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Peintres et sculpteurs - Page 11

  • Essai d'inventaire des tableaux et objets représentant le poète André Chénier

    Gabriel de Chénier, dernier descendant du poète, possédait des papiers de famille qui furent légués à la Bibliothèque municipale de Carcassonne, la ville où André Chénier avait passé huit années de sa jeunesse. Nous y reviendrons dans un prochain article. Il s'y trouve notamment les lettres d'André à son père, les seules connues en original à une près, qui est à Zurich, des lettres de divers membres de la famille, des documents officiels concernant André et quelques livres de sa bibliothèque personnelle.

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    Plaque sur la maison de la rue Pinel, à Carcassonne

    Le musée de Carcassonne reçut des portraits, notamment ceux d'André Chénier et de sa mère et divers objets. Aujourd'hui, le musée des Beaux-arts expose dans ses collections permanentes une partie de cet héritage, l'autre partie se trouve dans les réserves. Quant à la bibliothèque municipale, depuis son démantèlement en 2010 au profit de la Communauté d'agglomération du Carcassonnais, il n'est plus possible d'accéder d'une façon pratique à l'ensemble du fonds, qu'en prenant rendez-vous auprès des bibliothécaires dans un bâtiment "provisoire" qui dure depuis sept ans, situé à cinq kilomètres. Soumis au droit de réserve, les employés ne peuvent s'exprimer ouvertement sur le lieu de conservation des manuscrits, de feu la bibliothèque municipale. Outre le fonds Chénier et son billet manuscrit de Voltaire, il s'y trouve plus d'une centaine de lettres de grands compositeurs à Paul Lacombe, le fonds du philosophe Alquier, les originaux manuscrits du cartulaire de Mahul, etc. Une personne bien informée me glissait l'autre jour que le président de l'agglomération, ignorait jusqu'à un passé très récent, qu'il y existait ce fonds Chénier. C'est vrai, à sa décharge, qu'il connaît bien mieux l'histoire des trois-quart de l'équipe de rugby à XIII de Carcassonne... Un raison pour que l'agglomération cherche en douce à refiler les collections de l'ancienne bibliothèque, aux archives départementales de l'Aude ? Pour les incunables, c'est déjà fait.

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    Pierre gravée sur la tombe de Marie-Joseph Chénier à Paris

    Le chanoine Gabriel Sarraute - ancien élève de l'école du Louvre - avait réalisé en son temps un essai iconographique sur les œuvres et objets représentant André Chénier. Son travail, ô combien précieux, ne s'accompagnait pas de photographies mais d'une description détaillée. Notre travail de recherche a consisté dans la recherche de ses tableaux, gravures et sculptures disséminées dans plusieurs collections et dans l'actualisation de la description de Gabriel Sarraute. Le Musée des Beaux-arts de Carcassonne en conserve un grand nombre grâce à la donation effectuée par Adélaïde Frémeaux et Gabriel Chénier en 1880 et 1892. Le chanoine signale que le sculpteur René Iché, mort en 1955, projetait un monument à André Chénier pour Carcassonne, la ville de son enfance. Ce dessein n'a pas été réalisé.

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    © Musée des Beaux-arts de Carcassonne

    André Chénier à onze ans par Cazes fils

    (Huile sur toile, 0,80 x 0,50)

    Signé à droite, à hauteur d'épaule : Cazes fils pinxit 1773.

    Au dos, une étiquette ancienne porte le nom André. 

    A propos de Cazes fils, il s'agit d'un fils de Pierre-Jacques Cazes (1676-1754), mort directeur et chancelier de l'Académie royale, auteur d'un tableau, Saint Pierre ressuscitant Tabithe, dessiné à St-Germain des près, dont l'esquisse est au Louvre. Pierre-Jacques eut deux fils : Jacques-Nicolas et Pierre-Michel. On se sait pas quel est celui qui signait Cazes le fils, qui a fréquenté le salon de Mme Chénier ; qui a peint pour elle des scène de l'Iliade et plusieurs portraits ; qui, s'il faut croire une inscription d'un tableau du Musée de Carcassonne, aurait peint Mme Chénier à Constantinople. Il semble avoir été le "peintre ordinaire" de Mme Chénier et le professeur de dessin et peinture d'André.

    Provenance :

    Collection de Gabriel de Chénier. Don de Mme G. de Chénier à A. Mazières (1880). Don de Monsieur A. Mazières au Musée de Carcassonne en 1892.

