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Peintres et sculpteurs - Page 9

  • Winston Churchill a peint les remparts de Carcassonne !

    Ce grand homme d'état britannique à qui nous devons une grande partie de notre liberté, a effectivement peint les remparts de la Cité de Carcassonne. C'était à une époque où ne s'accordant plus avec les instances du Parti conservateur, notamment sur les positions à adopter face à la montée de l'Allemagne nazie. Churchill se retrouvait bien seul à devoir critiquer les périls incarnés par le fascisme en Espagne, en Italie. Là, comme en France, le gouvernement pensait préserver la paix et nomma Neville Chamberlain. On connaît la suite...

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    © Bettman via Getty images

    Comme il l'écrivit lui-même dans son ouvrage "Painting as a pastime", publié en 1921 dans The stand magazine : "La peinture est venue à ma rescousse dans une période des plus difficiles". La peinture maintiendra donc le vieux lion au-dessus de la ligne de flottaison, à un moment où la dépression s'empara de son esprit. Durant l'été 1931, Churchill avec sa femme et son fils voyagent en automobile dans le sud de la France. Après être partie de Biarritz, la famille arrive à Carcassonne le 12 août 1931 et pose ses bagages dans l'Hôtel de la Cité. Son livre d'or conserve la dédicace du futur Premier ministre Anglais : "Wonderfull fortress". Churchill profite de son temps pour aller poser son chevalet à l'intérieur des lices, recherchant la lumière comme ses idoles impressionnistes. Il repart de Carcassonne vraisemblablement deux jours après vers Avignon, avant d'être appelé en urgence à Londres le 16 août 1931. Quatre jours plus tard, le vieux lion britannique revient dans le sud de la France et s'installe à Juan-les-Pins le 23 août.

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    Les remparts de Carcassonne par W. Churchill

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    L'endroit exact positionné en hauteur sur les remparts d'où il peignit son tableau

    Cette huile sur toile de 25x22 cm, il l'offrit à sa fille Mary. Elle la conserva jusqu'à son décès. Elle fut mise ensuite aux enchères publiques chez Sotheby's en 2014. Estimé entre 50 000 et 75 000 €, le tableau trouva acquéreur pour la somme de 759 572 €. 78 ans après, la toile de sir Winston Churchill fit parler de la Cité de Carcassonne dans le monde entier. Thank you, Sir for "No sport".

    Sources

    W. Churchill, the prophet of truth / Martin Gilbert

    Sotheby's

    Painting as pastime / The stand magazine / 1921

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

  • La façade de la Caisse d'Epargne révèle des secrets inédits...

    On passe devant sans lever les yeux vers la superbe mosaïque - il s'agit de bien de cela - qui orne la façade de la Caisse d'Epargne, boulevard Camille Pelletan. Que savions-nous jusque-là de cette réalisation artistique ? Qu'elle était l'œuvre de l'architecte Emile, Charles Saulnier (1828-1900) et c'est à peu près tout. Or, grâce à une découverte très récente mise à ma disposition par l'un de ses descendants, j'ai pu mener un travail de recherche plus approfondit.

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    © Archives de l'Académie d'architecture

    Emile Saulnier naît à Paris le 19 janvier 1828. Grand prix Percier de l'Ecole de dessin en 1845 puis élève à l'Ecole des Beaux-arts, il est nommé à Carcassonne ensuite comme Architecte de l'Aude. On lui doit de nombreux édifices publics dans le département, mais également lorsqu'il prendra les fonctions d'architecte diocésain en 1880, la construction d'églises et de chapelles-tombeaux pour des particuliers : Famille de Pennautier (Pennautier), Rolland du Roquan (Carcassonne), Denelle (Alzonne), Perrière (Puichéric), Sicard (Caunes-Minervois), etc. Citons pour la ville de Carcassonne, la façade du Musée des Beaux-arts et la Caisse d'Epargne. Emile Saulnier mourra à Carcassonne en 1900 et est inhumé au cimetière Saint-Vincent.

