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Peintres et sculpteurs - Page 9

  • Narcisse Salières, un grand peintre Carcassonnais oublié

    Narcisse Salières naît à Carcassonne le 7 octobre 1818 dans le quartier de la Barbacane où son père exerce le métier de retordeur de laine. Ses premières leçons de dessin lui sont données par Gamelin fils, avant que le jeune peintre ne soit admis en 1840 à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris dans la classe de Paul Delaroche. Conscient de l’énorme potentiel de son élève, le maître adresse une lettre au Conseil général de l’Aude afin que Salières obtienne une bourse d’études. Il précise qu’il pourrait ainsi poursuivre à l’Ecole des Beaux-Arts et concourir pour le Prix de Rome. L’administration départementale préfèrera apporter son aide à un autre élève plutôt qu’au fils d’un pauvre artisan misérable de la ville. Faute de moyens, Salières dut revenir à Carcassonne et renoncer à la carrière qu’il était en droit d’attendre. De 1845 à 1847, il fit de nombreux portraits aux crayons de familles carcassonnaises : Mlle Peyrusse, Mme Carayon-Latour, M. Pellet, la famille Tesseyre, les enfants Bosc, etc.

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    © institutdugrenat.com

    Portrait de femme à l'éventail

    En 1847, Narcisse Salières est nommé comme professeur de dessin au lycée de Montpellier et se marie l’année suivante avec Emma Robert à Carcassonne. Le couple s’installe 22, boulevard du Jeu de paume. Leur unique enfant Jean Jacques Henri naîtra le 27 janvier 1849.

    Salières reste dans la capitale héraultaise dix ans pendant lesquels, sa production s’enrichit de nombreuses œuvres primées aux salons de Paris et dans les expositions de province.

    1847 : Jesus et la Samaritaine (Acquis par l’Etat)

    1848 : Le raccomodeur de faïence (Médaille d’argent à Montpellier et tiré en loterie)

    1849 : Une mendiante

    1850 : Les orphelines

    1851 : Le marchand de complaintes (Acquis par la Société des Amis des Arts, il se trouve au Musée Fabre à Montpellier)

    1852 : Paysanne de l’Ariège

    1854 : A moitié chemin

    1859 : Moissonneuse des bords de l’Arac (Ariège)

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    © artnet.fr

    L’avare surpris (1856)

    1857 : Théâtre de Polichinelle

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    © Metropolitan Museum of New-York

    "Le raccomodeur de faïence" fut vendu par Camille Renault à l'Hôtel Drouot le 9 avril 1986. M. Whitney en fit l'acquisition. La toile partit à New-York. En 2003, les époux Mac Veigh en firent don au Metropolitan muséum où elle se trouve actuellement.

    Narcisse Salières invente en 1853 un nouveau procédé de gravure diaphane dont le mémoire est présenté à l’Académie des lettres des Sciences de Montpellier. Il renoncera à déposer les droits d’auteurs. Malgré son talent, le peintre Carcassonnais sera remplacé dans ses fonctions d’enseignant et reviendra dans sa ville natale. Dans son atelier du 8, boulevard du Jardin des plantes (actuel boulevard O. Sarraut), situé dans le grand immeuble de la Brasserie Lauth, Salières  réalise ses plus belles toiles. Son ami Achille Rouquet, nous décrit cet univers dans « Le vigneron Narbonnais » en 1887 :

    « Vêtu d’un veston court, les cheveux à peine grisonnants emprisonnés sous une sorte de béret qui donne à sa physionomie fine et expressive un cachet tout particulier, l’artiste vous tend la main, en vous montrant une figure souriante et avenante, malgré les quelques rides que l’âge et le travail ont plissé sur ses joues teintées de brique.

    L’atelier est encombré de chevalets garnis de tableaux, et surtout de portraits, qui attendent le dernier coup de pinceau avant d’être livrés aux nombreux clients de l’artiste. Devant moi, se dresse la plantureuse beauté d’une splendide jeune fille de dix-huit ans à vingt ans. Ce portrait presque terminé semble sortir du cadre. C’est devant lui, devant cette poitrine superbe, d’un modèle si puissant et d’une si éclatante blancheur, que le félibre Achille Mir s’écriera demain : « Biétazé ! qu’un pilot de caulado !… Les murs sont couverts de pochades, d’ébauches d’études. dans un coin une petite bibliothèque, et, sur des rayons, quelques bas-reliefs et quelques plâtres. »

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    © Musée des Beaux-Arts de Carcassonne

    Portrait de Charles Portal de Moux

    Parmi les toiles réalisées à Carcassonne, on peut citer : « Portrait de M. Perrens » (1861) qui fut professeur de rhétorique au lycée Bonaparte,  « Le naufragé (1869), « Le déjeuner d’une écolière » (1870), « Le déjeuner de l’écolière » (1872), « Un intérieur d’écurie » (1873).

