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Peintres et sculpteurs - Page 7

  • Armand Honoré Prache (1798-1871), un peintre Carcassonnais oublié

    © Musée des Beaux-arts de Carcassonne (réserves)

    Ecce homo

    Armand Honoré Prache naquit le 3 novembre 1798 à Fanjeaux de Antoine Claire (1767-1843), artiste puis menuisier, et de Marine Marie Marthe Galibert (1775-1830), fille d’un officier de santé. Doué pour le dessin en véritable autodidacte, le jeune Prache entra à l’Ecole des Beaux-arts de Toulouse et obtint pendant deux ans une bourse d’études du Conseil général de l’Aude. Entre 1819 et 1824, plusieurs prix lui seront attribués dont le Grand prix de peinture en 1822. Ses tableaux de composition, les Funérailles d’Hippias et la Lutte d’Apollon et de Pan ornèrent l’ancienne salle des illustres du Capitole de Toulouse. Lors de la destruction de la salle en 1887 et de la construction de l’actuelle galerie qui porte le même nom en 1892, les tableaux furent déposés. Où sont-ils aujourd’hui ? Probablement dans les réserves d’un musée toulousain.

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    Portrait d'une femme

    A l’Ecole des Beaux-arts de Paris, Honoré Prache fut l’élève du baron Anoine-Jean Gros (1771-1835) et se nourrit d’un style bientôt désuet dont il ne pourra réellement s’affranchir. Est-ce la disgrâce de Gros ou le manque d’argent qui obligera Prache à rentrer bientôt au pays ? Sans avoir eu le temps de terminer ses études et de pouvoir goûter au succès qui lui était promis, le jeune peintre retourna dans l’Aude. Vers 1930, il fut engagé comme professeur de dessin aux collèges de Castelnaudary puis de Montolieu, chez les lazaristes. Huit années plus tard, Honoré Prache se fixa à Carcassonne et enseigna le dessin au Petit séminaire (actuel lycée Saint-Stanislas), puis plus tard à l’école Montès.

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    © Eglise Saint-Nicolas-de-la-Grave (82)

    Saint-Roch

    Un grand nombre d’églises paroissiales de l’Aude, du Tarn et de l’Ariège lui passèrent commande de tableaux à partir du milieu du XIXe siècle. La cathédrale Saint-Michel ne fut pas en reste, d’après les ordres reçus de Monseigneur de Gualy. Quatre grands tableaux qui après avoir décoré Saint-Michel furent déplacés dans les dépendances par Viollet-le-duc lors de la restauration de la cathédrale : Les saints évêques de Carcassonne demandant à Jésus-Christ la grâce de leur ville épiscopale ; Prière à Saint-Lupin par Mgr de Saint-Rome Gualy au milieu de son chapitre ; Supplice de Saint-Nazaire et Saint-Celse ; Saint-Pierre et Saint-Paul guérissant les malades à Jérusalem. Ecce homo fut remis à la famille Prache à la mort de Mgr de Gualy.

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    © Collégiale de Castelnaudary / Restauration Céline Stivanin-Bouquet

    Le prophète Jérémie devant Jérusalem en ruine

    En 1854, lors de la construction du lycée impérial de Carcassonne, Honoré Prache eut la naïveté de croire que seuls ses diplômes et ses mérites suffiraient pour qu’il obtienne un poste de professeur de dessin. Sa droiture et le refus de toute compromission eurent raison de sa candidature. Il se prit alors de passion pour la poésie et écrivit des vers en languedocien qui en 1868 lui valurent d’être primés au concours de la Société archéologique de Béziers. Toute cette poésie sera rassemblée dans un recueil publié Chez Pomiès à Carcassonne l’année suivante : « Pouëzios patouëzos ».