    Documents écrits à la Bibliothèque municipale de Carcassonne : 

    Lettres de G. de Chénier à Dougados (Paris, 21 février 1854) : "J'ai le portrait (...) de mon oncle" ; Mme G; de Chénier à M. Malric (Paris, 16 avril 1884) : "Les portraits de grandeur naturelle de Mme Louis de Chénier et ceux de ses fils André et Sauveur (...) étaient tous les trois dans la maison de mon beau-père." 

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    © Musée des Beaux-arts de Carcassonne

    Tableau de famille

    Huile sur toile, 1,40 x 1,07

    Ce tableau était daté de 1774 à l'envers de la toile. Mais son état ayant exigé un réentoilage, cette date est actuellement cachée sous la nouvelle toile. La famille Chénier est alignée au bord de la Seine, du côté de la Samaritaine. On voit le Pont neuf avec la statue d'Henri IV, le bâtiment de la Monnaie, l'Institut. DE gauche à droite : Trois servantes ; Hélène Chénier en route rouge ; une servante ; Mme Chénier en costume grec, robe blanche, manteau bleu paon, dans une pose théâtrale. Cette dernière est grande, alors qu'elle était en réalité de petite taille. André Chénier, en jaune paille ; Constantin, en rouge ; Louis-Sauveur, en gris ; Louis Chénier, en uniforme de Consul : habit bleu, gilet et culottes rouges ; deux laquais. Le tableau semble être l'œuvre d'un peintre du dimanche : les pavés, les bâtiments à l'arrière sont penchés.

    Historique :

    Donné par Louis Chénier à André Béraud, bourgeois de Carcassonne, oncle et parrain d'André. Transmis par voie d'héritage à sa nièce Paule Coste, épouse Dolbeau, puis à Mme Sacraste, née Dolbeau, à Mme J-J Mazières, inspecteur des Eaux et forêts qui le prête à Gabriel de Chénier en 1854 pour "quelques mois", afin d'en faire faire une copie par sa femme "qui a cultivé la peinture". Elle devait le garder 25 ans (1856-1881). Au moment de l'essai du Chanoine Sarraute, le tableau était à Jean Azaïs (10, rue Temponnières à Toulouse), unique descendant des Chénier. Il est depuis 1985 au Musée des Beaux-arts de Carcassonne (Don d'Etienne Azaïs en 1985).

    D'après les lettres de la Bibliothèque municipale :

    Dougados, avocat et secrétaire de la Société des arts et des sciences de Carcassonne, apprend à Gabriel de Chénier le 10 février 1854, l'existence de ce tableau chez Mme Azaïs, qui est une de ses clientes. Le 21 février 1854, G. de Chénier dit sa demande prêt. Le 10 septembre 1856, Auguste Mazières envoie à G. de Chénier, le tableau qu'il "garder tout le temps qui sera nécessaire, le délai d'un an (...) ne semble pas exagéré." Le 18 février 1880, La veuve de G. de Chénier à Mazières : "Je ne voudrais pas, quand je mourrai, qu'il puisse aller dans d'autres mains que les vôtres." Le 18 avril 1880, elle vient de faire photographier le tableau de famille avant de renvoyer l'original. Le 16 août 1881, envoie du tableau à Mazières dans sa propriété de Parazols. 

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    © Les Bucoliques / J-M de Hérédia / 1907

    Portrait d'André Chénier, par Jacques Augustin

    Miniature, vers 1790

    A gauche du visage : A mon ami André, Augustin.

    Historique

    Possession de M. Lherbette, ancien député. Acheté à la vent après son décès, par Mortimer-Ternaux (vers 1842). Collection de M. Bourgnon-Delaire (1877). Propriétaire actuel inconnu.

    Lettres bibliothèque de Carcassonne

    Le 9 janvier 1877, Antoine de Latour à Gabriel de Chénier. Mortimer venait de lui montrer une miniature qu'il venait d'acheter représentant André "en officier", "la tête poudrée", avec l'inscription : "Constantin à son ami André". Antoine de Latour dit que si le tableau de Suvée " nous a heureusement rendu l'André de Saint-Lazare, celui de Constantin serait plutôt l'André des Elégies."

    Suvée. André Chénier.png

    © Wikipédia / Collection particulière

    André Chénier à St-Lazare, par J-B Suvée

    Huile sur toile, 0,70 x 0,60

    A droite, vers le bas : Peint à Saint-Lazare le 29 messidor l'an 2, par J.B Suvée. 

