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Peintres et sculpteurs - Page 6

  • La "captive" de Pierre Hébert a enfin une histoire...

    Jusqu’à aujourd’hui on ne savait pas très bien comment l’une des statues du sculpteur Pierre Hébert avait bien pu arriver dans la préfecture audoise. Certains s’étaient avancés en prétendant que le nom donné à l’œuvre de l’artiste faisait référence au poème de Chénier « La jeune captive. » Les liens familiaux attachant le célèbre poète révolutionnaire à Carcassonne, devaient expliquer que Hébert ait ainsi choisi de destiner sa statue à notre ville. Tout ceci n’est qu’une légende colportée, sur laquelle repose rien de solide. Nos recherches l'affirment...

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    © Archives nationales

    Pierre Hébert (1804-1869)

    Le sculpteur Hébert né à Villabé dans l’Essonne le 31 octobre 1804, élève à l’Ecole des Beaux-arts et auteur de nombreuses oeuvres acquises par l’état, présenta  une captive au salon de Paris en 1859. La critique des journaux spécialisés de cette époque note à propos de cette sculpture qu’il s’agit d’une « figure où l’on remarque de sérieuses qualités d’exécution et l’expression d’une tristesse profonde. On lui reproche même d’être ultra-pathétique, roide, longue et effilée. » Cette captive ne lui vaudra finalement qu’une mention honorable, mais l’artiste tentera tout de même de la faire acheter par le ministère des Beaux-arts pour le Louvre. Bien que recommandé par le comte Rognet, sénateur, le célèbre musée n’accepta pas en 1860 d’acquérir le captive de Hébert.

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    La captive resta ainsi dans les réserves jusqu’au moment où sur l’intervention de Théophile Marcou, député-maire de Carcassonne, le Ministre de l’Instruction publique l’attribua au Musée des Beaux-arts de notre ville par arrêté le 10 janvier 1879. Elle ne fut pas la seule œuvre qui rejoignit Carcassonne car elle accompagna la tableau de Courat « le printemps » (Salon de 1878) et une statue en marbre de Louis Léopold Chambard (Grand prix de Rome en 1837) intitulée « Marius sur les ruines de Carthage ». C’est la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne, fondatrice du musée, qui accueillit ce don du gouvernement de la République.

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    Pierre Hébert était mort depuis 1869 ; on installa ensuite son œuvre en marbre blanc dans une alcôve sous l’escalier d’honneur de l’Hôtel de ville construit au XVIIe siècle par l’architecte Guillaume Cailhau. Lorsque la municipalité fit raser en 1934 l’ancienne maison consulaire de 1608, devenue hôtel de ville, on ne s’embarrassa pas du magnifique escalier. En revanche, on conserva « la captive » que l’on déposa à l’intérieur de la nouvelle mairie. Aujourd’hui, elle se trouve dans l’escalier à droite du Hall d’entrée, dans l’Hôtel de Rolland. Elle mériterait un autre lieu d’exposition, mais n’est-ce pas le destin d’une captive ?

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    L'ancien Hôtel de Ville de Carcassonne démoli en 1934

    Si l’on s’attarde sur l’escalier d’honneur disparu en 1934, on s’aperçoit qu’il avait été inspiré par celui du château de Fontainebleau. Maintenant, si l’on regarde du côté de Monaco, on verra que notre ancien hôtel de ville ressemblait fort à la cour d’honneur du palais des Grimaldi. C’est bien dommage…

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    La cour d'honneur du Palais princier de Monaco

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • Le monument à Charles Robert (1811-1874)

    Au bout de l’une des nombreuses allées du cimetière Saint-Michel, mon œil fut attiré par un beau monument sculpté à la gloire d’un illustre Carcassonnais que les affres du temps ont plongé dans l’anonymat. Seule l’épitaphe burinée sur l’un des côtés put me renseigner sur le nom et la qualité de ce personnage : « Charles Robert, proviseur. MDCCCLXXIV. Ses élèves. » Il ne m’en fallut pas davantage pour tenter de retrouver ce que fut la vie de cet homme, élevé en son temps à un rang si méritoire.

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    On aperçoit la robe du proviseur déposées au pied du monument. Le médaillon sculpté de Charles Robert se trouve entouré des palmes d'officier de l'instruction publique.