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    © Musée des Beaux-Arts de Carcassonne

    Cimabuë rencontrant Giotto

    Surtout, n’oublions pas « Cimabuë rencontrant Giotto » (1876) qui se trouve dans les collections du Musée des Beaux-Arts de Carcassonne, suite à l’exposition artistique de la ville où il obtint une médaille d’or, « Portrait de M. Portal de Moux », « Marchand de sucreries » (1877), « Jeune Hongroise endormie » (1880), « Vue prise sur les bords de l’Orbieu » (1880), « Portrait d’un garçonnet » (1900) fils d’un négociant et ami de la famille, etc.

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    © Musée des Beaux-Arts de Carcassonne

    Portrait de Paul Carbou

    A Carcassonne où Narcisse Salières prépare également l’avenir de son fils dans les affaires industrielles, le peintre a peint le portrait de son ami Achille Mir en 1879. Ce dernier l’a conservé chez lui ; aujourd’hui, il se trouve au Musée des Beaux-Arts de Carcassonne.

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    © Musée des Beaux-Arts de Carcassonne

    Portrait d'Achille Mir, Félibre Majoral

    Il pourrait nous paraître curieux que Salières se soit mis à illustrer les livres du félibre Mir ; de truculentes caricatures, comme dans Le lutrin de Ladern ou le Curé de Cucugnan. Pas tant que cela, puisque le peintre, bien moins connu qu’Honoré Daumier, travailla pour les revues suivantes : Le Monde illustré, Le musée des familles et Le magasin pittoresque.

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    A l’occasion du feu d’artifice du 14 août 1898, Narcisse Salières avait peint l’Embrasement de la Cité depuis le Pont neuf. Ce tableau fut exposé en juillet 1899 dans la vitrine de l’encadreur Caselli, 23 rue Courtejaire. Pour les anciens, l’ancien doreur Ratto et pour les nouveaux, l’actuelle boutique de bijoux fantaisies, Cécile. Cette toile allait être acquise immédiatement par l’industriel Michel Sabatier, patron de la distillerie du même nom. Il lui fit faire le tour des principales villes de France à chaque fois que Sabatier y présentait ses liqueurs, et surtout à l’Exposition Universelle de Paris en 1900. Le but de l’industriel et mécène consistait à faire la promotion touristique de notre merveilleuse cité médiévale. Le tableau a été acquis récemment par la ville de Carcassonne.

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    © Musée des Beaux-Arts de Carcassonne

    Autoportrait. Narcisse Salières en 1894

    Parmi les autres œuvres de Salières, notons un tableau dont il fit don à l’église Saint-Gimer. Il représente l’évêque du même nom distribuant les aumônes. Dans le chœur de l’église de Mouthoumet, se trouvent trois toiles du peintre Carcassonnais. Nous espérons avoir contribué à rendre à Narcisse Salières la réputation dont il jouissait en son temps. Après une longue existence de 90 ans, le peintre s’éteignit le 28 mars 1908 à Marseille où s’était retiré avec son fils et sa belle-fille, 21 rue Perrin Solliers.

    Sources

    Le Rappel de l'Aude, La Cité, Le vigneron Narbonnais

    Annuaire de l'Aude / 1897

    Filae, Généanet, Etat-civil (ADA 11)

    Aucune source n'a été puisée chez des historiens locaux contemporains. Cet article a nécessité six heures de travail.

    Photo en Une

    Narcisse Salières par lui-même en 1860

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

  • Winston Churchill a peint les remparts de Carcassonne !

    Ce grand homme d'état britannique à qui nous devons une grande partie de notre liberté, a effectivement peint les remparts de la Cité de Carcassonne. C'était à une époque où ne s'accordant plus avec les instances du Parti conservateur, notamment sur les positions à adopter face à la montée de l'Allemagne nazie. Churchill se retrouvait bien seul à devoir critiquer les périls incarnés par le fascisme en Espagne, en Italie. Là, comme en France, le gouvernement pensait préserver la paix et nomma Neville Chamberlain. On connaît la suite...