    Historique :

    Peint à la demande des frères Trudaine, amis d'enfance d'André Chénier, huit jours avant la mort du poète (25 juillet 1794). Suvée également emprisonné comme suspect à Saint-Lazare, fut sauvé par la chute de Robespierre. Le poète Roucher, guillotiné avec Chénier, lui fit faire son portrait la veille. C'est un simple dessin qu'il put envoyer à sa femme et ses enfants, accompagné des vers suivants :

    Ne vous étonnez pas, objets sacrés et doux

    Si quelque air de tristesse obscurcit mon visage

    Quand un crayon savant dessinait cette image,

    J'attendais l'échafaud et je pensais à vous.

    M. de Courbeton hérite du portrait de Chénier, les frères Trudaine ayant été guillotinés le lendemain de sa mort. Il le lègue au marquis de Vérac, gouverneur de Versailles sous la Restauration. Vendu, par l'intermédiaire de Frédéric Soulié, à M. de Cailleux, directeur des Musées en 1862. Vendu à l'Hôtel Drouot le 20 janvier 1877 au marquis de Pange. Passe ensuite dans la collection du comte Louis de Pange. Aujourd'hui, dans une collection particulière à Paris.

    Documents écrits :

    Gabriel de Chénier essaya en vain d'acheter au marquis de Vérac. Assita à la vente chez Drouot en 1877, mais n'eut pas les moyens de l'acquérir. Félicita le marquis de Pange, descendant de François de Pange, ami d'André Chénier. Ce tableau fut reproduit par des gravures, imprimées notamment dans le Larousse.

    François Thomise. Chénier. Musée de Béziers.png

    © Musée des Beaux-arts de Béziers

    André Chénier à vingt ans (?), par François Thomire

    Huile sur toile ovale, 0,40 x 0,30

    Signé et daté en bas à droite : Thomire 1782. Sur le châssis, il est indiqué que Thomire serait un "auteur reçu à l'Académie de Bordeaux".

    Historique :

    Acheté à Paris en 1886, dans une vente publique, par M. Adalbert de Faniez. Donné par M. de Faniez au Musée de Béziers (N° 200 du catalogue).

    Lettres Bibliothèque de Carcassonne :

    Le 27 juin 1887, Mme G. de Chénier fait remarquer à A. Mazières qu'on ne sait ni où, ni de qui M. de Faniez a acheté le portrait, ni comment on sait que c'est André Chénier. "La coupe du visage est la même, mais le nez est plus gros et moins droit et n'a pas la finesse (du portrait de Cazes), ni de celui qui a été fait à Saint-Lazare. Elle remarque que "la mâchoire d'André, dans les portraits authentiques, avance très sensiblement et que cette conformation n'existe pas dans celui que M. de Faniez a acheté."

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    © Musée Lambinet, Versailles

    Portrait d'André Chénier (?), par L. Brown (?)

    Pastel ovale, 0,65 x 0,52

    En haut à droite : A. Chénier 1786. 

    Historique

    Leg de M. Vatel au Musée Lambinet de Versailles, où il se trouve toujours. M. François Boucher, délégué de l'Union française des arts du costume, estimait en 1958 que le costume représenté ne pouvait être de 1786, mais devait dates du début de la Révolution. Il pensait qu'il ne s'agissait pas d'un portrait de Chénier.

    Mallet. André Chénier.png

    © Musée des Beaux-arts de Carcassonne

    Portrait d'André Chénier (?), par J-B Mallet

    Huile sur toile, 0,21 x 0,16

    Non signé. Achille Rouquet a prétendu sans en apporter la preuve, que le tableau faisait partie des portraits de famille détenus par Constantin Chénier (frère d'André) et qui ont disparu. Il remarqua qu'au dos du châssis est inscrit : "Ce portrait a été gravé", mais signala qu'il s'agissait d'une "Mention erronée" car il n'est pas connu de gravure de ce tableau.

    Historique :

    Acquis à Paris en 1881 dans une vente publique par M. Adalbert de Faniez, qui le fit passer à M; Cornet-Peyrusse. Celui-ci le fit acheter par le Musée de Carcassonne.

    Lettre Bibliothèque de Carcassonne

    Le 10 février 1891, Mme G. de Chénier à M. Mazières : "M. de Faniez (...) ne m'a, dans le temps, donné aucun renseignement qui pût me fixer sur la certitude que c'était un portrait d'André. M. Cornet et son parent (M. de Faniez), avaient sans doute des indications précises qui leur permettaient d'être affirmatifs."

