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Seconde guerre mondiale - Page 20

  • Deux nouvelles victimes de la libération de Carcassonne sorties de l'oubli

    Le 13 août 1944 à 17h20, douze P38 du 1er St Fighter Group divisés en trois escadres, décollent d’Aghione en Corse. Il y a le 27th en tête avec comme nom de code Petlog, à sa droite le 71th Cragmore et à gauche, le 94th dit Springcap. Les pilotes américains  portent les noms de : Major J. Harris, Flight Officier Kozerski, Lt Buttles, Lt Fairhurst, Lt Long, Lt Wagnecz, Lt Cake, Lt Jensen, Lt Pregmon, Lt Dale, Kirby et Mullins.

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    Avion américain P38

    D’ordinaire, ces avions étaient chargés d’escorter les bombardiers lourds au-dessus de l’Europe occupée, mais entre juillet et août 1944 certains d’entre eux effectuèrent des missions d’attaques dans le sud de la France. Les objectifs visaient la neutralisation des infrastructures aériennes allemandes en vue du débarquement en Provence. De sa base, après avoir franchi la côté à Sète, l’escadrille arrive à Toulouse et mitraille avec succès une locomotive, un transformateur, un atelier des hangars à Blagnac et des casernements à Montaudran.

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    First Fighter Group "Conquer or die"

    En passant au-dessus de Carcassonne, les P38 s’attaquèrent au dépôt des locomotives de la gare de l’Estagnol, l’ancien local de la manufacture Franco-Italienne de cloches de laine, transformée par les Allemands en dépôt de vivres et la sous-station électrique. D’autres bâtiment connurent des fortunes diverses comme le toit de la gare SNCF et plus sérieusement, celui du château de Gaja qui servait de camp d’entraînement à la Milice de l’Aude. Des hangars de l’aérodrome de Salvaza furent également visés. Il faudra près de deux heures aux pompiers pour venir à bout de l’incendie de la manufacture Franco-Italienne.

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    Lieutenant-colonel Francis Harris, 94th squadron

    A 400 mètres d’altitude, les pilotes faisaient des passages d’Ouest en Est en mitraillant, avec à chaque fois des demi-tour vers le Païchérou et au-dessus de la Cité. En haut des Etablissement Lamourelle à l’Estagnol, la D.C.A Allemande (Flak) tentait de contrarier leur mission. Cette expédition aérienne ne se fit pas hélas sans victimes civiles et si l’histoire ne retint que les victimes du Quai Riquet, nous devons nous rappeler que deux Carcassonnais ont perdu la vie ce 13 août 1944 à 19 heures près du chemin de Serres. Deux autres furent blessés.

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    Walter Pregmon et John Mullins, 94th squadron

    La pauvre Marguerite Bichko née à Castres le 23 février 1931, demeurant à la Villa Sainte-Hélène (Chemin de Serres) à Carcassonne n’avait que 13 ans. Sa mère, Madame Chabastelon Jeanne épouse Bichko raconte le tragique destin de sa fille : « Aujourd’hui, 13 août courant, vers 18h45, j’ai du sonner l’alerte. Avec mes deux enfants, je me suis rendue aussitôt dans une vigne située à 100 mètres de l’habitation. J’ai fait coucher mes enfants à plat ventre. J’en ai fait de même de mon côté à proximité de mes deux enfants. Les avions sont passés aussitôt à basse altitude en tirant des rafales avec leurs mitrailleuses. Ma fille Marguerite a été atteinte d’une balle dans le dos qui est ressortie par la poitrine. Ma fille m’a dit : « Maman, je suis blessée ». C’est tout ce qu’elle a dit, et elle est morte aussitôt. »

    Zéphirin Seguy, né le 26 août 1869 à Espezel (Aude) terminait d’arroser le jardin potager à Saint-Antoine (Chemin de Serres) lorsqu’une escadrille d’avions est passée à basse altitude en mitraillant. Atteint de plusieurs projectiles aux jambes, le malheureux est mort vers 22 heures à l’hôpital de la ville. Il habitait 47 rue Antoine Marty.

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    © Artis

    La gare de l'Estagnol

    Monsieur Ramon Joseph né le 21 mars 1918 à Serres (Espagne) exerçant le métier de plâtrier dans le quartier des Capucins péchait au bord du canal lorsqu’il dut se cacher derrière un platane. Une balle de mitrailleuse lui occasionna une blessure au pied. Gomez Odette, née le 7 février 1932 à Carcassonne, écolière domiciliée rue A. Soumet, fut atteinte à la cuisse alors qu’elle se trouvait dans son jardin.

    Madame Geynes Anne-Marie, née Jaumes, domiciliée rue Dugommier fut légèrement blessée à la tempe gauche.