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    © Bettman via Getty images

    Comme il l'écrivit lui-même dans son ouvrage "Painting as a pastime", publié en 1921 dans The stand magazine : "La peinture est venue à ma rescousse dans une période des plus difficiles". La peinture maintiendra donc le vieux lion au-dessus de la ligne de flottaison, à un moment où la dépression s'empara de son esprit. Durant l'été 1931, Churchill avec sa femme et son fils voyagent en automobile dans le sud de la France. Après être partie de Biarritz, la famille arrive à Carcassonne le 12 août 1931 et pose ses bagages dans l'Hôtel de la Cité. Son livre d'or conserve la dédicace du futur Premier ministre Anglais : "Wonderfull fortress". Churchill profite de son temps pour aller poser son chevalet à l'intérieur des lices, recherchant la lumière comme ses idoles impressionnistes. Il repart de Carcassonne vraisemblablement deux jours après vers Avignon, avant d'être appelé en urgence à Londres le 16 août 1931. Quatre jours plus tard, le vieux lion britannique revient dans le sud de la France et s'installe à Juan-les-Pins le 23 août.

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    Les remparts de Carcassonne par W. Churchill

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    L'endroit exact positionné en hauteur sur les remparts d'où il peignit son tableau

    Cette huile sur toile de 25x22 cm, il l'offrit à sa fille Mary. Elle la conserva jusqu'à son décès. Elle fut mise ensuite aux enchères publiques chez Sotheby's en 2014. Estimé entre 50 000 et 75 000 €, le tableau trouva acquéreur pour la somme de 759 572 €. 78 ans après, la toile de sir Winston Churchill fit parler de la Cité de Carcassonne dans le monde entier. Thank you, Sir for "No sport".

    Sources

    W. Churchill, the prophet of truth / Martin Gilbert

    Sotheby's

    Painting as pastime / The stand magazine / 1921

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  • La façade de la Caisse d'Epargne révèle des secrets inédits...

    On passe devant sans lever les yeux vers la superbe mosaïque - il s'agit de bien de cela - qui orne la façade de la Caisse d'Epargne, boulevard Camille Pelletan. Que savions-nous jusque-là de cette réalisation artistique ? Qu'elle était l'œuvre de l'architecte Emile, Charles Saulnier (1828-1900) et c'est à peu près tout. Or, grâce à une découverte très récente mise à ma disposition par l'un de ses descendants, j'ai pu mener un travail de recherche plus approfondit.

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    © Archives de l'Académie d'architecture

    Emile Saulnier naît à Paris le 19 janvier 1828. Grand prix Percier de l'Ecole de dessin en 1845 puis élève à l'Ecole des Beaux-arts, il est nommé à Carcassonne ensuite comme Architecte de l'Aude. On lui doit de nombreux édifices publics dans le département, mais également lorsqu'il prendra les fonctions d'architecte diocésain en 1880, la construction d'églises et de chapelles-tombeaux pour des particuliers : Famille de Pennautier (Pennautier), Rolland du Roquan (Carcassonne), Denelle (Alzonne), Perrière (Puichéric), Sicard (Caunes-Minervois), etc. Citons pour la ville de Carcassonne, la façade du Musée des Beaux-arts et la Caisse d'Epargne. Emile Saulnier mourra à Carcassonne en 1900 et est inhumé au cimetière Saint-Vincent.

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    Un membre de la famille Saulnier conserve le dessin préparatoire à la mosaïque. Elle vient de m'en adresser une copie. Il nous suffira d'observer les différences entre le projet et le résultat final, pour s'apercevoir de la disparition du "Epargne" au-dessus de la tête du personnage central. Le triptyque devait être Travail, Epargne, Famille. Sans doute pour des questions de mesures, ce mot a t-il été supprimé lors de la pose de la mosaïque. L'homme à gauche ne tient plus l'enclume et le marteau, mais les symboles de l'industrie, comme un engrenage par exemple.

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    Ce qui m'a surtout interpellé ce sont les signatures en bas du dessin. Nous avons certes Emile Saulnier qui réalisa le dessin et fait nouveau porté à notre connaissance, les noms du mosaïste et du sculpteur. Giandomenico Facchina (1826-1903) fut un mosaïste français d'origine italienne de renommée internationale. On lui doit les décors de l'opéra Garnier, de Basilique du Rosaire à Lourdes, du Musée Carnavalet, etc. Quant à C. Carlès, j'ai cherché un bon moment... Il s'agit du sculpteur Jean Paul Antonin Charles Carlès (1851-1919), dit Antonin Carlès.  Lui aussi, un très grand artiste dans le domaine de la sculpture auquel ont doit plusieurs œuvres d'envergure :  Palais des Tuileries (Paris), New-York (Buste de Gordon Bennett), Mexico... Nous avons là semble t-il les noms des artistes qui ont réalisé la façade de la Caisse d'Espagne de Carcassonne. Une trouvaille qui ne manquera d'enrichir désormais "Carcassonne, ville d'art et d'histoire'.

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