    Charles Robert est né à Montpellier le 15 avril 1811 de Pierre (1784-1864), ancien militaire, et de Claudine Sahut (1787-1873), sans profession. Le père, bien qu’étant bénéficiaire d’une pension de guerre, deviendra ensuite marchand et s’installera avec sa famille à Carcassonne. C’est dans cette ville que naîtront plusieurs autres enfants dont Rose en 1814 et Auguste Charles en 1816. Le jeune Charles Robert fait d’abord ses études universitaires à Paris ; il obtient son premier poste à l’âge de 20 ans à Vesoul en qualité de professeur de rhétorique. Sa nomination rapide au collège royal de Besançon n’est due qu’à son admission à l’agrégation des lettres. Dès lors, Charles va gravir progressivement tous les échelons. Successivement censeur à Tournon, Nîmes et Nancy, il est envoyé ensuite à Colmar comme proviseur du lycée de cette ville. Le 10 mai 1865, le poste qu’occupait M. de Sales à Carcassonne s’étant libéré, Charles Robert obtient sa mutation ; il devient ainsi le troisième proviseur de la capitale audoise depuis que le collège communal s’est transformé en lycée. Sa grande application et sa bienveillance lui attirent l’estime de tous. Reprenant Montaigne, il aime à répéter « que le patois vienne en ayde si le François ne suffict. » Sous sa direction, les effectifs du lycée ne cessent de croître. Avec six cents enfants scolarisés dont quatre cent soixante dix pensionnaires, l’établissement arrive rapidement à saturation. On songera même à en construire un nouveau dans le faubourg d’Iéna, mais ce projet ne verra pas le jour.

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    A cette époque, les parents de Charles se sont retirés à Toulouse chez sa soeur Rose. C’est là qu’ils décèderont, 46 allée Saint-Etienne. Officier de l’instruction publique, Charles Robert avait été dès 1836 des premiers fondateurs de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne à laquelle il apportait tout son savoir. Hélas, cette vie intellectuelle si riche sera emportée par la maladie le 7 décembre 1874. Trois jours plus tard, tout ce Carcassonne compte de notabilités et d’anonymes rendront un vibrant hommage à la dépouille mortelle de ce grand serviteur de l’enseignement en l’accompagnant sous la pluie au cimetière Saint-Michel. Il ne fut sans doute pas aisé à son successeur M. Morillot, muté de Toulon à Carcassonne, de prendre la direction du lycée, tant la mémoire de Charles Robert en fut imprégnée.

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    Charles Robert

    Quelques temps après, un monument élevé à sa gloire par souscription publique vint matérialiser toute l’affection de ses élèves pour leur regretté proviseur. On doit cette réalisation au sculpteur  Jean Baptiste Bernard Fournial dont les ateliers se trouvaient 45 rue neuve Saint-Vincent (quartier du Palais). Cet associé de Jules Vidal avait déjà réalisé des ornements pour la chapelle du couvent Notre-Dame. Le dessin du monument à Charles Robert est l’œuvre de l’architecte Léopold Petit auquel nous avons déjà consacré une biographie.

    Sources

    Revue de l'Instruction publique

    Etat Civil / Archives Aude et Hérault

    La fraternité

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  • Armand Honoré Prache (1798-1871), un peintre Carcassonnais oublié

    © Musée des Beaux-arts de Carcassonne (réserves)

    Ecce homo

    Armand Honoré Prache naquit le 3 novembre 1798 à Fanjeaux de Antoine Claire (1767-1843), artiste puis menuisier, et de Marine Marie Marthe Galibert (1775-1830), fille d’un officier de santé. Doué pour le dessin en véritable autodidacte, le jeune Prache entra à l’Ecole des Beaux-arts de Toulouse et obtint pendant deux ans une bourse d’études du Conseil général de l’Aude. Entre 1819 et 1824, plusieurs prix lui seront attribués dont le Grand prix de peinture en 1822. Ses tableaux de composition, les Funérailles d’Hippias et la Lutte d’Apollon et de Pan ornèrent l’ancienne salle des illustres du Capitole de Toulouse. Lors de la destruction de la salle en 1887 et de la construction de l’actuelle galerie qui porte le même nom en 1892, les tableaux furent déposés. Où sont-ils aujourd’hui ? Probablement dans les réserves d’un musée toulousain.