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    Le chemin de Serres

    Ces victimes civiles collatérales sont tombées depuis bien longtemps dans l’oubli. Il nous semble qu’elles mériteraient une plaque du souvenir à l’instar de celle du Quai Riquet. Elles sont mortes pour la libération de Carcassonne.

    Sources

    Archives privées A. Raucoules

    Archives de l'Aude / 127W

    Archives des victimes civiles / Cæn

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

  • Lucien Maury (1915-1988), chef du maquis de Picaussel

    Lucien, Jean, Alexandre Maury naît à Foix dans l’Ariège le 5 janvier 1915. Appelé sous les drapeaux comme tous les jeunes hommes de sa classe d’âge, il sort avec le grade de sergent en 1936 puis poursuit son instruction à l’Ecole des Officiers de réserve à Hyères. Pendant la campagne de France appelée également « la drôle de guerre », Maury alors chef de section de mitrailleuses au 22e Bataillon de Chausseurs Alpins Maury est fait prisonniers à Vitteaux (Côte d’Or) par les troupes allemandes, le 18 juin 1940. Il s’évade du camp d’Abbeville avant d’être démobilisé le 28 août 1940. Après l’armistice, Lucien Maury prend ses fonctions d’instituteur public le 4 septembre 1940 à Saint-Louis de Parahou dans l’Aude, puis à Puivert. Par l’intermédiaire de Raoul de Volontat, instituteur à Quillan et chef de l’Armée Secrète pour la Haute-Vallée de l’Aude, il se range derrière la lutte contre l’occupant à partir du 1er avril 1943. 

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    © La Maitron

    Raoul de Volontat

    (1911-1944)

    Maury organise un service de passage clandestin vers l’Espagne sous le commandement de l’enseigne de vaisseau Le Merlet d’aviateurs de la Royal Air Force, de réfractaires du S.T.O, d’officiers français. Entre le 1er avril 1943 et janvier 1944, il participe à l’opération d’évasion de la prison de Castres d’officiers Belges et Yougoslaves du service de renseignements Belge : capitaine Boulargue dit « Boule » et commandant Doyen. Réception d’un poste radio en liaison avec Alger depuis Puivert. Réception de 30 containers par parachutages et de 4 radios. Le centre d’émission était installé dans une grotte à 1km du hameau de Lescale.

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    © ADA 11

    Emplacement du PC du maquis de Picaussel

    C’est près de ce petit village au milieu de la forêt de Puivert qu’est créé le maquis de Picaussel, dont Maury devient le chef nommé par Jean Bringer le 6 juin 1944. Picaussel regroupe tous les corps francs du secteur sous la bannière M.U.R, F.F.I, A.S, C.F.L. En sa qualité de chef de maquis, Lucien Maury parvient à repousser l’attaque allemande des 6 et 7 août 1944 ; opération au cours de laquelle le hameau de Lescale est incendié par les Allemands. Les hommes de Picaussel participent également à l’anéantissement d’un convoi ennemi à Puyvalador, à la libération de Quillan et de Carcassonne.

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    © ADA 11

    Lucien Maury et Marius Olive à Puivert en 1944

    Les exploits de Lucien Maury en tant que chef de maquis lui vaudront une citation à l’ordre de l’armée, signée par Charles de Gaulle le 1er octobre 1945 :

    "Officier de grande valeur. Organisateur de premier ordre. A réussi à créer avec des moyens très limités, le maquis de Picaussel, le plus important de son département. S’est tout particulièrement distingué à la tête de son unité le 6 août 1944 à Picaussel, lors de l’attaque de son camp par des forces ennemies très supérieures en nombre et en armement. A fait preuve de réelles qualités d’audace et d’énergie en réussissant le décrochage de sa troupe sans laisser un seul homme aux mains de l’ennemi."

    Si le département de l’Aude fut débarrassé des nazis le 25 août 1944, la résistance n’en avait pas fini avec eux. Elle se mit en quête de les pourchasser jusqu’en Allemagne. Le 15 septembre 1944, Maury prend le commandement du 1er bataillon du 81e Régiment d’Infanterie et avec ses hommes, part de Carcassonne en direction de l’Est de la France. Cet épisode lui vaudra deux nouvelles citations, l’une à l’ordre du régiment (13 février 1945) et l’autre, à l’ordre de la division (14 mai 1945). 

    "Stagiaire au 3e bataillon, a fait preuve de réelles qualités de sang-froid, de coup d’œil et de courage personnel au cours de l’engagement du bataillon au nord de Mulhouse les 21,22 et 23 janvier, en particulier le dernier jour où il a rempli dans des conditions difficiles, plusieurs missions de liaisons délicates et périlleuses auprès des compagnies engagées."