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    Un membre de la famille Saulnier conserve le dessin préparatoire à la mosaïque. Elle vient de m'en adresser une copie. Il nous suffira d'observer les différences entre le projet et le résultat final, pour s'apercevoir de la disparition du "Epargne" au-dessus de la tête du personnage central. Le triptyque devait être Travail, Epargne, Famille. Sans doute pour des questions de mesures, ce mot a t-il été supprimé lors de la pose de la mosaïque. L'homme à gauche ne tient plus l'enclume et le marteau, mais les symboles de l'industrie, comme un engrenage par exemple.

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    Ce qui m'a surtout interpellé ce sont les signatures en bas du dessin. Nous avons certes Emile Saulnier qui réalisa le dessin et fait nouveau porté à notre connaissance, les noms du mosaïste et du sculpteur. Giandomenico Facchina (1826-1903) fut un mosaïste français d'origine italienne de renommée internationale. On lui doit les décors de l'opéra Garnier, de Basilique du Rosaire à Lourdes, du Musée Carnavalet, etc. Quant à C. Carlès, j'ai cherché un bon moment... Il s'agit du sculpteur Jean Paul Antonin Charles Carlès (1851-1919), dit Antonin Carlès.  Lui aussi, un très grand artiste dans le domaine de la sculpture auquel ont doit plusieurs œuvres d'envergure :  Palais des Tuileries (Paris), New-York (Buste de Gordon Bennett), Mexico... Nous avons là semble t-il les noms des artistes qui ont réalisé la façade de la Caisse d'Espagne de Carcassonne. Une trouvaille qui ne manquera d'enrichir désormais "Carcassonne, ville d'art et d'histoire'.

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2018

  • Le monument à la Résistance audoise, où il ne fallait pas trop voir Jean Bringer

    Le jour de la Libération de Carcassonne se fonde le Comité Jean Bringer avec pour mission d’honorer la mémoire de tous les martyrs de la Résistance audoise, dont Jean Bringer dit Myriel - chef départemental F.F.I - et ses camarades assassinés à Baudrigues le 19 août 1944. La présidence est confiée à Marcel Canaby - 75 allée d’Iéna - Inspecteur principal des eaux et forêts, administration dans laquelle Jean Bringer fut un agent très dévoué. Le général Kœnig lui avait donné à choisir entre un poste près de Draguignan ou dans notre ville. Il opta pour celle-ci en raison de sa proximité avec le lieu de résidence de son épouse situé au Bousquet d’Orb dans l’Hérault. Bringer prit donc cet emploi dans les eaux et forêts qui constituait une couverture pour ses actions de résistance. De son bureau du square Gambetta, le chef des F.F.I partait ainsi avec son vélomoteur en direction des forêts dans lesquelles séjournaient les maquis, sans que cela éveille des soupçons. Retenez bien qu’il n’a été arrêté le 29 juillet 1944 qu’à cause d’une trahison venant de son propre camp. Selon René Bach : « Il nous (La gestapo. NDLR) a été livré sur un plateau ». Quand on prend soin d’observer les noms des membres du Comité Bringer, on se rend compte de l’absence de certains chefs. Notamment Lucien Maury (Picaussel), Henri Négrail (Limoux), Victor Meyer (Maquis FTP Robert et Faïta), Gilbert de Chambrun, etc. Après tout n’est-ce peut-être que le hasard, ou ne les a t-on pas sollicités… Quoi qu’il en soit, la liste de ces membres répondent à certaines interrogations : Francis Vals, Nizet (Montolieu), Raynaud (Villeneuve-Minervois), Daraud (alias Bel), Barrière Paul (Espéraza), Duffaut (Logeur de Bringer), Graille Jean (Sous-préfet de Pamiers), Beauviel, Amiel Louis, Dr Cannac, Nicol Louis, Coumes André, Roubaud Lucien, Ct David (Espéraza), Ct Lajoux (Roquefeuil).

