Dernièrement, le journal local rapportant les propos d’un ancien résistant tenus lors d’une remise des prix du concours de la Résistance, titrait :
« Si dans l’Aude la Gestapo a fait beaucoup de dégâts c’est qu’il y avait beaucoup de collabos ».
Cette phrase lancée d’une façon péremptoire au milieu d’une assistance commémorant la bravoure des hommes de l’armée des ombres, dut sans doute rafraîchir une atmosphère jusque-là toute patriotique. Car enfin… Il devait bien s’y trouver dans le public quelques rejetons de ces familles qui préférèrent le déshonneur - en faisant fructifier les bénéfices d’une collaboration avec l’ennemi - qu’un soutien à la Résistance. On sait que des adhérents de partis respectables dit de la mouvance républicaine, ont été les fils, les cousins ou les neveux de Miliciens ou de collaborateurs. D’autres, n’ayant point abandonné l’héritage réactionnaire anti-républicain, militent encore au sein de partis se définissant comme patriotes ou souverainistes. Ils ont l'outrecuidance de traiter leurs adversaires idéologiques de collabos ! Le cynisme est à son paroxysme, quand l'ignorance règne sur le sens des mots.
Ce sont les fils et filles de ces commerçants et de ces propriétaires viticoles membres du Groupe collaboration, de la Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme, du parti Populaire Français de Jacques Doriot. Sans compter, les enrichis du marché-noir ayant détourné la nourriture de la répartition pour vendre les denrées sans tickets. Tous ces gens ont mis le magot à l’ombre ; et ce n’est pas la confiscation d’une partie de leurs biens qui les a appauvris. Quelques années plus tard, les résidences secondaires au bord de la mer ont blanchi l’argent salement gagné. Les retours d’Argentine où ils fondèrent des entreprises, les ont rendu plus blancs que bruns.
Quand on les a vu assister aux commémorations des martyrs du maquis, la loi sur l’amnistie prononcée en 1951 a dû donner des ulcères à ceux qui avaient combattus leurs parents. Faut-il en vouloir à ces rejetons de s’être finalement rangés du côté de la République en tenant de faire oublier un passé dont ils ne sont pas responsables ? Faut-il les blâmer d’avoir mis leur argent au service du mécénat sportif ou culturel, du financement d’un parti politique? Faut-il leur en vouloir d’avoir été placés dans les chambres consulaires, les préfectures, les conseils généraux, etc ? On ne revient pas sur la chose jugée ; l'épuration, bien ou mal, a été faite.
L’Aude n’a certainement pas été au-dessus du reste de la France en terme de collaboration avec l’ennemi, par le truchement - rappelons-le - du gouvernement de Vichy. Nous ne pouvons à ce titre que mentionner les chiffres que nous avons comptabilisés. Il y eut à-peu-près 500 adhérents à la Milice française, 300 membres du Groupe collaboration et moins de Légionnaires et de Doriotistes. Le registre de condoléances de Philippe Henriot, exécuté par la résistance en juillet 1944, compte près de 250 signataires éplorés à un moment où la guerre était perdue. Il s’agit-là des notables, parmi les plus endoctrinés du département, à pleurer la mort du propagandiste d’extrême-droite de Radio-Paris. Notons la présence sur le registre des signatures des officiers de l’armée allemande et de la Gestapo de Carcassonne.
Si l’épuration fut sauvage et désordonnée entre le 25 août 1944 et la fin septembre, c’est à cause en grande partie de résistants de la dernière heure cherchant à se laver de quelques fautes. Les miliciens ayant porté les armes contre la Résistance furent fusillés, à l’exception des chefs qui avaient pu filer en Espagne. Après le mois de septembre 1944 et jusqu’en 1945, ce sont 800 personnes dans l’Aude qui furent condamnées à la dégradation nationale et à la confiscation des biens. Pour ce qui concerne les cas les plus graves, la Cour de Justice étudia les dossiers d’au-moins 500 individus. Certains furent exécutés et d’autres, condamnés à des peines de travaux forcés. Au fil des mois et des appels, les peines se réduisirent comme peau de chagrin. Disons qu’un sujet jugé fin 1944, avait moins de chance de s’en sortir qu’un sujet jugé en avril 1945.