     « A fait preuve d’un courage remarquable en assurant plusieurs liaisons importantes sous un tir extrêmement violent au cours des journées des 11 et 12 avril 1945 devant Rastatt. Le 12 avril 1945 au soir, lors de l’attaque de la fabrique, point d’appui important de la défense ennemie, a entraîné par son exemple le premier échelon de l’attaque contribuant ainsi à la reddition de la garnison allemande. »

    Lucien Maury passe le commandement le 23 mars 1945 de son bataillon à du Crest de Villeneuve. Il devient lieutenant d’active le 1er juin 1945 et poursuit une carrière dans l’armée. En Indochine, il passera deux ans en captivité. En Algérie, il sera commandant en second du 14e Régiment de Chasseurs Parachutistes.

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    Dix ans avant sa mort, Lucien Maury rédige les deux tomes de La résistance audoise. Ce livre qui paraîtra en 1980 mériterait une réédition, tant ses témoignages sont précieux. L’ancien chef du maquis de Picaussel qui s’était marié avec Francine Payès le 26 mars 1942, mourra en 1988 et sera inhumé à Quillan. Sa valeur morale, son courage et son patriotisme devraient être montrés en exemple. Hélas, il nous a été impossible de trouver une quelconque biographie sur internet. Fort heureusement, les archives de la défense de Vincennes ont conservé une riche documentation sur Lucien Maury. Nous y avons puisé l’ensemble des renseignements publié dans cet article.

    Chevalier puis Commandeur de la Légion d’honneur

    Croix de guerre avec une palme et trois étoiles

    Médaille de la Résistance

    Silver Star (U.S.A)

    Source

    Service historique de la défense / Vincennes

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  • Alet-les-Bains, le 26 août 1942...

    Le 26 août 1942, l'adjudant de gendarmerie de la brigade de Limoux se rendit à Alet-les-Bains afin de savoir si aucun israélite habitant le village ne l'avait quitté. Depuis l'armistice, le gouvernement de Vichy avait rassemblé les réfugiés étrangers au sein de groupements de travail, appelés G.T.E. Ces familles étaient employées aux mines, à l'entretien des routes pour le compte de l'Etat-Français. Le lendemain, 26 août 1942, une quinzaine de gendarmes missionnés par la préfecture investit Alet-les-Bains pour arrêter les femmes et les enfants juifs. Ils devaient être transférés au camp de concentration de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales).

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    © Un village français

    Photographie d'illustration

    Une jeune fille du nom de Sophie Wolff s'étant enfuie et cachée dans la montagne, Madame R et son frère, industriels dans une usine de la ville, crurent bon d'effectuer eux-mêmes des recherches afin de la retrouver. Chez Madame Zimmermann, ils entrèrent et demandèrent avec virulence si elle ne cachait pas la fugitive. Madame R la menaça du camp de concentration si elle ne la livrait pas, car la nationalité roumaine de Madame Zimermann la protégeait pour le moment de la déportation. "On vous mettra en camp de concentration si vous cachez Mlle Zophie et que vous ne le déclarez pas !", lui dit-elle. Toujours de son propre chef, la présidente de la Croix-Rouge locale, fit mobiliser tous les jeunes gens du village avec leurs vélos pour faire ces recherches restées infructueuses.

    Mlle Sophie, ignorant tout cela, sachant les gendarmes partis d'Alet et n'ayant pas à manger, revint dans le village. Elle demanda à Madame Zimmermann de la cacher chez elle. Cette dernière ne put accepter en raison des menaces proférées par Madame R. Mais pas seulement... Sa maison était surveillée par des habitants d'Alet-les-Bains. La jeune fille  se rendit alors chez Madame R pour lui demander secours, mais au lieu de l'aider, elle téléphona à la gendarmerie de Limoux pour la dénoncer. La brigade répondant qu'elle considérait l'affaire comme classée, la délatrice enleva tous les papiers et la fit coucher chez une voisine. Le lendemain, Madame R la fit garder à vue et son fils donna des instructions à une ouvrière de l'usine pour qu'elle ne sorte pas.

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    © Un village français

    Emmanuelle Bach alias Jeanine Schwartz

    La Présidente de la Croix-Rouge téléphona à nouveau à la gendarmerie et les hommes ayant "ramassé" les israélites de Carcassonne, passèrent à Alet sur le chemin vers Rivesaltes. L'usine se trouvant sur la Nationale, ils s'y arrêtèrent et prirent la jeune fille avec eux. La Poste d'Alet avait reçu des instructions la veille et certaines personnes étaient au courant d'une prochaine opération policière, mais rien n'a été fait pour éviter la déportation de ces malheureux. Ils furent internés à Rivesaltes et plus tard, vers un lieu où plus de 5 millions des leurs ne revinrent jamais...

    Source

    Archives de l'Aude / 123J124

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