    Musée Carnavalet.png

    © Musée Carnavalet, Paris

    Portrait présumé d'André Chénier. Anonyme XVIIIe siècle

    Huile sur toile, 0,55 x 0,45

    Historique :

    Acquis par le Musée Carnavalet en 1883 d'Hortense de Corbeau de Saint Albin (Hortense Jubinal). Le musée dans sa description actuelle, signale qu'il a été autrefois identifié comme étant André Chénier.

    Lettres bibliothèque de Carcassonne

    Le 10 février 1891, Mme G. de Chénier à Mazières : "A propos des portraits d'André, il y en a des drôles au musée Carnavalet à Paris ! Je me figure que ceux qui ont donné ces mauvaise peintures et dessins, surtout le portrait peint, qui est abominable et qui ne ressemble ni de près, ni de loin à ceux connus d'André, ont voulu relever la valeur de leurs dons en baptisant ces figures du nom d'André Chénier."

    Attribué à Suvée..png

    © Musée des beaux-arts de Carcassonne

    André Chénier (?) dans sa prison (?), attribué à Suvée.

    Huile sur toile, 0,68 x 0,62

    Non signé. 

    Historique

    Le catalogue du Musée de Carcassonne porte qu'il a été donné par la Société des Arts et des Sciences de cette ville en 1894. Mais aucune délibération de cette société ne fait allusion à cette toile, qui n'offre aucune garantie et qui n'est accompagnée d'aucune référence.

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    © Musée d'Angers

    Buste d'André Chénier, par David d'Angers

    Terre cuite, hauteur 0,54

    Sur le socle : "Au poète André Chénier J-P. David d'Angers 1839"

    Historique

     Aurait été commandé d'après Becq de Fouquières par M. Pastoret, chez qui André Chénier fut arrêté.

    Lettres bibliothèque de Carcassonne

    En 1844, David d'Angers donna à Gabriel de Chénier, un exemplaire en plâtre du buste. David s'était inspiré du portrait de Suvée. Il connut Latouche et Gabriel de Chénier, et possédait deux manuscrits du poète (aujourd'hui, à la bibliothèque d'Angers).

    Drouot. David d'Angers.png

    © Drouot

    Médaillon d'André Chénier, par David d'Angers

    Bronze, ø 0,155

    A gauche, de bas en haut : André Chénier. Sous le cou : David

    Historique

    Dans le catalogue du musée du Louvre en 1922. Nous venons de trouver ce médaillon dans une vente chez Drouot, le 24 juin 2011. David d'Angers avait offert une épreuve en plâtre du médaillon teinté de bronze. Elle se trouve au Musée de Carcassonne (don de Mme Chénier).

    Lettres de la bibliothèque de Carcassonne

    Janvier-mars 1844, correspondance entre David et Mme Chénier. Pour faire un buste en terre cuite de Marie-Joseph Chénier (frère d'André) dont un exemplaire est au Musée de Carcassonne, David a demandé à "consulter le portrait de la mère de nos deux poètes".

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    © leblogdelili.fr

    Buste d'André Chénier, par Antoine Etex

    Marbre, hauteur 0,65

    Sur le socle, à gauche : "A la mémoire d'André Chénier". A droite : "Offert à la Comédie française par Etex 1839"

    Historique

    A la Comédie française, foyer des troisièmes galeries

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    André Chénier, inconnu

    Gravure ou lithographie du XIXe siècle

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    © Musée des Beaux-arts de Carcassonne

    L'appel des dernières victimes de la Terreur, par Muller

     Huile sur toile, 106 x186

    André Chénier se trouve au centre de la scène, assis sur une chaise et la main posée sur sa tête.

    Historique

    Cette toile conservée au Musée de Carcassonne est une réplique de la grande toile exposée au Salon de 1850 puis à l'Exposition Universelle. Envoyée au Musée national du château de Versailles en 1886 avant d'être au Louvre en 1879, elle est en dépôt depuis 1991 au Musée de la Révolution Française à Vizille.

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    © Musée Denys Puech

    La muse d'André Chénier, par Denys Puech

    Marbre, grandeur naturelle

    La muse assise, nue, les jambes repliées, tient dans sa main gauche, la tête du poète qu'elle baise au front et qu'elle enveloppe avec sa main droite dans ses cheveux.