Revenons, si vous le voulez bien, sur le titre de ce journal local… Les collabos ont-ils dénoncé tous les maquis à la Gestapo ? La vérité n’est pas aussi simple. Si l’on prend par exemple, le cas de Trassanel ou de l’arrestation de Jean Bringer. On remarque que certains résistants se sont servis d’agents travaillant pour la Gestapo pour faire arrêter leurs camarades ; ceci pour des raisons diverses et complexes. Au sein des divers groupements de résistants, l’entente à la fin de la guerre n’était plus si cordiale car le temps de la politique reprenait ses droits. Certains d’entre eux avaient été retournés après leur arrestation, pour le compte du renseignement allemand. Agent double et double-jeu faisaient loi. Il en est de même du côté des allemands, où certains renseignaient la Résistance. Sans compter sur les collabos repentis de la dernière heure, cherchant à moyenner leur sort à la Libération. Les Milices patriotiques communistes de Limoux dans lesquelles se sont retrouvés plusieurs voyous et assassins, usant de leurs attributions à faire respecter l’ordre public pour piller et exécuter sans jugement. Si l’on prend tous les autres cas, comme l’attaque contre le maquis de Villebazy à Vignevieille, celui de Chalabre et Belcaire, en effet la collaboration a fait des dégâts. Elle a fait déporter des juifs, des francs-maçons, des syndicalistes, des résistants. A Perpignan, une longue queue attendait devant une administration nazie. L'allemand a son bureau rétribuait les délateurs et on les voyait ressortir avec des billets plus ou moins gros suivant la qualité de l'information.
Si l’on se replace dans le contexte et sans chercher à excuser l’inexcusable, l’homme est un loup pour l’homme. Dès lors que la volonté de puissance l’anime ou qu’il se trouve dans une situation de survie, il est prêt à toutes les compromissions. Les nazis avaient compris qu’en réussissant à diviser les français, il pourraient régner en maître grâce au concours d’un gouvernement idéologiquement à leur botte. C’était sans compter sur l’esprit de rébellion de quelques-uns obéissant à l’appel que leur fit Charles de Gaulle, le 18 juin 1940 depuis Londres. Ils étaient ouvriers, paysans, employés et citant le général après la guerre s’adressant au patronat : « On ne vous a pas vu beaucoup à Londres ».
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Commentaires
Aprés avoir pris connaissance de votre blog richement documenté, j'ai encore plus mal "à ma REPUBLIQUE".
Je vois des gens loin de leur première jeunesse donner du crédit à des théses distillés par des formations dîtes patriotes ou souverainistes, cela me rend très inquiet pour l avenir. Ces gens là devraient lire plus souvent vos news.
Merci encore de votre devoir de mémoire.
encore un coup au moral ---comment peut-on livrer de jeunes hommes courageux à une mort horrible -- ces collabos méritaient la mort mais beaucoup se sont expatriés : les bons français !!! quand on pense qu'encore des guerres meurtrières se déroulent dans le monde pour les intérêts de certains et qu'on martyrise de pauvres gens qui ne savent pas ce qui leur arrive--l'homme est bien un loup pour l'homme !
encore un coup au moral ---comment peut-on livrer de jeunes hommes courageux à une mort horrible -- ces collabos méritaient la mort mais beaucoup se sont expatriés : les bons français !!! quand on pense qu'encore des guerres meurtrières se déroulent dans le monde pour les intérêts de certains et qu'on martyrise de pauvres gens qui ne savent pas ce qui leur arrive--l'homme est bien un loup pour l'homme !
Merci martial pour cet exposé qui résume l’ambiance de l’époque, ses dérives, ses manipulations, ses choix qui sont encore hélas parfois d’actualité aujourd’hui.
Bravo pour votre courage et sincérité que certains devraient lire et relire.
Y a t'il parmi les 800 collabos, des maçons qui ont participé à la construction du Sud Wall ?
Très bon article, mais à quoi bon remuer sempiternellement ce passé nauséabond ? On connaît les collaborateurs : il y a aux archives leur liste, les répertoriant avec leur domicile, leurs responsabilités au sein des mouvements collaborationnistes, les chefs de centaines, etc. Mais est-ce que les descendants de ces tristes individus y sont pour quelque chose ?
Le combat à mener, c'est aujourd'hui qu'il doit être livré, contre les partis qui distillent la haine !