet, 3871 lettres furent lues par les Services du contrôle. Du point de vue politique trois tendance se dégagent de la manifestation qui a eu lieu à Carcassonne, lors du 14 juillet.

    a/ Pour la majorité des manifestants le 14 juillet a été l’occasion de montrer leur attachement à la République. Les ex-parlementaires qui menaient le cortège ont renforcé l’idée de beaucoup que le gouvernement actuel n’était que transitoire et que bientôt l’ancien régime serait rétabli. De nombreuses personnes furent très émues par « cette manifestation républicaine ».

    b/ Les partisans de de Gaulle obéissant à un mot d’ordre de Londres, participèrent au défilé « pour montrer aux gens de Vichy et aux Allemands de quel côté étaient les cœurs ».

    c/ Certains qui étaient venus pour assister à une réunion purement patriotique furent stupéfaits de voir l’esprit qui y présidait.

    C’est cette dernière impression qui ressort en grand epartie dans le courrier où les correspondants constatent que la population est restée attachée à un régime et à des dirigeants qui ont mené le pays à la défaite. Beaucoup craignent que cette manifestation qui n’a pas été la seule en zone libre ait des répercutions profondes quant aux rapports franco-allemands particulièrement en ce qui concerne les prisonniers. Beaucoup donnent tort au gouvernement d’avoir laissé fêter le 14 juillet. Ils voient dans les manifestations qui eurent lieu des mouvements de désordre dirigés contre le Maréchal et son œuvre. On estime maladroite la position prise par Vichy à cette occasion qui aurait montré au grand jour le trouble des esprits et la désunion qui ne cesserait de régner parmi les Français.

    Ces diverses tendances ont naturellement amené des heurts qui ont forcé les quelques agents présents d’intervenir. La faiblesse du service d’ordre est sévèrement critiquée, les correspondants estiment que ceux qui en étaient chargés auraient été débordés si « ça avait mal tourné ». Le préfet est vivement pris à partie à cette occasion et accusé de collusion avec la bande des Sarrautistes « qui a mené la danse ». Aux dires de certains, c’est à la carence des services de Police qu’est due l’intervention du SOL qui à cette occasion est sévèrement jugé et accusé de maladresse même par des légionnaires qui, de ce fait, auraient donné leur démission.

    Par contre, de nombreux correspondants rendent hommage au préfet qui est venu lui-même sur les lieux de la manifestation et qui a su prendre les décisions judicieuses qui s’imposaient quand les choses faillirent se gâter par l’intervention du SOL.

    Source

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  • Marie-Paule Fabre assassinée par la barbarie nazie à Monze, le 17 juin 1944

    © memorial genweb

    Dans l’après-midi du 17 juin 1944, un soldat allemand qui avait déserté son unité de Panzer se présenta au domicile de M. Ferrié à Montirat dans l’Aude. Visiblement, Friedrich Walter ne semblait pas dans son état normal lorsqu’il insista auprès de Mlle Ferrié afin que celle-ci lui cédât un costume civil pour se rendre en Espagne. Comme la jeune femme se refusait à répondre favorablement à sa demande, le soldat se mit à saccager la maison en criant et en gesticulant. Sous le menace de son arme, il échangea alors son portefeuille contre celui de M. Ferrié, qui contenait sa carte d’identité et divers papiers personnels.

    Après quoi, cherchant à s’enfuir par tous les moyens, il épaula son fusil et tira en direction d’un motocycliste sans toutefois réussir à l’atteindre. Ce fou furieux, aussi dangereux qu’une bête sauvage traquée, ne s’en tint pas là. Il allait faire une première victime en la personne de Jean Llagonne qui venait d’avertir M. Ferrié que sa maison venait d’être pillée. 

    Friedrich Walter partit alors sur la route en direction de Monze. En chemin, il rencontra Marie-Paule Fabre et M. Caverivière ; il les força sous la menace de son arme, à l’accompagner. A Monze, il parvint à semer la terreur dans la population et, après avoir saccagé la maison de M. Caverivière, il repartit en direction de l’Alaric avec son otage. La jeune fille de 18 ans n’en menait pas large et par crainte du pire n’osait pas s’écarter de son ravisseur. Alertés, les gendarmes français et la Feldgendarmerie se mirent à la poursuite du déserteur. Mademoiselle Fabre tenta alors de s’enfuir mais le soldat allemand ne lui en laissa pas l’opportunité ; il mit fin précocement à la vie d’une jeune femme de 18 ans, innocente victime de la barbarie nazie et de sa propagande mortifère. Friedrich ne fut arrêté qu’après une chasse à l’homme assez longue et ramené à Carcassonne par la Feldgendarmerie. On ne sait ce qu’il est advenu de lui par la suite.