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    Portrait d'une femme

    A l’Ecole des Beaux-arts de Paris, Honoré Prache fut l’élève du baron Anoine-Jean Gros (1771-1835) et se nourrit d’un style bientôt désuet dont il ne pourra réellement s’affranchir. Est-ce la disgrâce de Gros ou le manque d’argent qui obligera Prache à rentrer bientôt au pays ? Sans avoir eu le temps de terminer ses études et de pouvoir goûter au succès qui lui était promis, le jeune peintre retourna dans l’Aude. Vers 1930, il fut engagé comme professeur de dessin aux collèges de Castelnaudary puis de Montolieu, chez les lazaristes. Huit années plus tard, Honoré Prache se fixa à Carcassonne et enseigna le dessin au Petit séminaire (actuel lycée Saint-Stanislas), puis plus tard à l’école Montès.

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    © Eglise Saint-Nicolas-de-la-Grave (82)

    Saint-Roch

    Un grand nombre d’églises paroissiales de l’Aude, du Tarn et de l’Ariège lui passèrent commande de tableaux à partir du milieu du XIXe siècle. La cathédrale Saint-Michel ne fut pas en reste, d’après les ordres reçus de Monseigneur de Gualy. Quatre grands tableaux qui après avoir décoré Saint-Michel furent déplacés dans les dépendances par Viollet-le-duc lors de la restauration de la cathédrale : Les saints évêques de Carcassonne demandant à Jésus-Christ la grâce de leur ville épiscopale ; Prière à Saint-Lupin par Mgr de Saint-Rome Gualy au milieu de son chapitre ; Supplice de Saint-Nazaire et Saint-Celse ; Saint-Pierre et Saint-Paul guérissant les malades à Jérusalem. Ecce homo fut remis à la famille Prache à la mort de Mgr de Gualy.

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    © Collégiale de Castelnaudary / Restauration Céline Stivanin-Bouquet

    Le prophète Jérémie devant Jérusalem en ruine

    En 1854, lors de la construction du lycée impérial de Carcassonne, Honoré Prache eut la naïveté de croire que seuls ses diplômes et ses mérites suffiraient pour qu’il obtienne un poste de professeur de dessin. Sa droiture et le refus de toute compromission eurent raison de sa candidature. Il se prit alors de passion pour la poésie et écrivit des vers en languedocien qui en 1868 lui valurent d’être primés au concours de la Société archéologique de Béziers. Toute cette poésie sera rassemblée dans un recueil publié Chez Pomiès à Carcassonne l’année suivante : « Pouëzios patouëzos ».

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    Lorsque vint l’heure à laquelle Honoré Prache dut quitter ce monde, une pieuse personne amena un prêtre près de son lit. Il répondit à ce dernier par les vers de Voltaire : « Les prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense ; Notre crédulité fait toute leur science. » Il ajouta même : « Dieu est trop grand et vous êtes trop petit pour que je vous permette de me parler de lui. » Il s’éteignit le 23 avril 1871 dans sa maison du 5, boulevard de la préfecture (actuel Bd Jean Jaurès) entouré de son épouse et de sa fille Guillermine (1831-1896). Cette dernière avait épousé le compositeur Pierre Germain (1817-1891) dont une rue porte le nom à Carcassonne. Bernard Germain (1856-1845), son grand oncle et ami de Gamelin père, fut engagé par ce dernier pour le seconder dans la classe de dessin de l’Ecole centrale de l’Aude.

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    © Musée des Augustins de Toulouse (réserves)

    Les funérailles de Patrocle

    Au cours de son existence Honoré Prache se sera montré comme un dessinateur hors de pair. Ce n’est donc pas un hasard si l’un de ses élèves fut l’excellent architecte Marius Esparseil. Il conçut également les décors de l’opéra Simon de Montfort, composé par son gendre. En revanche, les couleurs de Prache sont ternes et les sujets qu’il choisit de peintre passèrent de mode. Aussi, n’est-il connu que des spécialistes de l’art sacré de notre département. Il mériterait sans doute une étude plus élargie de ses oeuvres. Il est inhumé dans le caveau familial au cimetière Saint-Vincent.

    Sources

    Cet article a été réalisé grâce à un article biographique paru en 1880 dans le journal "La cité" et rédigé par Alban Germain. Quelques erreurs ont été corrigées et de nouveaux éléments, fruits de nos recherches, l'ont complété.

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