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    Jean Bringer en uniforme

    Dans les mois qui suivirent la Libération de l’Aude, lorsque les enquêtes furent ouvertes pour trouver les coupables de l’arrestation de Bringer, deux camps s’en rejetèrent la responsabilité. Louis Amiel, président du Comité Local de Libération et ancien adjoint de Bringer, en voulant exonérer Chiavacci (proche de Delteil) que les résistants de Limoux accusaient de trahison, les désigna comme étant les auteurs de cette machination. Notons que René Chiavacci fut incarcéré pendant plusieurs mois, fortement soupçonné d’avoir désigné Bringer à la Gestapo après les révélations de René Bach. Delteil et Amiel mettront toute leur énergie à tenter de le faire libérer. S’il nous est impossible pour l’instant de désigner un coupable, la guerre ouverte entre deux clans peut en être à l’origine… Ces maquis que Bringer devait unir depuis qu’il avait été récemment nommé chef des F.F.I, ne l’étaient sûrement pas. Lorsque leur ennemi commun se trouva à terre, les querelles politiques pour le pouvoir prirent force et vigueur. Sur ce point, notons que c’est le communiste Georges Morgulef qui remplaça Jean Bringer (Armée Secrète nommé par Londres) à la tête des FFI du département.

    Durant l’été 1944, les Allemands avaient ordonné la destruction du square Gambetta car ils redoutaient qu’un débarquement sur les côtes méditerranéennes ne fassent entrer les alliés par la route de Narbonne. Ce magnifique jardin ainsi dévasté resta dans cet état avant que la mairie ne décide de le réhabiliter. L’architecte départemental Bourrely fut chargé d’étudier le nouveau visage que pourrait prendre ce square. De son côté, le Comité Bringer voulut faire réaliser un monument à la gloire des martyrs de la Résistance audoise avec Bringer comme icône. C’est le sculpteur et ancien résistant René Iché, né en 1897 à Sallèles d’Aude, que l’on approcha pour exécuter cette œuvre. Le statuaire s’était retiré à Paris où il possédait un atelier dans le Ve arrondissement, 56 rue du Cherche-Midi. Il s’engagea contractuellement le 8 octobre 1946 à « exécuter dans le plus bref délai possible, un monument de pierre dure de son choix, pour être placé sur le Square Gambetta, à Carcassonne. » Le sculpteur devra s’entendre avec M. Bourrely pour l’aménagement du monument au sein du jardin qui devra exprimer la vaillance héroïque. « Une partie de l’œuvre devra comporter une inscription et un portrait en bas-relief de Jean Bringer sans que cela nuise à l’unité de l’ensemble. » Il semble par ailleurs que la ville ait également sollicité Iché pour le square Chénier ; un projet qui ne se fera pas.

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    Le square Gambetta en 1948

    En janvier 1947, Iché s’inquiète des lenteurs d’aménagement de Gambetta alors même qu’on lui demande de réaliser son monument dans les plus brefs délais. Il propose qu’à défaut de square, on en pose la première pierre lors de l’inauguration de son œuvre. La principale problématique à laquelle va se heurter le sculpteur est le manque de matières premières et de matériel pour les acheminer. Ces atermoiements conjugués avec le retard pris dans le choix de la pierre vont avoir des conséquences sur les prix. Lé pénurie et la spéculation sur le franc entraînent une hausse des tarifs qui fait grimper en deux ans la note finale, suspendue aux subventions et à la souscription lancée par le Comité. Dans ce monde en reconstruction, le statuaire s’emploie à rechercher la meilleure pierre pour son œuvre tout en demandant des avances financières à un comité qui ne cesse de s’impatienter. Le 1er mai 1947, René Iché écrit au président Canaby qu’il compte utiliser un matériaux synthétique : « J’ai commencé il y a plus de dix ans au laboratoire des Travaux publics et du Bâtiment des essais de béton vibré en moules de plâtre qui m’ont donné d’intéressants résultats. Je suis resté en relations avec les meilleurs techniciens dans ces matières et je poursuis actuellement des recherches sur un agrégat que je continue à appeler béton mais qui n’a rien de commun avec ce matériau sinon qu’il est synthétique et non naturel. » En fait, Iché recherche la pierre la plus dure en s’inspirant du béton Romain. Meilleur que la pouzzolane, le ciment de laitier de haut-fourneau.
    Le 21 juin 1947, Iché renonce à son expérience, envisage une œuvre en granit breton mais la carrière ne peut extraire un bloc de 7 mètres de haut. Il va se rendre dans le Finistère et demande 200 000 francs au Comité pour passer la commande. Si celui-ci loue la conscience professionnelle du sculpteur, il lui oppose sa conception du futur monument : « La multiplicité des symboles : lutteurs, arbre, maquisard, si elle satisfait l’artiste et le penseur, peut à beaucoup paraître obsédante, et être une cause de dispersion d’attention. De plus, on s’est demandé si de nombreux audois ne verraient pas, dans le maquisard comme dans le médaillon le chef Myriel… qu’ils n’ont pas connu et si le caractère du monument à tous les Résistants martyrs ne serait pas un peu estompé. »