    Historique

    Salon de 1850. Au catalogue du Musée du Luxembourg en 1898. Le plâtre est actuellement déposé au musée des Ursulines à Mâcon. Le marbre acheté par l'Etat est conservé au musée d'Orsay. 

    Deux œuvres non signalées par Gabriel Sarraute 

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    © Musée Carnavalet

    Buste d'André Chénier, par Antoine Bourdelle

    Ronde-bosse, 65,5 x 16 x 13,5

    Mode d'acquisition inconnu. œuvre du XIXe siècle

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    André Chénier, par Johannot

    Taille-douce

    Historique

    Gravée en taille-douce par Baudran, 1850

    Dans un prochain article, nous reviendrons sur les lettres constituant le fonds Chénier, légué à la bibliothèque de Carcassonne. 

    Sources

    Essai iconographique / Chanoine G. Sarraute

    Poètes Audois dans la tourmente / 1994

    Jeux d'ombres et de lumière sur la jeunesse d'André Chénier / G. Venzac

    Catalogue de l'exposition nationale / dec 1962 - mars 1963

    Recherches, notes et synthèse / Martial Andrieu

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2017 

  • Quand le domaine de Fontgrande était un centre artistique au pied de la Cité

    Au pied de la Cité et au milieu des vignes, une vieille bâtisse allait être remise en état par la force et la volonté d'un certain nombre de Carcassonnais, amoureux des arts. Qui pourrait se douter aujourd'hui que le domaine de Fontgrande, situé en bordure du chemin des Ourtets, avait été dès le début des années 1960 un centre artistique de premier plan ? Hélas ! Le temps passe et l'oubli vient refermer les pages de gloire de notre bonne vieille ville de Carcassonne. Au milieu de cette vaste campagne, la maison vétuste mais richement empierrée, isolée au cœur d'un vaste jardin, fut remarquée par quelques concitoyens. Ceux-ci pensèrent qu'il se pourrait créer là, une sorte de foyer où seraient regroupés les arts et les artistes. Ils ont donc imaginé un ensemble d'ateliers et de salles d'exposition, le tout assorti d'une salle de réunion rustique, familière et accueillante où librement les artistes et leurs amis pourraient se retrouver et où, le grand public serait admis. Dans l'idée des créateurs, il s'agissait de donner à la Cité de Carcassonne, un complément de bon goût avec la participation d'authentiques artistes.

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    Fontgrande en 1962

    Quels étaient ces créateurs et mécènes de la vie artistique Carcassonnaise ? Au premier rang, citons Madame Ginette Lauer, propriétaire d'une librairie et d'une galerie dans la rue Clémenceau. Citons ensuite MM. Galabert, Jean Deschamps (Directeur du Festival), Ramon Marti, Henri Castella (Architecte), Clément Cartier (Avocat), Georges Rousset, André Bousquet, Vialas (Verrier), Lauca (Ferronnier), Dauré (Entrepreneur des Monuments historiques), Claude Tarlier (Artiste peintre), Raboul et Mme Ganechine.

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    Fontgrande aujourd'hui, propriété de Madame Pujol.

    Ce foyer de l'art - unique dans la région - ouvrit ses portes le 20 juin 1962 pour une durée saisonnière de trois mois. Bien entendu, il ne s'arrêta pas de si tôt. L'inauguration débuta par le vernissage d'une exposition de Roland Biège, à laquelle succéda le peintre hollandais Daemen. Claude Tarlier, s'était aménagé dans les soupentes un atelier capable de susciter l'admiration des grands peintres, il furent avec Georges Rousset les premiers artistes de Fontgrande.

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    © Danièle Buffet

    Bernard Buffet

    Parmi les artistes ayant exposé leurs œuvres à Fontgrande de leur vivant : Bernard Buffet (1928-1999), Jean Lurçat (1892-1966), Marc Saint Saens (1903-1973), François Fau dit Farvèze, Roger Froisser (1924-2003), Jacqueline Bez, Boris Veisbrot (Emailleur), Geneviève Duboul (Céramiste), Jean Camberoque (1917-2001), Ernest Ziller (1897-1976), etc.

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    © Droits réservés

    Fontgrande accueillit également des soirées musicales avec des artistes de jazz. On reconnaît de gauche à droite : Roger Alonso, Jean Osmont, Michel Calvayrac, Loulou Boyer, René Coll, Guy Garcia et le Dr Barrière.