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    Lorsque vint l’heure à laquelle Honoré Prache dut quitter ce monde, une pieuse personne amena un prêtre près de son lit. Il répondit à ce dernier par les vers de Voltaire : « Les prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense ; Notre crédulité fait toute leur science. » Il ajouta même : « Dieu est trop grand et vous êtes trop petit pour que je vous permette de me parler de lui. » Il s’éteignit le 23 avril 1871 dans sa maison du 5, boulevard de la préfecture (actuel Bd Jean Jaurès) entouré de son épouse et de sa fille Guillermine (1831-1896). Cette dernière avait épousé le compositeur Pierre Germain (1817-1891) dont une rue porte le nom à Carcassonne. Bernard Germain (1856-1845), son grand oncle et ami de Gamelin père, fut engagé par ce dernier pour le seconder dans la classe de dessin de l’Ecole centrale de l’Aude.

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    © Musée des Augustins de Toulouse (réserves)

    Les funérailles de Patrocle

    Au cours de son existence Honoré Prache se sera montré comme un dessinateur hors de pair. Ce n’est donc pas un hasard si l’un de ses élèves fut l’excellent architecte Marius Esparseil. Il conçut également les décors de l’opéra Simon de Montfort, composé par son gendre. En revanche, les couleurs de Prache sont ternes et les sujets qu’il choisit de peintre passèrent de mode. Aussi, n’est-il connu que des spécialistes de l’art sacré de notre département. Il mériterait sans doute une étude plus élargie de ses oeuvres. Il est inhumé dans le caveau familial au cimetière Saint-Vincent.

    Sources

    Cet article a été réalisé grâce à un article biographique paru en 1880 dans le journal "La cité" et rédigé par Alban Germain. Quelques erreurs ont été corrigées et de nouveaux éléments, fruits de nos recherches, l'ont complété.

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  • La Vierge à l'enfant du Sacré-cœur, misérablement oubliée dans sa loggia

    Dans une loggia située juste en face de l’église du Sacré-cœur, se trouve une Vierge à l’enfant sculptée par Eugène-Henri Duler (1902-1981). Cette œuvre avait été commandée par l’abbé Belloc à son camarade de captivité. Les deux hommes avaient fait connaissance dans un Oflag pendant la Seconde guerre mondiale en Allemagne ; Duler s’était installé depuis dans un château près du Mas-Sainte-Puelles dans l’Aude où il avait son atelier. L’ancien élève de Maillol et le nègre d’Henry Parayre, devait y recevoir l’abbé Belloc et le chanoine Sarraute le 11 juin 1949 afin de leur présenter la première ébauche de son travail. Bien que n’ayant aperçu que les traits d’une pierre dégrossie, les deux ecclésiastiques demeuraient confiants quant à la qualité artistique de l’œuvre.

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    Le 23 octobre 1949, l’inauguration de la sculpture de Duler leva le voile sur cette Vierge penchée, tenant la main droite de l’enfant qu’elle porte sur le bras gauche. D’après Gabriel Sarraute, l’enthousiasme parmi le public ne fut pas à la hauteur des espérances. On omit même de féliciter officiellement Duler, au cours des discours qui s’en suivirent. Il faut croire que cette Vierge ne rentrait pas dans les canons d’un époque, pas assez sensible au renouveau artistique de l’art religieux. Aujourd’hui encore cette histoire oubliée, que nous devons aux mémoires du chanoine Sarraute, laisse la Vierge d’Eugène-Henri Duler dans l’anonymat le plus total. Elle fut tout de même sculptée par l’un des artistes les plus doués de sa génération. Qui s’en souvient ?…

    Sources

    Mémoires manuscrites du chanoine Sarraute

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  • Le dessin de Dominique Ingres au Musée des Beaux-arts était-il un faux ?