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    Projet initial dans l'atelier de René Iché

    "Certains collègues n'aiment pas le socle du monument. A leur sens, les lutteurs perchés sur un arbre ne donnent pas la sensation de vaillance héroïque, mais rappellent Tarzan".
    Etrange revirement de ce Comité obligé de composer avec l’ensemble des donateurs. Jean Bringer pour lequel s’est constitué cette souscription, est trop en vue… A juste titre, Iché répond avec surprise : Lorsque vous me dites que vos compatriotes risquent de voir dans mon ouvrage un hommage trop exclusif au chef Myriel, je suis surpris, car, souvenez-vous en, notre thème au départ était bien celui-là. Le titre même de votre Comité en est la preuve et c’est moi qui ai jugé nécessaire et désiré étendre l’hommage à tous les résistants audois. » Concernant la pierre en granit, la carrière de celui de Kersanton est épuisée alors Iché réalisera le monument en roche calcaire du Châtillonnais.
    On avait promis à René Iché le médaillon représentant Jean Bringer que détenait Madame Cannac, afin de le reproduire sur le monument. Il ne le recevra jamais et les époux Cannac iront s’installer à Antibes, avant que le docteur ne soit suicidé dans la clinique Delteil en septembre 1952. On n’a plus envie de faire représenter l’ancien chef des FFI et la recherche d’anonymat dans le portrait laisse penser que tous les résistants audois ne se reconnaissaient pas en lui. René Iché écrit à Canaby le 4 mai 1948 : « J’apprends avec surprise que le docteur et Mme Cannac ont quitté Carcassonne pour Antibes. Mme Cannac ne m’a pas adressé le modèle du médaillon qu’elle a modelé, sans doute parce que j’avais exprimé l’idée qu’il me faudrait donner au maquisard les traits de Jean Bringer. » Le sculpteur indique qu’il fera du maquisard une figure anonyme. Il ajoute qu'il ne gravera pas l’inscription sur cette face principale du monument mais à l’arrière de celui-ci. C'est son ami Max Savy qui servit de modèle.

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    © ADA 11

    La maquette initiale vue de face


    Au mois de janvier 1948, la pierre n’est toujours pas livrée et le comité émet encore des critiques sur une maquette qu’aucun des membres n’ira voir à Paris. Elle ne le sera qu’au mois de mai. ; Iché écrit que son œuvre sera livrée au mois d’août. L’aménagement du square Gambetta avance et la ville a renoncé à faire un jardin d’enfants, le monument à la Résistance - autorisé par décret du 21 avril 1948 - ne sera plus placé au centre mais dans un petit abri entouré d’un voile végétal.

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    © ADA 11

    Le monument peu de temps avant sa livraison

    Le dimanche 22 août 1948, sous la présidence du général Zeller, le monument à la Résistance est inauguré en présence de nombreuses personnalités. Le rassemblement se fait d’abord sur la place de Gaulle à 9h45 avant un départ en voitures pour la clairière de Baudrigues.

    monument à la résistance

    Une stèle en granit reçoit une gerbe de fleurs en hommage aux victimes. Il est remis à la veuve Bringer la légion d’honneur de son mari, à titre posthume. La cérémonie se poursuit au cimetière Saint-Michel, au Quai Riquet, à la cathédrale et au Temple. L’inauguration du monument a lieu dans l’après-midi.

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    Le monument à la Résistance audoise en 2018

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