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  • Le monument à Paul Sabatier, entre grandeur et décadence

    Afin de célébrer le centenaire de la naissance de l'illustre chimiste et Prix Nobel, natif de Carcassonne, un comité se constitua dans le but d'ériger un monument à sa gloire. Il fut placé sous le haut patronage du Président de la République René Coty et d'Albert Sarraut, membre de l'Institut de France. C'est grâce à une souscription publique lancée en 1955 et dont les fonds furent recueillis par le pharmacien Sarcos, place Carnot, que ce projet put être mené à son terme. Parmi les principaux souscripteurs, notons l'Union des Chambres syndicales de l'Industrie du Pétrole, le gouvernement de la République du Vénézuela, la municipalité de Carcassonne et l'ensemble des élèves et des admirateurs de Paul Sabatier.

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    © Martial Andrieu

    Inauguration du monument à Paul Sabatier au square Gambetta

    Ce monument - œuvre des sculpteurs Yvonne Gisclar-Cau et Paul Manaut, assistés par l'architecte M. Teppe - fut inauguré le 1er juin 1957 au Square Gambetta. C'est là qu'il trônait encore en 2003 avant la destruction de ce jardin pour y faire un parking souterrain. Après un dîner chez Auter, rue Courtejaire, l'inauguration eut lieu à 16 heures en présence de nombreuses notabilités : M. le Préfet Blanchard et son chez de cabinet M. Bourdon ; Jules Fil, maire de Carcassonne ; M. Desmons, adjoint au maire et président de la commission des Beaux-arts ; M. Julia, adjoint au maire ; les membres de la commission municipale ; M. Depaule, président du Comité organisateur et membre du Conseil d'Etat, Mlle Sabatier, Mme de Grammond et Mme Barlangue, filles de Paul Sabatier ; le sénateur Courrière ; M. Vidal, proviseur du lycée Paul Sabatier ; M. Descadeillas, prédisent de la Société des Arts et des Sciences ; le représentant de l'Université de Toulouse, etc.

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    M. Depaule retraça la vie et la carrière du chimiste, avant que M. Flanzy qui fut l'élève de Paul Sabatier et qui dirigeait l'Institut œnologique, ne prenne à son tour la parole. Pendant plus de quarante ans, le monument à Paul Sabatier contribua à l'embellissement du square Gambetta. En 2003, les ouvriers municipaux enlevèrent l'ensemble des statues et des monuments de ce jardin, afin de les remiser. Il fallait faire place nette pour l'exécution des travaux du parking. Le monument fut ensuite entreposé tel que vous le voyez sur la photo ci-dessous, aux serres municipales.

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    © La dépêche

    Ce n'est qu'au prix d'un article dans la presse et de quelques uns sur mon blog, que la municipalité de l'époque daigna porter assistance au pauvre Sabatier. Fallait-il encore lui trouver un centre d'hébergement... Finalement, le proviseur du lycée Sabatier M. Mercadal qui était également adjoint au maire - pas très chaud de prime abord pour accueillir le monument du savant - obtint de la région les crédits nécessaires à son installation.

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    C'est ainsi que depuis 2012, Paul Sabatier trône fièrement à l'entrée du lycée qui porte son nom à Carcassonne. 

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    © GARAE

    Fernand Courrière

    Fernand Courrière (1876-1960), Normalien de Cuxac-Cabardès, se souvient de Paul Sabatier. Il évoque son souvenir dans un journal de 1954 que nous retranscrivons ci-dessous.