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    © L. Petit / Genweb

    Un monument fut érigé sur la colline de Monze en mémoire de Marie-Paule Fabre. Son inscription reprend les termes inscrits sur son acte de décès dressé le 19 juin 1944 à Pradelles-en-val où elle était née le 2 août 1926 : « A la mémoire de Marie-Paule Fabre, lâchement tuée par la police allemande le 17 juin 1944 à l’âge de 18 ans. » Or, l’enquête du 14 février 1946 de la Commission sur les crimes de guerres (U.N.W.C.C) révèle les faits et la vérité sur les causes du décès de Mlle Fabre. C’est à la lumière de ces détails que nous avons réalisé cet article qui, pour la première fois, évoque le souvenir douloureux de ce 17 juin 1944 à Montirat et à Monze. Nous espérons que des témoignages viendront enrichir prochainement notre article dans les commentaires de ce blog.

    Sources

    U.N.W.C.C (United Nations War Crimes Commission) / 14.02.1946

    Archives de victimes civiles / Cæn

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  • Marinette Seguy fusillée par les nazis au Bousquet (Aude) le 4 mai 1944

    A la suite d’une dénonciation dans les locaux de la police secrète allemande (Gestapo) de Carcassonne par une femme prénommée Thérèse résidant à Quérigut dans l’Aude, une opération contre de supposés réfractaires au S.T.O est organisée le 4 mai 1944. Dans la nuit, deux camions chargés d’une quarantaine d’hommes de la 5e compagnie du Landeschützen régiment der Luftwaffe Lisieux placés sous le commandement du capitaine Josef Nordstern, accompagnés par le lieutenant Heinz Bernhard Matthäus, l’adjudant chef Alfred Schmidt et le caporal Goswin Palm, partent de la caserne de la Justice vers le Bousquet près d’Axat. Cette compagnie spécialement destinée pour combattre les maquisards mènera régulièrement des actions en collaboration avec la Gestapo ; elle s’illustrera dans les mois qui suivront à Villebazy, Ribaute, Chalabre, Trassanel…. Cette nuit là, un véhicule du SD l’attend dans lequel a pris place l’interprète alsacien René Bach, Oskar Schiffner et l’inspecteur Janeke. Toute cette cohorte d’assassins et de pilleurs s’élance donc en direction de la haute-vallée de l’Aude.

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    © Un village français 

    Lorsqu’elle arrive vers les 5 heures du matin au Bousquet, l’ordre est immédiatement donné à la troupe d’encercler le village et d’en interdire les sorties. Tout fuyard devra être exécuté sur place. Un à un, tous les hommes de 13 à 84 ans doivent être rassemblés sur la place et ceux qui ne se trouvent pas dehors à cette heure, sont tirés manu-militari de leurs lits. Ainsi, Joseph Bourrel, le maire de la commune, est réveillé par des soldats allemands :

    « Ils sont montés chez moi. Ils m’ont fait habiller et m’ont fait descendre dans la rue. Ils m’ont demandé où étaient les réfractaires et qui encore pouvait les ravitailler. Ayant répondu que je savais pas où trouver les réfractaires, ils ont fait savoir à ma belle-fille qu’ils allaient me fusiller, si je ne disais pas la vérité. Sur mes réponses, ils m’ont conduit en dehors du village ; aux alentours de la batteuse. J’ai trouvé plusieurs hommes du village rassemblés à cet endroit. Je suis resté de cinq heures du matin à seize heures avec tous mes administrés. »

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    © ADA 11

    Bach, interprète alsacien de la Gestapo de Carcassonne

    A l’appel de leurs noms énumérés par René Bach et figurant sur une liste pré-établie par le SS-Unterscharführer Schiffner, les dénommés Bousquet Louis, Baychelier François, Pérarnaud Fernand, Paycha Pierre, Bousquet Emile, Seguy Georges, Mortès Antoine, Tristiani Gaetan et Seguy Baptiste doivent sortir des rangs. On les interroge chacun individuellement dans une classe de l’école communale. Tous témoigneront de l’extrême brutalité avec laquelle on tenta de leur faire dire où se trouvaient les réfractaires. Les blessures qu’il reçurent entrainèrent une incapacité de travail de huit à dix jours. Pour exemple, Pierre Paycha raconte comment il fut torturé ce jour-là :