    Le musée des Beaux-arts de Carcassonne possède depuis 1949, un dessin attribué à Dominique Ingres (1780-1867) qui à cet époque suscita bien des questionnements et des polémiques. Ce portrait jugé comme grossier par plusieurs spécialistes locaux, comme l’antiquaire Lambrigot, mit en doute son authenticité. Le chanoine Sarraute, ancien élève de l’école du Louvre, donna son avis en ces termes :

    « S’il est de lui et cela me parait très douteux, c’est un mauvais Ingres […] Tel quel il est laid et piteux. N’est-il pas un symbole du contribuable Carcassonnais, mis knock-out par les impôts de notre bonne ville ? »

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    © Musée de Beaux-arts de Carcassonne

    Huile sur toile, signée Ingres 1797

    L’affaire aurait pu en rester sur des considérations d’ordre artistique ; elle prit une tournure politique sur fond de querelles entre les communistes et la majorité municipale radicale du docteur Philippe Soum. La ville souhaita acheter le supposé Ingres suivant la proposition de Monsieur Esparseil, conseiller municipal R.P.F, mais surtout ancien propriétaire du tableau… 

    Il n’en fallut pas davantage à l’opposition communiste menée par M. Llante, pour jeter la suspicion sur une affaire qu’il qualifia de malhonnête. M. Esparseil répondit, non sans menacer son accusateur de diffamation, qu’il s’était dessaisi du tableau le 22 mai 1933, suivant acte de Maître Auriol. « Une maison du faubourg Saint-Honoré à Paris allait l’acheter pour le compte de l’étranger et plutôt que de le voir partir hors de France, j’en ai proposé l’achat au musée », dit-il.

    M. Esparseil remit donc une fiche de ce dessin, signé Ingres et daté de 1797, au maire de Carcassonne et sollicita 100 000 francs pour son acquisition. Il ne devrait rien en coûter au budget municipal puisque les legs « Sourbieu » d’un montant d’un million huit cent mille francs, uniquement destiné à l’achat de tableaux, couvriraient largement la facture. Restait à confirmer l’authenticité d’un dessin dont les détracteurs estimaient le prix très au-dessus de sa valeur artistique : « Quel prix vaut-il ??? Mais 100 000 francs me paraissent très exagérés. A la vente de la collection du duc de Trévise, il y avait un Ingres de ce genre, authentique, bien mieux. Il a été vendu un petit prix », souligna le chanoine Sarraute.

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    Le 13 janvier 1948, la commission des achats des Beaux-arts étudia la proposition. Elle adopta à la majorité l’achat du dessin, sous réserve de confier la photo à René Nelli - alors conservateur du musée - en lui demandant de poser la question au ministère. Le 10 mars, la réponse fut enfin connue :

    « La photographie n’apporte pas la conviction qu’on soit en présence d’une œuvre de la main du maître. Si vous aviez l’intention de poursuivre cette négociation, il serait intéressant que vous nous fassiez apporter la toile à Paris pour la soumettre au spécialiste. »

    Nelli hésita à expédier vers la capitale l’Ingres de Carcassonne et attendit le passage des inspecteurs des Beaux-arts. Lors de leur visite au musée, Madame Duprat, ainsi que M. Rivière, conclurent à l’authenticité. L’achat fut donc ratifié par la Direction des Musées de France. Dans ses mémoires, le chanoine Sarraute note :

    « Nelli m’a dit que Ningres (restaurateur des musées nationaux) estime que c’est un vrai Ingres. Il l’avait mis sur une porte (j’avais fait la remarque au maire). On l’a descendu. Beaucoup sont venus voir cet Ingres qui donnera aux Carcassonnais une triste idée de ce dessinateur merveilleux. Ningres a vu un Ingres de ce genre, fait quand il était élève de Roques à Toulouse. Il croit qu’on l’a retouché, qu’il faudrait arranger la tâche qui est sur la poitrine. »

    Afin de couper court à la polémique, Philippe Soum conclut que l’administration des Beaux-arts pouvait faire annuler la vente ou s’opposer à l’exposition du tableau. Elle n’en fit rien ; le dessin grossier de Dominique Ingres réalisé à l’âge de 17 ans fut donc considéré définitivement comme authentique. Il fait partie encore de nos jours des collections du musée des Beaux-arts de Carcassonne.

    Sources

    Archives du Chanoine Gabriel Sarraute

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