    C’était en 1898, le dimanche après la foire de Cuxac tenue le 18 juin. J'étais alors instituteur adjoint à l'école de l'Ouest à Castelnaudary. Mon directeur était Émile Cantier, dont le père, instituteur en retraite, vivait avec sa sœur Madame Terral, receveuse des P.T à Cuxac-Cabardès. J'avais 21 ans, et je me disposais bientôt à me marier avec mademoiselle Marie Cals, la fille du boulanger qui était la camarade de mon père. Donc, aller à Cuxac, était ma première préoccupation, et toutes les occasions m’étaient bonnes.
    Mon père m'avait écrit : « Viens, si tu peux, dimanche prochain, puisque que tu ne peux être ici le jour de la foire. Tu verras un phénomène extraordinaire : la source du pâtu de Séguy au lieu d’eau, coule maintenant du pétrole, oui du pétrole ! ». Ma mère avais ajouté « Marie m'a dit de te dire que, si tu viens, tu déjeuneras au Four, avec eux, en famille ! » Figurez vous, aller déjeuner chez ma fiancée, et aller voir une curiosité naturelle, me font décider sans rémission d’être à Cuxac, coûte que coûte oui, ce dimanche. Je fais part à mon directeur, M. Cantier, de la venue de pétrole à la source Séguy ; ce fait curieux l’intéresse, déjà ! Et comme il aura l'occasion d'aller voir son vieux père et sa sœur, il décide de venir à Cuxac avec moi.
    Mais les communications entre Castelnaudary et Cuxac n'étaient ni rapides ni commodes. Par le train jusqu'à Carcassonne, par la patache de Carcassonne à Cuxac, et retour à Castelnaudary par c'est deux moyens réguliers, demandait deux jours ! Or, il fallait être rentré le lundi matin avant huit heures pour assurer le service de l’école, moi de ma classe ! Que faire ?
    Nous combinons d’aller à Cuxac à bicyclette, et d’en retourner de même. C'est pourquoi nous louons, l'un et l’autre chez Candelié, une bicyclette de caoutchoucs pleins, s'il vous plaît ; car, encore le pneu n'était pas inventé.
    Le samedi soir, après 16 heures, nous nous mettons en route sur Saissac, via Cuxac, où nous arrivons vers 20 heures après un voyage pénible, sur une voie qui n'est pas goudronnée, je vous l'assure. Chez moi on a dîné ; mais, maman a vite fait de me servir très largement de quoi me restaurer.
    Pendant que je mange, papa m'explique ce qui est survenu chez Séguy : « Oh ! c'est bien du pétrole, va ! Tiens, sens cette bouteille qui en est remplie… et puis, d'ailleurs, il brûle bien… la preuve c'est que la lampe que tu as sur la tête éclaire la cuisine avec ce pétrole, et celle de la salle en est aussi garnie, et tu vois sa belle flamme ! »
    Tout cela était évident ! Absolument vrai, surtout ainsi démontré et affirmé par mon père !… Et certifié en outre parler clients du café, nombreux ce soir-là, tous mes camarades et mes amis ! Et les raisonnements baroques parfois, les suppositions les plus saugrenues, s’émettaient. Même le diable faisait partie de certaines allégations ! Ah ! La superstition !…
    Figurez-vous ! Avec l'esprit avide d'apprendre, de savoir que j’avais – et que j'ai conservé, grâce à Dieu –si j'étais impatient d'aller sur les lieux, voir et me rendre compte ! Mais… il était trop tard !
    Le lendemain, je me lève un peu courbaturé et… après une apparition chez ma fiancée, je vais à la maison Séguy, chez Touénou, mon camarade, la Rosette sa mère, et la vieille Mion, sa grand-mère. Il pouvait être 10 heures. Je grimpe un peu les escaliers faits de pierre disjointes, et me voilà dans la cuisine. Personne… mais, je sens déjà une odeur de pétrole aromatique… or, le portillon qui donne sur le pâtu est ouvert… et j'entend parler… je m’avance… Mion et Rosette son là avec deux messieurs… Elles expliquent… Je me permets de pénétrer, car je suis un familier de la maison, et je puis me le permettre !