    « Aussitôt rentré, un civil que j’ai su s’appeler Bach, s’est précipité sur moi, m’a frappé à coups de pieds dans le ventre et de coups de cravache sur la tête, me demandant si je ravitaillais les réfractaires. N’ayant pas répondu, ils m’ont pris à quatre et porté sur un table d’élève. Deux me tenaient le ventre sur la table, la tête sur le banc et deux autres me tapaient avec une matraque, genre nerf de bœuf, et avec une grosse corde ferrée aux deux bouts. Ceci a duré un demi-heure environ. Puis ils m’ont mis dehors, face au mur de la mairie, défense de bouger, me disant qu’avant la fin du jour je serais fusillé. Je suis resté demi-heure dans cette position, après quoi, ils nous ont réunis à nouveau en colonne par deux. Ils nous ont considéré comme otages et séparés des autres hommes valides de la localité. »

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    SS-Unterscharführer Oskar Schiffner

    Deux jeunes hommes du village qui furent interrogés, durent sans doute vouloir indiquer un emplacement où pourraient se trouver des réfractaires. Fernand Pérarnaud et Antoine Mortès furent amenés en dehors du Bousquet :

    « Ils m’ont ensuite fait monter et emmené avec mon camarade Mortès Antoine, au col de la Malayrède. De là, nous avons poursuivi à pied et encadrés de militaires, jusqu’à Salvezines. S’ils nous ont conduits vers ces emplacements, ce n’est pas sur mes indications et ils savaient à l’avance que le maquis stationnait dans cette région. Après qu’ils eurent fait une reconnaissance dans les bois, nous redescendîmes au village. Ils m’ont placé avec le restant des hommes et à 18 heures nous fumes libérés.»

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    © La résistance audoise

    Marinette Seguy avant 28 ans

    Au cours de cette triste journée, une jeune femme de 28 ans a perdu la vie. Marie-Madeleine Seguy dit Marinette, fille de Baptiste et de Cécile Pons, née le 16 janvier 1916 à Maury (Pyrénées-Orientales), fut lâchement exécutée par un soldat allemand. La pauvre femme craignant pour son père qui venait d’être arrêté, alla chercher le fusil de chasse qu’il détenait illégalement pour le jeter dans un ravin. Surprise dans sa tentative, elle reçut un décharge de mitraillette dans le bras puis dans la tête. Le docteur Beille note les impacts de trois balles tirées à 150 mètres de distance, dans le bras, au-dessous de l’oreille et dans le crâne de la victime. Le père de Marinette en fut averti de la sorte :

    « J’ai été appelé près d’une voiture où se trouvait le nommé Bach qui m’avait arrêté. Il y avait également à côté de la voiture, un officier allemand et un civil. Il m’a demandé si j’étais le père de la victime, j’ai répondu affirmativement, et Bach m’a dit que ma fille avait payé, et que c’était bien fait. Il a ajouté que si ma fille n’avait pas été tuée, et si le fusil avait été trouvé chez moi, j’aurais été fusillé de suite. »

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    © Genweb

    Le monument dans la commune Le Bousquet

    Nous avons trouvé dans les archives fédérales allemandes, les témoignage d’anciens soldats qui ont participé à cette opération. Il faut savoir que l’Allemagne de l’Ouest a interrogé et cherché à condamner les responsables des crimes de guerre dans l’Aude dans les années 1960 :

    « Dans une autre opération, un village a été fouillé pour trouver des résistants cachés. Les témoins étaient le Dr.Eichberger et Höb. Les hommes ont été rassemblés sur la place et interrogés séparément dans l’école. Au cours de ces opérations menées par le capitaine Nordstern, la fille du maire a tenté de quitter le village avec un fusil de chasse de son père. Elle a été blessée par une mitrailleuse. Elle n’était pas morte sur le coup et a reçu le coup de grâce. Le témoin Eichberger ne se souvient pas qui a exécuté l’ordre. Il ne connaît pas le nom du tireur. Le témoin Berg se souvient que le tireur a ensuite été qualifié de « tueur de femmes » dans la compagnie. Le témoin Van de Camp a dit qu’il s’agissait d’un jeune soldat. »

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    © Martial Andrieu

    La commune du Bousquet a érigé un monument en mémoire de Marinette Seguy. Elle repose depuis 1944 dans le cimetière du hameau de Villalbe près de Carcassonne, dans le caveau de la famille Salsignac.

    Sources

    Archives de Justice militaire / Le Blanc

    Procès de René Bach / ADA 11

    Archives du Bundesarchiv

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