    Ces deux Messieurs, sont Théodore Sabatier que je connais bien et son frère Paul que j'avais eu vu à Cuxac. Rosette, me voyant, me dit : «Béni, Fernand, Béni bésé ça que le Drac nous a fait !!! » - mes amis lecteurs, vous avez entendu parler du DRAC, l'esprit malin auquel on croyait autrefois… La Rosette et la vieille Mion, croyaient ferme comme un roc que le pétrole avait pris la place de l’eau par suite d'un tour coquin du DRAC – je m’avance tout en saluant, et Théodore me tendant la main me dit : « c'est mon frère Paul – Paul me serre la main comme l'avait fait Théodore - je l'ai fait venir tout exprès de Toulouse, pour voir le phénomène de cette source et essayer de tirer ça au clair… cela m'intéresse pour mon jardin au-dessus, et qui semble en être le réservoir… tiens, continue Théodore, regarde Fernand… c'est extraordinaire, cela… et c'est bien du pétrole ! »
    Voilà devant nous, la vasque creusée à même la roche schisteuse dans laquelle sourdait la petite source d’eau cristalline, pure et toujours fraîche qui l’emplissait, jusqu’ici. Le trop-plein se déversaient dans une minuscule rigole qui le conduisait au caniveau dans lequel elle coulait vers l’aval mêlé au liquide des éviers d’amont.
    Mais aujourd'hui la vasque paraît pleine d'une espèce d'écume, de mousse blanchâtre comme une vaseline. Monsieur Théodore Sabatier avait une vieille cuiller en fer toute rouillée, qu'il tient à la main, écume cette mousse vers un bord… alors apparait un liquide ambré qui remplit la vasque. Il y trempe un doigt, me le tend au nez, et me réponds, ça sent le pétrole aromatique !…»
    Alors, monsieur Paul Sabatier sent encore une fois, le bout du doigt que son frère à trempé pour lui de nouveau dans le liquide jaune brun. Il saisit la cuiller, et la remplit lui-même, mais ayant soin de prendre en même temps un peu d'écume blanchâtre. Il sent… puis prenant une pensée de mousse il la renifle… la malaxe entre ses doigts… et se tourne vers son frère.
    Monsieur Paul Sabatier qui jusque-là, pensif, n'a pas ouvert la bouche, dit à Théodore, presque à voix basse en confidence : « Cette écume est onctueuse comme une graisse… Quant au liquide ambré, c'est une huile… Pour moi, ce phénomène est clair : c'est une résurgence naturelle de kérosène entraînant de l’ozokérite ! »
    Puis, comme emporté par ses pensées, il ajoute à plus haute voix : « Vois-tu, mon frère, la nature, dans ses laboratoires mystérieux, travaille infiniment mieux que nous, hommes. Elle sait dissocier, décomposer, fractionner la matière, recombiner les éléments… Mais… comment… par quels moyens… quels sont ses procédés ? Nous avons là des témoins… mais la question demeure entière à résoudre ! »
    Je n'avais alors que tout juste 21 ans, et à peine une toute petite moustache brune ornait ma lèvre supérieure. J'ai bien entendu : « Comme une graisse, c’est une huile…. » mais les autres deux mots que Paul Sabatier avait prononcés : « kérosène… ozokérite… » était pour moi du sanscrit ou de l’hébreu. J'étais bien content de voir, De constater cette curiosité : une source de pétrole à Cuxac ; de l'entendre certifier par deux professeurs de lycée : c’est tout !
    Je n'ai compris peu plus tard la signification de ce que disait Paul Sabatier. Mais je suis persuadé que psychologiquement parlant, Le phénomène de la source qui m'a frappé, à influé beaucoup, beaucoup sur mon évolution psychique. Il m'a conduit tout naturellement à l’étude passionnée de la géologie, de la technique, de la minéralogie, des pétroles. Il m'a fait devenir un pionnier de la découverte des trésors que la terre renferme !


    Paul Sabatier, lui, comprenait parfaitement et Théodore aussi. La meilleure preuve c'est que, conjointement, ils ont adressé au préfet de l’Aude, une déclaration d'invention de la source de pétrole de Cuxac-Cabardès ; et que, pour justifier leur fait, ils ont entrepris en juillet et août 1898, dans le jardin de Mme de Geoffroy, un puits de recherche pour capter. - Je raconterai cela plus tard.
    Eh ! bien, je suis convaincu que la visite de Paul Sabatier à Cuxac, et sa préoccupation avec son frère, de posséder le kérosène et l’ozokérite, l’on profondément frappé et influé sur sa vie jusqu'à l'épanouissement de son génie.
    J'entends comme si c'était hier les paroles de Paul Sabatier à son frère, en conclusion de ces méditations devant la vasque où il voyait du kérosène, c’est-à-dire du pétrole lampant naturel, et de l’ozokérite, une cire naturelle, les deux nés d'une mère commune qui s'appelle huiles brutes de pétrole naturelles !
    Oui, peut-être, c'est là le moment de départ de son étude passionnée du fractionnement, de la transformation des huiles brutes de pétrole, pour aboutir à la découverte de la catalyse, après 25 ans de travail acharné avec ses assistants et ses collaborateurs, dans son laboratoire de la faculté des sciences de l'université de Toulouse.
    Voilà un point inédit, je crois, de l'histoire de cet enfant de Carcassonne, sa vile natale, qui s'apprête à fêter le centenaire du grand savant Paul Sabatier.

    Sources

    L'Indépendant / 2 juin 1957

    L'Indépendant / 18 janvier 1955

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